J-05-312
1) VOIES D’EXECUTION – DELAI DE GRACE – DEBITEUR EN SITUATION DIFFICILE – CREANCIER AUX MOYENS LIMITES – REPORT DE LA DETTE (non) – ECHELONNEMENT (oui).
2) VOIES D’EXECUTION – DELAI DE GRACE – CONSEQUENCE – ARRET DES INTERETS PENDANT LE DELAI.
1) Il y a lieu d’ordonner seulement l’échelonnement de la dette du débiteur dont la situation n’est pas reluisante lorsque les moyens du créancier sont limités.
2) Le délai de grâce ayant pour conséquence de faire cesser les majorations d’intérêt ou les pénalités encourues en raison du retard, et donc d’arrêter les intérêts, il y a lieu de constater l’arrêt desdits intérêts pendant ce délai.
(Tribunal DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU, 1ère CHAMBRE CIVILE MODERNE ORDONNANCE DE REFERE du 07novembre 2002 Sté FAGBOHOUN et FILS c/ ADJALI Séverin).
L’an deux mil deux
Et le sept novembre;
Nous Madame Eugénie AFFO née SEDOLO
juge au Tribunal de Première Instance de Cotonou, tenant l’audience des référés civils;
Assisté de Maître Clément AHOUANDJINOU
Greffier, avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
DEMANDERESSE :
La Société FAGBOHOUN ET FILS,ayant son siège à Cotonou agissant aux poursuite et diligence de ses dirigeants légaux en exercice audit siège;
Représentée à l’audience par Maître Agnès A . CAMPBELL, avocat;
DEFENDEUR :
Monsieur ADJALI Séverin, demeurant et domicilié à Akakia Cotonou Donatin Cotonou;
Non comparant à l’audience, ni représenté;
LE TRIBUNAL,
– Vu les pièces du dossier;
– Oui les parties en leurs observations, moyens, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Par exploit du 02 août 2002, la Société FAGBOHOUN ET FILS, a attrait devant le tribunal de Cotonou, statuant en matière de référé civil,monsieur ADJALI Séverin pour au principal, renvoyer les parties à se pourvoir ainsi qu ‘elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence :
– voir venir monsieur ADJALI Séverin;
– constater la bonne foi de la requérante;
– lui accorder un délai de grâce de douze mois pour payer sa dette en principal;
– ordonner l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement;
A l’appui de sa requête, la société FAGBOHOUN et FILS expose qu’ attendu que par arrêt N°067 / CCMS/ 02 du 05 juillet 2000, la société FAGBOHOUN et FILS a été condamnée à payer à monsieur ADJALI Séverin la somme de 1.157.786 FCFA pour licenciement abusif;
Que pour obtenir paiement de ladite somme, monsieur ADJALI Séverin a fait pratiquer saisie attribution sur les comptes de la société FAGBOHOUN et FILS;
Que la société FAGBOHOUN et FILS traverse une situation financière difficile comme l’atteste l’état débiteur de certains comptes saisis;
Que pour monter sa bonne foi, elle sollicite un délai de grâce d’un (1) an pour le paiement de la créance en principal et l’arrêt des intérêts;
Monsieur ADJALI Séverin a été assigné à Akpakpa Cotonou;
Qu’à cette adresse, il n’a pas été retrouvé par l’huissier instrumentaire qui été obligé de délaisser l’exploit à la Circonscription Urbaine;
Qu’il y a lieu de statuer par défaut à son égard;
Sur la mesure sollicitée
Attendu que la société FAGBOHOUN et FILS a versé au dossier des exploits pouvant rapporter la preuve de toutes les poursuites de saisie dont elle fait l’objet ces derniers temps;
Qu’au surplus, il ressort de la lecture des exploits versés au dossier que la situation des comptes de cette société se trouvent dans les livres des institutions bancaires de la place n’est pas reluisante;
Que les conditions pour le délai de grâce sont remplies, le juge des référés étant compétent conformément à l’article 806 du code civil;
Que la présente instance constitue une difficulté d’exécution d’un titre en l’occurrence l’arrêt n°067/ 2ème CCMS/2000 du 05 juillet 2000;
Que ladite société reconnaît sa dette et promet de la payer dès que sa situation économique serait meilleure;
Que les articles 39 de l’acte OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’ exécution impose la réunion de deux(2) conditions à savoir la situation économique du débiteur et de la considération des besoins du créancier;
Qu’il est constant que la situation économique du débiteur n’est pas reluisante;
Que cependant la lecture des actes de procédure que le créancier n’est qu’un simple gardien dont les moyens de subsistance sont très limités;
Qu’il est difficile dans ces conditions de reporter la dette jusqu’à un an;
Que l’article 39 de l’acte OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’ exécution prévoit l’échelonnement de paiement de la dette sur une période d’une année et que le paiement s’imputera d’abord sur le capital qu’en tenant compte de tous les créanciers actuels de la société FAGBOHOUN et FILS, il y a lieu d’ordonner l’échelonnement des sommes dues à savoir la somme de 1. 157.786 F CFA sur une période d’une année pour le compter du 05 décembre 2002 au 05 décembre 2003;
Sur l’arrêt des intérêts
Attendu que le juge des référés qui a accordé un délai de grâce n’est pas compétent pour arrêter les intérêts;
Qu’il est cependant constant que le délai de grâce a pour conséquence le sursis des procédures d’exécution engagées par le créancier et les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cesse d’être dues pendant le délai fixé par le juge;
Que donc le délai de grâce accordé a pour conséquence d’arrêter les intérêts pendant ledit délai;
Qu’il y a lieu de constater l’arrêt desdits intérêts pendant le délai de grâce;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par défaut, en matière
de référé civil et en premier ressort :
Au principal, revoyons les parties à se pourvoir
ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu ’urgence :
EN LA FORME
Recevons la société FAGBOHOUN et FILS en ses demandes;
AU FOND
– Ordonnons l’échelonnement de la dette de monsieur ADJALI Séverin
sur une période de 12 mois pour compter du 07 janvier 2002 au 07 janvier 2003, la société FAGBOHOUN et FILS devra payer à monsieur ADJALI Séverin la somme mensuelle de 96. 482 F CFA pendant ladite période;
– Constatons que le délai de grâce a pour conséquence
d’arrêter les intérêts encourus pendant ledit délai;
– Condamnons le défendeur aux entiers dépens;
Délai d’appel = 15 jours
LE PRESIDENT LE GREFFIER
Observations
Ndiaw DIOUF, agrégé des facultés de droit, Directeur du Centre de Recherches, d’Etudes et de Documentation sur les Institutions et les Législations Africaines (CREDILA), Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université Cheikh Anta Diop, Dakar
Lorsque les juges se prononcent sur une demande de délai de grâce, ils prennent en considération non seulement la situation économique du débiteur, mais aussi les besoins du créancier. Cette nécessaire conciliation des intérêts du débiteur et de ceux du créancier s’explique aisément. En effet, comme le faisait remarquer un auteur « La pitié qu’inspire le débiteur ne doit pas leur faire oublier que le créancier a peut-être lui aussi des raisons personnelles pour obtenir paiement immédiat. Si, le plus souvent, il peut et même a intérêt à attendre, parfois cette attente le mettrait à son tour dans la gène » (A .Sériaux, Réflexions sur les délais de grâce, RTDCiv. 1993, p.789).
On comprend, dans ces conditions, pourquoi il est nécessaire d’arbitrer « les intérêts en présence et (de) tâcher de trouver un équilibre » (A. Sériaux, art. précit .). Cette recherche de l’équilibre des intérêts en présence apparaît clairement dans l’ordonnance rendue par le président du tribunal de première instance de Cotonou le 7 novembre 2002. Saisi d’une demande de délai de grâce, ce magistrat, qui a constaté que la situation économique du débiteur n’était pas reluisante, a refusé le report pur et simple du paiement qui était réclamé pour ordonner l’échelonnement, car selon lui, le créancier n’est qu’un simple gardien dont les moyens de subsistance sont très limités. A notre avis, en statuant ainsi, ce juge a fait une exacte application des dispositions de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution en matière de délais de grâce. On comprend mal en revanche l’application qu’il fait des dispositions du code civil pour constater l’arrêt des intérêts pendant le délai. On sait en effet que depuis l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution toutes les dispositions de droit ayant le même objet sont abrogées, qu’elles soient ou non contraires