J-05-335
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DE CREANCE – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – TITRE EXECUTOIRE (non).
Une ordonnance d’injonction de payer frappée d’opposition ne constitue pas un titre exécutoire susceptible de fonder une saisie-attribution.
Article 153 AUPSRVE
Cour d’Appel d’Abidjan Chambre Civile et Commerciale, Arrêt N°565 du 04 mai 2004 La Sté EXPERTS COMPTABLES ASSOCIES dite ECA (SCPA – CITE DES ARTS) C/ ERACI (Me FADIKA et Associés).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Oui les parties en leurs demandes, fins et moyens,
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit d'Huissier en date du 26 Janvier 2004 comportant ajournement au 3 Février 2004, la Société Experts Comptables Associés dite E.C.A. agissant par le canal de son représentant légal Monsieur AKA HOBA, Directeur de son état, et ayant pour conseil la SCPA - CITE DES ARTS, Sociétés d'Avocats, a relevé appel de l'ordonnance de référé N°4177 rendue le 1er Octobre 2003 par la Juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan - lateau et dont le dispositif est ainsi conçu :
"Statuant .publiquement, contradictoirement, en matière de référé d'heure à heure et en premier ressort;
– Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence;
– Recevons la Société ERACI en son action;
– L'y disons bien fondée;
Ordonnons la main-levée de la saisie – attribution de créance en date du 10 Septembre 2003;
Condamnons la défenderesse aux dépens"
Des écritures, productions des parties et énonciations de l'ordonnance querellée déférée à la censure de la Cour, il résulte que par exploit en date du 25 Septembre 2003, la Société les Experts Réunis Associés de côte d’Ivoire dite ERACI ayant pour conseil Maître FADIKA et Associés, Avocats à la cour, a fait assigner la Société des Experts Comptables Associés dite E.C.A. par devant la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan pour voir ordonner la main-levée de la saisie attribution de créance en date du 10 Septembre 2003;
Au soutien de son action, elle a exposé que les saisies - attribution de créances pratiquées sur le compte de la société ERACI domicilié à ECOBANK les 24 Juillet et 20 Août 2003 ont fait l'objet respectivement d'une main-lévée amiable de la part de cette Société et de la Juridiction des référés le 3 septembre 2003;
Poursuivant, elle a précisé, qu'elle a procédé à une troisième saisie – attribution de créance le 10 Septembre 2003 sur le fondement d'une ordonnance d'injonction de payer N°1729/2003 du 12 Mars 2003 frappée d'opposition, laquelle suspend les effets d'une telle décision tant qu'il n'aura pas été statué définitivement sur celle-ci;
Une telle saisie, a-t-elle soutenu, faite à titre purement malicieux, lui cause un préjudice certain et constitue une véritable voie de fait;
Elle a donc sollicité la main-levée sous astreinte comminatoire de 1.000.000 francs CFA à compter du prononcé de la décision;
La défenderesse, la Société E.C.A. régulièrement représentée par ses conseils a déposé des écritures pour justifier le bien fondé de cette saisie;
Pour statuer comme il l'a fait, le Premier Juge a déclaré que la saisie pratiquée sur le fondement d'une ordonnance d'injonction de payer frappée d'opposition doit être annulée et la main-levée ordonnée pour défaut d'un titre exécutoire;
En cause d'appel, la Société Experte Comptables Associés dite E.C.A. reproche au Premier Juge d’avoir statué ainsi en se fondant sur l'existence d'une opposition contre une ordonnance dont l'exécution provisoire et sur la main-levée des saisies déjà ordonnées;
En l'espèce, dit-elle, la troisième Chambre civile du Tribunal de Première Instance d'Abidjan devant laquelle la procédure est pendante déclarera, à n'en point douter, cette opposition irrecevable pour être intervenue plus de 15 jours soit le 3 Juillet 2003 après la signification du 25 mars 2003; une telle ordonnance, du fait de l'irrecevabilité de l'opposition est devenue exécutoire;
En tout état de cause, soutient-elle, l'article 32 de l'acte uniforme relatif au recouvrement simplifié des créances lui permet, munie d'un titre exécutoire de poursuivie le recouvrement de sa créance à ses risques et périls à charge pour elle, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu'il y ait lieu de relever une faute de sa part;
Elle prie donc la Cour d'infirmer l'ordonnance critiquée;
En réplique, la Société ERACI plaide in limine litis l'irrecevabilité de l'appel de la Société ECA pour violation des dispositions de l'article 228 du code de procédure civile en ce que le délai de 15 jours a été porté par erreur sur l'acte d'appel au lieu de 8 jours prévu à peine de forclusion pour le dépôt de conclusions et pièces;
La sanction attachée à cette violation, articule-t-elle, est la nullité de l’acte d’appel;
Subsidiairement au fond, elle souligne que l’appel doit être déclaré mal fondé dans la mesure où l’exécution de l’ordonnance d’injonction de payer en cause ne peut être entreprise tant qu’il n’aura pas été définitivement statué sur l’opposition;
En réponse, la société ECA rétorque que son appel est recevable, l’erreur sur le délai de 8 jours n’emportant, selon elle, aucune conséquence sur la recevabilité;
Sur le fond, elle maintient que l’ordonnance d’injonction de payer est un titre exécutoire qui permet de poursuivre l’exécution forcée de sa créance;
DES MOTIFS
EN LA FORME
La société ERACI, intimée excipe de l’irrecevabilité de l’appel pour non respect des dispositions de l’article 228 du code de procédure civile;
La société ECA, appelante fait valoir, quant à elle que le délai de 8 jours prévu est un simple délai de procédure au terme duquel les actes de procédure doivent être accomplis et que sa mention erronée n’emporte aucune conséquence sur la recevabilité de l’appel;
Cette argumentation emporte la conviction de la Cour;
En effet, il importe de préciser que la mention erronée du délai de 8 jours prévu par l’article 228 précité n’est frappée par aucune sanction de sorte qu’en application des dispositions de l’article 123 du code de procédure civile, cette erreur ne peut entraîner la nullité de l’acte que s’il en résulte un préjudice pour la partie qui s’en prévaut;
En l’espèce l’intimée ne justifie d’aucun préjudice;
Il échet dès lors de la rejeter comme non fondée l'exception d’irrecevabilité soulevée par l'intimée et de déclarer l’appel relevé par la Société ECA recevable pour être intervenu dans les forme et délai de la loi;
AU FOND
L’appelante estime que la saisie par elle pratiquée est tout à fait justifiée dès lors que l’ordonnance d’injonction de payer en cause est un titre exécutoire qui lui permet de poursuivre l’exécution forcée de sa créance;
Or, contrairement à ses prétentions, l’ordonnance d'injonction de payer N°1729/2003 du 12 Mars 2003, fondement de la saisie - attribution de créance pratiquée, ne vaut pas titre exécutoire vu qu'elle est frappée d'opposition;
En effet, l'opposition est une voie de recours suspensive d'exécution; L'appelante ne peut donc sur la base d'une telle décision poursuivre l'exécution forcée de sa créance et ce, en application de l'article 153 de l'Acte Uniforme portant recouvrement de créance duquel il ressort que la saisie - attribution est réservée aux créanciers munis d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible;
Il échet dès lors de déclarer son appel mal fondé, de le rejeter comme tel et de confirmer l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions;
La Société ECA qui succombe doit être condamnée aux dépens conformément à l'article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare recevable l'appel relevé par la société EXPERTS COMPTABLES ASSOCIES dite ECA le 26 janvier 2004 de l’ordonnance de référé n°4177 rendue le 1er octobre 2003 par la juridiction Présidentielle de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND
L'y dit mal fondée;
– I'en déboute;
– Confirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions;
La condamne aux dépens;