J-05-299
1 – DELAI DE GRACE – JUGES DES REFERES – COMPETENCE – DELAI DE GRACE SOLLICITE DANS LE CADRE D’UNE CONDAMNATION A PAYER DES DOMMAGES ET INTERETS EN MATIERE COMMERCIALE (oui).
2 – DELAI DE GRACE – DEBITEUR MALHEUREUX MAIS DE BONNE FOI – CREANCIER AYANT UNE SITUATION SAINE – DELAI ACCORDE (oui).
1/- Le juge des référés peut statuer sur une demande de délai de grâce dès lors qu’il est compétent pour régler les difficultés d’exécution de jugements ou d’arrêts.
2/- Le délai de grâce est une disposition bienveillante que le juge a le loisir d’accorder lorsque le débiteur est malheureux mais de bonne foi et qu’aucune preuve d’une quelconque situation difficile du créancier n’est rapportée au dossier.
Article 39 AUPSRVE
Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, Référé Commercial, Audience du 31 juillet 2002, Société SESSIG BEDE et Cie / Bank of Africa
L’An deux mille deux;
Et le Trente et un Juillet;
Nous Eugénie SEDOLO-AFFO, Juge-Président, au Tribunal de Première Instance de Cotonou, tenant l’audience des Référés Commerciaux en notre Cabinet assistée de Maître Marcien S. A. KASSA, Greffier, avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEURS :
– La Société SESSI GBEDE & Cie dont le siège est sis au carré 1070 Vodjè, 03 BP : 1572 Cotonou, agissant aux poursuite et diligence de son gérant, Monsieur André DJENGUE, demeurant et domicilié ès qualité au siège de ladite société;
– Monsieur André DJENGUE, demeurant et domicilié au carré n° 1070 Vodjè Cotonou;
Assistés tous de Maître Eric A. G. BINOUYO, Avocat à la Cour;
D’UNE PART
DEFENDERESSE :
La Bank of Africa (BOA-BENIN), Société anonyme dont le siège social est à Cotonou, Boulevard de la France, 08 BP 0879, Tél : 31-32-28, prise en la personne de ses représentants légaux notamment le Directeur Général, demeurant et domicilié ès qualité au siège de ladite Société;
Assistée de Maître CAMPBELL, Avocat à la Cour;
D’AUTRE PART
Par exploit du 30 Mai 2001 la Société SESSI GBEDE et Monsieur André DJENGUE ont attrait devant le Tribunal de Première Instance de Cotonou statuant en matière de référé commercial la Bank of Africa pour au principal renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais dès à présent vu l’urgence :
– Recevoir les requérants en leur action;
– Les y dire entièrement fondés;
– Constater la bonne foi et les difficultés financières passagères des requérants;
– Accorder au profit des requérants un délai de grâce de douze mois pour payer leur dette;
– Ordonner l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans caution sur minute et avant enregistrement;
– Condamner la requise aux dépens;
A l’appui de leur requête la Société SESSI GBEDE et Monsieur DJENGUE André s’était porté caution personnelle et solidaire;
Qu’une affaire malheureuse encore pendante par devant le Tribunal de céans a fait perdre au requérant près de cent dix millions (110.000.000) Francs CFA et a sérieusement obéré leur situation financière en les réduisant à de menus affaires;
Que par ailleurs que poursuivant le recouvrement de sa créance, la requise a entrepris d’exécuter les requérants qui souhaiteraient bénéficier des dispositions de l’article 39 de l’Acte Uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution;
Que dans ces conditions ils ont grand intérêt à bénéficier d’un délai de grâce;
La Bank Of Africa soulève l’incompétence du juge des référés commerciaux, motifs pris de ce que la créance pour laquelle les requérants sollicitent un délai de grâce est issue d’une procédure qui est pendante devant la Cour d’Appel, qu’au surplus la Bank of Africa a déjà accordé aux requérants plus de trois ans pour payer leur dette mais ils ne l’ont pas fait et sollicite du juge des référés de les débouter de la demande d’un nouveau délai de grâce;
SUR LE MOYEN TIRE DE L’INCOMPETENCE DU JUGE DES REFERES COMMERCIAUX
Attendu que le juge des référés est compétent chaque fois qu’il s’agit d’une difficulté afférente à une décision de justice;
Qu’en l’espèce c’est par rapport à une décision de condamnation au paiement de dommages-intérêts;
Que le juge des référés est saisi pour le délai de grâce;
Qu’en l’espèce toutes les parties au procès sont commerçantes et le délai de grâce sollicité l’est dans le cadre d’une condamnation à payer des dommages-intérêts en matière commerciale;
Que le juge des référés qu’il soit civil ou commercial est compétent pour régler les difficultés d’exécution de jugements ou d’arrêts;
Qu’il y a donc lieu de se déclarer compétent;
SUR LE DELAI DE GRACE
Attendu que le délai de grâce est prévue par les dispositions bienveillantes de l’article 39 de l’Acte OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement ou des voies d’exécution que pour le délai de grâce il suffit pour le débiteur de saisir le juge compétent comme c’est le cas en l’espèce;
Etre de bonne foi, être en difficulté que le délai est accordé en tenant compte de la situation du créancier qu’en l’espèce, la Société SESSI GBEDE & Compagnie ainsi que Monsieur DJENGUE André ont reconnu devoir;
Qu’une affaire de 110.000.000F CFA a complètement obéré sa situation financière et de grand commerçant ils sont réduits à de menus affaires qui leur permettent de survivre;
Que la banque ECO BANK n’a pas rapporté la preuve que sa situation est obérée, qu’au contraire elle se porte bien et ses affaires marchent à merveille;
Que les délais de procédure qui font que, la décision frappée d’appel n’a pas encore été exécutée ne sauraient être calculées par la Société ECO BANK BENIN comme un délai de grâce;
Que le délai de grâce est une disposition bienveillante que le juge a le loisir d’accorder lorsque le débiteur est malheureux mais de bonne foi comme c'est le cas en l’espèce;
Qu’aucune preuve d’une quelconque situation difficile de ECO BANK n’est rapportée au dossier;
Que cette banque peut attendre un an pour percevoir son dû;
Qu’il y a lieu d’accorder à la Société SESSI GBEDE Compagnie et à Monsieur André DJENGUE un délai de grâce de douze mois (12) mois pour payer sa dette, de dire que pendant ledit délai de grâce la banque doit surseoir à toutes sortes de mesures d’exécution et de poursuite à l’égard des requérants;
SUR L’EXECUTION PROVISOIRE DE LA PRESENTE DECISION SUR MINUTE AVANT ENREGISTREMENT
Attendu que l’exécution provisoire de la présente décision a été sollicitée sur minute et avant enregistrement nonobstant toutes voies de recours;
Que la Société SESSI GBEDE et Monsieur DJENGUE André craignent des procédures de saisie à leur encontre;
Il y a urgence et péril en la demeure et bien d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement conformément à l’article 811 du Code de Procédure Civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé commercial et en premier ressort;
– Au principal renvoyer les parties à mieux se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais dès à présent, vu l’urgence;
EN LA FORME
– Recevons les parties en leurs exceptions et demandes ;
– Nous déclarons compétent;
AU FOND
– Accordons à la Société SESSI GBEDE & Cie et à Monsieur André DJENGUE un délai de grâce de douze (12) mois à payer sa dette;
– Ordonnons la suspension de toutes les poursuites à l’encontre des requérants pendant ledit délai de grâce;
– Assortissons notre ordonnance de l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement;
– Condamnons la Société ECO BANK aux entiers dépens;
– Délai d’appel : 15 jours.
Et avons signé avec notre Greffier,
LE PRESIDENT LE GREFFIER
OBSERVATIONS
par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Faculté de Droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Le législateur communautaire a, dans l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, accordé beaucoup de prérogatives aux créanciers. Dans le même temps, il s’inscrit dans une perspective d’humanisation des voies d’exécution en assurant la protection du débiteur. A cet égard, il a assuré la protection de la personne du débiteur en instituant des mesures destinées à préserver sa vie privée et sa tranquillité. Il a aussi et surtout édicté des règles ayant pour objet d’alléger le poids de la dette. C’est ainsi qu’après avoir posé la règle selon laquelle le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie une dette, même divisible, il donne au juge le pouvoir d’accorder un délai ne dépassant pas une année. C’est de ce pouvoir que fait usage le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Cotonou dans l’ordonnance du 31 juillet 2002. Dans cette ordonnance, le juge des référés, après avoir tranché la question de compétence soulevée par le créancier, a décidé qu’il y a lieu d’accorder un délai de grâce au débiteur lorsque celui-ci est malheureux mais de bonne foi et que le créancier ne rapporte pas la preuve que sa situation est obérée.