J-05-311
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT – PROCEDURE D’INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE PORTANT INJONCTION – OPPOSITION DU DEBITEUR – CONSTATATION D’UNE OFFRE FAITE PAR LE DEBITEUR POUR TROUVER UN REGLEMENT AU DIFFEREND – CONDAMNATION (oui).
Il y a lieu de condamner l’opposant à payer la somme réclamée par le créancier dans le cadre d’une procédure d’injonction de payer lorsqu’il établi qu’il avait fait une offre de paiement pour trouver un règlement à un différend.
Article 1 AUPSRVE
Article 2 AUPSRVE
(Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, 1ère CHAMBRE CIVILE MODERNE, JUGEMENT N° 54 / 03 - 1ère C CIV. DU 04 juin 2003, Colette LIDEHOU c/ Birgit TEGMEGR et Greffier du Tribunal de première instance de Cotonou).
COMPOSITION
PRESIDENT : Félix DOSSA
MINISTERE PUBLIC :Honorat ADJOVI
GREFFIER : Clément AHOUANDJINOU
Débat : le 30 octobre 2002 ;
Jugement contradictoire, publiquement prononcé
Le mercredi 04 juin 2003;
LES PARTIES EN CAUSE
DEMANDEUR :
Madame Colette LIDEHOU, demeurant et domiciliée au carré 855 Missité, représentée par monsieur Aubin AGBADO demeurant et domicilié au carré n° 855 Cotonou;
Assisté de Maître Simon TOLI, avocat à la Cour;
DEFENDEURS :
1°) Madame BIRGIT TEGMEGR, en service au Centre de Formation Professionnelle d’Abomey;
2°) Le Greffier en Chef du Tribunal de Première Instance de Cotonou;
Représenté à l’audience par Maître ALAO Sadikou, avocat à la cour;
LE TRIBUNAL
– Vu les pièces du dossier;
– Ouï les parties en leurs parties en leurs déclarations, moyens, fins et conclusions ;
– Ouï le Ministère Public en son réquisitoire;
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Par exploit en date à Cotonou du 18 décembre 2001, de Maître Yvonne DOSSOU-DAGBENONBAKIN, huissier de justice à Cotonou, Madame Colette LIDEHOU assistée de Maître Simon TOLI, avocat à la Cour a attrait devant le Tribunal de Première Instance de Cotonou, madame BIRGIT TEGMEGR assistée de Maître Sadikou ALAO, avocat à la Cour, en opposition à ordonnance d’injonction de payer avec assignation pour :
– voir constater sa bonne foi;
– entendre déclarer irrecevable, en tout cas mal fondée l’action en paiement de la somme de 205.000 F et des intérêts;
– voir cantonner le paiement à un forfait de 100.000 F CFA;
Elle sollicite également l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours;
Au soutien de son action, elle expose :
Qu’elle est propriétaire d’un camion que conduit son préposé monsieur Moumouni Hassilou;
Qu’au cours d’un voyage effectué par celui-ci dans le département de l’Atacora, un accident est survenu entre ledit camion et la voiture Mercedes immatriculé P 5717 AT appartenant à madame BIRGIT TEGMEGR;
Que la Brigade de Gendarmerie de Natitingou passant outre ses compétences, a fait prendre à son préposé un engagement en date du 24 mai 1999 sans établir un procès-verbal de constat pour permettre de situer les responsabilités;
Que, muni de cet engagement, madame TEGMEGR s’est dépêchée de réparer sa voiture pour un montant de 205.000 francs CFA;
Qu’à la suite des démarches effectuées par le conseil de celle-ci en vue d’obtenir paiement, les deux parties se sont entendues pour que ne lui soit payé qu’un forfait de 100.000 F CFA;
Que par la suite, elle a reçu signification de l’ordonnance portant injonction de payer les sommes de 205.000 F et 250.000 F à titre de dommages-intérêts;
Que cette ordonnance st contraire à l’accord intervenu entre les parties;
Plaidant à l’audience du 30 octobre 2002, Maître ALAO soutient que l’ordonnance portant injonction de payer a été prise en violation des articles 1er et 2 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Q’elle mérite donc rétractation en ce qu’elle repose sur un engagement qui est un acte personnel;
Que le dommage résulte d’un quasi-délit;
Que pour le règlement de cette affaire, sa cliente propose de payer 100.000 F;
En réplique aux arguments de madame Colette LIDEHOU, madame BIRGIT TEGMEGR développe par l’organe de son conseil;
Que la créance réclamée résulte d’une convention aux termes de laquelle les parties ont convenu de s’obliger mutuellement l’une pour réparer à ses frais le véhicule endommagés à charge pour l’autre de les lui rembourser;
Que la créance est certaine, liquide et exigible;
Que madame LIDEHOU ne conteste pas le principe de la créance, mais en sollicite seulement la cantonnement à 100.000 F CFA;
Qu’à ce stade de la procédure, elle ne saurait accepter cette somme forfaitaire qui est en deçà de sa créance ainsi que intérêts et frais engagés, outre les dommages-intérêts compensatoires;
Que la demande de cantonnement doit être rejetée. Il sollicite en conséquence la condamnation de madame LIDEHOU à payer l’intégralité du montant provisoirement fixé par l’ordonnance sans préjudice des intérêts moratoires, de même que l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours, sur minute avant enregistrement et sans caution;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’opposition
Attendu que les conditions de forme et de délais prévues aux articles 9 et 10 de l’Acte Uniforme ci-dessus cité ont été respectées par madame Colette LIDEHOU;
Qu’il échet de la déclarer recevable en son opposition;
Sur les mérites de l’opposition
Attendu que madame BIRGIT TEGMEGR, par l’organe de son conseil verse au dossier diverses pièces dont :
– une copie de l’engagement en date à Natitingou du 24 mai 1999 et signé de monsieur MOUMOUNI Hassilou;
– une copie de lettre en date à Cotonou du 28 mai 2001 adressé à madame LIDEHOU Colette et valant mise en demeure;
Attendu qu’il résulte de l’ensemble des pièces versées au dossier que c’est monsieur MOUMOUNI Hassilou qui a souscrit l’engagement dans les termes suivants « Je m’engage lui payer la facture de la réparation dès qu’elle me la présentera à Cotonou .En cas de non respect de cet engagement, je ferai l’objet de poursuites judiciaires »;
Attendu que l’engagement est un acte unilatéral qui met des obligations à la charge de celui qui le prend et qui le rend débiteur de celui envers qui il est pris;
Attendu donc que madame Colette LIDEHOU ne saurait été tenue des termes de l’engagement souscrit par monsieur MOUMOUNI Hassilou en date du 24 mai 1999;
Attendu cependant que dans le but de trouver un règlement à la présente affaire, elle a offert de payer 100.000 F à madame BIRGIT TEGMEGR;
Qu’elle a renouvelé cette offre à la barre du tribunal;
Attendu qu’il résulte notamment de la lettre en date du 28 mai 2001 que madame TEGMEGR, par l’organe de son conseil, a manqué son accord pour le paiement de la somme de 100.000 F CFA en règlement des frais de réparation de son véhicule;
Que néanmoins, madame LIDEHOU, n’a pas daigné se libérer depuis la mise en demeure à elle adressée jusqu’à la présente instance;
Qu’il échet de la condamner au paiement de ladite somme outre les intérêts de droit au taux légal à compter du 28 mai 2001 date de la mise en demeure et de débouter madame BIRGIT TEGMEGR du surplus de ses demandes;
Attendu que les deux parties sollicitent l’exécution provisoire de la présente décision;
Attendu que cette mesure est parfaitement justifiée dans le cas d’espèce, mais non sur minute et avant enregistrement;
Qu’en effet le différend qui oppose les parties remonte à plus de quatre ans;
Qu’il y a urgence à voir madame TEGMEGR rétablie dans ses droits;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
En la Forme
Déclare madame Colette LIDEHOU recevable en son opposition;
Au fond
– La condamne à payer à madame BIRGIT TEGMEGR la somme de cent mille francs (100.000 ) francs outre les intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2001, date de la mise en demeure;
– Déboute madame BIRGIT TEGMEGR du surplus de ses demandes
vOrdonne l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant toutes voies de recours;
– Condamne madame Colette LIDEHOU aux entiers dépens.
Le Président Le Greffier
Observations
Ndiaw DIOUF agrégé des facultés de droit, Directeur du Centre de Recherches, d’Etudes et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA), Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université Cheikh Anta Diop, Dakar
La procédure d’injonction de payer ne peut être engagée que si la créance dont on poursuit le recouvrement a une cause contractuelle ou résulte de l’émission ou de l’acceptation d’un effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée insuffisante ou inexistante. Il n’est donc pas possible d’invoquer, à l’appui d’une demande tendant à obtenir une ordonnance portant injonction de payer, une créance ayant comme fondement un délit ou un quasi-délit. Cette règle n’a pas échappé au demandeur dans l’affaire qui a donné lieu au jugement rendu par le tribunal de première de Cotonou le 04 juin 2003. A la suite d’un accident de la circulation qui n’a provoqué que des dégâts matériels, ce demandeur, propriétaire du véhicule endommagé, avait obtenu du Président du tribunal une ordonnance portant injonction de payer. Il convient de préciser que l’ordonnance était fondée sur l’engagement pris par le conducteur responsable (ou qui se considérait comme tel) de payer la facture de la réparation; cet engagement était du reste suivi d’une convention passée entre le commettant du conducteur et la victime et prévoyant que les parties s’obligent l’une à réparer le véhicule endommagé à ses frais et l’autre à rembourser les frais de réparation.
C’est le commettant contre lequel l’ordonnance a été rendue qui a fait opposition en soutenant principalement qu’il y avait violation des articles 1er et 2 AUPSRVE, la créance résultant d’un quasi-délit. Pour condamner le commettant à payer, le tribunal a retenu, suivant en cela le créancier qui invoquait à l’appui de sa demande, non pas le quasi-délit, mais la convention subséquente, que ce commettant avait, dans le but de trouver un règlement à l’affaire, fait une offre de paiement, réitérée d’ailleurs à la barre. Il convient de relever au passage que le tribunal ne s’est pas prononcé l’argument invoqué par l’opposant et tiré de l’attitude assez curieuse de la brigade de gendarmerie qui, au lieu de se contenter de dresser un procès-verbal de constat, a fait prendre à son préposé un engagement de prendre en charge les frais de réparation. C’est normal, car si l’acte uniforme l’autorise à se prononcer, en cas d’opposition, sur tout le litige, il ne lui permet pas cependant de statuer sur des questions qui échappent totalement à sa compétence.