J-05-295
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT – INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – DELAI DE GRACE SOLLICITE – SITUATION FINANCIERE DIFFICILE – DELAI ACCORDE.
Il y a lieu d’accorder le délai de grâce sollicité par le débiteur qui fait opposition à l’ordonnance d’injonction de payer, lorsque l’analyse des pièces versées au dossier révèle qu’il connaît une situation financière difficile.
Article 9 AUPSRVE
Article 39 AUPSRVE
Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, DEUXIEME CHAMBRE COMMERCIALE, jugement du 3 Mai 2001 en audience publique, SOCIETE S.I.A.R-BENIN c/ SOCIETE S.I.T.R.A.C.
LE TRIBUNAL,
Par exploit en date du 03 Juillet 2000, la Société SIAR-BENIN a attrait devant le Tribunal de céans, la Société d’Importation, de Transformation et de Commercialisation (SITRAC) pour faire opposition contre l’injonction de payer n° 413/2000 en date du 07 Juin 2000;
Attendu qu’en réplique, la Société SITRAC explique que par un protocole d’accord du 22 Mars 1999, elle est entrée en partenariat avec la SIAR-BENIN aux fins de commercialiser les noix de cajou produits par l’Association des Producteurs d’Anarcade (A.P.A);
Que l’article 4 dudit protocole dispose qu’ »au fur et à mesure que les clients étrangers procèderont aux virements des fonds sur le compte de la SIAR- BENIN. Celle-ci devrait les transférer intégralement sur le compte de la SITRAC »;
Que ce principe n’a plus été respecté par la SIAR-BENIN;
Que cette dernière prétexta du fait que ses comptes ont été bloqués pour cause d’opposition d’un tiers;
Qu’ainsi, la SIAR -BENIN lui est débitrice de la somme de 18.343.392F qu’elle ne parvient pas à rembourser;
Qu’elle dû adresser un requête afin d’injonction de payer au Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou afin d’obtenir l’ordonnance l’autorisant à recouvrer sa créance;
Qu’elle conclut qu’il plaise au Tribunal :
– Constater la volonté de SIAR -BENIN de ne pas lui payer sa créance de 18.343.392F;
– Constater que les agissements de SIAR- BENIN lui ont causé des dommages;
– Lui accorder en conséquence des dommages-intérêts de dix millions(10.000.000) F CFA;
– Condamner la SIAR BENIN aux intérêts de droit à compter de l’assignation;
– Débouter la requérante de toutes ses prétentions et la condamner aux dépens;
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que de l’analyse du dossier, il ressort que la Société SIAR- BENIN reconnaît devoir à la SITRAC la somme de 18.343.392F CFA;
Que toutefois, sur le fondement de l’article 39 de l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif aux procédures de recouvrement simplifiées et aux voies d’exécution, elle sollicite, compte tenu de la situation financière difficile qu’elle traverse, un délai de grâce d’une année pour solder son compte;
Attendu que cette demande est fondée, l’analyse des pièces versées au dossier par le requérant ayant révélées que la Société SIAR -BENIN connaît actuellement une situation financière difficile;
Qu’il échet de faire droit à sa demande en ramenant toutefois le délai à 09 mois;
Attendu que la demande de dommages-intérêts faite par la SITRAC n’est pas fondée;
Qu’il échet de la rejeter;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
– Constate que la Société SIAR- BENIN reconnaît sa dette de 18.343.392F CFA sur la Société SITRAC;
– Lui donne acte de son offre de payer à la SITRAC la somme sus-indiquée pour solde de tout compte de leur partenariat;
– Lui accorde un délai de grâce de neuf (09) mois;
– Ordonne que soit suspendue à son égard toute procédure d’exécution pendant ladite période;
– Déboute la SITRAC de sa demande de dommages-intérêts;
– Réserve les dépens.-
Et ont signé, le Président et le Greffier,
LE PRESIDENT LE GREFFIER
OBSERVATIONS
Dans l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le législateur communautaire a voulu mettre en place un système permettant au créancier de parvenir au recouvrement de sa créance sans entrave. Mais la protection du débiteur n’est pas toujours absente de ses préoccupations. C’est pourquoi, il a prévu des mesures d’humanisation des saisies. Il a aussi et surtout adopté des mesures d’aménagement de la dette. C’est ce qui explique la possibilité donnée au débiteur, dans l’article 39 AU/RVE, de demander des délais de paiement.
Mais peut-on mettre en œuvre les dispositions de l’article 39 dans le cadre d’une opposition à une ordonnance d’injonction de payer ? Peut-on, en d’autres termes, faire opposition à l’ordonnance portant injonction de payer uniquement pour demander des délais ? A notre avis une réponse négative s’impose. En accordant au débiteur le droit de faire opposition à l’ordonnance portant injonction, le législateur communautaire a entendu lui donner la possibilité d’introduire la contradiction et de faire valoir ses moyens de défense dans une procédure conduite, jusqu’à l’ordonnance, de manière unilatérale par le créancier. Il s’agit donc de moyen ayant pour objet de contester l’existence de la créance et non de demander uniquement des délais.
C’est ce qu’a décidé le tribunal régional de Dakar dans le jugement rendu le 24 novembre 2004 (Sagor Diop c/ la SDV, Ohadata J-05-129). Le tribunal était d’ailleurs allé très loin en condamnant le débiteur qui a fait opposition uniquement pour demander un délai à des dommages et intérêts pour procédure abusive.