J-05-249
PROCEDURES COLLECTIVES – REGLEMENT PREVENTIF – CONDITIONS D’OUVERTURE.
PRONONCE DE LA LIQUIDATION DES BIENS AU COURS DE LA PROCEDURE DE REGLEMENT.
PREVENTIF – NON MAITRISE DU DROIT APPLICABLE PAR LE JUGE.
(Tribunal DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU, jugement du 25 mai 2004, Revue burkinabé de droit, n° 45, note Professeur Filiga Michel SAWADOGO).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Vu le jugement n° 741 en date du 24 juillet 2002 désignant Monsieur Zeba Adama expert comptable;
Vu le rapport d’expertise en date du mois d’octobre 2002;
Vu le concordat proposé;
Attendu qu'il ressort des pièces versées au dossier que, par requête en date du 29 mai 2002, la Société Internationale Faso Export, en abrégé IFEX, société anonyme au capital de 80 000 000 F CFA dont le siège social est sis au Secteur 9, quartier Gounghin, agissant aux poursuites et diligences de son Directeur général ayant élu domicile au cabinet Tou et Somé, Avocats à la Cour, a introduit une requête en vue de bénéficier de la procédure de règlement préventif prévu par les dispositions des articles 6 et suivants de l'Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif; qu'à l'analyse des pièces soumises à son appréciation et au vu de la situation financière exposée par la requérante, le Tribunal a, par jugement avant dire droit prononcé le 24 juillet 2002, le règlement préventif de la Société IFEX et désigné conformément aux dispositions de l'article 8 de l'Acte Uniforme suscité, un expert comptable en vue de lui établir la situation réelle de la société IFEX.
Attendu que si le rapport d’expertise fourni n’a pas conclu à la liquidation des biens de la Société IFEX, il est apparu au cours de la procédure des éléments négatifs mettant en cause le règlement préventif précédemment accordé; qu’en effet, les principaux créanciers qui n’avaient pas approuvé la proposition de concordat ont engagé des procédures de recouvrement de créance par le biais de la mise en œuvre des cautions personnelles dont les dirigeants s'étaient portés garants auprès de la Société Générale des Banques du Burkina, en abrégé S.G.B.B.; que mieux, la reprise totale par le Groupe Fadoul de la société requérante a été abandonnée alors que cette solution envisagée constituait le pilier du concordat proposé; que le retrait de ce groupe a contribué à rendre irréalisable le concordat proposé, ainsi que le plan d'action et les modalités de continuation de l'entreprise établis par l'expert; Qu'entendu en chambre du conseil, le représentant de la Société IFEX, Monsieur L. B., a affirmé ne plus être en mesure de faire de nouvelles propositions pour sauver son entreprise; qu'il fait le constat de la cessation de paiement;
Attendu qu'au regard de ces éléments sus spécifiés, il apparaît que la société IFEX n'est pas en mesure de faire face à son passif; qu'il ressort des dispositions de l'article 25 de l'Acte Uniforme suscité que le débiteur, qui est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, doit faire une déclaration de cessation des paiements pour bénéficier de la procédure de liquidation des biens; que l'article 33 mentionne que la juridiction compétente qui constate la cessation des paiements doit prononcer le redressement judiciaire ou la liquidation des biens; qu'en l'espèce, le débiteur est dans l'impossibilité de présenter un concordat sérieux; qu'aucune possibilité n'est envisagée pour un redressement éventuel; qu'il y a lieu de prononcer par conséquent la liquidation de ses biens avec toutes les conséquences de droit.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, statuant sur requête, en matière commerciale et en premier ressort :
Vu les pièces du dosser;
Vu le jugement n° 741 en date du 24 juillet 2002 désignant Monsieur Zeba Adama, expert comptable;
Vu le rapport d’expertise de l’expert sus-cité en date du mois d’octobre 2002;
Constate que le concordat proposé par la Société IFEX n’est pas réalisable et que cette société ne remplit pas les conditions d’accès au bénéfice du règlement préventif, celle-ci se trouvant déjà en situation de cessation des paiements;
Vu les dispositions de l’article 25 de l’Acte Uniforme OHADA portant sur les procédures collectives d’apurement du passif;
Prononce la liquidation judiciaire de la Société IFEX S.A.;
Nomme Monsieur S. E., juge au siège, en qualité de juge-commissaire;
Nomme Monsieur T. A., expert comptable et Maître O. Y., Avocat à la Cour en qualité de syndics liquidateurs;
Fixe la date de la cessation des paiements au mois de juillet 2002;
Ordonne la publication sans délai de la présente décision par les soins du Greffier en Chef dans les journaux d’annonces légales ainsi que la transcription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier;
Dit que les syndics disposent d’un délai maximum de huit (8) mois pour réaliser leur mission;
Réserve les dépens.
NOTE
La décision du Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou n° 020/03 du 29 janvier 2003 appelle des observations relativement brèves sur le rôle du juge dont l’importance en droit contemporain des procédures collectives ou des entreprises en difficulté est unanimement admise, notamment pour assurer la rapidité, l’efficacité et la moralisation des procédures ouvertes. Les organes judiciaires intervenant dans les procédures collectives sont, d’une part, la juridiction compétente qui a reçu une fonction de haute administration de la procédure et de centralisation des contestations, d’autre part, le juge-commissaire qui est chargé, sous l’autorité de la juridiction, de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la préservation des intérêts en présence. Au sujet du juge-commissaire, des auteurs ont écrit, à juste titre, concernant le droit français mais cela est également valable pour le droit OHADA, qu’« il est le chef d’orchestre de la procédure nouvelle... il ne devra plus se contenter, comme souvent par le passé, d’être un juge « parapheur » des décisions prises par le syndic ». Quant au ministère public, bien que son intervention soit consacrée, son rôle demeure effacé.
Avant l’adoption de l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) à Libreville le 10 avril 1998 et son entrée en vigueur le 1er janvier 1999, il était courant de constater la non-maîtrise du droit des procédures collectives par le juge en Afrique francophone. Cette situation pouvait s’expliquer, entre autres, par le peu de temps et d’intérêt consacré par le juge aux questions y afférentes, particulièrement à compter du jugement d’ouverture, par le caractère vieillot, inadapté et de consultation difficile de la législation applicable dans la plupart des Etats parties au Traité de l’OHADA, du moins pour les nombreux Etats qui n’avaient pas modifié la législation léguée pendant la période coloniale.
On pouvait espérer que l’application de l’AUPC, qui a été élaboré en tenant compte de l’expérience des Etats africains parties au Traité de l’OHADA, conduirait à de meilleurs résultats, ne serait-ce qu’en raison de l’assurance que l’on a désormais sur le droit applicable, de l’accessibilité relativement aisée, surtout pour le juge, au texte applicable et de l’existence d’une littérature relativement abondante sur la production juridique de l’OHADA.
Malheureusement, même si une certaine amélioration de la situation peut être relevée, le problème de la non-maîtrise du droit applicable semble demeurer entier. C’est du moins l’impression que donne la lecture de certains jugements du tribunal de grande instance de Ouagadougou, et notamment de celui n° 020/03 du 29 janvier 2003 qui présente une situation en deux étapes ayant trait successivement au règlement préventif et à la liquidation des biens d’une même société.
En l’espèce, une société, en l’occurrence la Société Internationale Faso Export, en abrégé IFEX, Société Anonyme au capital de 80 000 000 F CFA, dont le siège social est sis dans l’un des quartiers de Ouagadougou, a, par requête en date du 29 mai 2002 de son directeur général, introduit une requête en vue de bénéficier de la procédure de règlement préventif prévue par les dispositions des articles 6 et suivants de l'Acte Uniforne OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif (AUPC). Le Tribunal, après analyse des pièces soumises à son appréciation et au vu de la situation financière exposée par la requérante, a, par jugement avant dire droit, prononcé le 24 juillet 2002 le règlement préventif de la Société IFEX et désigné, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'Acte uniforme suscité, un expert comptable en vue de lui établir la situation réelle de la société IFEX.
Par la suite, le rapport de l’expert nommé n’a pas conclu à la liquidation des biens de la société mais le Tribunal a relevé des éléments négatifs tels que des poursuites en paiement des créanciers engagées contre les dirigeants de la société qui s’étaient portés cautions de la société auprès d’une banque de la place, le retrait de la proposition du Groupe Fadoul de racheter la société, qui constituait l’unique solution de sauvetage de l’entreprise, l’affirmation du directeur général de la société de son incapacité à faire de nouvelles propositions de sauvetage de l’entreprise alors que celle-ci se trouvait en état de cessation des paiements. En se fondant sur l’article 33 de l’AUPC selon lequel la juridiction compétente prononce le redressement judiciaire ou la liquidation des biens lorsqu’elle constate la cessation des paiements et précisément la liquidation des biens lorsque le débiteur n’a pas fait une proposition de concordat sérieux, le Tribunal prononce la liquidation des biens de la société IFEX.
Même si le genre d’exercice peut paraître insolite et peu respectueux de l’autorité du juge, il est proposé de relever dans les grandes lignes non seulement les éléments traduisant peu ou prou une correcte application de l’AUPC mais également les incorrections et insuffisances que le texte du jugement ci-dessus reproduit recèle, et cela dans le but de contribuer modestement à une meilleure maîtrise du droit applicable par le juge de l’espace OHADA ou, selon une terminologie à la mode, au renforcement des capacités judiciaires. A cet effet, le contenu de la décision permet de distinguer et d’aborder successivement, d’une part les éléments afférents au règlement préventif, d’autre part ceux liés à la liquidation des biens.
A - Les éléments afférents au règlement préventif
Le règlement préventif, réglementé par les articles 5 à 24 de l’AUPC, est une procédure qui intervient lorsque l’entreprise connaît de sérieuses difficultés financières. Elle vise à éviter que celles-ci ne conduisent à la cessation de ses paiements. Le règlement préventif de l’OHADA semble faire un savant dosage de la procédure de suspension provisoire des poursuites de l'ordonnance française du 23 septembre 1967, du règlement amiable de la loi française du 1er mars 1984, du concordat classiquement voté par les créanciers et du concordat amiable librement conclu entre le débiteur et ses créanciers. Les justiciables du règlement préventif sont les mêmes que ceux du redressement judiciaire et de la liquidation des biens. La condition fondamentale de cette procédure est que l'entreprise ne doit pas être en état de cessation des paiements. A ce titre, le règlement préventif est la pièce maîtresse de la prévention des difficultés des entreprises en droit OHADA.
Le jugement du TGI de Ouagadougou, au regard du droit OHADA, comporte des éléments positifs et des éléments négatifs qu’il convient de répertorier.
1) Les éléments positifs
A ce titre, plusieurs éléments peuvent être notés.
D’abord, le jugement évoque à juste titre le dépôt de la requête en règlement préventif par le directeur général de la société IFEX en date du 29 mai ayant élu domicile au cabinet de ses avocats, Maîtres Tou et Somé. L’on sait que ces genres de procédures, s’ouvrant avant la cessation des paiements, à un moment où l’entreprise continue de faire ponctuellement face à ses échéances, ne peuvent être ouvertes qu’à la demande du débiteur lui-même. C’est ce que prévoit expressément l’article 5 de l’AUPC. Cela est logique pour éviter une trop grande immixtion des tiers ou de la justice dans la gestion des entreprises in bonis.
Ensuite, la requête paraît recevable, comme l’a décidé le Tribunal, puisque celui-ci évoque les pièces versées au dossier, même si incontestablement une simple évocation vague des pièces peut sembler insuffisante.
Du jugement, il ressort également des éléments suffisants quant à la justification de la qualité du justiciable. En effet, celui-ci est une société anonyme, donc une société commerciale par la forme, au capital de 80 millions de F. CFA. Malgré tout, comme il s’agit d’une condition d’ouverture du règlement préventif, le Tribunal aurait dû constater expressément que cette condition est remplie.
Au titre toujours des éléments positifs, l’on note le fait de désigner, le 24 juillet 2002, un expert. On rappelle qu’aux termes de l’article 8 de l’AUPC, la décision de suspension des poursuites désigne un expert pour lui faire un rapport sur la situation économique et financière de l’entreprise et ses perspectives de redressement. L’article 12 définit de manière plus précise la mission de l’expert et renvoie aux articles 41 et 42 de l’AUPC relatifs à la nomination et à la révocation du syndic (incompatibilités, remplacement, saisine, délai et conditions du prononcé de la révocation). Afin de bien assumer sa mission, l’expert a droit à une information large qu’il peut obtenir nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire. Bien entendu, il a droit à une rémunération en tant qu’auxiliaire de justice même si l’Acte uniforme est muet là-dessus. L’une des missions de l’expert est de signaler les manquements à l’article 11 relatif à l’interdiction faite au débiteur de poser certains actes jugés dangereux pour la survie de l’entreprise. La mission centrale de l’expert est de faciliter la conclusion d’un accord entre le débiteur et ses créanciers sur les modalités de redressement de l’entreprise et de l’apurement de son passif, en fait sur les délais de paiement et les remises que ceux-ci entendent consentir au débiteur. A cet effet, l’expert entend le débiteur et les créanciers et leur prête ses bons offices. L’Acte uniforme n’est pas très explicite sur les contours de cette mission qui n’est pas très juridique. Il est certain qu’elle va porter sur l’analyse critique des éléments de l’offre de concordat tels que prévus à l’article 7 qui traite des mesures qui doivent être contenues dans la proposition de concordat visant l’assainissement de l’entreprise (diverses mesures de renflouement) et de règlement de son passif. Il est également permis de faire le rapprochement avec le conciliateur prévu dans la loi française du 1er mars 1984 relative au règlement amiable.
La nature du jugement qui prononce la suspension des poursuites individuelles, abordée par le TGI, n’est pas explicitée par l’Acte uniforme. Il est probable qu’il ne s’agit pas d’un jugement sur le fond, raison pour laquelle il n’est susceptible d’aucun recours. Cette décision, quoique très importante, est en quelque sorte provisoire et à tout le moins temporaire. Elle est suivie dans les deux mois, ou dans les trois mois en cas de prorogation, de la décision d’homologation ou de refus d’homologation du concordat, qui a une portée en terme de temps plus importante. Dans ce sens, on peut admettre avec le TGI qu’il s’agit d’un jugement ou d’une ordonnance avant dire droit à condition qu’il s’agisse de la décision de suspension provisoire des poursuites, comme cela est prévu par l’AUPC, et non du jugement de règlement préventif comme mentionné, apparemment à tort, dans la décision commentée.
Les éléments ci-dessus, qualifiés de positifs, sont encourageants quant à la correcte application de l’AUPC. Malheureusement, on trouve dans le jugement, autant, sinon plus, d’éléments négatifs.
Les éléments négatifs
Les éléments négatifs que l’on peut relever dans la décision sont nombreux, même s’il ne convient pas de leur accorder une trop grande portée. Ne dit-on pas que seuls ceux qui n’agissent pas ne commettent pas d’erreur ?
Le jugement vise dans ses motifs l’article 6 de l’AUPC au lieu de l’article 5, qui est le premier de la série des articles relatifs au règlement préventif. Il aurait d’ailleurs dû faire état des articles 5 et suivants ou des articles 5 à 24 de l’AUPC puisqu’en l’espèce, le tribunal ne semble pas s’intéresser à telle ou telle disposition précise de l’AUPC mais plutôt à l’ensemble de la procédure de règlement préventif.
Il n’est pas fait de point ou un état exact des pièces déposées ainsi que cela découle de l’article 6 de l’AUPC. L’article 6 est relatif aux documents que le demandeur en règlement préventif doit déposer. Selon cette disposition, en effet :
« En même temps que la requête, le demandeur d'un règlement préventif doit déposer :
1° un extrait d'immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier;
2° les états financiers de synthèse comprenant, notamment, le bilan, le compte de résultat, un tableau financier des ressources et des emplois;
3° un état de la trésorerie;
4° l'état chiffré des créances et des dettes avec indication du nom et du domicile des créanciers et des débiteurs;
5° l'état détaillé, actif et passif, des sûretés personnelles et réelles données ou reçues par l'entreprise et ses dirigeants;
6° l'inventaire des biens du débiteur avec indication des biens mobiliers soumis à revendication par leurs propriétaires et de ceux affectés d'une clause de réserve de propriété;
7° le nombre des travailleurs et le montant des salaires et des charges salariales;
8° le montant du chiffre d'affaires et des bénéfices imposés des trois dernières années;
9° le nom et l'adresse des représentants du personnel; 10° s'il s'agit d'une personne morale, la liste des membres solidairement responsables des dettes de celle-ci, avec indication de leurs noms et domiciles ainsi que les noms et adresses de ses dirigeants ».
L’article 6 précise que tous ces documents doivent être datés, signés et certifiés conformes par le requérant. Le but est d’avoir des documents fiables aussi bien au plan de leur régularité que de leur sincérité. Ces documents sont les mêmes que ceux exigés par l’article 26 relatif à la déclaration de cessation des paiements aux fins d’ouverture d’une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. Ils sont assurément nombreux et peut-être de confection difficile ou tout au moins exigeant un certain temps. Cela peut entraîner des difficultés pour les petites et moyennes entreprises, certainement moins bien armées que les grandes entreprises pour y faire face. Il convient de relever en sens contraire que ces documents sont tous pertinents et peuvent contribuer à l’élaboration et à l’appréciation de l’offre de concordat préventif. Par ailleurs, le retard éventuel que leur exigence pourrait entraîner dans l’introduction de la requête n’a pas d’incidence puisque l’entreprise n’est pas encore en état de cessation des paiements, sauf si le retard devait être tel que l’entreprise finisse par être en état de cessation des paiements, rendant son sauvetage plus difficile. D’ailleurs, dans le cas où l’un des documents ne peut être fourni ou ne peut l’être qu’incomplètement, la requête doit contenir l’indication des motifs de cet empêchement. La formule utilisée ne doit pas être limitée au cas où un seul document manquerait ou serait incomplet mais il est certain qu’elle exclut le cas où un nombre important de documents ferait défaut. Enfin, le règlement préventif apparaît comme une faveur permettant à une entreprise in bonis de ne pas payer ses dettes pendant une période plus ou moins longue. Que l’on y mette des conditions quelque peu rigoureuses paraît justifié.
Il nous semble que l’absence de ses documents ou leur caractère incomplet non accompagné de la justification de leur absence constitue une fin de non-recevoir de la requête. Il en est d’ailleurs de même de l’offre de concordat dont le jugement ne souffle mot. Concernant le contenu de l’offre de concordat préventif, il est relatif aux mesures et conditions tendant à assurer le redressement de l’entreprise et l’apurement du passif et à garantir l’exécution des engagements que contient l’offre. L’article 7 se contente de citer des exemples de mesures ou conditions d’ordre juridique, économique ou financière, dont par exemple les licenciements pour motif économique. Son dépôt est indispensable au prononcé de la décision de suspension des poursuites.
Le TGI fait état du prononcé, le 24 juillet 2002, du règlement préventif et de la désignation d’un expert, conformément aux dispositions de l’article 8, chargé de lui présenter un rapport sur la situation réelle de l’entreprise. L’anomalie ici est double. D’une part, il semble qu’il n’y a pas encore à ce stade de règlement préventif. L’article 8 ne fait état que d’un jugement de suspension provisoire des poursuites dont la finalité est de donner un répit au débiteur afin que celui-ci se concerte avec ses créanciers afin d’aboutir à la conclusion du concordat. Le concordat n’existe véritablement qu’après son homologation par la juridiction compétente même si le dépôt de l’offre de concordat préventif est préalable à la décision de suspension provisoire des poursuites. C’est la raison pour laquelle la décision de suspension provisoire des poursuites, qui a une durée très limitée (deux ou trois mois), n’est susceptible d’aucun recours. S’il s’agissait véritablement du prononcé du règlement préventif, celui-ci s’imposerait, dans les termes du concordat préventif homologué, aux créanciers, mettrait fin aux fonctions de l’expert et entraînerait la mise en place d’organes chargés de contrôler l’exécution du concordat, à savoir un juge-commissaire à titre obligatoire, un syndic et/ou des contrôleurs à titre facultatif.
D’autre part, l’expert nommé n’a pas pour mission, contrairement à l’affirmation du tribunal, d’établir la situation réelle de l’entreprise ou de conclure ou ne pas conclure à la liquidation de ses biens : ce n’est ni un expert de gestion tel que prévu par les articles 159 et 160 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSC), ni une procédure d’observation à la française où le tribunal se décide en fonction de la situation réelle qui doit lui être établie. Il ressort de l’article 12 que la mission centrale de l’expert est de faciliter la conclusion d’un accord entre le débiteur et ses créanciers sur les modalités de redressement de l’entreprise et de l’apurement de son passif, c’est-à-dire sur les délais de paiement et les remises que les créanciers pourraient consentir au débiteur.
D’une manière générale, les délais prévus par l’AUPC ne sont pas respectés par le TGI alors qu’ils jouent un rôle important dans l’atteinte des objectifs poursuivis par le droit des entreprises en difficulté. A titre d’exemple, la requête en règlement préventif ayant été déposée le 29 mai 2002, le TGI devait statuer au plus tard le 29 juin 2002 ou dans les jours suivants, après l’écoulement du délai d’un mois accordé au débiteur pour déposer son offre de concordat. Il va de soi que si le débiteur dépose son offre en même temps que sa requête, comme cela est possible et même conseillé, la décision devrait intervenir plus tôt. En effet, l’AUPC a prévu que « dès le dépôt de la proposition de concordat préventif, celle-ci est transmise, sans délai, au Président de la juridiction compétente qui rend une décision de suspension des poursuites individuelles et désigne un expert… ». Dans le même sens, il ne ressort pas du jugement du TGI que l’expert a déposé son rapport dans les deux mois de sa saisine ou dans les trois mois en cas de prorogation. Etant donné que l’expert a été nommé par décision du 24 juillet 2002 et que le tribunal s’est prononcé par jugement du 29 janvier 2003, il est permis de penser que le délai n’a pas été respecté. En effet, son rapport devait être déposé, même en cas de prorogation, laquelle n’est évoquée nulle part, au plus tard le 24 octobre 2002 et la juridiction compétente se prononcer dans les huit jours suivants, et cela en raison de l’urgence qui caractérise les procédures collectives. La célérité est incontestablement une condition du succès des procédures collectives, qu’il s’agisse du règlement préventif avant la cessation des paiements ou du redressement judiciaire et de la liquidation après la cessation des paiements. Il est probable que ce retard n’est pas étranger aux nombreuses poursuites en paiement exercées contre les cautions et à la détérioration de la situation de l’entreprise.
La décision du TGI n’indique pas que la suspension des poursuites a été explicitement ordonnée ni qu’elle ne s’applique qu’aux créanciers figurant sur la liste annexée à la requête. Or aux termes de l’article 8, il apparaît deux éléments essentiels de la décision rendue par le président de la juridiction compétente : d’une part le prononcé de la suspension des poursuites individuelles, d’autre part la désignation d’un expert. Au sujet de la suspension des poursuites, l’innovation a consisté à la limiter aux seuls créanciers qui figurent sur la liste déposée par le créancier en même temps que sa requête. Ceux qui n’y figurent pas peuvent continuer à exercer leurs droits de poursuite comme si de rien n’était. Or nulle part la décision du TGI n’évoque l’existence d’une telle liste. Peut-être bien qu’elle existe réellement mais ce qui va sans dire va mieux en se disant.
Le jugement du TGI semble présenter quelques faiblesses sur la nature du concordat, en particulier sur la procédure de son adoption, le rôle des créanciers et la portée de la suspension des poursuites. Le concordat de règlement préventif requiert l’accord des créanciers auxquels il va s’imposer. Ceux qui ne sont pas consentants n’en sont pas tenus, sauf dans l’hypothèse où le concordat, ne comportant pas de demande de remise mais seulement des demandes de délais n’excédant pas deux ans, a été rendu opposable à tous les créanciers par la juridiction compétente. Les créanciers ne peuvent donc s’opposer au concordat en tant que groupe mais chacun individuellement. Le désaccord de certains créanciers n’empêche donc pas l’adoption du concordat, surtout que la juridiction compétente dispose d’un pouvoir d’imposition en la matière. Enfin, contrairement aux appréhensions du tribunal devant les poursuites exercées contre les cautions par des créanciers, l’on sait qu’en droit OHADA, de telles poursuites sont possibles et ne constituent pas un frein à l’adoption du concordat. En effet, les cautions qui ont payé sont subrogées dans les droits des créanciers désintéressés et, à ce titre, elles ne peuvent exercer de recours contre le débiteur tant que la suspension des poursuites a cours. La circonstance qu’il s’agit des dirigeants de la société ne change rien en droit. C’est vrai qu’en droit comparé, certaines législations protègent les cautions. Il en est ainsi en droit français.
Telles sont les principales observations, positives et négatives, que l’on peut formuler relativement aux aspects de la décision en rapport avec le règlement préventif. La même décision traite également de la liquidation des biens, qui constitue d’ailleurs son objet principal.
B- Les éléments afférents à la liquidation des biens
La liquidation des biens (LB) est une procédure intervenant après la cessation des paiements comme le redressement judiciaire. Elle doit aboutir à l’apurement du passif à l’issue des opérations de liquidation de l’actif mobilier et immobilier par le syndic seul qui représente le débiteur et les créanciers. Le critère du choix entre le redressement judiciaire et la liquidation des biens est le fait de proposer ou de ne pas proposer un concordat sérieux. L’article 33 montre clairement que la question du choix de la procédure se pose dès le jugement d'ouverture après, le cas échéant, l'écoulement du délai de 15 ou de 30 jours laissé au débiteur pour présenter un concordat sérieux.
Le concordat sérieux est probablement celui qui, tout en préservant et en favorisant l’assainissement de l'entreprise, assure le paiement des créanciers dans des conditions acceptables. Il faut donc, d'une part des mesures de redressement de l'entreprise et un plan de paiement des créanciers théoriquement satisfaisants, d'autre part des garanties d'exécution des engagements que contient la proposition de concordat. En l’espèce, le concordat s’avère impossible obligeant le tribunal à prononcer la liquidation des biens.
Sur les aspects du jugement du TGI de Ouagadougou afférents à la liquidation des biens, l’on relève également des éléments positifs et des éléments négatifs.
1) Les éléments positifs
On note d’abord que le TGI fait une bonne utilisation de la notion de cessation des paiements et des consé3lte de la décision que l’expert a rendu un rapport qui fait une proposition de concordat où le groupe Fadoul s’engage à racheter la société mais le groupe s’est rétracté. Il n’y a pas de nouvelle proposition. Il n’y en aura plus : le tribunal affirme « qu'aucune possibilité n'est envisagée pour un redressement éventuel ». Et comme il y a cessation des paiements, il faut ouvrir la liquidation des biens. Conformément aux dispositions de l’article 15, alinéa 2, en présence de la cessation des paiements et s’il n’y a pas d’offre de concordat ou si celle-ci est rejetée, le Tribunal doit prononcer directement la liquidation des biens. Il faut donc approuver le TGI de Ouaga de l’avoir fait. Il reste à voir s’il n’y avait pas lieu d’accorder le délai de 30 jours au débiteur pour éventuellement présenter une proposition de concordat, cette fois-ci de redressement judiciaire. En effet, l’article 29, auquel renvoie l’article 15, prévoit le respect de ce délai de 30 jours. En l’espèce, sauf à faire preuve de formalisme excessif, il n’y avait pas lieu d’attendre, celui qui pouvait présenter une proposition de concordat, en l’occurrence le directeur général, ayant déclaré n’être pas en mesure d’en présenter une autre. Mais la question n’est pas aussi simple dans la mesure où l’article 32, alinéa 3, dispose que la juridiction compétente « ne peut rendre sa décision avant l’expiration d’un délai de trente jours à compter de sa saisine, quel que soit le mode de saisine ». Cette disposition pourrait se révéler préjudiciable dans bien des hypothèses où l’observation du délai ne présente aucun intérêt, comme c’était le cas avec la loi française de 1985, avant sa réforme du 10 juin 1994, qui imposait dans tous les cas le respect du délai de six mois de période d’observation, même pour les entreprises manifestement non redressables.
D’autres éléments positifs sont à relever notamment en ce qui concerne le dispositif. Il y a la fixation de la date de cessation des paiements. Il y a ensuite la nomination des organes : juge-commissaire et syndics. On signale que le juge-commissaire est choisi parmi les juges de la juridiction à l’exception du président, sauf s’il s’agit d’une juridiction à juge unique. Pour les syndics, en aucun cas, leur nombre ne peut excéder trois. Il ne peut s’agir de parents ni d’alliés du débiteur jusqu’au quatrième degré inclusivement ni de l’expert rapporteur si le redressement judiciaire ou la liquidation des biens a été précédé d’un règlement préventif. En l’occurrence, il s’agit de deux syndics, conformément à une pratique devenue courante auprès du TGI de Ouagadougou. En effet, celui-ci nomme souvent deux syndics pour les procédures ouvertes contre les grandes entreprises. Il s’agit presque toujours dans ce cas d’un expert-comptable et d’un avocat dont les compétences semblent complémentaires pour conduire la procédu3re à bonne fin. On peut se demander si en l’espèce l’entreprise était suffisamment grande pour justifier la nomination de deux syndics, d’autant qu’il est unanimement reconnu que le syndic, même seul, coûte cher.
Le jugement a prescrit à juste titre sa publication par les soins du greffier dans les journaux d’annonces légales ainsi que sa transcription au registre du commerce et du crédit mobilier. Les articles 36 et 37 imposent la publicité des jugements d'ouverture de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. Il est également prévu la publication au journal officiel mais la pratique n’est pas dans ce sens. La publication, qui est classique dans les procédures collectives après cessation des paiements, a pour but d'informer les créanciers et les personnes qui ont traité ou qui voudraient traiter avec le débiteur.
Quid des éléments négatifs ?
2) Les éléments négatifs
Au titre des éléments négatifs, certaines lacunes ou incorrections doivent être relevées.
On laissera de côté le fait que le TGI prononce la liquidation judiciaire de la Société IFEX SA car il s’agit manifestement d’une inadvertance puisque dans les motifs il est fait état à juste titre de liquidation des biens. C’est le lieu de signaler que le droit des entreprises en difficulté se caractérise par l’utilisation d’une terminologie flottante ou équivoque : en effet, les mêmes expressions peuvent signifier des réalités fort différentes : par exemple la liquidation judiciaire de la loi du 4 mars 1889 et celle de la loi française du 25 janvier 1985; la faillite jusqu'à la loi du 13 juillet 1967 et la faillite personnelle depuis lors. Des confusions naissent également de la combinaison d’expressions similaires ou proches : liquidation des biens et liquidation judiciaire, règlement judiciaire, redressement judiciaire et règlement amiable. D’ailleurs, les changements opérés traduisent l’inadéquation de la terminologie utilisée.
Pour le reste, on note que la cessation des paiements, bien que suffisamment affirmée, n’est pas assez étayée. La cessation des paiements ne se confond pas avec l’insolvabilité qui est caractérisée par le fait que le passif total est supérieur à l’actif total. Elle résulte de la comparaison de l’actif disponible avec le passif exigible. Le passif exigible qui est reflété par les éléments de la cessation des paiements ouverte (non-paiement d’une dette certaine, liquide et exigible) ou de la cessation des paiements déguisée (maintien du service de caisse par des expédients). Quant à l’actif disponible, c’est « la trésorerie de l’entreprise. Il comprend les sommes dont l’entreprise peut disposer immédiatement soit parce qu’elles sont liquides soit parce que leur conversion en liquide est possible à tout moment et sans délai : caisse, solde créditeur des comptes bancaires, effets de commerce ou valeurs mobilières encaissables à vue, etc. ». C’est une conception matérielle de la cessation des paiements qui semble retenue en ce sens qu’on n’a pas a priori à rechercher les motifs du non-paiement (impossibilité ou refus de paiement). Néanmoins, l’on peut penser que la cessation des paiements ne sera pas retenue en cas de difficulté accidentelle et temporaire de trésorerie, laquelle d’ailleurs pourrait cesser avant que le tribunal ne statue. Quant à « l’impossibilité de faire face », elle ne se confond pas avec la situation désespérée, sans issue ou irrémédiablement compromise. Il se peut donc que l’actif total soit supérieur au passif total mais que l’actif disponible soit inférieur au passif exigible.
Ensuite, la fixation de la date de la cessation des paiements ne nous paraît pas suffisamment précise. En l’absence de fixation de date, la cessation des paiements est réputée avoir lieu à la date de la décision qui la constate. Le TGI en l’espèce retient, en effet, assez vaguement, le mois de juillet 2002. L’intérêt de la fixation de la date de cessation des paiements est de permettre de déterminer la période suspecte, les actes accomplis pendant cette période pouvant être frappés par les inopposabilités de la période suspecte. Avec une date aussi vague, que décider lorsqu’une action en inopposabilité est introduite contre un acte accompli le 15 juillet ? Va-t-on considérer qu’il est dans ou hors de la période suspecte ? L’interprétation qui protège le mieux les créanciers, qui est probablement celle à retenir, consiste à retenir le dernier jour de juillet, donc le 31 juillet. Il y a lieu donc de retenir une date précise, même si une telle manière de procéder comporte nécessairement une marge d’arbitraire, pourvu de ne pas aller au-delà de dix-huit mois par rapport au jugement d’ouverture comme le prescrit l’article 34 de l’AUPC. Si l’on retenait le 1er juillet 2002, cela indiquerait que la cessation des paiements était acquise au jour où le TGI statuait sur la requête et que celui-ci aurait dû dès ce moment ouvrir le redressement judiciaire ou la liquidation des biens au lieu de prendre six mois pour y parvenir finalement.
Puis, le TGI, dans le dispositif du jugement, réserve les dépens comme s’il ne savait pas encore qui doit les supporter. Or, l’on peut penser que les dépens, à l’instar des frais de la procédure, doivent être à la charge de la procédure ouverte, autrement dit, du débiteur. Il n’y avait donc pas lieu de les réserver.
Enfin, l’on peut également émettre une critique ayant trait au fait que le TGI accorde un délai maximum de huit mois aux syndics pour réaliser leur mission. A priori, c’est plutôt une bonne chose de la part du tribunal de se soucier de limiter la durée de la procédure et d’amener les syndics à tout mettre en œuvre dans ce sens. On peut par expérience dire que plus la procédure dure moins il y a de chance de parvenir au redressement de l’entreprise ou d’obtenir un paiement substantiel des créanciers en raison, entre autres, de ce que les honoraires des syndics vont absorber une bonne partie de l’actif de l’entreprise. De ce point de vue, la préoccupation du TGI, qui s’est traduite dans la fixation du délai de huit mois, doit être approuvée. Toutefois, la fixation de ce délai ne paraît pas conforme à l’AUPC. De l’AUPC, il découle implicitement les délais suivants :
– la production des créances, qui doit être faite dans les trente ou soixante jours suivant la seconde insertion du jugement d’ouverture dans un journal d’annonces légales (art. 78);
– la vérification des créances, obligatoire dans tous les cas, qui doit être terminée dans les trois mois suivant la décision d’ouverture (art. 84);
– dans les quinze jours suivant l’expiration du délai de quinze jours accordé aux créanciers pour contester l’arrêté de l’état des créances, le président de la juridiction compétente doit convoquer l’assemblée des créanciers afin de voter le concordat (art. 122);
– les créanciers munis de sûretés réelles spéciales, de même que le Trésor public, l’administration des douanes et celle de la sécurité sociale peuvent diligenter eux-mêmes la vente des biens du débiteur, si dans les trois mois suivant la décision de liquidation des biens, le syndic n’a pas commencé la réalisation des biens du débiteur, en particulier ceux servant d’assiette aux sûretés (articles 149 et 150);
– il en résulte que le concordat devrait pouvoir être adopté ou rejeté dans les quatre mois de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et la procédure clôturée et la liquidation des biens terminée dans les cinq ou six mois.
Il nous semble cependant que la fixation d’un délai ne s’impose pas, surtout que la pratique montre que les délais légaux sont généralement largement dépassés. Du reste, la justice a les moyens d’accélérer le cours de la procédure, spécialement à travers l’action du juge-commissaire. Même si on devait fixer un délai, il conviendrait de retenir un délai court de quatre ou cinq mois, quitte à le proroger en cas de besoin.
En conclusion, il convient de souligner le rôle essentiel des organes judiciaires dans le correct déroulement des procédures collectives et dans l’atteinte des objectifs que celles-ci poursuivent. La tendance est même à l’accroissement de ce rôle si l’on examine les législations récentes (législation française, Acte uniforme de l’OHADA). On parle même de magistrature économique. En pratique, en Afrique, il nous a semblé que les organes judiciaires n’ont pas totalement pris conscience de la mesure de leur rôle. En effet, passé le jugement d’ouverture où ils font généralement montre d’un examen superficiel des conditions d’ouverture, ils ne s’intéressent que de très loin à la suite des opérations, ce qui peut permettre à un syndic indélicat, peu compétent ou simplement peu soucieux de la préservation des intérêts en présence, de conduire la procédure dans une « voie de garage ». Il n’est pas rare que des procédures judiciairement ouvertes se terminent « en queue de poisson », sans jugement de clôture, sans redressement de l’entreprise et sans paiement substantiel des créanciers. Il conviendrait donc, à la faveur du nouveau droit harmonisé, que les juges concernés par une procédure collective, spécialement le président de la juridiction compétente et surtout le juge-commissaire, maîtrisent davantage le droit applicable et trouvent un temps suffisant à lui consacrer car sont en cause non pas seulement les intérêts du débiteur et des créanciers mais également l’intérêt général.
Filiga Michel SAWADOGO,
Agrégé des facultés de droit,
Professeur titulaire,
UFR Sciences juridiques et politiques,
Université de Ouagadougou