J-05-288
RECOUVREMENT SIMPLIFIE DE CREANCE – INJONCTION DE PAYER EXPLOIT DE SIGNIFICATION DE L’ORDONNANCE – DIFFERENCE ENTRE LES MENTIONS CONTENUES DANS LE SECOND ORIGINAL ET LA COPIE SERVIE A LA DEBITRICE – IRREGULARITE DE L’EXPLOIT DE SIGNIFICATION – SANCTION.
Lorsqu’il existe une différence de mentions entre le second original de l’exploit de signification d’une ordonnance d’injonction de payer et la copie dudit exploit servi à la débitrice, l’exploit de signification est irrégulier et, de ce fait, il n’a pu faire couvrir le délai d’opposition.
Article 10 AUPSRVE
(Cour d’Appel, Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n°187 du 03 février 2004, Mme AKA Jeannette (Me Agnès OUANGUI) C/ M. TUO NAVIGUE Jules (Me BOTY BILIGOE).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par exploit en date du 12 février 2003 comportant ajournement au 15 avril 2003, Dame AKA Jeannette ayant pour conseil Maître Agnès Ouangui, Avocat à la Cour, a relevé appel du jugement civil contradictoire n°92 rendu sur opposition le 22 janvier 2003 par le tribunal de première Instance d’Abidjan qui en la cause, a statué comme suit :
"Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
Déclare Dame AKA Jeannette irrecevable en son opposition;
La condamne aux dépens;
Il ressort des pièces du dossier et énonciations jugement entrepris que par exploit en date du 5 décembre 2002 dame AKA jeannette a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer n°6463/2002 du 29 octobre 200xx l’ayant condamnée au paiement de la somme de 700.000 francs en principal;
Au soutien de son action, elle a fait valoir des moyens de forme et de fond;
Elle a d’abord soutenu la recevabilité de son opposition au motif que l’ordonnance querellée n’a pas été signifiée à sa personne mais à voisin;
Ensuite, elle a soulevé la nullité de l’exploit de signification et l’irrecevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer;
TUO Navigué Jules, a pour sa part, soulevé l’irrecevabilité de l’opposition en ce que l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée en la personne de Dame AKA Jeannette et que celle-ci a formé opposition hors délai;
Le Premier juge, pour déclarer irrecevable l’opposition de Dame AKA Jeannette, a relevé que l’examen des pièces produites atteste que celle-ci a reçu signification de l’ordonnance d’injonction de payer le 11 novembre 2002 et que cependant son opposition date du 5 décembre 2002, soit plut de quinze jours après, en violation des dispositions de l’article 10 de l’Acte Uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement;
Elle estime en effet que l’omission de cet avertissement rend nul et de nul effet cet exploit de signification lequel n’a pu, pour cette raison, faire courir le délai de recours de sorte que son opposition est recevable;
Au fond, Dame AKA Jeannette explique que la créance dont se prévaut TUO Navigué est constituée de la caution et de l’avance faites par lui aux fins d’occupation d’un appartement, dont elle est propriétaire, suite à un contrat de bail signé entre les parties;
Aussi, prétendant avoir effectué des travaux d’aménagement d’un montant de 1.144.000 francs pour permettre cette occupation, Dame AKA affirme qu’il y a compte à faire entre les parties de sorte que l’ordonnance attaquée doit être rétracté;
En réplique, TUO Navigué le canal de son conseil Maître BOTI Boligoé à la Cour, conclut à la confirmation du jugement entrepris, argument que l’ordonnance d’injonction de payer ayant été signifiée à dame AKA jeannette personnellement le 11 novembre 2002 son opposition datée du 5 décembre 2002 doit être déclarée irrecevable;
Sur la nullité de l’exploit de signification soulevée par l’appelante, il rétorque que l’avertissement prévu à l’article 8 précité existe bien dans l’exploit de signification;
Enfin, il fait valoir sur le fond que sa créance est certaine, liquide et exigible pour avoir été reconnue par Dame AKA Jeannette qui a fait des propositions de paiement;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel relevé par Dame AKA Jeannette le 12février 2003 du jugement rendu le 22 janvier sur opposition est intervenu dans les forme et délai de la loi;
Il échet de le déclarer recevable;
AU FOND
Sur la recevabilité de l’opposition
Sur ce point du litige, dame AKA Jeannette affirme c’est à tort que le premier juge a déclaré son opposition recevable tandis que TUO Navigué Jules conclut à l’irrecevabilité;
Il apparaît sur le second original de l’exploit de signification en date du 11 novembre 2002 que la signification a été faite à cette date à la personne de dame AKA Jeannette, appelante alors que la copie dudit exploit servie à la même date par le même huissier fait état de la signification à la personne de Dame AKA Léontine, sa sœur;
Or, les mentions portées sur l’original et la copie doivent être strictement identiques;
Cette anomalie entache d’irrégularité l’exploit de signification de sorte que le délai d’opposition de quinze jours n’a pas pu courir;
Il y a lieu en conséquence de déclarer l’opposition de Dame AKA Jeannette recevable comme intervenue dans le délai;
Sur la nullité de l’exploit de signification et l’irrecevabilité de la requête aux fins d’injonction
L’appelant conclut à la nullité de l’exploit de signification au motif qu’il ne comporte pas l’avertissement prévu par l’article 8 de l’acte uniforme relatif aux procédures de recouvrement;
Contrairement à ses prétentions, il ressort de cet acte que le débiteur a été bien averti des conséquences qui résulteraient défaut, défaut par lui de former opposition dans le délai de quinze jours à compter de la signification;
Informée, elle a relevé opposition le 5 décembre 2002;
Dès lors, l’exception de nullité par elle soulevée n’est pas fondée;
Elle excipe par ailleurs de l’irrecevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer en date du 22 octobre 2002 pour défaut de mentions relatives à sa profession et à son domicile conformément à l’article 4 de l’acte uniforme portant recouvrement de créance;
Les mentions sont exigées en ce qu’elles permettent d’identifier le débiteur;
En l’espèce, Dame AKA Jeannette a été identifiée et n’a en aucun moment contesté sa qualité de débitrice; il y a donc lieu également de rejeter cette exception;
Sur la créance
L’appelante allègue que le jugement entrepris doit être infirmé au motif qu’il y a compte à faire entre les parties pour avoir effectué des travaux d’aménagement d’un montant de 1.144.000 francs;
Le moyen ne saurait prospérer dès lors que Dame AKA Jeannette, en sa qualité de propriétaire a effectué ces travaux sur sa propre maison, laquelle n’a jamais été habituée par TUO Navigué qui avait renoncé au contrat de bail après la visite des lieux;
La somme de 700.000 francs par lui remise constituant la caution et l’avance par lui faite à Dame AKA Jeannette et n’ayant pas fait l’objet de restitution, représente une créance certaine, liquide et exigible. Il convient en en conséquence de décaler Dame Aka Jeannette fondée en son appel, d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de déclarer, son opposition recevable tout en restituant à l’ordonnance querellée son plein et entier effet;
Il y a lieu de condamner l’appelant qui succombe aux dépens conformément à l’article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare recevable l’appel régulièrement relevé par Dame AKA Jeannette du jugement civil contradictoire n°92 rendu le 22 janvier 2003 par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable l’opposition de dame Aka Jeannette;
Statuant à nouveau;
Déclare ladite opposition recevable mais mal fondé et la rejette comme telle;
Condamne dame Aka Jeannette à payer Monsieur TUO NAVIGUE la somme de 700.000 F;
Condamne Dame AKA Jeannette aux dépens.