J-05-313
SOCIETES COMMERCIALES – REPRESENTATION EN JUSTICE DES PERSONNES MORALES DE DROIT PRIVE EN CAUSE D’APPEL – VIOLATION DE L’ARTICLE 20 – 3ème DU CODE DE PROCEDURE CIVILE IVOIRIEN –.
SAISIE ATTRIBUTION DE CREANCES – DELAI D’APPEL – TITRE EXECUTOIRE CONTRE LE TIERS SAISI – NON JUSTIFICATION DE LA DIMINUTION DES SOMMES RENDUES INDISPONIBLES.
Les personnes morales de droit privé doivent se faire représenter par un avocat devant la Cour d’appel.
Le délai d’appel contre une décision tranchant les contestations en matière de saisie attribution de créances est de 15 jours francs à compter de la notification.
S’il est permis au tiers saisi de laisser le compte du saisi être affecté à l’avantage ou préjudice du saisissant par certaines opérations, celui-ci doit néanmoins justifier toute diminution des sommes rendues indisponibles.
Article 49 AUPSRVE
Article 161 AUPSRVE
Article 164 AUPSRVE
Article 172 AUPSRVE
Article 20-3ème CPCCA (IVOIRIEN)
(Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, Arrêt N°687 du 22 juin 2004 Société ECOBANK-CI (Conseil Me MOULARE THOMAS) c/ Société TAO).
La cour,
Oui le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier,
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par acte d’huissier en date du 10 mars 2004 comportant ajournement au 23 mars 2004, la société ECOBANK COTE D’IVOIRE a relevé appel de l’ordonnance de référé n°733 rendue le 9 février 2004 par la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan, dont le dispositif est ainsi conçu :
"Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé d’heure à heure et en premier ressort;
Déclarons la requête recevable;
La disons bien fondée;
Délivrons un titre exécutoire contre ECOBANK à hauteur de quatre cent mille francs (400.000 fr);
Condamne ECOBANK aux dépens";
Au soutien de son appel, la société ECOBANK COTE D’IVOIRE expose que par exploit d’huissier en date du 19 septembre 2003, la société T.A.O. a pratiqué entre ses mains, une saisie attribution de créance sur le compte de Monsieur GBANE ABDOULAY pour avoir paiement de la somme de 1.331.342 francs;
Qu’à cette occasion, elle, ECOBANK a déclaré que le compte n° 6126954016 appartenant au débiteur saisi était créditeur de la somme de 466.512.francs, sous réserve du dénouement des opérations qui étaient en cours au jour de la saisie et la liquidation des droits de la Banque;
Que le 17 novembre 2003, au moment où l’huissier lui signifiait un certificat dit de non contestation, le solde disponible après le dénouement des opérations était 512 francs, de sorte que le paiement de la somme pour laquelle la saisie était pratiquée ne pouvait être effectué;
Que le vendredi 16 janvier 2004, au motif que la Banque aurait violé l’article 164 alinéa 1er du traité de l’OHADA (sic), la société TAO a servi une assignation en référé d’heure à heure à la société ECOBANK à l’effet de voir accorder un titre exécutoire contre ECOBANK;
Que contre toute attente, la juridiction présidentielle a par ordonnance n° 733 du 9 février 2004 délivré un titre exécutoire contre ECOBANK à hauteur de 400.000 francs;
L’appelante soutient que le juge des référés en rendant une telle décision, a statué ultra-petita;
ECOBANK explique que dans son acte d’assignation u 16 janvier 2004, la demanderesse a sollicité que soit délivré un titre exécutoire contre ECOBANK sans toutefois indiquer le montant à hauteur duquel ce titre devrait être accordé;
Que dans la décision querellée, la juridiction présidentielle a délivré un titre exécutoire à hauteur de 400.000 francs;
Qu’en statuant de cette façon, le premier juge a accordé au-delà de la demande et sa décision est infectée d’un vice d’ultra-petita et que pour cette raison, la cours voudra infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance attaquée;
L’appelante soutient par ailleurs qu’il a eu violation de l’article 161 du traité de l’OHADA (sic) portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécutions et explique qu’il résulte de l’article 161 dudit traité que lorsqu’une saisie est pratiquée entre les mains d’une banque, le solde disponible au jour de la saisie peut être affecté au préjudice du saisissant dès lors que des remises avaient été faites antérieurement à la saisie ou que des opérations étaient en cours et que le compte avait été débité;
Qu’en tout état de cause, le solde saisie n’est affecté par ces éventuelles opérations de débit que dans la mesure où leur résultat cumulé est négatif et supérieur aux sommes frappées par la saisie au jour de leur règlement;
Que dans le cas d’espèce, défalcation faite des montants dus à la banque, le compte du débiteur saisi affichait un solde de 512 francs au moment où le certificat de non appel a été signifié de telle sorte que le créancier saisissant n’a pu être payé;
Que dan ces conditions, la société ECOBANK ne peut être regardée comme ayant commis une faute pour la simple raison que le montant de 512 francs est insignifiant et ne pouvait désintéresser la société TAO;
Qu’en délivrant un titre exécutoire contre la Banque, le premier juge a violé l’article 168 du traité OHADA;
Qu’en effet ce texte ne met pas en cause l’article 161 qui autorise un certain nombre d’opérations sur le compte saisi dès lors que ces opérations sont antérieures à la saisie;
Que la cour voudra, en conséquence infirmer l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions;
En réplique, la société TAO fait valoir sur :
– la forme, que l’ordonnance querellée a été rendue le 9 février 2004 et que l’appel l’a été le 10 mars 2004, soit plus d’un mois plus tard;
– que le délai d’appel prévu par l’article 49 du traité OHADA est de quinze (15) jours à compter de son prononcé;
– qu’en l’espèce, l’appel a été fait hors délai et que par conséquence, la Société ECOBANK doit être déclarée irrecevable en son appel;
– Sur le fond, que ECOBANK, pour se soustraire à l’exécution de l’ordonnance attaquée, a invoqué l’article 161 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécutions;
Que ECOBANK n’a jamais déclaré ni présenté une quelconque pièce attestant que le solde avait été affecté à une autre opération conformément à l’article 161 dernier alinéa de l’acte uniforme précité;
Qu’ECOBANK tout en invoquant l’article 161 susmentionné fait fi du dernier alinéa dudit article ce qui dénote d’une mauvaise foi caractérisée;
Que par conséquent la société ECOBANK doit être déclarée mal fondée en son appel;
Répliquant à son tour ECOBANK conclut principalement à l’irrecevabilité de tous les moyens soulevés par la société TAO et explique devant la juridiction de ce siège, la société TAO a produit un mémoire signé par sa direction Générale;
Qu’il résulte clairement de l’article 20 3è du code de procédure civile qu’en instance d’Appel, les personnes morales privées ou publiques ne peuvent comparaître qu’en étant représenté par un avocat;
Que dans le cas d’espèce, la société TAO, SARL, comparaît en personne devant la cour d’Appel;
Qu’il convient dès lors de constater que ladite société a violé l’article 20 3è suscité;
Qu’en conséquence, les mémoires et toutes les pièces produites en personne par la société TAO doivent être déclarés irrecevables et retirés du dossier de procédure;
ECOBANK Côte d’Ivoire conclut subsidiairement sur la recevabilité de l’appel et fait noter que pour la société TAO, l’appel étant interjeté le 10 mars 2004 alors que la décision d’instance ayant été rendue le 9 février 2004, ledit appel doit être déclaré irrecevable pour être intervenu hors du délai de 15 jours à compter du prononcé conformément à l’article 49 du traité OHADA portant voies d’exécution;
ECOBANK fait remarquer qu’en droit un tel raisonnement est surprenant pour plusieurs raisons tirées du traité OHADA lui-même;
Qu’en effet, ledit acte uniforme organise les voies d’exécution (saisies) de son article 28 à l’article 338;
Que le même traité donne les dispositions générales à toutes les saisie de son article 28 à l’article 53, pour ensuite exposer pour chaque type de saisie, les règles spéciales y afférentes et que c’est ainsi qu’en ce qui concerne la saisie attribution de créance, le traité l’organise spécialement en ses articles 153 à 172;
Qu’en application du principe général du droit "specialia generalibus derogant" l’article 49 précité ne peut s’appliquer en matière de saisie attribution de créances dès lors que l’article 172 du même acte uniforme a prévu qu’en ce qui concerne la saisie de créance spécialement, la décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d’appel dans les 15 jours de sa notification;
L’appelante fait remarquer que la décision frappée d’appel est intervenue en matière de saisie attribution de créance et qu’elle a été signifiée le 25 février 2004;
Que les délais étant francs, le dernier jour utile pour interjeter appel était le 12 mars 2004;
Qu’en conséquence l’appel interjeté le 10 mars 2004, est recevable;
DES MOTIFS
Il résulte des pièces et débats que la société TAO, personne morale privée, a produit un mémoire signé de la direction générale seule, sans se faire représenter par un avocat;
En procédant de la sorte, la société TAO a méconnu les dispositions de l’article 20-3è du code de procédure civile;
En conséquence, il n’y a pas lieu de la suivre dans ses prétentions;
EN LA FORME
L’appel de la société ECOBANK Côte d’Ivoire ayant été relevé conformément aux prescriptions légales, il convient de le déclarer recevable;
AU FOND
Il résulte des productions notamment du procès verbal de saisie attribution de créance du 19 septembre 2003 qu’ECOBANK COTE D’IVOIRE, le tiers saisi, a déclaré que le compte de M. GBANE ABOUDOULAYE dans ses livres était créditeur de 466.512 francs;
Il est tout aussi constant qu’au moment de la signification à ECOBANK du certificat de non contestation (17 novembre 2003) le compte du débiteur ne présentait plus qu’un solde de 512 francs;
Mais à aucun moment ECOBANK n’a justifier, conformément à l’article 161 in fine, la diminution des sommes rendues indisponibles par l’acte de saisie du 19 septembre 2004;
C’est donc à bon droit que le premier juge a délivré un titre exécutoire contre le tiers saisi, la société ECOBANK;
Il importe de dire que le premier juge en qualifiant la demande non chiffrée au départ n’a statué ultra-petita;
Il convient dès lors de confirmer l’ordonnance attaquée;
Sur les dépens
L’appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens en application de l’article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contrairement en matière de référé et en dernier ressort;
Déclare la société ECOBANK COTE D’IVOIRE recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé n°733 rendue le 9 février 2004 par la juridiction présidentielle du tribunal de première Instance d’Abidjan;
L’y dit cependant mal fondée;
L’en déboute;
Confirme l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions;
Condamne ECOBANK Côte d’Ivoire aux dépens.