J-05-287
SOCIETES COMMERCIALES – GROUPE DE SOCIETES – CONDITION JURIDIQUE DE LA FILIALE PAR RAPPORT A LA SOCIETE MERE.
Une société dans laquelle une société étrangère détient la totalité du capital social est considérée comme une filiale de cette société qui est la société mère. La filiale étant une société autonome, elle ne peut répondre des dettes de la société mère.
Article 179 AUSCGIE
(Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n°10 du 09 janvier 2004, BIAO-CI (MeNUAN ALIMAN)C/ Sté BUREAU VERITAS (Me ADJE ASSI METAN).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
En exécution de l’arrêt de la Cour Suprême n°391 du juillet 2003 portant condamnation de BUERAU VERITAS SA, Société de droit Français, la BIAO-CI a pratiqué une saisine – sur les biens meubles de la Société BUREAU VERITAS CI, Société Anonyme unipersonnelle pour avoir paiement de la somme principale de 459.550.000 F outre les frais et les intérêts de droit, soit 628.764.020 F;
Estimant qu’elle est tierce à l’arrêt de la Cour Suprême dont l’exécution est poursuivie, la société BUREAU VERITAS CI a saisi le juge des référés du tribunal de première instance d’Abidjan d’une action en contestation de ladite saisie – vente;
Par ordonnance n°4794 du 06 novembre 2003, le Juge des référés a annulé et donné main levée de la saisie – vente pratiquée le 15 octobre 2003 au motif que la BIAO – CI ne dispose d’aucun titre exécutoire à l’égard de la société BUREAU VERITAS CI;
La BIAO-CI a interjeté de cette ordonnance dont elle sollicite l’infirmation;
A l’appui de son recours, elle fait valoir que par contrat d’apport du 09 juin 2000, la société BUREAU VERITAS SA de droit Français a apporté à la société BUREAU VERITAS CI l’ensemble de son action;
Elle indique que par ce contrat d’apport, la société BUREAU VERITAS Côte d’Ivoire s’est substituée à la société BUREAU VERITAS SA de droit Français dans les litiges et les actions judiciaires;
Elle précise qu’en raison de cette substitution, c’est la société BUREAU VERITAS CI qui a procédé à la signification de l’arrêt de la Cour d’Appel N°910 du 28 juillet 2000 contre lequel pourvoi a été formé;
Elle conclut que conformément aux prescriptions de l’article 1134 du code civil, la société BUREAU VERITAS CI ne peut se soustraire de ses obligations et charges qui découlent du contrat d’apport;
En réplique, la société BUREAU VERITAS CI plaide in limine litis l’irrecevabilité de l’appel en application de l’article 164 du code civil au motif que l’acte d’appel ne mentionne pas le numéro de l’ordonnance attaquée;
Subsidiairement au fond, la société BUREAU VERITAS CI fait remarquer que le contrat d’apport du 09 juillet 2000 dont se prévaut la BIAO-CI ne peut donner lieu à une exécution forcée parce qu’il ne constitue pas un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Elle indique que la BIAO-CI en sa qualité de tiers au contrat d’apport sus-indiqué ne saurait en tirer profit du fait de l’effet relatif des conventions prescrit par l’article 1116 du code civil;
Elle fait remarquer que suivant le contrat d’apport, elle n’est tenue qu’à l’exécution des traités, marchés et conventions intervenus avec tous tiers, relativement à l’exploitation des biens et droits qui sont apportés et qu’elle ne saurait supporter l’exécution de la décision de la Cour Suprême qui n’est ni un traité, ni un marché, ni une convention;
Elle conclut qu’en réalité, elle est substituée au BUREAU VERITAS SA France que dans les actions judiciaires et non dans les décisions de justice;
En dernière réplique, la BIAO-CI allègue qu’elle a financé du café et du cacao au profit de la société Nouvelle socivex et que par le biais de sa succursale qui est la société BUREAU CI, le BUREAU VERITAS SA France s’était engagé à en assurer la tierce – détention des produits nantis;
Elle en déduit que cet engagement contractuel du BUREAU VERITAS SA France ayant été transmis à la Société BUREAU VERITAS CI, celle-ci se trouve tenue de la condamnation prononcée par la Cour Suprême;
Elle prétend que s’il est exact que le contrat ne nuit ni ne profite aux tiers, il en est autrement lorsque les parties ont stipulé pour autrui comme c’est le cas en l’espèce;
SUR CE
Considérant que les parties ont conclu; qu’il y a lieu de statuer par décision contradictoire;
EN LA FORME
Considérant que contrairement aux allégations de la société BUREAU VERTAS CI, l’article 164 du code de procédure civile ne fait nullement obligation à l’appelant de mentionner le numéro de la décision attaquée; que dès lors, l’appel relevé le 18 novembre 2003 avant la signification de l’ordonnance n°4794 du 06 novembre 2003 est recevable pour être conforme aux prescriptions de l’article 228 du code de procédure civile;
AU FOND
Considérant que l’article 179 de l’acte uniforme des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique dispose que :
"Une société est société mère d’une autre société quand elle possède dans la seconde plus de la moitié du capital;
La seconde société est la filiale de la première";
Considérant qu’en l’espèce, il résulte du contrat d’apport que la société BUREAU VERITAS SA France détient la totalité du capital de la BUREAU VERITAS CI; qu’il s’ensuit que celle-ci est la filiale de la société mère qui est le BUREAU CI SA France;
Or considérant qu’en principe, la filiale est une société autonome qui ne peut répondre des dettes de la société mère; que dès lors, la BIAO-CI est mal venue à entreprendre l’exécution de l’arrêt condamnant la société BUREAU VERITAS SA France sur le patrimoine de la société BUREAU VERITAS CI sauf pour elle, à justifier d’arguments juridiques pertinents;
Considérant qu’en cela, la BIAO-CI se prévaut d’une stipulation pour autrui en sa faveur en invoquant la cause du contrat d’apport qui énonce que "la société BUREAU VERITAS CI SA sera substituée à la société BUREAU VERITAS SA France dans les litiges et dans les actions judiciaires, tant en demande qu’en défense, devant toutes juridictions dans la mesure où ils concernent les biens et droits apportés";
Mais considérant que contrairement aux assertions de la BIAO-CI, cette clause ne contient aucune stipulation pour autrui qu’en réalité, elle ne permet qu’à la société BUREAU VERITAS CI de se substituer à sa société mère que pour les biens et droits apportés;
Or considérant que la dette de la société BUREAU VERITAS SA France résultant de l’arrêt de la Cour Suprême n°391 du 03 juillet 2003 n’est ni un bien, ni un droit figurant au nombre des apports faits; qu’il en découle que la société BUREAU VERITAS CI n’est pas substituée dans les obligations de la société BUREAU VERITAS SA France au point d’être tenue au paiement des dettes de celle-ci; que c’est à bon droit que le premier juge a ordonné la main levée de la saisie – vente pratiquée le 15 octobre 2003 par la BIAO-CI; qu’il y a lieu de confirmer l’ordonnance critiquée en toutes ses dispositions;
Des dépens
Considérant que la BIAO-CI succombe; qu’il y a lieu de la condamner aux dépens de l’instance;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit la BIAO-CI en son appel relevé de l’ordonnance n°4794 rendue le 06 novembre 2003 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND
L’y dit mal fondée;
L’en déboute;
Confirme l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions;
La condamne aux dépens.