J-05-325
VOIES D’EXECUTION – SAISIE ATTRIBUTION DE CRÉANCE – VIOLATION DE L’ARTICLE 157 ALINEA 4 AUPRSVE – NULLITÉ (oui).
Doit être déclaré nul l’acte de saisie attribution qui ne contient pas les prescriptions prévues à l’article 157 4) de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution selon lesquelles le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et il lui est fait défense de disposer des sommes saisies dans les limites de ce qu’il doit au débiteur.
(Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, Arrêt n°729 du 02 juillet 2004 SONITRA (SPA KONAN - FOLQUET) C/ Sté SEEE et autres (SCPA ADJE – ASSIS – METAN).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier
Oui les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi
Par acte d’huissier du 03 février 04 comportant ajournement au 17 févier 2004, la société Ivoirienne de travaux dites SONITRA a relevé appel de l’ordonnance n°350 du 20 janvier 2004 rendue par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui a statué en ces termes :
"Statuant publiquement, par décision contradictoire, en matière d’urgence et en premier ressort;
Au principal renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront mais dès à présent, vu l’urgence et par provisions;
Recevons la SONITRA en son action;
L’y disons mal fondée et l’en déboutes;
La condamne aux dépens;
Par arrêt infirmatif n°1050 du 25 juillet 2003, la Cour d’Appel de ce siège a condamné la SONITRA à payer la somme de 294.550.967 F à la société d’Etude et d’entreprise d’équipement dite SE; la SONITRA a formé un pourvoi pour solliciter le sursis à l’exécution de l’arrêt susvisé. Suivant arrêt n°575 du 06 novembre 2003, la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême a partiellement fait droit à sa demande en ordonnant la continuation des poursuites à hauteur de la somme de 145.000.000 F; insatisfaite, la SONITRA a saisi le Président de la Cour Suprême qui, statuant par ordonnance n°124 du 04 décembre 2003, a ordonné le sursis à l’exécution de l’arrêt n°575 rendu le 06 novembre 2003 par la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême;
Passant outre cette ordonnance de sursis à exécution, la SEEE a procédé le 22 décembre 2003 à une saisie attribution de créances pour avoir paiement de sa créance de 145.000.000 F;
La SONITRA a alors saisi le juge des référés pour obtenir la main-levée de ladite saisie;
Par ordonnance n°350 du 20 janvier 2004, le juge des référés a débouté la SONITRA de sa demande aux motifs que contrairement aux allégations de celle-ci, la saisie qui comporte les mentions de l’article 157 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution est régulier;
La SONITRA a relevé appel de cette décision pour en solliciter l’infirmation et la main-levée des saisies pratiquées sous astreinte comminatoire de 1.000.000 F par jour de retard;
Au soutien de son appel, elle plaide le caractère illégal de la saisie en alléguant que l’ordonnance n°124 rendue le 04 décembre 2003 par le Président de la Cour Suprême a suspendu l’arrêt de la Cour d’Appel n°1050 du 25 juillet 2003;
Elle ajoute qu’en violation de l’article 222 du code de procédure civile, l’ordonnance contestée fait grief à la décision du Président de la Cour Suprême;
En outre, la SONITRA soutient que l’acte de saisi et l’exploit de dénonciation sont nuls;
Elle prétend sur ce point que l’acte de saisie ne contient pas la mention que "le tiers est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu’il lui est fait défense de disposer des saisies dans la limite de ce qu’il doit au débiteur"; elle en déduit que l’acte de saisie-attribution du 22 décembre 2003 est nul en application de l’article 157-4ème de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Relativement à l’acte de dénonciation, la SONITRA fait observer que ledit acte désigne la juridiction présidentielle comme la juridiction compétente pour connaître des contestations de saisie alors que conformément à l’article 49 de l’acte uniforme précité, la juridiction compétente en matière de contestation est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence;
Elle en déduit qu’au regard de l’article 160 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’exploit de dénonciation est nul;
En réplique, la SEEE soutient que s’il est admis que le président de la Cour Suprême a suspendu l’arrêt n°575 du 06 novembre 2003 émanant de ladite cour par son ordonnance n°124 du 04 décembre 2003, alors il a ainsi rendu exécutoire la totalité de la condamnation prononcée contre la SONITRA.
Sur la violation de l’article 222 du code de procédure civile, elle fait remarquer que selon l’arrêt n°021 du 26 décembre 2002, de la Cour commune de Justice et d’arbitrage de l’OHADA, le président de la Cour Suprême est radicalement incompétent pour statuer sur des difficultés d’exécution;
En outre, sur la nullité de l’exploit de saisie, la SEEE relève qu’il est clairement mentionné à la page 5 de son acte que "tous les accessoires, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance, disponible entre les mains d’un tiers; il rend le tiers personnellement débiteur envers le créancier saisissant des causes de la saisie dans la limite de son obligation";
Elle en retient que l’allégation de la SONITRA tirée du défaut d’indication de cette mention ne saurait prospérer;
Enfin, sur la nullité de l’acte de dénonciation, la SEEE estime que ce moyen n’est pas davantage fondé puisque la SONITRA ne démontre pas la différence entre la juridiction présidentielle qui est celle des référés, susceptible de recevoir un recours, et le président du tribunal;
Elle sollicite en conséquence la confirmation de l’ordonnance attaquée;
SUR CE
Considérant que les parties ont conclu; qu’il y a lieu de statuer par décision contradictoire;
EN LA FORME
Considérant qu’il n’est pas établi au regard des pièces du dossier de la procédure que l’ordonnance attaquée a été signifiée; qu’ainsi, l’appel interjeté par la SONITRA le 03 février 2004 et ajourné au 17 février 2004 est recevable pour être conforme aux prescriptions de l’article 228 du code de procédure civile;
AU FOND
Sur l’illégalité de la saisie
Considérant que par arrêt n°1050 du 25 juillet 2003, la Cour d’Appel de ce siège a condamné la SONITRA à payer à la SEEE la somme de 295.555.967 F;
Considérant par contre que la Chambre judiciaire de la Cour Suprême saisie par la SONITRA aux fins de sursis à l’exécution de l’arrêt susvisé a ordonné la continuation des poursuites à concurrence de 145.000.000 F suivant arrêt n°575 du 06 novembre 2003;
Considérant que c’est en vertu de cet arrêt exécutoire et insusceptible de recours que la SEEE a pratiqué saisie-attribution du 22 décembre 2003; qu’une telle saisie n’est pas illégale nonobstant l’ordonnance n°124 du 04 décembre 2003 rendue par le Président de la Cour Suprême; qu’en effet, en ordonnant le sursis à l’exécution de l’arrêt n°575 du 06 novembre 2003, le Président de la cour Suprême a privé ladite décision d’effet et a par la même occasion autorisé l’entière exécution de l’arrêt n°1050 du 25 juillet 2003 de la cour d’Appel portant condamnation de la SONITRA à payer la somme de 294.550.967 F à la SEEE; qu’il en découle que l’ordonnance de référé critiquée ne fait nullement grief à l’ordonnance du président de la Cour Suprême; que le moyen tiré de la violation de l’article 222 du code de procédure civile n’est pas davantage fondé; qu’il y a lieu d’en juger ainsi et de dire que l’illégalité alléguée par la SONITRA ne saurait prospérer;
Sur la nullité de l’acte de saisie tirée de l’article 157-4ème de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Considérant que l’article 157-4ème de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose que "le débiteur procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l’huissier ou l’agent d’exécution;
Cet acte contient à peine de nullité; l’indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier des sommes saisies dans les limites de ce qu’il doit au débiteur";
Considérant que contrairement aux allégations de la société SEEE, l’acte de saisie-attribution du 22 décembre 2003 ne contient pas l’indication sus-mentionnée; qu’en passant outre l’exception de nullité soulevée par la SONITRA, le premier juge a méconnu les prescriptions de l’article susvisé; qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance attaquée et d’ordonner la main-levée des saisies-attributions pratiquées sans astreinte comminatoire;
DES DEPENS
Considérant que la SEEE succombe; qu’il y a lieu de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit la SONITRA en son appel relevé de l’ordonnance n°350 rendue le 20 janvier 2004 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND
L’y dit bien fondée;
Infirme l’ordonnance attaquée;
Statuant à nouveau
Reçoit la SONITRA en son action;
L’y dit partiellement fondée;
Déclare l’acte de saisie-attribution du 22 décembre 2003 nul;
Ordonne la main-levée des saisies pratiquées sans astreinte comminatoire;
Condamne la SEEE aux dépens.