J-05-300
VOIES D’EXECUTION – REGLES GENERALES – DELAI DE GRACE – DIFFICULTES FINANCIERES DU DEBITEUR – BONNE FOI – APPRECIATION SOUVERAINE DES JUGES.
Le délai de grâce peut être accordé, en tenant compte de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, par le tribunal qui dispose à cet égard d’un pouvoir souverain d’appréciation.
Article 39 AUPSRVE
Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, 1ère Chambre Commerciale, jugement du 15 juillet 2002, SIEA BENIN c/ COBENAM
PRESIDENT : Madame Michèle CARRENA - ADOSSOU
MINISTERE PUBLIC : Madame Thérèse KOSSOU
GREFFIER : Maître KASSA S.A. Marcien
DEBATS : le 29 Avril 2002 en Audience publique;
Jugement contradictoire en premier ressort;
Prononcé le 15 Juillet 2002 en audience publique;
PARTIES EN CAUSE
Demanderesse :
La Société SIEA-BENIN, dont le siège social est sis au carré 443 – 444 SIKECODJI – Cotonou, agissant aux poursuites et diligences de ses représentants légaux, demeurant et domiciliés ès-qualité audit siège;
Assistée de Maître Alphonse C. ADANDEDJAN, Avocat à la Cour;
D’UNE PART
DEFENDERESSE :
La Compagnie Béninoise de Navigation Maritime (COBENAM), dont le siège social est sis à Cotonou, GANHI, Zone Commerciale, prise en la personne de ses représentants légaux, demeurant et domiciliés ès-qualité audit siège;
Assistée de Maître W. de SOUZA, Avocat à La cour,
D’AUTRE PART
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
Le Ministère Public entendu;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par exploit en date à Cotonou du 16 Janvier 2001 de Maître Wakili LAGUIDE, Huissier de Justice, la Société SIEA-BENIN assistée de Maître Alphonse ADANDEDJAN, Avocat à la Cour a attrait devant le Tribunal de Première Instance de Cotonou statuant en matière commerciale, la Compagnie Béninoise de Navigation Maritime (COBENAM) aux fins de :
– Constater qu’elle est débitrice de la COBENAM de la somme de Francs CFA 3.825.015;
– Constater que de bonne foi et en dépit de ses difficultés financières, elle a entrepris le paiement de sa dette,
– Constater que le solde de la créance qu’elle doit est de 3.725.015F CFA;
– Lui accorder un délai de grâce de un (01) an;
– Ordonner la suspension de toutes poursuites éventuelles à son encontre pendant ce délai;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision nonobstant toutes voies de recours;
Que pour soutenir ses demandes, elle expose que dans le cadre de ses relations d’affaires avec la COBENAM, elle est débitrice de cette dernière de la somme de 3.825.015F CFA;
Qu’en raison de ses difficultés financières persistantes depuis six (06) ans déjà, elle n’a pas été en mesure de désintéresser la défenderesse;
Qu’étant de bonne foi, elle a néanmoins entrepris de faire des versements périodiques aux fins de règlement de sa dette;
Qu’ainsi le 07 Décembre 1998 et en dépit des difficultés financières auxquelles elle se trouvait confrontée, elle a cru devoir verser 100.000F CFA;
Que la SIEA-BENIN est en train d’entreprendre actuellement des démarches afin que sous peu ses dettes sociales soient sensiblement réglées;
Qu’aux termes de l’article 39 de l’Acte Uniforme relatif au recouvrement et voies d’exécution, un délai de grâce d’un (01) an peut être accordé à tout débiteur dont la situation financière est obérée;
Que sa dette envers la Compagnie Béninoise de Navigation Maritime (COBENAM) n’est pas une dette cambiaire;
Attendu qu’en réplique la COBENAM demande au Tribunal de :
– Constater que la Société SIEA Sarl ne produit pas la preuve des prétendues difficultés financières qu’elle invoque;
– Constater qu’il résulte des faits de la cause que ladite Société ne saurait être considérée comme étant de bonne foi;
– Constater que ses besoins n’autorisent pas une prorogation des délais de paiement de la dette en cause déjà ancienne;
– Débouter la Société SIEA de toutes ses demandes, fins et conclusions;
– Qu’à l’appui de ses demandes, elle développe que s’agissant de l’article 39 de l’Acte Uniforme relatif au Recouvrement et Voies d’exécution, son application relève de l’appréciation souveraine du juge;
Que la Société SIEA Sarl ne saurait être suivie uniquement sur ses allégations;
Que la créance querellée remonte au 03 Décembre 1998;
Que la Société SIEA Bénin a souscrit l’engagement de payer 200.000F CFA mensuellement qu’elle n’a jamais respecté;
Que depuis 1998 elle a coupé tout contact avec la COBENAM;
Que la dette de la Société SIEA Bénin est une dette cambiaire;
1°/ SUR LE DELAI DE GRACE SOLLICITE
Attendu que la Société SIEA-BENIN sollicite un délai de grâce de un (01) an;
Attendu que le délai de grâce peut être accordé en tenant compte de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier;
Qu’en l’espèce la Société SIEA BENIN ne conteste pas sa dette de 3.825.015F CFA à l’égard de la COBENAM;
Qu’afin de solder ladite dette, elle a souscrit l’engagement le 03 Décembre 1998 de payer mensuellement 200.000F CFA;
Qu’ainsi le 07 Décembre 1998, elle a versé 100.000F CFA à la COBENAM ramenant ainsi sa dette à 3.725.015F CFA;
Que ses difficultés financières ne lui ont pas permis d’honorer ses engagements;
Qu’il y a lieu de constater que la Société SIEA – Bénin est de bonne foi;
Que le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation;
Qu’il échet d’accorder à la Société SIEA-BENIN un délai de grâce de six (06) mois à compter de la date du prononcé du présent jugement;
2°/ SUR L’EXECUTION PROVISOIRE
Attendu que la Société SIEA- BENIN demande l’exécution provisoire du présent jugement;
Attendu que l’exécution provisoire n’est ordonnée qu’en cas de péril en la demeure ou d’urgence;
Qu’il est impérieux d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement afin de permettre à la Société demanderesse de mettre à profit le délai de grâce pour se faire une meilleure santé financière;
Que l’exécution provisoire permettra au jugement de produire ses effets immédiats dès son prononcé;
Qu’il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit la Société SIEA- BENIN en son action;
AU FOND
– L’y déclare bien fondée;
– Accorde un délai de grâce de six (06) mois à la Société SIEA -BENIN à partir de la date du prononcé du présent jugement;
– Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement;
– Condamne la Société SIEA- BENIN aux entiers dépens.-
– Délai d’Appel : Deux mois.
Et ont signé, le Président et le Greffier,
PRESIDENT LE GREFFIER
OBSERVATIONS
par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Faculté de Droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Faisant usage des pouvoirs qui sont reconnus au juge par l’article 39 AU/RVE qui prévoit des mesures d’aménagement de la dette, le Tribunal de Première Instance de Cotonou a, après avoir constaté les difficultés financières du débiteur qui ne lui ont pas permis d’honorer ses engagements ainsi que sa bonne foi, a décidé d’accorder à celui-ci un délai de grâce de six mois.