J-05-339
VOIES D’EXECUTION – EXECUTION COMPLETE D’UNE DECISION EN PRINCIPAL, FRAIS ET INTERETS – SECONDE EXECUTION SUR LE FONDEMENT DES INTERETS LEGAUX (non).
Lorsque une décision a été exécutée complètement en principal, frais, intérêts et accessoires compris, une seconde exécution de cette décision ne peut être entreprise aux motifs que les intérêts légaux sont encore dus.
Article 38 AUPSRVE
Article 49 AUPSRVE
Article 156 AUPSRVE
(Cour d’Appel d’Abidjan Chambre Civile et commerciale, arrêt n°685 du 22 juin 2004 La Société COLINA (conseil Maître Agnès OUAGUI) C/La société UTB, et un autre, (conseils SCPA AHOUSSOU KONAN et Associés)).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Oui les parties en leur demandes, fins et moyens;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par exploit d'Huissier en date du 27 avril 2004, comportant ajournement au 11 mai 2004, la Société COLINA agissant aux poursuites, et diligences de son représentant légal Monsieur Raymond FARHAT, Directeur Général et ayant pour conseil Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour, a relevé appel de l'ordonnance de référé N° 1455/04 rendue le 31 mars 2004 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan laquelle, en la cause, a statué comme suite :
"Statant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;
– Recevons la Société UTB en son action;
– L'y disons partiellement fondée;
– Ordonnons la main levée de la saisie attribution de créances du 10 mars 2004;
– Disons n'y avoir lieu à astreinte comminatoire;
– Condamnons COLINA SA aux dépens;
Des écritures, productions des parties et énonciations de l'ordonnance querellée déférée à la censure de la Cour, il résulte que par exploit en date du 23 mars 2004, la Société Union des Transporteurs de Bouaké dite UTB a fait assigner par devant la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan la Société COLINA pour voir déclarer nulle et de nul effet la saisie attribution de créances pratiquée le 2 mars 2004;
Elle a exposé à l'appui de son action que par arrêt N° 270 en date du 5 mars 1999 de la Cour d'Appel d'Abidjan, elle a été condamnée à payer à cette société la somme de 27.040.390 francs à titre d'indemnité de préavis;
La Société COLINA, en vertu de cette décision, a fait pratiquer une saisie attribution de créances sur ses comptes entre les mains de la BIAO et la BICICI;
En application des dispositions des articles 38, 156 et 49 de l'acte Uniforme portant voies d'exécution, a-t-elle précisé, le Juge des référés, par ordonnance en date du 12 juin 2002 a condamné in solidum ces deux établissements à payer le montant sus- indiqué représentant la somme principale des causes de l'arrêt précité;
Contre toute attente, a-t-elle souligné en outre, la Société COLINA lui a adressé un commandement de payer la somme de 21.451.989 francs représentant les intérêts de droit et frais résultant de l'exécution de l'arrêt en cause, suivi d'une saisie attribution de créance le 10 mars 2004; alors que le même droit ne peut servir de base à une quelconque autre exécution;
Elle a par ailleurs contesté le mode de calcul des intérêts réclamés lesquels ne peuvent être dus que du jour de la condamnation et non de l'assignation s'agissant d'une action en responsabilité initiée Contre elle sur le fondement de l'article 1153 du code civil;
Elle a donc conclu à la main- levée de la saisie sous astreinte comminatoire de la somme de un million de francs par jour de retard;
En réplique, la COLINA a fait valoir que les frais et intérêts dont elle se prévaut découlent également de I’arrêt N° 270 du 5 mars 1999, titre exécutoire dont elle s'est servi pour entreprendre des mesures d'exécution en vue de réclamer le montant principal de sa créance;
La demande, a-t-elle soutenue, est justifiée en ce que lesdits intérêts sont dus depuis l'assignation introductive d'instance;
Pour statuer comme il l'a fait, le Premier Juge a estimé que la contestation relative à la certitude et la liquidation des intérêts de droit poursuivis ne pouvait être tranchée par la Juridiction de référence de sorte que la saisie litigieuse ne se justifie pas;
Il en a donc ordonné la main levée et rejeté l'astreinte comminatoire sollicitée;
En cause d'appel, la COLINA par écriture de son conseil en dates des 27 avril et 12 mai 2004 prie la Cour, au principal de déclarer la Société UTB forclose pour le dépôt de ses écritures en date du 10 mai 2004 et de les rejeter des débats pour non respect des dispositions de l'article 228 alinéa 3 du code de procédure civile;
Poursuivant, elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance critiquée pour violation des dispositions de l'article 49 de l'acte uniforme portant voies d’exécution au motif que le Juge des référées a une compétence exclusive pour connaître de toutes les demandes relatives à une mesure d'exécution;
Dès lors, le Premier juge dit-elle, ne pouvait pas soutenir qu'il ne pouvait pas trancher la contestation portée devant lui en ce qu'elle est relative à la certitude et à la liquidation des intérêts de droit réclamés par le créancier poursuivant;
Il se devait donc de se prononcer sur cette question avant d'apprécier le bien fondé de la demande de main- levée sollicitée;
En l'espèce, fait-elle observer, la décision de Justice de condamnation en paiement du principal prononcé par l'arrêt du 5 mars 1999 produit nécessairement des intérêts de droit en application des dispositions de l'article 1153 du code civil;
Elle n'est donc pas tenue, dit-elle, de produire pour violation des dispositions de l'article 49 de l’acte uniforme portant voies d’exécution, arguant qu'aux termes de cette disposition, le Juge des référés a une compétence d’exclusive pour connaître de toutes les demandes relatives à une mesure d'exécution;
Le Juge se devait, avant d'ordonner la main- levée de se prononcer sur le bien fondé de la demande en paiement des intérêts de droit;
En l'espèce, fait-elle valoir, la Cour doit rejeter la demande de main- levée sollicitée par la Société UTB et ordonner par conséquent le maintien de la saisie - attribution de créance du 10 mars 2004 pratiquée entre les mains de la BIAO-CI dès lors; que les intérêts de droit par elle réclamés découlent nécessairement de la condamnation principale prononcée par l'arrêt en application des dispositions de l'article 1153 du code civil;
Les intérêts de droit et frais dus au titre de l'arrêt du 5 mars 1999 n'ont pas été réglés;
C'est donc à bon droit qu'elle réclame à la Société UTB ce paiement;
Le mode de calcul des intérêts réclamés, selon l'appelante ne souffre d'aucune ambiguïté de sorte que la saisie – attribution de créance du 10 mars 2004 doit être maintenue pour être régulière;
En réponse, la Société UTB a déposé des écritures en date du 10 mai 2004;
Celles-ci n'ayant pas été déposées dans le délai de huit jours à compter de l'acte d'Appel, conformément à article 228 alinéa 3 du code de procédure civile ont été écartées des débats pour cause de forclusion;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'appel relevé le 27 avril 2004 par la Société COLINA de l'ordonnance de référé N° 1455/04 du 31 mars 2004, est régulier pour être intervenu dans les forme et délai de la Loi; Il échet dès lors de le déclarer recevable;
AU FOND
La Société COLINA conclut à l'infirmation de l'ordonnance querellée qui, pour ordonner la main-levée de la saisie - attribution a estimé qu’il est de principe en droit, qu'une décision de condamnation au paiement d’une somme d'argent, s’exécute en principal, frais, intérêts et accessoires;
Certes, cette exécution peut être partielle avant d'être complète dès lors que la saisie - attribution pratiquée pour obtenir cette exécution ne permet pas une exécution complète;
Cependant, rien ne permet à un créancier qui a entrepris et obtenu une exécution complète, frais, intérêts et accessoires compris, d'entreprendre une seconde exécution au motif que les intérêts légaux sont encore dus;
En l'espèce, la COLINA ne conteste pas que l'exécution qu'elle a entreprise a abouti au paiement à son profit de la somme de 31.772.251 francs pour une condamnation principale de 27.040.390 frs;
Dès lors, l'exécution reprise pour le même arrêt N° 270 ne se justifie pas, d'une part;
D'autre part, la COLINA réclame des intérêts de droit à compter de la date d'assignation alors que l'arrêt dont l'exécution est entreprise est relatif à un problème de responsabilité civile, de sorte qu'il a un caractère constitutif (de la créance);
En ce sens, les intérêts de cette créance courent non pas à compter de l'assignation, mais à compter de la décision de condamnation;
Ainsi, les intérêts calculés à compter de l'assignation ne sont pas dus;
Au total, c'est à bon droit que le Premier Juge a ordonné la main-levée de la saisie pratiquée;
Sa décision doit être confirmée;
L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens en application des dispositions de l'article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare recevable l'appel relevé par la Société COLINA le 27 avril 2004, de l'ordonnance de référé n° 1455/04 rendue le 31 mars 2004 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
L'y dit mal fondée;
L'en déboute;
– Confirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions;
La condamne aux dépens;