J-05-306
BAIL COMMERCIAL – BAIL PORTANT SUR UN IMMEUBLE A CARACTERE COMMERCIAL ET PERMETTANT AU PRENEUR D’EXERCER TOUTE ACTIVITE COMMECIALE – CARACTERE COMMERCIAL (OUI) – INCOMPETENCE DU TRIBUNAL CIVIL.
Lorsque le bail porte sur un immeuble à caractère commercial et permet au preneur d’exercer, avec l’accord du propriétaire, toute activité commerciale, il a un caractère commercial et le Tribunal à compétence exclusivement civile ne peut connaître d’une demande y relative.
Article 71 AUDCG ET SUIVANTS
(Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, 1ère Chambre Civile Moderne, Jugement n° 61/03 du 18 juin 2003, ONIFADE T. Tidjani c/ Société Kolawole et Fils
LES PARTIES EN CAUSE
DEMANDEUR :
Monsieur ONIFADE T. Tidjani, demeurant et domicilié au carré n°141 Missèbo Cotonou;
Représenté à l’audience par Maîtres Agnès CAMPBELL et MAGA, Avocats à la Cour;
DEFENDERESSE
Société KOLAWOLE et FILS dont le siège est sis à Cotonou carré n°141, Avenue Delorme, prise en la personne de son représentant monsieur OSSENI Raïmi Marouf demeurant et domicilié audit siège;
Assistés à l’audience par Maîtres AMORIN et PARAÏSO, Avocats à la Cour;
LE TRIBUNAL
– Vu les pièces du dossier;
– Ouï le demandeur en ses moyens, fins et conclusions ;
– Ouï le Ministère Public en son réquisitoire;
– Nul pour la défenderesse
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Par exploit en date du 26 juillet 2000 de Maître Claudine HOUNNOU MOUGNI, huissier de justice à Cotonou, monsieur ONIFADE T .Tidjani assisté de Maîtres Agnès CAMPBELL et Léocadie MAGA, Avocats à la Cour a attrait devant le tribunal de céans, la société KOLAWOLE et FILS SANTE SARL prise en la personne de son représentant monsieur OSSENI Raïmi Marouf ès-qualité pour :
– Constater que le bail signé entre lui et la société KOLAWOLE et FILS SANTE est entré en vigueur depuis le 1er janvier 1994;
– Constater que le loyer qu’il reçoit de la société KOLAWOLE et FILS SANTE au titre de ce bail est de soixante quinze mille (75.000) F CFA;
– Constater que ce loyer n’a jamais été révisé malgré le prix pratiqué dans la zone;
– Constater que l’Acte Uniforme de l’OHADA sur le droit commercial général a prévu un renouvellement du loyer tous les trois (03) ans lorsque le contrat n’a rien prévu;
– Constater que le contrat de bail n’a pas été mis en conformité aux dispositions de l’Acte Uniforme sus-cité;
– Constater que les loyers pratiqués dans le voisinage de l’immeuble objet du bail tournent autour de sept cent mille (700.000 ) FCFA par mois;
– Ordonner la révision du loyer qui sera désormais de sept cent mille (700.000 ) F CFA par mois;
– A défaut, prononcer la résiliation du bail en question;
– Ordonner l’exécution provisoire du présent jugement;
– Condamner la société KOLAWOLE et FILS SANTE SARL aux entiers dépens;
Attendu qu’au soutien de ses prétentions, monsieur ONIFADE T. Tidjani expose :
Que par acte notarié en date du 21 décembre 1993 reçu par Maître Germain MIASSI, Notaire à Cotonou, il a donné à bail à usage commercial pour une durée de douze (12) ans son immeuble sis au carré n°141,Avenue Delorme Cotonou moyennant un loyer mensuel de soixante quinze (75.000 ) F CFA;
Que ledit loyer n’a jamais fait l’objet d’une révision depuis 1993 malgré les prix pratiqués dans la zone qui tournent autour de sept cent mille (700.000) F CFA le mois;
Que ce contrat de bail est actuellement régi par l’Acte Uniforme de l’OHADA portant droit commercial général;
Que l’article 84 alinéa 2 de l’Acte uniforme sus-cité dispose « le loyer est révisable dans les conditions fixées par les parties, ou à défaut, à l’expiration de chaque période triénale »;
Que les parties n’ayant fixé aucune condition pour la révision du loyer, ladite révision s’impose;
Que le bail devrait être mis en conformité avec les dispositions de l’Acte Uniforme de OHADA ci-dessus cité avant le 1er janvier 2000;
Attendu que monsieur OSSENI Raïmi Marouf, ès-qualité de représentant légal de la société KOLAWOLE et FILS SANTE SARL assigné à domicile, n’a pas comparu ni conclu, et ne s’est pas fait représenter non plus;
Qu’il y a lieu de statuer à son égard par défaut réputé contradictoire;
Sur la compétence du tribunal civil
Attendu que monsieur ONIFADE sollicite du tribunal de céans, la révision ou, à défaut, la résiliation du bail qu’il a conclu avec la société KOLAWOLE et FILS SANTE SARL;
Attendu que conformément aux dispositions des articles 69, et 71 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant droit commercial général, le bail conclu le 21 décembre 1993 devant Maître Germain MIASSI, Notaire à Cotonou, par monsieur ONIFADE T. Tidjani et la société KOLAWOLE et FILS SANTE SARL est un bail commercial en ce qu’il porte sur un immeuble à usage commercial et qu’il permet à la société KOLAWOLE et FILS SANTE SARL « d’exploiter dans les lieux avec l’accord du propriétaire, toute activité commerciale ……. »;
Qu’en conséquence, le tribunal civil ne peut connaître d’une demande y relative;
Que les règles de compétences des juridictions étant d’ordre public, il y a lieu de se déclarer incompétent pour cause de commercialité du bail notarié du 21 décembre 1993;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,contradictoirement à l’égard de monsieur Tidjani ONIFADE, par défaut réputé contradictoire à l’égard de monsieur OSSENI Raïmi Marouf ès-qualité représentant de la société KOLAWOLE et FILS SANTE SARL, en matière civile moderne et en premier ressort :
EN LA FORME
Reçoit monsieur ONIFADE T. Tidjani en son action;
Au fond
Se déclare incompétent;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir;
Condamne monsieur ONIFADE T. Tidjani aux entiers dépens.
Le Président Le Greffier
OBSERVATIONS
Ndiaw DIOUF agrégé des facultés de droit, Directeur du Centre de Recherches, d’Etudes et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA), Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université Cheikh Anta Diop, Dakar
Le législateur communautaire a voulu éviter toute immixtion dans les questions d’organisation judiciaire et de compétence d’attribution. C’est ce qui explique son silence sur ces questions ou l’utilisation d’une formule neutre telle que « juridiction compétente de l’Etat partie ». Ce silence équivaut à un renvoi implicite à la loi nationale des Etats parties dans laquelle il faut rechercher les règles applicables à la compétence ratione materiae. C’est ce qu’a compris le Tribunal de 1ère Instance de Cotonou qui, faisant application de la loi nationale, a relevé d’office son incompétence aux motifs que lorsque le bail porte sur un immeuble à usage commercial et permet au preneur d’exercer une activité commerciale, il a un caractère commercial et la demande de résiliation ne peut être portée devant le tribunal civil.