J-05-305
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT – PROCECURE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION A L’ORDONNANCE PORTANT INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION NON FONDEE – CONDAMNATION DE L’OPPOSANT.
Lorsque le gérant, agissant en qualité de représentant légal d’une société, reconnaît que celle-ci est débitrice et que lui-même doit une somme déterminée au poursuivant, il y a lieu de juger que les dettes sont communes, de rejeter l’opposition formée contre l’ordonnance d’injonction de payer et de les condamner solidairement à payer avec le groupe dont l’en-tête est utilisée et qui, de ce fait, n’est pas étranger aux dettes.
Article 8 AUPSRVE ET SUIVANTS
(Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, 1ère Chambre Civile Moderne, Jugement n° 62/03 du 18 juin 2003, Société GROUPE G c/ AIMAWA Crespin).
Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU
1re CHAMBRE CIVILE MODERNE
COMPOSITION
PRESIDENT : Félix DOSSA
MINISTERE PUBLIC :Honorat ADJOVI
GREFFIER : Clément AHOUANDJINOU
Débat : le 22 mai 2003;
Jugement contradictoire, publiquement prononcé
Le mercredi 18 juin 2003;
LES PARTIES EN CAUSE
DEMANDEURS :
1°) La société GROUPE G,ayant son siège social à Cotonou zone portuaire prise en la personne de son Directeur en exercice le sieur Alain BULTEZ demeurant et domicilié audit siège;
2°)Monsieur Alain BULTEZ,demeurant et domicilié à la zone portuaire Cotonou;
Représentés à l’audience par Maître Alexandrine F. SAÏZONOU, Avocat à la Cour;
DEFENDEUR
Monsieur AÏMAWA Crespin, demeurant et domicilié au carré 1428 parcelle, « C » Akossombo Cotonou;
Représenté à l’audience par Maître Elvyre VIGNON, Avocat à la Cour;
LE TRIBUNAL
– Vu les pièces du dossier;
– Ouï les parties en leurs déclarations;
– Ouï le Ministère Public en son réquisitoire;
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Par exploit en date du 05 juin 2000 de Maître Wakili LAGUIDE huissier de justice à Cotonou, la société GROUPE G, prise en la personne de son représentant légal monsieur Alain BULTEZ et monsieur Alain BULTEZ, tous assistés de Maître Alexandrine SAÏZONOU, Avocat à la Cour ont attrait devant le tribunal de céans, monsieur AÏMAWA Crespin assisté de Maître Elvyre VIGNON, Avocat à la Cour en opposition à injonction de payer pour :
EN LA FORME
– S’entendre recevoir les requérants en leur action
AU FOND
– S’entendre les y déclarer bien fondés
– Voir rétracter l’ordonnance n° 394 / 2000 du 19 mai 2000;
– S’entendre le condamner aux entiers dépens de la procédure;
A l’appui de leur assignation, ils exposent par l’organe de leur conseil :
Que se prétendant créancier de la société SEGEN dont le gérant est Alain BULTEZ,monsieur AÏMAWA Crespin a sollicité et obtenu une ordonnance d’injonction de payer contre eux;
Que ne se reconnaissant pas débiteurs de celui-ci, ils ont formé opposition à l’ordonnance à eux signifiée pour que le tribunal de céans puisse connaître du différend;
Que l’exception de défaut de motifs de l’opposition qu’il a soulevée est mal fondée au regard des dispositions des articles 9 et 10 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Que par ailleurs, l’ordonnance n°394 /2000 du 19 mai 2000 mérite d’être rétractée en ce que :
– d’une part, il n’existe aucune créance de monsieur Crespin AÏMAWA contre Alain BUTEZ;
Qu’en effet, Alain BULTEZ n’est intervenu dans les relations entre la société SEGEN et monsieur AÏMAWA Crespin qu’en qualité de gérant de cette dernière et non du Groupe G;
Qu’il ne s’est jamais porté caution personnelle ou solidaire de la société SEGEN dont la personnalité juridique et le patrimoine sont distincts du sien;
– d’autre part, il n’existe aucune créance de monsieur Crespin AÏMAWA contre le Groupe G;
Qu’en effet, les chèques revenus impayés dont protêts ont été dressés ont été émis par la société SEGEN qui seule lui est débitrice;
Que le Groupe G et la société SEGEN sont deux sociétés distinctes possédant des patrimoines distincts bien que toutes deux gérées par monsieur Alain BULTEZ;
Ils sollicitent en outre la condamnation de monsieur Crespin AÏMAWA à leur payer la somme de 5.000.000 F à titre de dommages-intérêts en raison du caractère vexatoire et abusif de la procédure initiée contre eux;
En réplique, monsieur Crespin AÏMAWA par l’organe de son conseil, développe :
Que le Groupe G représenté par Alain BULTEZ reconnaît lui avoir acheté trois climatiseurs Split et des ordinateurs pour une somme totale de 6.799 .000 F;
Qu’en règlement de cet achat, le Groupe G lui a remis deux chèques de montant respectifs 2.500.000 F et 3.659.000 F dont les formules appartiennent à la société SEGEN et qui sont revenus impayés;
Que le moyen tendant à dire que le Groupe G et Alain BULTEZ ne sont pas débiteurs est mal fondé au regard des propres aveux du Groupe G;
Qu’en effet, dans la lettre en date du 9 juillet 1997 à l’en-tête du Groupe G à lui adressée, cette société reconnaît lui devoir la somme de 4.124.000 F;
Que dans l’exploit de protêt du 10 décembre 1997 relatif au chèque du 27 janvier 1997, Alain BULTEZ a déclaré « pour ce dossier, je reste lui devoir un solde de 1.209.000 F qui sera payé fin janvier 1998 »;
Que dans l’exploit de protêt du 10 décembre 1997 relatif au chèque du 28 janvier 1997 le même Alain BULTEZ a déclaré « la somme que je reste devoir à AÏMAWA Crespin sera payée intégralement entre le 29 et le 31 décembre 1997 .. »;
Qu’en outre, après s’être reconnu débiteur dans sa lettre du 09 juillet 1997, le Groupe G a notamment indiqué « SEGEN s’engage auprès de monsieur Crespin AÏMAWA à lui payer la totalité de son dû avant le 30 janvier 1997 »;
Que cette déclaration constitue SEGEN solidaire de la dette;
Qu’il formule une demande additionnelle en condamnation de SEGEN au paiement solidairement avec Groupe G et Alain BULTEZ;
Que sa créance est certaine, liquide et exigible;
Que par ailleurs, il n’a jamais soulevé une quelconque exception de défaut de motifs de l’assignation;
Qu’en conséquence de ce qui précède, il sollicite du tribunal de céans :
– juger que sa créance sur Groupe G est bien fondée;
– dire et juger que Alain BULTZE et SEGEN sont débiteurs solidaires de Groupe G;
– condamner solidairement Groupe G, Alain BULTEZ et SEGEN à lui payer la somme principale de 3.734.000 F, outre les intérêts légaux;
– débouter Groupe G et Alain BULTEZ de toutes leurs demandes, fins et conclusions;
– condamner Groupe G, Alain BULTEZ et SEGEN au paiement de tous les frais et dépens;
En réplique aux moyens ainsi développés, le Groupe G et Alain BULTEZ soutiennent que les pièces produites par Crespin AÏMAWA notamment la lettre en date du 09 juillet 1997 du Groupe G, deux photocopies des chèques de SEGEN libellés à son profit, deux photocopies de protêt du 10 septembre 1997 comportant sommation interpellative de Alain BULTEZ, prouvent que c’est la société SEGEN seule qui s ‘est engagée avec eux;
Qu’il échet de leur adjuger le bénéfice de toutes leurs observations et d’interdire à monsieur AÏMAWA de cesser de les troubler dans leur quiétude;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’opposition
Attendu que la société Groupe G et monsieur Alain BULTEZ ont formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer n° 394 / 2000 en date du 19 mai 2000 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Cotonou dans les formes et délais exigés par les articles 10, et 11 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Qu’il y a donc lieu de les déclarer recevables;
Sur le paiement sollicité
Attendu qu’aux termes de l’article 8 alinéa 3 et 12 alinéa 2 de l’Acte Uniforme susvisé, l’opposition a pour objet de saisir la juridiction de la demande initiale en recouvrement et de l’ensemble du litige;
Qu’il y a donc lieu de statuer sur le litige qui oppose les parties à la présente cause eu égard aux moyens développés par chacune d’elles;
Attendu que celles-ci par l’organe de leurs conseils respectifs ont versé diverses pièces au dossier;
Attendu qu’il résulte de l’examen de ces pièces et des éléments du dossier que monsieur Crespin a obtenu l’ordonnance n°394 / 200 du 19 mai 2000 enjoignant au Groupe G et Alain BULTEZ de lui payer la somme de 3.734.000 F assortie des intérêts de droit laquelle représente le solde du prix de vente de divers matériels;
Attendu que dans une lettre en date du 09 juillet 1997, monsieur Alain BULTEZ représentant légal de la société SEGEN a reconnu d’une part que celle-ci est débitrice de monsieur Crespin AÏMAWA;
Attendu qu’il ressort également des propres écritures de monsieur Alain BULTEZ que la société SEGEN dont il est le gérant est débitrice de monsieur AÏMAWA au titre des matériels qu’il a livrés;
Attendu d’autre part qu’il résulte des déclarations de monsieur Alain BULTEZ contenues dans l’exploit de protêt du 10 décembre 1997 relatif au chèque de n°0222 678 émis par la société SEGEN « Pour ce dossier, je reste lui devoir un solde de 1.209.000 francs … »;
Que, dans un autre exploit de protêt également daté du 10 décembre 1997 relatif au chèque de n°022680 émis par la société SEGEN concernant la même affaire, monsieur Alain BULTEZ affirme « la somme que je reconnais devoir à monsieur AÏMAWA lui sera payée intégralement entre le 29 et 31 décembre 1997 »;
Attendu qu’il s’induit de ces constatations que la dette dont s’agit est commune à monsieur Alain BULTEZ et à la société SEGEN;
Attendu par ailleurs qu’il transparaît des termes de la lettre datée du 09 juillet 1997 à l’en-tête du Groupe G, que le Groupe G dont monsieur Alain BULTEZ est le représentant légal n’est pas étranger à ladite dette;
Qu’il échet de le condamner solidairement avec monsieur Alain BULTEZ et la société SEGEN au paiement de la somme de 3. 734. 000 F représentant le solde de la créance de monsieur Crespin AÏMAWA outre les intérêts légaux à compter de la date de l’assignation;
Sur la demande de condamnation de monsieur AÏMAWA Crespin aux dommages-intérêts
Attendu que la créance de monsieur AÏMAWA Crespin est bien fondée ainsi qu’il est dit par le tribunal de céans;
Que partant, la procédure initiée en vue de son recouvrement n’a aucun caractère vexatoire et abusif;
Qu’il n’a fait qu’user d’une voie de droit offerte à tout créancier;
Qu’il n’y a donc pas lieu de le condamner aux dommages-intérêts pour avoir ainsi procédé;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile moderne et en premier ressort :
EN LA FORME
Déclare monsieur Alain BULTEZ et le Groupe G recevables en leur opposition;
Au fond
– Les y déclare mal fondés;
– Les déboute en conséquence de toutes ses demandes, fins et conclusions;
– Condamne solidairement monsieur Alain BULTEZ, la société SEGEN et le Groupe G tous deux représentés par monsieur Alain BULTEZ à payer à monsieur AÏMAWA Crespin la somme de trois millions sept cent trente quatre mille (3.734.000) francs CFA outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation;
– Les condamne également aux entiers dépens.
Le Président Le Greffier
OBSERVATIONS
Ndiaw DIOUF agrégé des facultés de droit, Directeur du Centre de Recherches, d’Etudes et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA), Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université Cheikh Anta Diop, Dakar
Lorsque le débiteur fait opposition à l’ordonnance portant injonction de payer, la procédure qui était conduite unilatéralement par le créancier change de physionomie. Elle prend désormais la forme d’une procédure de droit commun. En effet, avec l’opposition le tribunal est saisi de la demande initiale en recouvrement et de l’ensemble du litige.
C’est ce qui résulte de l’article 8 AUPSRVE dont le Tribunal de 1ère Instance de Cotonou a fait une exacte application. On peut cependant relever, pour le déplorer, que le Tribunal a condamné solidairement une société, son gérant et un groupe. Or le groupe n’a pas de personnalité morale et de ce fait ne peut supporter des obligations.