J-05-322
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION – MAINLEVEE – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES – DEFENSE FAITE PAR LE JUGE AU SAISISSANT D’AVOIR A OPERER DE NOUVELLES SAISIES – VALIDITE (non).
Le juge des référés institué par l’article 49 de l’acte uniforme sur les voies d’exécution n’est pas un juge des référés ordinaire. Il a en effet une compétence plus étendue que celui-ci. Il ne peut toutefois pas faire défense au saisissant d’opérer de nouvelles saisies dès lors qu’il ne connaît que des litiges nés et non des litiges à naître qui sont du reste incertains.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, Arrêt N°872 du 27 juillet 2004, Dame KOSSERE HONOBLE Germaine Conseil (Me DAVID GOBA) c/ Société les Grands MOULINS d’Abidjan Conseil Mes DOGUE – ABBE YAO et Associés).
LA COUR,
Oui le ministre public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétention des Parties et motifs ci-après;
DES FAITS PROCEDURES ET PRETENTIONS DES PARTIES
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort sur l’appel relevé le 04 Mai 2004 ayant ajournement au 18 MAI 2004par dame KOSSERE HONOBLE GERMAINE ayant pour conseils maître DAVID GOBA et YAFFI CHERIF, de l’ordonnance de référé N°1820 rendue le 20/04/2004 par la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan – Plateau, non encore signifiée dont le dispositif est ainsi conçu :
"Statuant publiquement contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort;
– Ordonnons la jonction des procédures;
– Recevons la société des grands moulins d’Abidjan en son action;
– L’y disons bien fondé;
– Déclarons nulles les saisis attributions pratiquées et en ordonnons la main –levée;
– faisons interdiction à KOSSERE HONOBLE GERMAINE et à ses mandataires de pratiquer tout autre saisie sur la base de l’arrêt N°182 du 07 Février 1997 sous astreinte comminatoire de 10 millions de francs par jour à compter de la date de survenance de toute saisie jusqu'à sa cessation;
– Ordonnons l’exécution provisoire d la présente décision à compter de son prononcé;
– condamnons le défendeur aux dépens’’
Considérant que dame KOSSERE HONOBLE GERMAINE rappelant les faits expose que mandatée par des boulangers et pâtissier s de côte d’ivoire en vue de l’exécution de l’arrêt N° 182 du 07 Février 1997 rendu par la cour d’appel d’Abidjan dans la cause opposant le syndicat national des boulangers et des pâtissiers de côte de d’ivoire à la société les grands moulins d’Abidjan, par exploits en date des 22 et 24 mars et 1er Avril 2004, elle procédait à la saisie entre les mains de diverses banques des comptes couverts dans leurs au nom de la société les grands moulins d’Abidjan;
Que ces saisies étaient dénoncées par exploits en date des 30 Mars et 07 Avril 2004;
Que par assignations en date des 05 et 15 Avril 2004, la société les grands moulins d’ Abidjan l’assignait à comparaître par devant la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan statuant en matière de référé d’heure à heure aux fins de voir déclarer nulles les saisie par elle pratiquées et en entendre ordonner la main- levée;
Que tel était l’unique objet du litige expressément énoncé aussi bien dans les différentes assignations que dans l’ordonnance querellée;
Qu’en dépit de ce rappel précis es prétentions de la demanderesse, le juge des référés, dans le dispositif de son ordonnance, tranchera comme suit :
‘’Faisons interdiction à KOSSERE HONOBLE GERMAINE et à ses mandataires de pratiquer toute autre saisie sur la base de l’arrêt N° 182 du 07 Février 1997 sous astreinte comminatoire de 10 millions de francs par jour à compter de la date de la survenance de toute saisie jusqu’à sa cessation ‘’ :
Considérant que l’appelante fait grief au juge des référés d’avoir statué ultra petite;
Qu’elle ajoute que la décision entreprise préjudicie au fond en ce qu’elle fixe définitivement sort ainsi que celui est personnes qui l’ont mandatée;
Qu’enfin, poursuit dame KOSSERE HONOBLE GERMAINE, l’astreinte est une mesure d’accompagnement d’une condamnation principale pour des faits avérés, passés ou présents;
Qu’elle ne saurait être prononcée pour des faits non encore avérés, futurs, voire incertains sans l’exposer à être perçue comme une pure menace sous le couvert d’une décision judiciaire;
Qu’elle conclut qu’en violant tous ces principes de base le juge des référés a outrepassé ses compétences et en tâché sa décision de graves irrégularités;
Qu’en conséquence, elle demande à la cour de rétablir le droit en déclarant nulle et de nul effet l’ordonnance querellée en ce point de son dispositif;
Considérant que la société les Grands Moulins d’Abidjan par l’organe de ses conseils DOGUE, ABBE et Associés explique que par exploits des 22, 24 Mars 2004 et 1er avril 2004, dame KOSSERE HONOBLE Germaine prétendant agir pour le compte de l’ensemble des Boulangers et Pâtissiers de Côte d’Ivoire et en vertu d’un arrêt n° 182 rendu le 5 février 1997 de la Cour d’Appel d’Abidjan entre la Société les Grands Moulins d’Abidjan et le Syndicat National des Boulangers de Pâtissiers de Côte d’Ivoire, a pratiqué saisie –attribution de créances à son préjudice;
Que lesdites saisies lui ayant été dénoncés, elle (l’intimée) a saisi Madame le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau statuant en matière d’urgence par exploit des 05, 06 et 15 avril 2004 en vertu de l’ordonnance prise au bas de trois requêtes à l’effet d’obtenir la main – levée des différentes saisies pratiquées à son préjudice;
Qu’outre la main – levée des saisies pratiquées, elle demandait au Président du Tribunal saisi qu’il soit fait interdiction à Madame KOSSERE HONOBLE Germaine et à ses mandants de pratiquer toute autre saisie et ce, sous astreinte de 10.000.000 FCFA à l’occasion de chaque saisie;
Qu’elle a également sollicité l’exécution provisoire de la décision à intervenir conformément aux dispositions de l’article 172 de l’acte Uniforme du Traité OHADA portant organisation des voies d’exécution;
Considérant que répliquant aux prétentions de l’appelante, la Société les Grands Moulins d’Abidjan estime que les moyens d’appel ne sont nullement fondés;
Qu’en effet, l’intimée fait valoir que le juge des référés n’a fait qu’entériner toutes ses demandes; qu’elle soutient dès lors que le juge des référés n’a pas statué ultra petita;
Qu’elle affirme qu’elle a clairement indiqué dans sa requête aux fins de référé d’heure à heur que ni Madame KOSSERE HONOBLE Germaine, ni ses prétendus mandants ne sont bénéficiaires de l’arrêt ayant servi de base à la saisie;
Qu’elle poursuit que si la juridiction des référés s’arrêtait à la simple main – levée desdites saisies, Madame KOSSERE HONBLE Germaine et ses prétendus mandants, dans l’intention de nuire à l’intimée, s’empresseraient de pratiquer une nouvelle saisie;
Que pour briser cette mauvaise volonté plusieurs fois manifestée par celle-ci, il convenait non seulement de leur faire interdiction de pratiquer une nouvelle saisie et ce, sous astreinte, mais également d’assortir la décision à intervenir de l’exécution provisoire;
Que ces différentes demandes au nombre de trois (main- levée de saisie, interdiction de pratiquer une nouvelle saisie et exécution provisoire de la décision) ont été exprimées aussi bien dans les trois requêtes ayant permis l’autorisation de saisi le juge des référés mais également à l’occasion de la plaidoirie;
Qu’il s’agit donc bien de mesures sollicitées et la juridiction des référés en les entérinant n’est nullement allée au- delà de ce qui lui était demandée;
Que s’agissant de l’astreinte, l’intimée fait savoir qu’il s’agit d’une mesure que prend le juge lorsqu’il rend une décision à l’effet de faire exécuter ladite décision et de briser la résistance de l’obligation de faire ou de l’obligation de ne pas faire;
Qu’en l’espèce, le juge des référés a assorti l’interdiction faite à dame KOSSERE HONOBLE Germaine de pratiquer de nouvelle saisie d’une astreinte à compter de chaque saisie et jusqu’à cessation de la mesure de saisie; ce qui est une précision apportée par le juge des référés pour accompagner la décision qu’il entend bien faire respecter;
Qu’en statuant ainsi, le juge des référés n’est nullement allé au-delà de ce qui lui était demandé;
Qu’enfin, la société les Grands Moulins d’Abidjan soutient que dame KOSSERES HONOBLE Germaine qui prétend que le juge des référés a préjudicié au fon ne dit pas en quoi;
Que selon elle, le juge des référés a pris des mesures d’évidence qui lui avaient été demandées;
Que ces mesures étant de sa compétence on ne peut pas lui faire grief d’avoir statué au fond;
Qu’elle conclut donc à la confirmation de l’ordonnance entreprise;
Considérant que par répliques en date du 14 mai 2004 dame KOSSERE HONOBLE Germaine fait valoir que l’exploit d’assignation du 15/04/2004 qui lui a été servi par les grands Moulins d’Abidjan ne comporte aucune précision, ni indication la concernant, ce, en violation des dispositions d’ordre public de l’article 246 du code de procédure civile;
Qu’elle soutient que l’ordonnance querellée a volontairement occulté le grave préjudice que cette nullité lui a causé et continue de lui causer;
Qu’en effet, précise-t-elle, l’exploit du 15/04/2004 en occultant volontairement de l’identifier et surtout en omettant; volontairement la mention de ses mandants, la cause un préjudice d’une exceptionnelle gravité;
Qu’elle fait savoir quelle agit tant en son nom personnel qu’au nom de l’ensemble des Boulangers et Pâtissiers de Côte d’Ivoire à la suite d’un mandat express à elle donné par l’Assemblée Générale extraordinaire du Jeudi 1er août 2002;
Qu'elle soutient qu'en omettant sciemment cette mention, les Grands Moulins d'Abidjan lui cause un préjudice certain puisque l'intimé fait croire qu'elle agit seule et qu'elle ne représente rien, ni personne d'autre qu'elle même, ce qui est loin d'être la réalité {
Qu'au fond, dame KOSSERE HONOBLE Germaine répète que le Juge des référés a outrepassé sa compétence;
Qu'elle affirme que s'il est exact que ses mandants et elle-même tels qu'exprimés sur les exploits de saisie ne sont pas une personne morale, il n'en reste pas moins qu'agissant pour le compte de l'ensemble des Boulangers et Pâtissiers de Côte d'Ivoire a la suite d'un mandat express à elle donné par l'Assemblée Générale Extraordinaire du Jeudi 1er Août 2002 représente une entité juridique dont la qualification échappe au pouvoir d'appréciation du Juge des référés
Que selon l'appelante, l'interdiction qui lui a été faite par le Juge des référés de pratiquer toutes autres saisies sur la base de l'arrêt N° 182 du 07/02/1997 sous astreinte comminatoire a préjudicié au fond du litige qui oppose à la fois le Syndicat des Boulangers et Pâtissiers de Côte d'Ivoire les membres de ce Syndicat et les Grands Moulins d'Abidjan
Qu'elle estime que par cette interdiction, le Juge des référés a déjà analysé le mandat qu'elle a reçu des autres Boulangers à l'Assemblée Extraordinaire du 1/8/2002, et au-delà, elle a même tranché et statué le fond du litige opposant les parties, ce qui n'entre pas dans la compétence d'un Juge des référés;
Qu'elle conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que l'appel régulièrement intervenu est recevable;
Sur Le Moyen Tire de la Nullité des Exploits d'assignation des 05 et 15 avril 2004
Considérant que dame KOSSERE HON0BLE Germaine soutient que les exploits d'assignation sont nuls pour désignation incomplète, car sa qualité de mandataire de l'ensemble des Boulangers et Pâtissiers de Côte d'Ivoire a été omise desdits exploits;
Considérant qu’il s'agit d'une violation qui n'entraîne qu'une nullité relative c'est à bon droit que le Premier Juge a dit que l'appelante n'a subi aucun préjudice dans la mesure où il n'y a pas eu de confusion entre elle et une autre personne, mais encore dès lors où elle a comparu, et présenté ses moyens de défense;
Qu'il s'en suit que ce moyen ne peut prospérer;
ANNULATION DE LA DECISION ENTREPRISE CAR LE JUGE DES REFERES A STATUE ULTRA PETITA
Considérant que dame KOSSERE HONOBLE GERMAINE fait valoir qu'il a été demandé au Juge des référés de déclarer nulles les saisies attributions de créances par elle pratiquées sur les comptes de la Société les Grands Moulins d'Abidjan et conséquemment la main- levée desdites saisies;
Qu'elle soutient qu'en lui interdisant de faire de nouvelles saisies, le Juge des référés saisi a statué ultra petita de sorte de sa décision est nulle;
Considérant qu'il résulte des productions notamment des requêtes aux fins des référés d'heure à heure que la Société les Grands Moulins d'Abidjan a demandé outre la main -levée des saisies -attribution de créances pour nullité des exploits de saisies, l'interdiction faite à l'appelante de pratiquer de nouvelles saisies ce, par la requête afin de référé d'heure à heure en date du 15 avril 2004;
Qu'en conséquence il convient de dire que le Premier Juge n'a pas statué ultra petita et ce moyen mérite d'être rejeté;
SUR L'INTERDICTION FAITE A DAME KOSSERE GERMAINE ET A SES MANDANTS DE PRATIQUER D'AUTRES SAISIES
Considérant que l'article 49 de l'Acte Uniforme portant procédures de recouvrement et voies d'exécution donne compétence à la juridiction compétent à savoir le Président du Tribunal ou le Juge par lui délégué pour statuer sur tout litige ou toute demandé relative a une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire;
Qu'il importe de dire que ce Magistrat statuant en matière d’urgence comme le Juge des référés n'est cependant pas un Juge de référé ordinaire, sa compétence étant plus étendue que celle du Juge des référés ordinaire et pouvant toucher au fond;
Que c'est donc à tort que l'appelante parle de préjudice au fond;
Que cependant l'article 49 précité donnant compétence à la Juridiction compétente (le Président du Tribunal ou son Juge délégué) pour connaître des litiges nés et non à naître c'est à dire des litiges futurs, c'est à tort que le Premier Juge a fait interdiction à dame KOSSERE HONOBLE Germaine et a ses mandants de pratiquer de nouvelles saisies sur la base de l'arrêt N° 182 du 07/02/1997 de la Cour d'Appel d'Abidjan;
Qu'il n’y a aucune urgence à se prononcer sur un litige futur voire incertain;
Qu'il y a ainsi lieu de réformer la décision querellée;
SUR LES DEPENS
Considérant que dame KOSSERE HONOBLE Germaine qui succombe dans l'essentiel de ses prétentions doit supporter les dépens;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Déclare dama KOSSERE HONOBLE Germaine recevable en son appel relevé de l'ordonnance de référé N° l82 rendue le 20/04/ 2004 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
L'y dit partiellement fondée;
Réformant l'ordonnance entreprise;
Dit qu'il n'y a pas lieu à interdire a dame KOSSERE HONOBLE Germaine et à ses mandants de pratiquer de nouvelles saisies;
Confirme l'ordonnance entreprise en ses autres dispositions;
Condamne l'appelante aux dépens;