J-05-246
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – TENTATIVE DE CONCILIATION – ECHEC.
EXCEPTION D'INCOMPETENCE TERRITORIALE DU TRIBUNAL – CONTRAT D'EXCLUSIVITE DE VENTE D'HUILE – ARTICLE 3 ALINEA 2 AUPSRVE – ELECTION DE DOMICILE – TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE – ERECTION EN TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE (TGI) – APPLICATION DE LA CLAUSE ATTRIBUTIVE DE COMPETENCE – COMPETENCE DU TGI DE OUAGADOUGOU (OUI) –.
EXCEPTION D'IRRECEVABILITE – AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE – DEFAUT DE PREUVE – REJET DE L'EXCEPTION (OUI) –.
RECEVABILITE DE L'OPPOSITION (OUI) – CREANCE – CONTESTATION – CAUSE – CONTRAT D'EXCLUSIVITE – REGLEMENT TOTAL DES MARCHANDISES – LIVRAISON PARTIELLE – CREANCE CERTAINE, LIQUIDE ET EXIGIBLE (OUI) – OPPOSITION MAL FONDEE.
Lorsqu'il résulte des termes du contrat que l'élection de domicile concerne un tribunal qui a existé de par le passé, il reste que la loi portant organisation judiciaire a érigé ledit tribunal en tribunal de grande instance de sorte qu'au sens de l'article 1156 du code civil les parties ont entendu attribuer compétence au nouveau pour connaître des litiges pouvant s'élever à l'occasion de leur contrat.
L'argument de l'autorité de chose jugée ne saurait prospérer alors que le débiteur ne produit aucune pièce au dossier attestant que la même demande en recouvrement avait été initialement soumise à une autre juridiction et donné lieu à une décision passée, en force de chose jugée.
En outre, il est mal fondé dans sa demande de rétractation d'une ordonnance d'injonction de payer qui porte sur une créance certaine, liquide et exigible, et dont la cause est contractuelle.
Article 3 AUPSRVE ALINEA 2
Article 1156 DU CODE CIVIL
Article 51 CODE DE PROCEDURE CIVILE
Article 63 LOI 10/93/ADP DU 17 MAI 1993 PORTANT ORGANISATION JUDICIAIRE AU BURKINA FASO
Article 6 CONTRAT D'EXCLUSIVITE SUR LA VENTE D'HUILE DE SOJA DU 22 AOUT 2002
(Tribunal DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 155 du 05 mai 2004, Société de Décorticage de Grains (SODEGRAIN-SA) c/ Société de Transport et de Commerce KOSSOUKA (STCK-SA)).
LE TRIBUNAL,
Le 25 juin 2003, à la suite d'une requête à lui présentée par la Société de Transport et de Commerce Kossouka (STCK-SA), pour laquelle domicile est élu en l'étude de maître Harouna SAWADOGO, avocat à la Cour, le président du tribunal de grande instance de Ouagadougou a rendu l'ordonnance n° 410/03 en date du 27 juin 2003, aux termes de laquelle, il l'autorisait à faire signifier à la Société de Décorticage de Grains (SODEGRAIN-SA), ayant élu domicile au Cabinet d'avocats Barterlé Mathieu SOME, une injonction de payer la somme de quatre cent dix sept millions cent soixante six mille quatre cent dix sept (417.166.417) francs CFA en principal, outre les frais et intérêts
Par exploit d'huissier de justice daté du 11 juillet 2003, la Société de Transport et de Commerce KOSSOUKA a signifié l'ordonnance au requis;
En vertu d'un acte extrajudiciaire daté du 25 juillet 2003, la Société de Décorticage de Grains a formé opposition contre ladite ordonnance;
Elle fait valoir à l'appui de sa demande que le président du tribunal de grande instance de Ouagadougou a rendu l'ordonnance d'injonction de payer n° 410/2003 en violation des prescriptions de l'article 3 de l'acte uniforme Ohada portant sur les procédures simplifiées et voies d'exécution, qu'ayant son siège à Bobo-Dioulasso, par conséquent relevant du ressort territorial du tribunal de grande instance de ladite ville, la requête afin d'injonction de payer du 25 juin 2003 ne peut qu'être présentée devant cette juridiction; que le président du tribunal de grande instance de Ouagadougou est donc territorialement incompétent pour connaître de la présente cause;
Qu'en outre la créance réclamée par la STCK-SA n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible au vu des pièces produites et ce conformément aux dispositions des articles 4 et 5 de la loi précitée
Qu'enfin l'ordonnance n° 410/2003 a été frauduleusement obtenue par la STCK-SA motif pris de ce que une ordonnance d'injonction de payer n° 380/2003 avait été rendue par le même juge et dans la même affaire; qu'il y a donc autorité de chose jugée; qu'il sollicite du tribunal de déclarer nulle et nul effet l'ordonnance d'injonction de payer n° 410/2003 du 27 juin 2003 et en conséquence la rétracter;
La Société de Transport et de Commerce KOSSOUKA, en réplique soutient que le président du tribunal de grande instance est compétent territorialement pour rendre une ordonnance d'injonction de payer conformément aux termes de l'article 6 du contrat d'exclusivité sur la vente d'huile de SOJA daté du 22 août 2002; que par ailleurs sa créance est fondée parce qu'ayant une origine contractuelle; qu'enfin la procédure d'injonction de payer portant sur le principal de la créance ainsi que sur les frais et autres intérêts a été introduite devant le président du tribunal de grande instance qu'alors que la procédure d'opposition à injonction de payer relative seulement au recouvrement du principal de sa créance a été faite devant le tribunal de grande instance de Ouagadougou; qu'il n'y a donc aucune identité ni entre l'objet de la demande ni entre la juridiction saisie; qu'il y a lieu de la débouter de toutes ses prétentions comme étant mal fondées;
Le dossier enrôlé à l'audience du 20 août 2003 a fait l'objet de renvoi à la conciliation pour audience être reprise le 19 novembre 2003 pour cause d'échec de la tentative de conciliation
A cette date l'affaire a été mise en délibéré au 10 décembre 2003, puis prorogée plusieurs fois avant d'être retenue le 26 mai 2004 pour jugement être rendu, advenue cette date le tribunal a statué en ces termes;
MOTIFS DE LA DECISION
EN LA FORME
Sur la compétence du président du tribunal de grande instance de Ouagadougou
Attendu que la SODEGRAIN prétend que le président du tribunal de grande instance de Ouagadougou est territorialement incompétent pour connaître de la présente affaire conformément aux prétentions légales;
Attendu qu'au sens des dispositions de l'article 3 alinéa 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution, les parties peuvent déroger aux règles de compétence territoriale au moyen d'une élection de domicile prévue au contrat;
Attendu par ailleurs que l'article 51 du code de procédure civile précise que toute clause dérogeant aux règles de compétence territoriale est valable lorsqu'elle ait été spécifiée dans l'engagement des parties;
Attendu qu'en l'espèce il résulte des termes de l'article 6 du contrat conclu par les parties le 22 août 2002 que « entre tout litige survenant à l'occasion de l'interprétation ou de l'exécution du présent contrat qui ne peut être tranché à l'amiable sera soumis aux règles du tribunal de première instance de Ouagadougou ».
Qu'en vertu de cette clause attributive de juridiction les parties ont librement consenti à soumettre le règlement de leur litige au tribunal de première instance de Ouagadougou en cas d'échec de tout règlement amiable;
Qu'en outre la Société de Décorticage de Grains (SODEGRAIN-SA), Société anonyme au capital de 500.000.000 de francs CFA, ayant son siège à Bobo-Dioulasso et la Société de Transport et de Commerce KOSOUKA (STCK-SA), société anonyme dont le siège est à Ouagadougou ont conclu le contrat d'exclusivité sur la vente d'huile de soja le 22 août 2002 chacune en qualité de commerçant;
Attendu par ailleurs que la SODEGRAIN-SA a allégué au cours des débats à l'audience que l'article 6 de leur contrat comporte une clause qui attribue compétence territoriale au tribunal de première instance de Ouagadougou qui n'existe plus;
Attendu que s'il est vrai que les tribunaux de première instance ont existé de par le passé, il ne reste que l'article 63 de la loi 10/93/ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire au Burkina Faso les a érigé en tribunaux de grande instance de sorte qu'au sens de l'article 1156 du code civil les parties ont entendu attribuer compétence au tribunal de grande instance de Ouagadougou pour connaître des litiges pouvant s'élever à l'occasion de leur contrat;
Qu'en conséquence s'agissant d'une procédure d'injonction de payer seul le président de la juridiction régulièrement saisie est compétent pour rendre une décision d'injonction de payer une somme; que l'argument selon lequel la SODEGAIN prétend que son siège se situe à Bobo-Dioulasso dont la juridiction est territorialement compétent, pour se soustraire de l'application des dispositions de l'article 6 de leur contrat ne saurait prospérer; qu'il échet donc de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la SODEGRAIN sur le fondement de l'article 6 du contrat du 22 août 2002
Sur l'autorité de la chose jugée
Attendu que la SODEGRAIN-SA soutient que la demande en recouvrement de la STCK-SA doit être déclaré irrecevable pour être introduite pour la deuxième fois devant le même juge;
Attendu que l'autorité de chose jugée suppose une identité d'objet, de cause et de parties procédant de la même qualité et avec les mêmes moyens;
Attendu qu'en l'espèce, il ne résulte pas des deux procédures invoquées par la SODEGRAIN que les parties ont procédé de la même qualité avec les mêmes moyens;
Qu'au demeurant elle ne produit aucune pièce au dossier attestant que la même demande avait été initialement soumise à une autre juridiction et donné lieu à une décision passée, en force de chose jugée; qu'il y a lieu en outre de rejeter cette exception
Sur la recevabilité de l'opposition de la SODEGRAIN
Attendu que la SODEGRAIN a formé opposition contre l'ordonnance d'injonction de payer n° 410/2003 du 27 juin 2003 conformément aux dispositions des articles 9 et 10 de l'acte, qu'il y a lieu de déclarer recevable;
AU FOND
Sur la créance
Attendu que la SODEGRAIN explique que la créance de STCK n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible par conséquent non fondée au regard des pièces produite au dossier; que l'ordonnance d'injonction n° 410/2003 mérite d'être rétractée sur la base des motifs sus évoqués;
Mais attendu qu'au sens de l'article 1 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution tout créancier peut solliciter l'injonction de payer pour réclamer une créance certaine, liquide et exigible; qu'une créance certaine est celle dont l'existence ne souffre d'aucune contestation; qu'elle est liquide lorsque son montant est déterminable en argent; elle est exigible lorsqu'elle est arrivée à échéance
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que la STCK et la SODEGRAIN se sont accordées sur la livraison de marchandise d'un montant total un million deux cent cinquante mille (1.250.000) francs CFA courant août 2002; que par différentes traites, la STCK a réglé le prix total des marchandises à livrer mais n'a obtenu qu'une livraison partielle desdits marchandises;
Que cette livraison partielle laisse subsister un montant reliquataire de cinq cent soixante huit millions six cent cinquante neuf mille six cent cinquante (568.659.650) francs CFA;
Que par lettre n° 482/STCK-SA/02 en date du 08 octobre 2002, la STCK a sollicité la restitution de deux (02) traites d'un montant total de deux cent trente millions (230.000.000) de francs CFA; que le 09 octobre 2002, par une autre correspondance n° 483/STCK-SA/02, elle a communiqué la situation du solde de la SODEGRAIN dans ses livres qui s'élevait à la somme de cinq cent soixante huit millions six cent cinquante neuf mille six cent cinquante (568.659.650) francs CFA;
Attendu que le 21 octobre 2002, la SODEGRAIN a procédé à la livraison de deux cent huit (208) litres d'huile de soja pour un montant total de cent quatre vint millions (180.000.000) par facture n° 541-02;
Qu'en déduisant ce montant du solde de la SODEGRAIN, elle lui reste redevable de la somme de trois cent quatre vingt huit millions six cent cinquante neuf mille six cent cinquante (388.659.650) francs CFA outre les intérêts de droit au taux de 11%;
Attendu en outre que l'article 2 alinéa 1 du même acte uniforme précise que la procédure d'injonction de payer peut être introduite lorsque la créance a une cause contractuelle;
Attendu que dans la présente cause la créance dont le recouvrement est poursuivi par la STCK trouve, son origine dans le contrat d'exclusivité sur la vente d'huile de soja conclu entre les parties le 22 août 2002;
Qu'au regard des développement ci-dessus la créance de la STCK satisfait toutes les conditions prescrites par les dispositions des articles 1 et 2 de l'acte uniforme portant organisation de procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; qu'il convient par conséquent débouter la SODEGRAIN de sa demande de rétraction comme étant mal fondée;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort;
EN FORME
Rejette toutes les exceptions soulevées par la SODEGRAIN recevable en son opposition;
AU FOND
La déclare mal fondée
Condamne la SODEGRAIN à payer à la STCK la somme de quatre cent dix sept mille millions cent seize mille quatre cent dix sept (417.116.417) francs CFA à titre principal outre les intérêts de droit à compter du présent jugement;
Condamné SODEGRAIN aux dépens.