J-05-307
VOIES D’EXECUTION – DELAI DE GRACE – DELAI SOLLICITE PAR UN DEBITEUR EXPOSE A UN DEPOT DE BILAN – CREANCES AYANT UN CARACTERE SOCIAL PUISQUE RESULTANT D’UNE CONDAMNATION POUR LICENCIEMENT ABUSIF – OBSTACLE (non).
Lorsque le paiement d’une dette expose le débiteur à un dépôt de bilan, il y a lieu d’ordonner l’échelonnement, même si elle est due à des travailleurs parce qu’ayant sa source dans une condamnation au paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Article 39 AUPSRVE
(Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, Ordonnance de référé, N° 214 du 7 novembre 2002, Société FAGHOHOUN et Fils c/ ADOKANTO Nicholas et 3 autres).
L’an deux mil deux
Et le sept novembre;
Nous Madame Eugénie AFFO née SEDOLO
juge au Tribunal de Première Instance de Cotonou, tenant l’audience des référés civils;
Assisté de Maître Clément AHOUANDJINOU
Greffier, avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
DEMANDERESSE :
La Société FAGBOHOUN ET FILS,ayant son siège à Cotonou agissant aux poursuite et diligence de ses dirigeants légaux en exercice audit siège;
Représentée à l’audience par Maître Agnès A . CAMPBELL, avocat;
DEFENDEURS :
Messieurs ADOKANTO Nicolas et 30 autres;
Tous demeurant et domiciliés au carré 1733 Fidéjusseur Cotonou;
Représentés à l’audience par Maître Magloire YANSSUNNU, avocat;
LE TRIBUNAL,
– Vu les pièces du dossier;
– Oui les parties en leurs observations, moyens, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Par exploit du 11 septembre 2002, la Société FAGBOHOUN ET FILS, a attrait devant le tribunal de Cotonou, statuant en matière de référé civil,messiers ADOKANTO Nicolas et trente (30) autres pour au principal, renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu ‘elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence :
– recevoir la requérante en son action;
– l’y dire entièrement fondée;
– constater la bonne foi et les difficultés financières passagères de la requérante;
– accorder au profit de la requérante un délai de grâce de douze mois pour payer sa dette :
– ordonner l’exécution de la décision à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans caution sur
minute et avant enregistrement;
– condamner les requis aux entiers dépens;
A l’appui de sa requête, la société FAGBOHOUN et FILS expose que par arrêt N°74 /CS/02 du 21 août 2002, la chambre sociale de la Cour d’Appel de Cotonou a condamné la société FAGBOHOUN et FILS à payer aux requis la somme de 112..278 .015 F CFA et qu’elle est disposée à procéder à une exécution volontaire de cet arrêt;
Que la situation de la société FAGBOHOUN et FILS caractérisée surtout par la baisse des activités du Relais de l’Aéroport a eu pour conséquence l’amenuisement des ressources financières de ladite structure;
Qu’ainsi, l’état actuel de la trésorerie de la société FAGBOHOUN et FILS ne peut lui permettre de débloquer immédiatement cette somme importante de F CFA 112.278.015 sans parvenir à une cessation des paiements;
Que l’article 39 de l’acte uniforme de l’OHADA sur les voies d’exécution et l’article 1244 du code civil permettent d’accorder à un débiteur de bonne foi et malheureux,un délai de grâce d’un (1) an en vue de lui laisser le temps de s’organiser pour revenir à meilleure fortune et pouvoir payer sa dette;
Que la requérante pour se prémunir contre une exécution forcée par les requis souhaitent bénéficier des dispositions des articles précités;
Que dans ces conditions, la requérante a grand intérêt à s’adresser à justice;
Qu’ils sont donc des superprivilèges;
Que leur dette serait mise à néant si la société FAGBOHOUN et FILS bénéficie d’un délai de 12 mois et qu ‘il sera ainsi si le rééchelonnement de créance de salaire ne s’appuie par une quelconque preuve de difficulté;
Que si au subsidiaire le juge doit accorder le délai de grâce, il doit tenir compte absolument de la situation du débiteur mais aussi des besoins du créancier;
Sur la mesure sollicitée
Attendu que débitrice des nommés ADOKANTO Nicolas 30 autres de la somme de 112.278.015 F CFA issue de la condamnation de la société FAGBOHOUN et FILS par arrêt N°74/CS/02 du 21 août 2002, la société FAGBOHOUN et FILS a saisi le tribunal de Cotonou statuant en matière de référé civil pour exprimer ses difficultés économiques et sa bonne foi et solliciter un délai de 12 mois pour payer les sommes d’argent dus;
Que les articles 1244 du code civil et 39 de l’acte OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution excluent de leur champ d’application les dettes cambiaires et les dettes d’aliments;
Que l’arrêt N°74 / CS / 02 du 21 août 2002 de la chambre sociale de la Cour d’Appel est un arrêt de condamnation à des dommages- intérêts pour licenciement abusif;
Qu’il est vrai que la condamnation a un caractère social mais ne saurait être considérée comme garant des dettes d’aliment quoique les défendeurs licenciés depuis des années ont besoin de ces sous pour subsister;
Que les articles 39 de l’acte OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’ exécution et l’article 1244 du code civil donnent au juge le pouvoir d’accorder les dispositions bienveillantes de ces articles au débiteur de bonne foi qui se trouve en difficulté ceci en tenant compte de la situation du créancier;
Que la présente instance est présentée devant le juge des référés statuant en matière de référés civils qui connaît,des difficultés d’exécution de titre, de jugement comme c’est le cas en l’espèce;
Que la société FAGBOHOUN et FILS fait actuellement l’objet de nombreuses poursuites par des créanciers à qui elle continue de devoir;
Qu’elle fait l’objet de plusieurs poursuites et les comptes de ladite société font l’objet de nombreuses saisies;
Qu’elle reconnaît cependant la dette et compte tenu de ses difficultés sollicite un délai d’un (1) an pour la payer;
Que les créanciers sont des personnes qui ont travaillé pour l’ASECNA mais ont été licenciés depuis des années;
Qu’ils attendent d’être payés pour pouvoir se relancer dans la vie;
Que ces créances sont pour eux une bouffée d’oxygène relativement à leur situation actuelle;
Que néanmoins, c’est difficile pour une société de payer à la fois la somme de112.278.015 F CFA sans être contrainte déposer le bilan
Qu’en tenant compte de la situation des uns et des autres, il y a lieu, en tout état de cause d’échelonner la dette sur une période de 12 mois pour compter du 07 janvier 2003 jusqu’au 12 novembre de la même année;
Que la société FAGBOHOUN et FILS devra leur payer la somme mensuelle de 9.356.501 F CFA pour compter du 07 janvier 2003;
Sur l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement
Attendu que les la requérante a sollicitée l’exécution provisoire
de la présente décision sur minute et avant enregistrement sans en
exposer les raisons;
Qu’au surplus l’ordonnance de référé est toujours exécutoire par provisoire sur nonobstant toutes voies de recours.
PAR CES MOPTIF
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé civil et en premier ressort :
Au principal, revoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu ’urgence :
EN LA FORME
Recevons les parties en leurs moyens;
AU FOND
– Ordonnons l’échelonnement de la dette de messieurs DOKANTO Nicolas et 30 autres sur une période de 12 mois pour compter du 07 janvier 2003 au 07 janvier 2004, la société FAGBOHOUN et FILS devra payer aux défendeurs la somme mensuelle de 9.356.501 F CFA pendant ladite période;
– Condamnons les défendeurs aux entiers dépens;
Délai d’appel = 15 jours
LE PRESIDENT LE GREFFIER
OBSERVATIONS
Ndiaw DIOUF agrégé des facultés de droit, Directeur du Centre de Recherches, d’Etudes et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA), Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université Cheikh Anta Diop, Dakar
Lorsque le juge doit statuer sur une demande tendant à obtenir des délais, il ne doit pas seulement prendre en considération, la situation du débiteur; il doit aussi analyser la nature de la créance, car il ne peut pas accorder des délais pour toutes les créances.
En effet, lorsque le législateur a prévu les délais, il a pris le soin de réserver expressément les créances cambiaires et les créances d’aliment. Cette question a été abordée dans l’affaire qui donné lieu à cette ordonnance rendue par le Président du Tribunal de 1ère Instance de Cotonou. En effet, la dette dont l’échelonnement était demandé est due à des salariés qui ont obtenu une condamnation au paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Le juge des référés, pour faire droit à la demande, a admis que même si la condamnation a un caractère social, elle « ne saurait être considérée comme garant de dettes d’aliments ».
On peut cependant se poser la question de savoir quelle aurait été sa réaction s’il s’agissait de créances de salaires.