J-05-269
PROCEDURES COLLECTIVES – BANQUEROUTE SIMPLE OU FRAUDULEUSE (OUI) – COMPLICITE DE BANQUEROUTE FRAUDULEUSE (OUI) – QUALITE DE COMMERCANT (OUI) – APPLICATION DE L’ARTICLE 32 AUPCAP (OUI) – APPLICATION DE L’ARTICLE 229 AUPCAP (oui).
Ayant retenu la qualité de commerçant du prévenu, le tribunal juge que le défaut de constatation de la cessation de paiement n’est pas un obstacle à la condamnation pour banqueroute simple ou frauduleuse.
Il a été cependant retenu que l’omission de la déclaration de cessation des paiements s’analyse en un délit de banqueroute simple.
Le tribunal ajoute que le paiement de dettes ne correspondant à aucun élément du patrimoine ou de l’activité du commerçant est manifestement un acte de mauvaise foi caractérisant le délit de banqueroute frauduleuse et complicité vis-à-vis respectivement du commerçant et des prétendus créanciers.
(Tribunal Régional Hors classe de Dakar –Audience correctionnelle, jugement du 04 décembre 2001, jugement n° 5992/2001 – Le Ministère public et héritiers de feu Yally FALL c/ Cheikh Talibouya DIBA et autres).
LE TRIBUNAL,
VU les pièces du dossier;
OUI le prévenu DIBA en son interrogatoire;
OUI les parties civiles en leurs conclusions, le Ministère public en ses réquisitions;
Le prévenu DIBA et ses défenseurs en leurs moyens de défense;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
ATTENDU que par acte en date du 13 juin 2001, les héritiers de feu Yally FALL à savoir Saër FALL, Ndèye Coumba NDIAYE, Samba FALL, Oumou Khaïry FALL, Coumba FALL, Marième FALL, Khady FALL, El Hadji Salla FALL, Awa NDIAYE, Ndiogou NDIAYE, Aïssatou NDIAYE, Diodio NDIAYE, Matar NDIAYE, Massamba NDIAYE et Demba NDIAYE ont cité devant le Tribunal de céans, Cheikh Talibouya DIBA, des chefs de banqueroute simple et frauduleuse et Mané DIENG et Astou FALL des chefs de complicité de ces délits, infractions prévues et punies par les articles 227 et 228 de l’Acte Uniforme 45, 46 et 376 du Code pénal;
ATTENDU qu’il y a lieu de statuer par défaut réputé contradictoire à l’égard de Mané DIENG et Astou FALL qui n’ont pas comparu bien que citées à personne;
AU FOND
Sur l’action publique
ATTENDU que les plaignants ont fait soutenir que Cheikh Talibouya DIBA, commerçant de son état, condamné par le Tribunal correctionnel à leur payer la somme de 35.000.000 de francs, a, de concert avec sa mère Mané DIENG et son épouse Astou FALL, organisé son insolvabilité en détournant son actif ainsi que l’établit le procès-verbal de carence en date du 22 juillet 2000;
ATTENDU que DIBA a soutenu que son épouse n’est pas prénommée Astou mais plutôt Ndèye; que les sommes versées à sa mère constituent un remboursement de prêt; qu’il n’est pas en cessation de paiements et s’emploie à payer ses dettes;
ATTENDU que les conseils de DIBA ont soutenu que la question de la qualité de commerçant de DIBA est préjudicielle;
Que la cessation des paiements ne peut être établie que par le juge civil;
Que les textes de l’OHADA ne s’appliquent pas aux faits, pour leur être postérieures;
ATTENDU que la qualité de commerçant se prouve par tout moyen;
ATTENDU qu’il ressort, d’une part, de façon implicite des déclarations de DIBA et des pièces de la procédure notamment le jugement correctionnel précité et la requête aux fins de défense à exécution provisoire du 24 juillet 2000, que le prévenu est commerçant par ses activités;
ATTENDU que l’article 32 de l’Acte Uniforme sur les procédures collectives dispose : « une condamnation pour banqueroute simple ou frauduleuse (…) peut être prononcée même si la cessation des paiements n’a pas été constatée dans les conditions prévues par le présent Acte Uniforme »;
ATTENDU qu’à la date du 18 juillet 2000, DIBA a reçu commandement de payer la somme due en vertu du jugement correctionnel;
Qu’antérieurement procès-verbal de carence avait été dressé;
Que DIBA se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible;
Qu’il aurait dû dès lors dans le délai de trente (30) jours, faire déclaration de cessation des paiements;
Que cette omission, sans excuse légitime, le rend coupable du délit de banqueroute simple;
ATTENDU que DIBA a reçu commandement de payer :
– à Mané DIENG la somme de 32.650.000 francs due depuis le 05 janvier 1993 suivant reconnaissance de dette;
– à Astou FALL, la somme de 5.600.000 francs suivant reconnaissance de dette en date du 08 janvier 1992;
ATTENDU qu’à l’analyse, ces dettes sont fictives puisque ne correspondant à aucun élément du patrimoine ou de l’activité de DIBA à titre de contrepartie; que le concert frauduleux est aussi manifeste;
ATTENDU que l’article 229 de l’Acte Uniforme punit le fait de s’être frauduleusement reconnu débiteur de sommes non dues;
Qu’il y a lieu de déclarer les prévenus coupables de banqueroute frauduleuse et complicité;
ATTENDU qu’il y a lieu de condamner DIBA à 6 mois avec sursis, Mané DIENG et Astou FALL à 2 mois avec sursis chacune;
ATTENDU qu’il y a lieu de condamner solidairement les prévenus à payer aux héritiers FALL la somme de cinq millions (5.000.000) francs à titre de dommages intérêts sous le bénéfice de l’exécution provisoire;
ATTENDU qu’il y a lieu de fixer la contrainte par corps au minimum et de condamner les prévenus aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par défaut réputé contradictoire à l’égard de Mané DIENF et Astou FALL, contradictoirement à l’égard des autres parties, en matière correctionnelle et en premier ressort;
– Déclare Cheikh Talibouya DIBA coupable de banqueroute frauduleuse et de banqueroute simple;
– Le condamne à six mois avec sursis;
– Déclare Mané DIENG et Astou FALL coupables de complicité de banqueroute frauduleuse;
– Les condamne chacune à 2 mois avec sursis;
– Condamne Cheikh DIBA, Mané DIENG et Astou FALL à payer aux héritiers FALL la somme de cinq millions de francs à titre de dommages intérêts;
– Ordonne l’exécution provisoire;
– Fixe la contrainte par corps au minimum;
– Condamne les prévenus aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jours, mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier;