J-05-303
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT – PROCECURE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION A L’ORDONNANCE PORTANT INJONCTION DE PAYER – ABSENCE DE PREUVE DE L’EXTINCTION DE L’OBLIGATION – CONDAMNATION DE L’OPPOSANT AU PAIEMENT.
Lorsqu’il apparaît, à l’examen des pièces du dossier, que l’opposant à l’ordonnance portant injonction de payer, qui a souscrit l’engagement de rembourser une somme, ne rapporte pas la preuve qu’il s’est déjà libéré de cette obligation, il y a lieu de le condamner au paiement de la somme réclamée.
Article 12 AUPSRVE ET SUIVANTS
Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, 1ère Chambre Civile Moderne, jugement du 2 juillet 2003, GAHNOU Bruno c/ DJOHOUNTI D Honoré
COMPOSITION
PRESIDENT : Félix DOSSA
MINISTERE PUBLIC : Honorat ADJOVI
GREFFIER : Clément AHOUANDJINOU
Débat : le 16 avril 2003;
Jugement contradictoire, publiquement prononcé
Le mercredi 02 juillet 2003;
LES PARTIES EN CAUSE
DEMANDEUR :
Monsieur GANHOU Bruno demeurant et domicilié au carré N° 347 Maro-Militaire Cotonou;
Représenté à l’audience par Maître Raphaël GNANIH, Avocat à la Cour;
DEFENDEUR :
Monsieur DJOHOUNTI D. Honoré, demeurant et domicilié à Zongo Cotonou;
Représenté à l’audience par Maître Prosper AHOUNOU,Avocat à la Cour;
LE TRIBUNAL
– Vu les pièces du dossier;
– Ouï les parties en leurs déclarations, moyens fins et conclusions;
– Ouï le Ministère Public en son réquisitoire;
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Par exploit en date des 19 et 20 août 2002 de Maître Monique KOTCHOFA FAIHUN, huissier de justice à Cotonou, monsieur GANHOU Bruno assisté de Maître Raphaël GNANIH, Avocat à la Cour, a attrait devant le tribunal de céans, monsieur DJOHOUNTI D. Honoré assisté de Maître Prosper AHOUNNOU, Avocat à la Cour pour :
– s’entendre déclarer recevable en son action;
– s’entendre déclarer bien fondé;
– voir constater que la procédure 20 /3CC/2002 existe déjà et lie les mêmes parties pour la même cause et le même objet;
– ordonner la jonction de la présente procédure avec celle n°20 / 3 CC/2002;
A l’appui de son action, il expose que suite à son offre de vendre ses deux parcelles sises à Logozounkpa, monsieur DJOHOUNTI s’est porté acquéreur;
Que courant septembre 2001, il a conclu avec lui l’acte de vente;
Que contre toute attente, monsieur DJOHOUNTI, après avoir versé un acompte, a renoncé trois semaines après l’achat et réclamé ses fonds;
Que pour briser sa mauvaise foi, il l’ a assigné en dommages-intérêts avec délai de grâce;
Qu’il sollicite la jonction des deux procédures;
Que la cause inscrite au rôle du tribunal de céans a reconnu des remises pour divers motifs jusqu’à l’audience du 16 avril 2003 date à laquelle, le tribunal a constaté l’échec de la tentative de conciliation;
Elle a ensuite été plaidée à l’audience du 07 mai 2003;
Dans les notes de plaidoirie qu’il a versé au dossier, Maître Raphaël GNANIH constitué aux intérêts de monsieur GANHOU Bruno sollicite qu’il plaise au tribunal de céans;
– constater qu’il y a litispendance en l’espèce;
– constater que monsieur DJOHOUNTI a en outre initié une procédure pénale devant le tribunal de céans;
– surseoir à statuer en vertu du principe « le criminel tient le civil en l’état »;
Il développe au soutien,
Que les ventes ont été convenues pour un montant de 3.500.000 F sur lequel monsieur DJOHOUNTI a versé un acompte de 2.100.000 F avant d’y renoncer;
Que n’étant pas en mesure de rembourser cette somme, son client a dû prendre un engagement de payer;
Que légaliste, il a assigné monsieur DJOHOUNTI pour rupture abusive de contrat, le dossier de cette procédure étant pendant devant la 3ème chambre civile du tribunal de céans sous le n°20 / 2002;
Que c’est pendant le cours de cette procédure que monsieur DJOHOIUNTI a sollicité et obtenu l’ordonnance n°532 / 2002 du 10 juin 2002 qui lui a été signifiée par exploit le 08 août 2002;
Que par ailleurs, il a également initié une procédure correctionnelle à son encontre sous le n°2515 / RP2003;
Qu’il a été contraint de lui payer 1.000.000 F objet de procès-verbal n°168 / 2002 du 09 avril 2003;
Que dans le cas d’espèce, il y a litispendance;
Qu’il échet également de surseoir à statuer par application de la règle
« le criminel tient le civil en l’état»;
En réplique, monsieur DJOHOUNTI Honoré, par l’organe de son conseil, plaide le mal fondé de l’opposition et le bien fondé de sa demande en recouvrement;
Il fait observer :
Que la demande de délai de grâce ne peut pas justifier une opposition à injonction de payer;
Que l’existence d’une procédure pénale contre monsieur GANHOU Bruno n’est pas constatée par une attestation d’instance;
Que celui qui allègue un fait doit en rapporter la preuve;
Que même si une procédure pénale existait, son influence sur la présente procédure n’est pas démontrée;
Que l’ordonnance d’injonction de payer doit être confirmée car sa créance n’est pas contestée et résulte d’une reconnaissance de dette en date du 26 octobre 2001;
Que l’opposition formée par monsieur GANHOU Bruno est un acte de mauvaise foi qui l’ a exposé à des frais irrépétibles;
Qu’il échet de le condamner à lui payer la somme de 500.000 F à titre de dommages-intérêts pour action abusive;
Il sollicite en outre l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toues voies de recours;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’opposition
Attendu que monsieur GANHOU Bruno a formé opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer n°532 / 2002 en date du 10 juin 2002 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou laquelle lui a été signifiée par exploit en date du 08 août 2003, dans les formes et délais exigés par les articles 9, 10, et 11 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Qu’il y a donc lieu de le déclarer recevable en son opposition;
Sur les mérites de l’opposition
Attendu qu’aux termes de l’article 12 alinéa 2 de l’Acte Uniforme susvisé, « Si la tentative de conciliation échoue, la juridiction statue immédiatement sur la demande en recouvrement, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition par une décision qui aura les effets d’une décision contradictoire »;
Qu’il échet donc d’apprécier les moyens des parties et leurs demandes ;
Attendu que tant monsieur DJOHOUNTI Honoré que monsieur GANHOU Bruno ont versé au dossier diverses pièces;
Attendu qu’à l’examen desdites pièces,il apparaît que monsieur GANHOU Bruno a souscrit au profit de monsieur DJOHOUNTI Honoré,l’engagement de lui rembourser la somme de 2.100.000 F du fait de sa renonciation à l’achat de parcelles, au plus tard le 26 décembre 2001;
Attendu que monsieur GANHOU Bruno ne rapporte pas la preuve qu’il s’est déjà libéré de cette obligation au profit de monsieur DJOHOUNTI Honoré;
Que les circonstances de la cause mettent en évidence l’existence, la certitude et l’exigibilité de la créance, et partant son bien fondé;
Que c’est à bon droit que monsieur GANHOU Bruno sera condamné au paiement de ladite somme;
Attendu que monsieur GANHOU Bruno sollicite le sursis à statuer par application de la règle « le criminel tient le civil en l’état »sans toutefois rapporter la preuve de l’existence au pénal d’une instance présentant avec celle-ci une identité de fait, de parties et d’objet;
Qu’il ne produit aucun procès-verbal ni aucun autre document pour appuyer ses allégations;
Qu’il échet en conséquence de rejeter cette demande;
Attendu que la litispendance est également soulevée par monsieur GANHOU Bruno;
Attendu qu’il y a litispendance lorsque deux juridictions distinctes, de même degré ou de degré différent et également compétentes sont saisies simultanément d’un même litige;
Attendu que monsieur GANHOU Bruno justifie la litispendance qu’il invoque par l’existence d’une procédure en dommages-intérêts avec délai de grâce devant la 3ème chambre civile moderne du Tribunal de Première Instance de Cotonou;
Attendu que cette situation n’est pas constitutive de litispendance;
Qu’il échet en conséquence de le débouter de ce moyen également;
Attendu que monsieur GANHOU Bruno n’a pas non plus versé au dossier l’attestation d’instance relative à la procédure qu’il évoque;
Qu’en définitive, il a y a lieu de le déclarer mal fondé en son opposition;
Sur les dommages –intérêts
Attendu que monsieur DJOHOUNTI Honoré ne prouve pas le préjudice que lui aurait causé l’opposition formée par monsieur GANHOU Bruno;
Attendu que l’opposition est le recours ordinaire contre l’ordonnance d’injonction de payer;
Que l’existence de cette voie de recours ne constitue pas en lui-même un abus de droit donnant lieu à réparation;
Qu’il échet donc de rejeter la demande en condamnation de monsieur GANHOU Bruno à 500.000 F de dommages-intérêts;
Sur l’exécution provisoire
Attendu que l’exécution provisoire n’est prononcée que lorsqu’il y a urgence ou péril en demeure dans les conditions définies par la loi;
Attendu que monsieur DJOHOUNTI Honoré ne rapporte pas une telle preuve;
Qu’au surplus,les circonstances de la cause ne justifient pas une telle mesure;
Qu’il y a lieu de la rejeter;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile moderne et en premier ressort :
EN LA FORME
Déclare monsieur GANHOU Bruno recevable en son opposition;
Au fond
– L’y déclare mal fondé;
– Le déboute en conséquence de toutes ses demandes, fins et conclusions;
– Condamne monsieur GANHOU Bruno à payer à DJOHOUNTI Honoré la somme de deux millions cent mille (2.100.000 ) francs CFA;
– Déboute monsieur DJOHOUNTI du surplus de ses demandes;
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire;
– Condamne monsieur GANHOU Bruno aux entiers dépens.
Le Président Le Greffier
OBSERVATIONS
par Ndiaw DIOUF, Agrégé des Faculté de Droit, Directeur du Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Lorsque par l’opposition, le débiteur ou celui qui est considéré comme tel, introduit la contradiction dans une procédure conduite jusque-là de manière unilatérale par le créancier, le tribunal qui en est saisi va statuer à nouveau sur la demande de recouvrement et l’ensemble du litige. Il ne s’agit donc pas pour le tribunal de dire si l’ordonnance portant injonction de payer doit être confirmée ou rétractée. Il doit, à l’image du juge saisi d’une contestation ordinaire, examiner le fond et rendre une décision qui se substituer à l’ordonnance (V. Ndiaw DIOUF, Observations sous Trib. Régional de Dakar, Jugement n° 1209 du 12 mai 2004, Société MATELEC SARL c/ Société Transit 2000 – Ohadata J 05 - 128).
Le Tribunal de Première Instance de Cotonou a fait une exacte application de ces principes dans l’affaire qui a donné lieu à son jugement du 2 juillet 2003. A la suite d’une offre de vente de terrains, une personne qui s’était portée acquéreur a, après avoir versé un acompte, renoncé à l’opération et réclamé ses fonds. N’étant pas en mesure de rembourser les sommes encaissées, le vendeur a souscrit un engagement de payer. C’est ce document que l’acquéreur a produit pour obtenir l’ordonnance portant injonction de payer. Pour rejeter l’opposition et condamner le vendeur à payer la somme réclamée, le tribunal a relevé que le débiteur qui a souscrit l’engagement n’a pas rapporté la preuve qu’il s’est libéré de cette obligation.
Cette décision doit être approuvée. En effet, l’opposition a pour effet de donner à la procédure d’injonction de payer les traits d’une procédure de droit commun. C’est ce qui fait que le tribunal a appliqué les règles de droit commun en matière de preuve qui veulent que celui qui se prétend libéré apporte la preuve du paiement.
Le débiteur n’ayant pas apporté la preuve de sa libération, le tribunal a rendu une décision de condamnation qui va se substituer à l’ordonnance.