J-05-315
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION – DELAI DE GRACE – SITUATION FINANCIERE DU DEBITEUR – VIOLATION DE L’ARTICLE 39 ALINEA 2 AUSRVE.
La situation de crise que vit la Côte d’Ivoire depuis plus de deux ans a un impact négatif évident sur l’économie des entreprises et justifie suffisamment le délai de grâce.
Article 39 AUPSRVE ALINEA 2
(Cour d’Appel d’Abidjan Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n° 721 du 29 juin 2004, SGBCI (SCPA SORO ET BAKO) c/ LA SCI DOUNIA (Me Laurent GUEDE LOGBO).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Oui le Ministère public;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 6 avril 2004 comportant ajournement au 20 avril 2004, la société Générale de la Banque en Côte d’Ivoire dite SGBCI ayant pour conseil la SCPA SORO BAKO avocats à la cour et agissant aux poursuites et diligences de son Directeur Général, Monsieur MIAILLE Michel, a relevé appel de l’ordonnance de référé n°1283 rendue le 19/03/2004 par la juridiction Présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu’il suit :
« Statuant en audience publique par décision contradictoire, en matière d’urgence et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviserons; mais dès à présent; vu l’urgence et par provision;
Recevons la SCI DOUNIA en sa demande;
Lui accordons un délai de grâce de 10 mois à compter du prononcé de la présente décision;
Ordonnons l’exécution provisoire de la présente décision;
Condamnes la SCI DOUNIA aux dépens;
Il ressort des énonciations de l’ordonnance querellée que par exploit du 22 mars 2004, la SCI DOUNIA a fait servir assignation à la SGBCI à l’effet de comparaître par devant la juridiction Présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan pour se voir accorder un délai de grâce;
La SCI DOUNIA a expliqué à l’appui de cette action qu’elle est débitrice de la SGBCI de la somme de 22.878.867 francs en principal outre les frais et intérêts, somme dont la SGBCI a entrepris le recouvrement en faisant pratiquer une saisie attribution sur les loyers provenant de l’immeuble « DANY CENTER3 lui appartenant;
Selon la SCI DOUNIA cette saisie attribution, si elle était réalisée, compromettait gravement ses chances de réhabilitation de ses finances mises à mal par la situation de guerre actuelle qui ne permet pas une perception optimale des loyers de ses immeubles;
Les moyens de la SGBCI n’ont pas été mentionnés;
Pour accorder à la SCI DOUNIA un délai de grâce de 10 mois le premier juge a estimé que la situation financière de celle-ci justifie l’octroi d’un délai de grâce;
Au soutien de son appel la SGBCI explique qu’elle est créancière de la SCI DOUNIA de la somme de 22.878.267 francs en principal outre les intérêts de droit et frais suite à la clôture du compte courant ayant donné lieu à plusieurs découverts consentis au profit de celle-ci;
Par suite, poursuit la SGBCI, elle a obtenu par la voie de l’injonction de payer, la condamnation de la SCI DOUNIA au paiement de cette somme; cette décision, selon elle étant devenue définitive, elle a entrepris son exécution forcée après des promesses de paiement non tenues par la débitrice;
C’est donc après la saisie attribution pratiquée sur les loyers appartenant à la SCI DOUNIA que celle-ci a sollicité et obtenu le délai de grâce, objet du présent appel;
Ceci exposé, la SGBCI affirme que la décision octroyant le délai de grâce viole les dispositions de l’article 39 alinéa 2 de l’acte uniforme portant voie d’exécution en ce qu’en l’espèce la SCI DOUNIA ne produit aucun état financier faisant ressortir les difficultés financières réelles qu’elle connaîtrait;
Par ailleurs, déclare l’appelante, la SCI DOUNIA ne rapporte aucune preuve des procédures aux fins d’expulsion qu’elle prétend avoir initiée à l’encontre des locataires incapables d’honorer leurs obligations contractuelles;
Au total, l’appelant conclut à l’infirmation de l’ordonnance entreprise et la cour statuant à nouveau, rejettera comme non fondée l’action en demande de délai de grâce de la SCI DOUNIA;
La procédure mise en délibéré pour arrêt être rendu le 29/06/2004, l’intimée a produit des notes en cours de délibéré acceptées par la cour, aux termes desquelles elle a sollicité le rejet de l’appel de la SGBCI comme non fondé et la confirmation de l’ordonnance entreprise;
DES MOTIFS
EN LA FORME :
L’appel de la SGBCI a été relevé conformément aux prescriptions légales; Il doit être, en conséquence, déclare régulier et recevable;
AU FOND :
La SCI DOUNIA ne contestant pas sa dette à l’égard de la SGBCI a sollicité et obtenu du juge des référés du tribunal d’Abidjan un délai de grâce de 10 mois à compter du prononcé de la décision pour le paiement de cette dette;
La SGBCI conteste cette décision au motif que la SCI DOUNIA ne justifie pas des difficultés financières qu’elle invoque ni la défaillance des locataires dans le paiement de leurs loyers; Cependant force est de reconnaître que la situation de crise que vit la Côte d’ivoire depuis plus de deux ans a un impact négatif évident sur l’économie des entreprises; ce qui justifie suffisamment le délai de grâce accordé par la juridiction Présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan;
Il convient dès lors dès lors de rejeter comme non fondé l’appel de la SGBCI et de confirmer l’ordonner entreprise en toutes ses dispositions;
L’appelante qui succombe doit supporter les dépens, en application des dispositions de l’article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare recevable l’appel régulièrement relevé par la SGBCI de l’ordonnance de référé n°1283 rendue le 19/03/2004 par la juridiction présidentielle du tribunal de première Instance d’Abidjan;
AU FOND
L’y dit mal fondé;
L’en déboute;
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;
Condamne l’appelante aux dépens;
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur
Il est impossible d’approuver le raisonnement de la Cour d’appel. Ce n’est pas parce que la Côte d’Ivoire traverse une période de trouble politique entraînant des difficultés économiques, en général, que celles-ci ont nécessairement une répercussion directe, particulière et inévitable sur la situation économique et patrimoniale du débiteur demandant les délais de grâce. C’est à ce dernier de faire la preuve qu’il connaît des difficultés personnelles à payer ses dettes comme le réclamait fort justement le créancier en appel. On ne peut que regretter le laconisme, voire la lacune de la motivation de la décision d’appel sur ce point précis, pourtant mis en exergue par l’article 39, alinéa 2 AUPSRVE (…compte tenu de la situation du débiteur…)