J-05-317
VOIES D’EXECUTION – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER REVETUE DE LA FORMULE EXECUTOIRE – CONTESTATIONS PORTANT SUR LA FORMULE EXECUTOIRE – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES – SORT DE LA FORMULE EXECUTOIRE EN CAS D’OPPOSITION FORMEE CONTRE L’ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – SORT DE LA SAISIE PRATIQUEE SUR LA BASE D’UNE ORDONNANCE DEPOURVUE DE FORMULE EXECUTOIRE.
– Le juge des référés jugé de l’urgence, est compétent pour connaître de toute demande relative à une mesure d’exécution forcée, donc sur la régularité de l’apposition de la formule exécutoire.
– L’apposition de la formule exécutoire sur une ordonnance d’injonction de payer doit être déclarée nulle s’il a été formé opposition contre l’ordonnance, ou s’il n’y a pas désistement de l’opposition procédant d’un acte du débiteur ou d’une décision de justice constatant une telle énonciation.
– La saisie attribution de créance fondée sur une ordonnance dépourvue de formule exécutoire doit être annulée et sa main levée ordonnée.
(Cour d’Appel d’Abidjan Chambre Civile et Commerciale, Arrêt N°725 du 29 juin 2004 Société ETIPACK –CI (Conseil Mm Catherine KONE) c/ Société REGIA (Conseil SCPA ALPHA 2000).
LA COUR,
Oui le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l’exposé des faits, procédure prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DE PARTIES
Par acte d’huissier en date du trois (3) mars 2004, comportant ajournement au 16 mars 2004, la société ETIPACK-COTE D’IVOIRE a relevé appel de l’ordonnance de référé n° 899/2004 rendue le 17 février 2004 par la juridiction présidentielle du tribunal de Première instance d’Abidjan dont le dispositif est ainsi libellé :
"Statuant en audience publique, par décision contradictoire en matière d’urgence et en dernier ressort;
– Rejetons les moyens d’irrecevabilité et d’incompétence soulevés par la société ETIPACK CI;
– Recevons la société REGIA Sarl en son action, nous nous déclarons compétent pour en connaître;
– Constatons que les procès verbaux de saisi ne sont pas conformes et ordonnons la main levée;
– Laissons les dépens à la charge de la société ETIPACK CI;
Au soutien de son appel, la société ETIPACK-CI expose que le 24 juin 2003, elle a obtenu une ordonnance d’injonction de payer condamnant la société REGIA à lui payer la somme de 4.155.108 francs;
Le 29 juillet 2003, ladite ordonnance a été signifiée à la société REGIA;
Le 13 août 2003, celle-ci a formé opposition avec ajournement au 10 septembre 2003;
Mais le 3 septembre 2003, la société REGIE lui a signifié un avenir d’audience avec ajournement au 11 septembre 2003;
A cette datte, la société REGIA a délibérément négligé d’enrôler son opposition;
Le 7 octobre 2003, elle, ETIPACK, conformément à l’article 16 de l’acte uniforme a obtenu un certificat de non enrôlement (REGIA s’étant de son opposition);
Le 15 octobre 2003 ETIPACK-CI a obtenu l’opposition de la formule exécutoire;
L’appelante poursuivant son exposé, affirme que par exploit en date du 4 décembre 2003, elle a en vertu de son titre exécutoire et conformément à l’article 92 du traité OHADA (sic), signifié un commandement préalable de payer à son débiteur;
La société REGIA ne s’étant pas manifestée dans le délai de huit (8) jours qui lui était imparti d’avoir à payer sa dette, la société ETIPACK-CI a fait saisir ses biens meubles par exploit d’huissier en date du 10 décembre 2003;
Ce n’est que le 12 décembre 2003, après que la société ETIPACK-CI ait pratiqué saisie vente sur ses biens que la société REGIA a signifié par exploit d’huissier un avenir d’audience avec ajournement au 24 décembre 2003;
Le 27 janvier 2004, la société ETIPACK a fait bloquer les comptes de REGIA;
L’appelante excipe in limine litis de la nullité de l’ordonnance de référé déféré et explique que la lecture de ladite ordonnance fait apparaître que seuls les motifs invoqués par la société REGIA ont été repris dans l’ordonnance et ce, alors que le code de procédure civile (article 142) exige à peine de nullité que les arguments soulevés par chacune des parties soient énoncés;
La société ETIPACK-ci en conclut que cette seule constatation justifie que la cour prononce la nullité de l’ordonnance sur ce point;
SUR LE MOYEN D’IRRECEVABILITE ET D’INCOMPETENCE
L’appelante explique que devant le juge des référés elle a invoqué l’incompétence de celui-ci à connaître de la demande d’annulation de la formule exécutoire présentée par la société REGIA en se fondant notamment sur les dispositions de l’article 16 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution selon lesquelles l’opposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance d’injonction de payer produit tous les effets d’une décision contradictoire et n’est pas susceptible d’appel;
Elle, REGIA en conclu qu’une fois opposée, la formule exécutoire était définitivement acquise au bénéficiaire de l’ordonnance, d’autant que l’acte uniforme en son article 32 autorise le créancier poursuivant à exécuter à ses risques et périls;
La société ETIPACK-CI invite la cour à constater que le jugement des référés ne s’est pas expliqué sur cette disposition qui autorise à exécuter à ses risques et périls et n’a donc pas démontré en quoi l’exécution entreprise par la société ETIPACK n’était pas possible;
L’appelante explique qu’en outre le juge des référés n’a pas donné de base légale à sa décision en indiquant simplement que ce n’est pas parce que l’appel de la formule exécutoire est interdit que celle-ci ne peut être mise en cause;
Il appartenait audit juge de se prononcer et de démontrer qu’un recours était possible et qu’il était compétant pour en connaître;
En tout état de cause, dès lors que l’article 16 de l’acte uniforme dénie cette compétence à la cour d’Appel, on ne peut, à fortiori l’admettre pour le juge des référés;
La société ETIPACK prie la cour de juger que le juge des référés devait décliner sa compétence;
De toute façon la société REGIA avait par deux (2) fois renoncé à enrôler son opposition et s’était désistée de cette voie de recours;
L’appelante relève également que devant le juge des référés, elle a également invoqué l’incompétence des référés à connaître de la demande de main levée de saisie mobilière présentée par la société REGIA au motif que cette société a déjà articulé cette demande et que donc le juge des référés en a déjà été saisi;
La société ETIPACK-CI fait remarquer que manière surprenante, le juge des référés saisi en second lieu se déclare compétent et rejette l’exception d’incompétence sans surtout esquisser la moindre explication;
L’appelante demande à la cour d’infirmer la décision du juge des référés sur ce point;
SUR LES NULLITES FORMELLES INVOQUEES PAR LA SOCIETE REGIA
– L’appelante explique que le juge des référés a constaté que le procès verbal de saisie n’est pas conforme en ce que la juridiction compétente pour trancher les contestations n’est pas indiquée dans ledit procès verbal;
Elle fait remarquer qu’il est constant que l’acte uniforme n’exige l’indication de la juridiction compétente que pour l’acte de dénonciation et non pas pour le procès verbal de saisie attribution lui-même;
Ce procès verbal ne pouvait donc pas être déclaré nul pour ce motif;
L’appelante demande à la cour d’infirmer la décision du juge des référés sur ce point;
– La société ETIPACK-CI relève que le juge des référés a en outre relevé s’agissant du procès verbal de saisie vent que les objets saisis n’ont pas été détaillés de manière distincte;
L’appelante explique que la cour relèvera que ce faisant, le Juge des référés a outrepassé sa compétence en statuant ultra-petita, à aucun moment ce motif n’ayant été invoqué par la société REGIA;
La société ETIPACK explique que la cour relèvera surtout le caractère inexact de cette affirmation, car la lecture dudit procès verbal fait au contraire apparaître que l’huissier a pris soin de noter la marque de chaque objet chaque fois qu’il y en avait une;
En réplique la société REGIA expose que par ordonnance n° 3923/2003 du 24 juin 2003, elle a été condamnée à payer à la société ETIPACK la somme en principale de 4.155.108 francs outre les intérêts de droit et les frais;
Elle a formé opposition à ladite ordonnance le mercredi 13 août 2003 avec ajournement à l’audience du 10 septembre 2003;
Advenue cette audience, la cause n’ayant pu être enrôlée, elle a signifié un avenir d’audience pour la date du 22 décembre 2003, date à laquelle l’affaire a été appelée devant la chambre des oppositions et renvoyée à l’audience du 18 février 2004;
Alors que l’affaire est pendante devant le tribunal, la société ETIPACK a procédé à la saisie de ses biens meubles en vue de les rendre;
Le mercredi 27 janvier, la société ETIPACK a procédé, cette fois, à une saisie attribution de créance sur ses comptes bancaires toujours sur la base de documents précités et que le 28 janvier 2004 cette saisie était dénoncée;
Elle a alors saisi le juge des référés aux fins de voir ordonner la main levée tant de la saisie vente que de la saisie attribution pratiquées à son encontre;
Et que par ordonnance n° 899 du 17 février 2004, le juge des référés s’est déclaré compétent et a ordonné la main levée des saisies;
L’intimée explique que les mesures d’exécution entreprises par la société ETIPACK étaient parfaitement illégales et faites en violation de l’article 34 du traité OHADA (sic) et des articles 49, 100 alinéa 8 et 160 alinéa 2°2 de l’acte uniforme portant voies d’exécution;
En effet, explique –t-elle, l’article 34 dudit acte uniforme dispose que :
"Lorsqu’une décision juridictionnelle est invoquée à l’égard d’un tiers, il doit être produit un certificat de non appel et de non opposition mentionnant la date de la signification de la décision à la partie condamnée, émanant du greffier de la juridiction qui a rendu la décision dont s’agit";
L’intimée fait remarquer qu’en l’espèce, la société poursuivante n’a pas le certificat de non appel ni opposition, puisque aussi bien une opposition a été formée le 13 août 2003;
La société REGIA en conclut que ces agissements constituent une parfaite violation de la législation en vigueur;
L’intimée fait noter que le commandement avant saisie est également entachée de nullité puisque ne visant aucun titre exécutoire;
La société explique que le commandement de payer qui lui a été délivré, l’a été en vertu d’un certificat de non enrôlement n°9252 du 7 octobre 2003 et qu’un tel certificat ne peut en aucune façon servir de base à une exécution forcée;
C’est donc à juste titre que le juge a constaté l’irrégularité des saisies;
Poursuivant ses explications, la société RGIA fait remarquer que conformément à l’article 100 alinéa 8, l’acte de la juridiction devant laquelle seront portées les contestations relatives à la saisie vente;
Egalement l’article 160-2°2, s’agissant de la saisie attribution, dispose que l’exploit doit désigner la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées;
Le juge des référé, constatant ces différentes irrégularités a déclaré nuls les procès verbaux de saisie vente et de saisie attribution de créances, et qu’il a par conséquent ordonné la main levée des différentes saisies;
Sur la nullité de l’ordonnance pour violation de l’article 142 du code de procédure civile, la société REGIA fait remarquer que l’article visé concerne les mentions qui doivent être portées sur les jugements et non les ordonnances comme c’est le cas en l’espèce;
Contrairement à ce que veut faire croire la société ETIPACK-CI, l’ordonnance querellée a résumé l’argumentation de l’appelante qui était l’irrecevabilité de l’action en référé de la société REGIA et l’exception d’irrecevabilité tiré du fait que le juge des référés aurait été saisi de la même cause;
Le juge a bien répondu à ces moyens et qu’en tout état de cause, l’article 142 précité n’a pas été prévu à peine de nullité;
Su les moyens de nullité et d’incompétence, la société REGIA explique que la société ETIPACK-CI a fait une mauvaise lecture des articles 16 et 32 du traité OHADA (sic);
Que la société ETIPACK veut absolument exécuter une ordonnance d’injonction de payer frappée d’opposition dans une procédure actuellement pendant devant la chambre des oppositions;
Le problème qui se pose en l’espèce est de savoir en vertu de quelle décision exécutoire, la saisie dont discussion est faite, a été pratiquée;
L’article 32 du traité OHADA dispose que :
"l’exécution peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision";
Dans le cas d’espèce, il n’y a aucun titre exécutoire par provision dans la mesure où l’ordonnance d’injonction de payer est frappée d’opposition;
Par ailleurs l’article 34 dispose :
"qu’aucune mesure d’exécution forcée ne peut être entreprise sans le certificat de non appel ni opposition";
La société ETIPACK ne peut produire ledit certificat dans la mesure où une opposition a bien été formé;
Sur les nullités formelles, la société RGIA soutient que l’argument de l’appelante ne peut prospérer;
Elle explique l’affirmation de la société ETIPACK selon laquelle l’acte uniforme n’exige l’indication de la juridiction compétente seulement pour l’acte de dénonciation et non pour le procès verbal de saisie attribution est parfaitement erronée;
En effet ledit article est ainsi libellé
"la (5) …. La reproduction littérale des articles 38 et 156 ci-dessus et 169 à 172 ci-dessous";
L’article 169 dispose que « les contestations sont portées devant la juridiction du domicile ou du lieu ou demeure le débiteur »;
Le procès verbal de saisie ne l’ayant pas fait, il encourt bien l’annulation;
La société conclut que la cour d’Appel au regard de tout ce qui précède déclarera la société ETIPACK-ci mal fondée;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel de la société ETIPACK ayant été relevé conformément aux dispositions légales, il convient de le déclarer recevable;
AU FOND
Sur la violation de l’article 142 du code de procédure civile;
La société ETIPACK-CI argue de ce que ces moyens n’ont pas été mentionnés dans l’ordonnance querellée pour en demander l’annulation et ce en application de l’article 142 du code de procédure civile;
I faut préciser que cette prescription n’est pas prévue à peine de nullité et que même si les prétentions d’ETIPACK n’apparaissent pas dans l’ordonnance de référée le juge des référés toutefois dans sa motivation y répond de sorte qu’il n’y a aucun préjudice pour l’appelante;
Il convient dès lors de retiré de ce moyen comme non fondé;
Sur l’opposition de la formule exécutoire;
Dans le cadre des contestations de l’article 49 de l’acte uniforme portant voies d’exécution le juge des référés en tant que juge de l’urgence est compétant pour connaître de tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée;
Partant ledit jugement avait compétence pour se prononcer sur la régularité de l’opposition de la formule exécutoire de sorte qu’il y a lieu de rejeter ce moyen;
Aux terme de l’article 16 de l’acte uniforme précité « en l’absence d’opposition dans les quinze (15) jours de la décision portant injonction de payer ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l’opposition de formule exécutoire sur cette décision »;
En l’espèce, on ne trouve pas dans l’hypothèse de l’article 16 suscité dans la mesure où le débiteur, en l’occurrence la société REGIA, a formé opposition par acte d’huissier en date du 13 août 2003 à l’ordonnance d’injonction de payer n°3923/2003 rendue le 24 juin 2003;
Il n’y a pas eu non plus de désistement du débiteur à ladite opposition, le désistement procédant d’un acte du débiteur ou d’une décision de justice constatant une telle renonciation;
Au total, l’apposition de la formule exécutoire ne saurait valoir et doit être déclarée nulle comme telle;
Or pour pouvoir procéder à une saisie attribution de créancier telle que prévue par l’article 153 de l’acte uniforme portant voies d’exécution le créancier doit posséder un titre exécutoire notamment d’une décision juridictionnelle revêtue de la formule exécutoire;
L’ordonnance d’injonction de payer qui a servi de base à la saisie attribution de créance litigieuse étant dépourvue de formule exécutoire, il y a lieu d’annuler ladite saisie en d’en ordonner sa main- levée;
L’appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens en application des dispositions de l’article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
Déclare la société ETIPACK Cote d’Ivoire recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé n° 899/2004 rendue le 17 février 2004 par la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
L’y dit mal fondée;
Confirme par substitution de motifs l’ordonnance querellée;
Condamne l’appelante aux dépens;