J-05-308
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – VENTE – DEMANDE DE MAINLEVEE – CONTESTATION SERIEUSE – RISQUE DE PREJUDICE AU PRINCIPAL – INCOMPETENCE DU JUGE DES REFERES.
Il y a lieu pour le juge des référés de se déclarer incompétent lorsque les pièces versées au dossier par le demandeur et visant à prouver que certains biens saisis ne sont pas sa propriété témoignent de ce qu’il y a contestation et que de ce fait, en ordonnant la suspension de la saisie-vente, il risque de préjudicier au fond.
Article 139 AUPSRVE ET SUIVANTS
(Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, 1ère CHAMBRE CIVILE, ORDONNANCE DE REFERE N° 55/03 du 26 juin 2003, GBENOU Jules c/ TAKO BAMENOU Michel).
L’an deux mil trois
Et le vingt six juin
Nous, Madame Eugénie AFFO née SEDOLO, Juge au Tribunal de Première Instance de Cotonou, tenant l’audience des référés civils; assisté de Maître Clément AHOUANDJINOU,Greffier, avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
DEMANDEUR :
Monsieur GBENOU jules, demeurant et domicilié à Abomey-Calavi quartier Agori;
Représenté à l’audience par Maître Séverin A. HOUNNOU, Avocat à la Cour;
DEFENDEURS :
1) Monsieur TOKO Bâmènou Michel,demeurant et domicilié à Agla C/SB Cotonou;
2) Maître Yvonne DOSSOU-DAGBENONBAKIN, huissier de justice à Cotonou;
3) Monsieur DAN Aubin, demeurant et domicilié au carré 114 Jonquet Cotonou
Représentés à l’audience par Maître Bertin AMOUSSOU, Avocat à la Cour;;
LE TRIBUNAL
Par exploit en date du 28 janvier 2003, monsieur GBENOU Jules a attrait devant le tribunal de Cotonou, statuant en matière de référé civil, monsieur TOKO Bamênou Michel,Maître Yvonne DOSSOU-DAGBENONBAKIN, monsieur DAN Aubin pour au principal, renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence :
EN LA FORME
Recevoir le requérant en son action;
AU FOND
– Constater que suivant exploit d’huissier en date du 17 septembre 2001, monsieur Bamênou TOKO Michel a pratiqué saisie-vente sur les biens appartenant prétendument au requérant;
– Constater que parmi les biens saisis figure le véhicule HONDA CIVIC immatriculé n° T 2923 RB;
– Constater que le requérant a élevé contestation sur le droit de propriété dudit véhicule;
– constater en outre que suivant exploit d’huissier en date du 7 janvier 2003, monsieur Bamênou TOKO Michel a pratiqué saisie-vente sur les biens appartenant prétendument au requérant;
– constater que le requérant a levé une contestation sur le droit de propriété des biens, objet de la saisie-vente du 7 janvier 2003;
– dire et juger que l’ordonnance à intervenir sera commune à Maître Yvonne DOSSOU- DAGBENONBAKIN, monsieur DAN Aubin ès-qualité de gardien des biens saisis;
– ordonner l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir sur minute et avant enregistrement;
A l’appui de sa requête, le requérant expose que se prétendant créancier du requérant, monsieur Bamênou TOKO Michel a fait pratiquer saisie-vente en date du 07 janvier 2003 entre les mains d’un tiers;
Que cette saisie –vente date du 07 janvier 2003 a été entreprise au mépris des dispositions qui régissent la matière;
Que l’huissier instrumentaire a procédé à l’enlèvement des biens saisis et a constitué le sieur Aubin DAN comme gardien;
Que par ailleurs, le procès-verbal établi à cet effet outre qu’il renferme les incohérences caractéristiques ne comporte pas mentions prescrites à peine de nullité par l’article 109 de l’Acte Uniforme OHADA sur les voies d’exécution;
Que la saisie-vente ainsi pratiquée le 07 janvier 2003 est nulle et de nul effet;
Qu’il échet de s’adresser à justice pour voir ordonner la mainlevée immédiate;
Attendu que Maître Bertin AMOUSSOU a été constitué aux intérêts de monsieur TOKO Bamênou Michel;
Qu’il soutient que le 07 janvier 2003, il n’a pas pratiqué une saisie mais plutôt une vérification sur la saisie-vente pratiquée le 17 septembre 2001 par monsieur Bamênou TOKO;
Que Bamênou TOKO Michel est créancier de GBENOU Jules qui a été condamné au paiement de 38.000.000 F CFA;
Que ce dernier a obtenu un délai de grâce de 6 mois pour s’exécuter;
Que les poursuites ont été suspendues pendant ce délai;
Que par ailleurs, GBENOU Jules ne verse au dossier aucune pièce pouvant rapporter la preuve de ce que les biens saisi sont la propriété d’autrui;
Qu’il y a lieu de rejeter la suspension de la saisie-vente sollicitée par GBENOU Jules;
Sur l’incompétence du juge des référés
Attendu que monsieur GBENOU Jules a sollicité du juge des référés d’ordonner la suspension de la procédure de sasie-vente en date du 07 janvier 2003 ainsi que la suspension de la procédure de saisie-vente en date du 17 septembre 2001 relativement au véhicules HONDA CIVIC immatriculé n° T 2923 RB;
Qu’il a versé au dossier, la facture n° 000235 du 06 novembre 2000 des Etablissements ‘’Les Deux Amis ‘’ensemble les pièces de la moto Yamaha V-50 châssis n° 6215354, la facture n° 000181 du 09 juillet 2002 de la société ‘’Les Z. 2A ‘’, un bordereau de livraison en date du 22 mai 2001 de la société HORHUDE SARL,ensemble les factures en date du 22 mai 2001 de ladite société, la facture en date du 26 juillet 2002 de la société ‘’Papeterie Moderne’’, la facture en date du 10 mars 2001 des Etablissements PISOMARAFFIS, la facture en date du 15 juillet 2002 de la société Z .2A SARL, le document en date du 26 juin 2000 attestant de la réception par la société SOCRINIEX d’un ensemble de matériels informatique,un livret de bord du véhicule marque HONDA CIVIC immatriculé n°T2923 RB,une copie du procès-verbal de saisie-vente en date du 17 septembre 2001, un procès-verbal de saisie-vente en date du 07 janvier 2003;
Que lesdites saisies ont été autorisées par le Président du Tribunal de Cotonou et pratiquées comme telles;
Que les pièces versées au dossier par le demandeur et visant à prouver que certains biens saisis ne sont pas sa propriété témoignent de ce qu’il y a contestations et ceci d’autant plus que les biens ont été saisis entre les mains du défendeur ;
Qu’en l’espèce, le juge des référés en ordonnant la suspension de la saisie -vente risque de préjudicier au fond;
Qu’il y a lieu de se déclarer incompétent pour contestation sérieuse;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision de défaut réputé contradictoire en matière de référé civil et en premier ressort :
Au principal renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence :
EN LA FORME
Recevons les parties en leurs demandes et exceptions;
Au fond
Nous déclarons incompétent pour contestations sérieuses;
Condamnons le demandeur aux entiers dépens;
Délai d’appel = 15 jours
Le Président Le Greffier
OBSERVATIONS
Ndiaw DIOUF agrégé des facultés de droit, Directeur du Centre de Recherches, d’Etudes et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA), Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université Cheikh Anta Diop, Dakar
La procédure de saisie-vente est parfois émaillée d’incidents provoqués par les créanciers, les tiers ou le débiteur lui-même.
Les incidents provoqués par le débiteur prennent le plus souvent la forme de demandes en nullité fondée soit sur des vices de forme, soit sur des vices de fond. L’ordonnance ci-dessus reproduite a été rendue à la suite d’une demande de suspension introduite par le débiteur saisi et fondée sur ce que certains biens englobés dans la saisie ne sont pas sa propriété. On peut s’étonner que le débiteur saisi demande non pas la nullité qui est prévue par l’article 140 AU/RVE lorsque la saisie porte sur un bien dont il n’est pas propriétaire, mais la suspension. En tout état de cause, le juge des référés devant qui cette demande a été portée n’a pas examiné au fond celle-ci.
Le juge, s’appuyant sur le domaine traditionnel du référé, a estimé qu’il devait se déclarer incompétent car, à ses yeux, il y avait une contestation sérieuse et qu’en ordonnant la mainlevée de la saisie, il risquait de préjudicier au fond.