J-05-301
VOIES D’EXECUTION – REGLES GENERALES – DELAI DE GRACE – APPRECIATION SOUVERAINE DE LA SITUATION ECONOMIQUE DU DEBITEUR.
Lorsque le débiteur sollicite un délai de grâce en vertu de l’article 39 de l’AUPSRVE, le juge apprécie souverainement sa bonne foi et sa situation financière obérée pour lui accorder ledit délai.
Article 39 AUPSRVE
Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, Référé Commercial, ordonnance du 14 août 2002, Valère HOUNTOU c/ Sté DAMEL et Nouvelle Société Béninoise
L’An deux mille deux;
Et le Quatorze Août;
Nous Eugénie SEDOLO-AFFO, Juge-Président, au Tribunal de Première Instance de Cotonou, tenant l’audience des Référés Commerciaux en notre Cabinet assistée de Maître Marcien S. A. KASSA, Officier de Justice, avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEUR :
Monsieur Valère HOUNTON, Gérant de la Boulangerie la Paix, demeurant et domicilié à Cotonou carré N° 954 Etoile Rouge;
Assisté de Maître Antoine Marie Claret BEDIE, Avocat à la Cour;
D’UNE PART
DEFENDERESSES :
1°) La Société DAMEL dont le siège social est sis Avenue Monseigneur STEIMETZ, carré N° 361 en face de AMESSOUWE, prise en la personne de son représentant légal;
Assistée de Maître Cyrille DJIKUI, Avocat à la Cour;
2°) La Nouvelle Société Béninoise dont le siège social est sis à Aïdjèdo Hôtel Yamadjako, prise en la personne de son représentant légal en exercice audit siège;
Assistée de Maîtres Gabriel et Romain DOSSOU, Avocats à la Cour;
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
Le Ministère Public entendu;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Par exploit en date du 14 Janvier 2001, Monsieur Valère HOUNTON a attrait la Société DAMEL et la Nouvelle Société Béninoise prises en la personne de leurs représentants légaux, devant le Tribunal de céans, statuant en matière de référé commercial pour;
– Au principal, renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence;
– Constater qu’il est de bonne foi;
– Ordonner la cessation de toute poursuite policière et /ou judiciaire à son encontre;
– Lui accorder un délai de grâce de un (01) an en vue de lui permettre de solder les restes dus;
A l’appui de sa demande, Monsieur Valère HOUNTON expose qu’il est débiteur d’une part de la Société DAMEL de la somme de 6.000.000F CFA et d’autre part de la Nouvelle Société Béninoise de la somme de 3.000.000F CFA;
Qu’à ce jour, il reste leur devoir respectivement les sommes de 1.800.000F CFA et 1.000.000F CFA;
Qu’il est de bonne foi et s’engage à payer les sommes dues dans un délai d’un an;
Qu’il sollicite qu’il plaise au juge lui accorder un délai de grâce d’un an pour le règlement définitif des soldes dus;
La Nouvelle Société Béninoise et la Société DAMEL répliquent, soutiennent la mauvaise foi du demandeur et demandent le rejet de la mesure sollicitée;
SUR LA MESURE SOLLICITEE
Attendu que conformément aux dispositions de l’article 39 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la juridiction compétente peut accorder un délai de grâce d’un (01) an au débiteur qui justifie d’une bonne foi; et dont la situation financière est obérée;
Qu’en l’espèce, Monsieur Valère HOUNTON, demandeur dudit délai a émis le chèque N° 0115941 ECOBANK au profit de la Société DAMEL;
Que ce chèque est resté impayé pour insuffisance de provisions;
Ce qui prouve la situation difficile et obérée qu’il traverse;
Que sa volonté de payer sa dette a été confrontée à sa situation de caisse qui n’est pas reluisante;
Qu’il a établi le chèque dans l’espoir qu’au jour du paiement sa situation pourrait permettre le paiement du chèque, ce qui n’a pas été le cas;
Qu’il serait trop facile de le taxer de mauvaise foi;
Qu’il suffit de constater que sa situation économique n’a pas pu lui permettre de payer sa créance;
Que de ce qui précède, il convient d’accorder à Monsieur Valère HOUNTON un délai de grâce de six (06) mois pour payer sa dette et d’ordonner la suspension de toutes les poursuites contre le susnommé pendant ledit délai;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé commercial et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais dès à présent, vu l’urgence;
EN LA FORME
– Recevons Monsieur Valère HOUNTON en son action et le défendeur en ses moyens;
AU FOND
– Accordons à Monsieur Valère HOUNTON un délai de grâce de six (06) pour payer sa dette;
– Ordonne la suspension de toutes les poursuites d’exécution à l’encontre de Valère HOUNTON pendant ledit délai;
– Condamnons les défendeurs aux entiers dépens.-
– Délai d’Appel Quinze jours.
Et ont signé, le Président et le Greffier,
LE PRESIDENT LE GREFFIER
OBSERVATIONS
par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Faculté de Droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
L’ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de 1ère Instance de Cotonou en matière de délai de grâce attire l’attention en raison de l’objet de la requête du débiteur et des motifs invoqués par le juge pour y faire droit
Le débiteur demande au juge d’ordonner toute poursuite policière et/ou judiciaire à son encontre. Si le débiteur parle de poursuite policière et/ou judiciaire, c’est probablement parce qu’il a commis une infraction. Or, le juge ne peut pas, lorsqu’il est saisi dans le cadre des dispositions de l’article 39 AU/RVE, prendre une mesure destinée à paralyser les poursuites pénales.
Le juge, en ce qui le concerne, a accordé le délai sollicité aux motifs que le débiteur a émis un chèque qui est resté impayé pour défaut de provision, ce qui prouve sa situation difficile et obérée. Cette motivation est étonnante car le délai de grâce ne peut être accordé lorsqu’il s’agit de dettes cambiaires. Elle est d’autant plus étonnante que le juge semble déduire la bonne foi du débiteur de ce que celui-ci « a établi le chèque dans l’espoir qu’au jour du paiement sa situation pourrait permettre le paiement du chèque… ». En clair, pour le juge, le fait, pour une personne, de tirer un chèque alors qu’elle est consciente de l’absence de provision est synonyme de bonne foi.
Cette position que l’on peut qualifier de prime à la mauvaise foi n’est pas de nature à sécuriser cet instrument de paiement que constitue le chèque.