J-05-290
RECOUVREMENT SIMPLIFIE DE CREANCE – INJONCTION DE PAYER – CARACTERE CERTAIN DE LA CREANCE – DOUTE SUR L’IDENTITE DU DEBITEUR – CARACTERE INCERTAIN DE LA CREANCE.
Une créance est certaine non seulement lorsqu’elle existe et son montant déterminé mais aussi lorsque l’identité du débiteur est clairement indiquée. Doit par conséquent être considérée comme incertaine la créance dont l’identité du débiteur n’est pas établie de façon certaine.
(Cour d’Appel, Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n°273 du 13 février 2004, Sté AUDIT et CONSEIL (Me Jean Yves BERTHE) C/ Entreprise Individuelle CLIC INFO).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Considérant que par exploit en date du 26 mars 2003, la société S. A AUDIT ET CONSEIL, représentée par M. ARMAND Stéphane son gérant, ayant pour conseil Maître Jean Yves BERTE, Avocat à la Cour, a relevé appel du jugement n°154/CIV3 rendu le 26 février 2003, sur opposition à ordonnance d’injonction de payer, par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau qui en cause a statué comme suit :
"Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort;
Déclare la Société audit et conseil irrecevable en son opposition;
La condamne aux dépens";
Considérant qu’il résulte des énonciations du jugement querellé que par ordonnance d’injonction de payer n° 6403/2002 du 22 octobre 2002, la société SA AUDIT ET CONSEIL a été condamnée à payer au profit de l’entreprise CLIC INFO la somme en principale de 4.224.000 F;
Qu’en exécution de cette ordonnance d’injonction de payer, un commandement de payer, un commandement de payer a été servi le 29 novembre 2002 à la société SA AUDIT ET CONSEIL;
Que suite à ce commandement de payer, la société AUDIT ET CONSEIL a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer, par exploit en date du 16 décembre 2002;
Considérant que pour déclarer irrecevable l’opposition formée par la société SA AUDIT ET CONSEIL, le premier juge a d’abord relevé que la première mesure d’exécution entreprise contre la société audit et conseil est intervenue le 28/11/2002 avec le commandement préalable de payer, avant de conclure qu’à la date du 16/12/2002, date à laquelle la société SA AUDIT ET CONSEIL a formé opposition, le délai de 15 jours prescrit était largement expire;
Considérant qu’au soutien de son appel, la société SA AUDIT et Conseil sollicite d’abord l’annulation du jugement querellé aux motifs que contrairement aux énonciations dudit jugement, son opposition était bien recevable;
Qu’il explique à cet effet que jusqu’à ce qu’intervienne le commandement de payer en date du 29 novembre 2002, elle n’avait pas été informée de la procédure d’injonction de payer diligentée contre elle d’une part parce que la saisie avait été pratiquée en vertu de l’ordonnance d’injonction de payer son ancienne adresse sise à l’immeuble AIR France d’où elle avait déménagé de puis le mois de septembre 2002, d’autre part parce qu’elle n’a jamais reçu le moindre avis par la poste l’information d’un quelconque dépôt d’acte Mairie.
Qu’il cite l’article 10 alinéa 2 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui dispose que "toutefois si le débiteur n’a pas reçu personnellement la signification de la décision portant injonction de payer, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours suivant le premier acte signifié à personne ou à défaut suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indispensable en tout ou en partie les biens du débiteur"
Qu’il estime donc que son opposition était recevable d’une part parce que la première mesure d’exécution qui est le commandement de payer est intervenue le 29 novembre 2002 d’autre part parce que le 15e jour étant tombé le dimanche 15 décembre, le lundi 16 décembre, le premier jour ouvrable suivant était encore une date utile puisque les délais prévus par le code de procédure civile sont des délais francs;
Considérant que la société SA AUDIT ET CONSEIL, représentée par M. ARMAND Stéphane sollicite aussi que la Cour, évoquant la cause, déboute l’entreprise CLIC INFO de sa demande en recouvrement;
Qu’elle explique sur ce point que dans le courant de l’année 2001, l’Etat de Côte d’Ivoire, ayant décidé d’engager des actions vigoureuses contre la fraude fiscale, avait sollicité et obtenu une ordonnance sur requête n°262 du 22 janvier 2001 désignant Monsieur ARMAND Stéphane, expert comptable gérant la société SA AUDIT ET CONSEIL, en qualité d’Administrateur provisoire d’un certain nombre de société formant le groupe HYJAZY;
Que dans le cadre de son travail, l’Administrateur provisoire dont l’une des missions était de sauvegarder les données comptables et financières du système informatique des sociétés du groupe HYJAZY, a fait appel à l’entreprise CLIC INFO représentée par M. KOUASSI N’DRI Alexandre;
Que cependant, le 1er février 2001,le Président de Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau, par ordonnance N°443/2001 a rétracté l’ordonnance n°262 du 22 janvier 2001 qui désignait l’Administrateur provisoire;
Qu’en raison de cette ordonnance de rétractation, l’Administrateur provisoire avait cessé sa mission alors que de son côté, l’entreprise CLIC INFO avait continué et achevé la sienne et présenté à cet effet une facture d’un montant de 4.224.000 F d’abord au groupe HYJAZI, puis à titre personnel l’Administrateur provisoire;
Que c’est devant le refus légitime de l’Administrateur provisoire d’honorer la facture que l’entreprise CLIC INFO a obtenu contre lui une ordonnance d’injonction de payer;
Que la dette engendrée par l’activité de l’Administrateur provisoire du groupe HYJAZY ne peut être poursuivie sur les biens personnels de l’Administrateur mais sur ceux des sociétés de groupe HYJAZI qui possèdent chacune une personnalité morale, d’autant qu’il faut considérer que dans le cadre de sa mission, l’Administrateur provisoire substitue de façon temporaire le dirigeant de chaque société du groupe HYJAZY, alors qu’il est bien connu que les dettes d’une personne morale ne sont pas poursuivies sur les biens personnels de dirigeant;
Qu’ainsi, la Cour doit constater qu’il y a une distinction entre le patrimoine de l’Administrateur provisoire et celui des sociétés sous administration provisoire et décider en conséquence que la créance de l’entreprise CLIC INFO envers l’ex Administrateur provisoire n’est pas bien fondée;
Considérant que la société appelante produit des pièces;
Considérant que la société INFORMATIQUE, en réplique a conclu à la confirmation du jugement querellé et a déclaré s’en tenir aux observations déjà faites devant le premier juge;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que l’acte d’appel a été servi à KOUASSI N’DRI, représentant de l’entreprise individuelle CLIC INFO, à personne; lequel a d’ailleurs conclu;
Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement;
Considérant que l’appel a été interjeté selon les dispositions légales;
Qu’il échet de le déclarer recevable;
AU FOND
Sur la recevabilité de l’opposition formée par la société SA AUDIT ET CONSEIL
Considérant que l’opposition formée par la société SA AUDIT ET CONSEIL a été déclarée irrecevable par le premier juge aux motifs que la première mesure d’exécution entreprise contre elle étant intervenue le 28 novembre 2002 avec le commandement préalable de payer, à la date du 16 décembre 2002, date à laquelle elle a formée opposition, le délai de 15 jours prescrit était largement expiré;
Considérant qu’il n’est pas produit au dossier un acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer de sorte que pour la computation du délai d’opposition, il y a lieu en application de l’article 10 alinéa 2 de l’acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, de commencer la computation du délai d’opposition à partir du premier acte signifié à personne ou de la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indispensable en tout ou en partie les biens du débiteur;
Considérant que dans la cause, le commandement de payer est le premier acte signifié à personne d’autant qu’il a été reçu dans les bureaux de la société SA AUDIT ET CONSEIL;
Considérant que ce commandant produit au dossier date non pas du 28 novembre 2002 mais du 29 novembre 2002;
Considérant que la franchise des délais implique d’une part que le premier jour à partir duquel devrait commencer à courir le délai prescrit par la loi n’est pas pris en compte dans la computation du délais d’autre part que le dernier jour est également exclu de sorte que l’acte à accomplir peut l’être le lendemain de ce dernier jour et au cas où le lendemain de ce dernier tombait un dimanche ou jour férié, l’acte peut être accompli au premier jour ouvrable suivant;
Considérant qu’il résulte de l’article 10 précité que le délai pour faire opposition est de 15 jours;
Considérant que le commandement préalable de payer étant intervenu le vendredi 29 novembre 2002, c’est à partir du samedi 30 novembre qu’il faut commencer à compter le délai de 15 jours;
Qu’en procédant ainsi, le 15ème jour tombe le samedi 14 décembre 2002;
Que le dernier jour n’étant pas pris en compte, l’acte à accomplir pouvait l’être le lendemain du 14 décembre;
Que ce lendemain 15 novembre étant un dimanche, l’opposition pouvait être formée le premier jour ouvrable suivant, c’est-à-dire le lundi 16 novembre 2002;
Considérant que l’appelant avait formé son opposition le lundi 16 novembre 2002;
Qu’il s’en suit que cette opposition a été formée dans le délai de 15 jours prescrit par la loi de sorte qu’elle était recevable;
Qu’il y a lieu, le premier juge l’ayant déclaré à tort irrecevable d’infirmer le jugement et de statuer à nouveau;
Evocation
Considérant qu’en vertu de l’article 1er de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la procédure d’injonction de payer n’est ouverte qu’au créancier justifiant d’une créance certaine, liquide et exigible;
Considérant que la condition de certitude exigée par la loi s’entend non seulement de la certitude quant à l’existence et au montant de la créance, mais aussi de la certitude quant à l’identité du débiteur;
Considérant que la créance du demandeur à injonction de payer se fonde sur une facture, produite aux débats, évaluant les travaux effectués à la somme de 4.224.000 francs;
Considérant que l’examen de cette facture relève qu’elle est adressée au groupe HYJAZI;
Que curieusement, c’est contre la société SA AUDIT ET CONSEIL que la procédure d’injonction de payer est diligentée;
Considérant qu’il en résulte une incertitude sur l’identité du débiteur;
Considérant qu’en vertu de l’article 5 du même acte uniforme, la requête qui n’est pas conforme aux exigences légales relatives à la créance doit être rejetée comme non fondée;
Qu’il y a lieu, de rejeter la requête en injonction de payer introduite par l’entreprise CLIC INFO, quitte à elle, à procéder selon les voies de droit commun;
Sur les dépens
Considérant que l’intimée succombe;
Qu’il échet, en application des dispositions de l’article 149 du code de procédure civile, commerciale et administrative, de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit la Société SA AUDIT ET CONSEIL SARL, représentée par ARMAND Stéphane en son appel relevé le 26 mars 2003;
AU FOND
L’y dit bien fondé;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement n°154/CIV 3 rendu le 26 février 2003 par le Tribunal de Premier Instance d’Abidjan-Plateau;
Statuant à nouveau;
Rejette la requête en injonction de payer introduite contre la société SA AUDIT ET CONSEIL par l’entreprise CLIC INFO représentée par KOUASSI N’DRI Alexandre;
Condamne aux dépens l’entreprise CLIC INFO;