J-05-341
VOIES D’EXECUTION – DIFFICULTE D’EXECUTION – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES.
Les difficultés d’exécution de deux décisions contraires dont l’exécution forcée est poursuivie relèvent de la compétence du juge des référés institué par l’article 49 de l’acte uniforme sur le recouvrement simplifié et les voies d’exécution.
Article 49 AUPSRVE
Cour d’Appel d’Abidjan Chambre Civile et Commerciale, arrêt n° 758 du 06 juillet 2004 La Sté TEXACO Côte d’Ivoire (Mes F.D.K.A) c/ La Société le Groupe FREGATE (SCPA PARIS-VILLAGE).
LA COUR,
Vu les Pièces du dossier;
Oui le Ministère Public;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 17/12/2003 comportant ajournement au 30/12/2003, la société TEXACO, agissant aux poursuite et diligence de son Directeur Général Mr Daniel BELAIR, ayant pour conseils Maîtres M FADIKA DELAFOSSE K. FADIKA C. KAKOUTIE A. ANTHONY DIOMANDE, avocats à la Cour, a relevé appel de l’ordonnance de référé n°5298 rendue le 02/12/2003 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu’il suit :
«Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de Frégate et par défaut à l’encontre de SABRAOUI en matière de référé d’heure à heure et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence et par provision;
Recevons TEXACO Côte d’Ivoire en son action;
Nous nous déclarons incompétent;
Laissons les dépens à la charge de la demanderesse;
Il ressort des énonciations de l’ordonnance querellée que par exploit daté du 12/11/2003 la société TEXACO CI a fait servir assignation à la société Groupe Frégate et à Monsieur SABRAOUI Mohamed d’avoir à comparaître par devant la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan à l’effet de s’entendre tranchet la difficulté d’exécution résultant de la contradiction de deux décisions.
A l’appui de cette action, la société TEXACO-CI a expliqué qu’elle se trouve en présence de deux décisions exécutoires rendues entre les parties à savoir;
D’une part l’ordonnance de référé n° 92 rendue le 30 octobre 2002 qui confirme Mr. SABRAOUI Mohamed dans ses droits d’occupation de la station et porte interdiction de troubler la paisible jouissance de la station;
D’autre part, l’arrêt de la Cour Suprême en date du 13 mars 2003 qui fait obligation à TEXACO-CI de réintégrer le groupe Frégate dans la station;
Estimant que ces deux décisions sont contradictoires et que l’exécution de l’une suppose la violation de l’autre, la société déclarait qu’elle ne pouvait, d’elle-même, opérer un choix entre ces deux décisions;
S’agissant selon elle, d’une véritable difficulté d’exécution à laquelle elle est confrontée, elle a trouvé mieux de s’en remettre à la justice pour trancher;
Les moyens et prétentions des défendeurs n’ont pas été mentionnés;
Pour se déclarer incompétent le premier Juge a relevé après avoir rappelé les dispositions de l’article 222 du code de procédure civile selon lesquelles «les ordonnances de référé ne peuvent faire grief à une décision rendue par une juridiction supérieure, qu’il ressort des pièces produites au dossier que par ordonnance n°72 du 18 septembre 2002, le premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan a ordonné la réintégration de la société Groupe Frégate sur la station service TEXACO Lycée Française sis à Abidjan Riviera III sous astreinte comminatoire de 2.000.000 F par jour de retard à compter de la signification de la décision; qu’ainsi, en demandant à la Juridiction Présidentielle de se prononcer sur le sort réservé aux droits de Mr. SABRAOUI Mohamed ainsi que des astreintes comminatoires prévues par l’ordonnance n°72 susvisée, TEXACI-CI tente d’obtenir du Juge des référés une décision qui va nécessairement faire grief à une décision rendue par une Juridiction supérieure;
Au soutien de son appel, la société TEXACO-CI, après avoir rappelé les faits, estime que la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau était compétent pour trancher la difficulté à elle soumise d’une part en application des dispositions de l’article 49 de l’acte Uniforme relatif aux voies d’exécution et d’autre part en application de l’article 221 du code de procédure civile;
L’appelante estime par ailleurs, que sa demande est fondée d’autant qu’en présence de deux décisions contradictoires qui s’imposent à elle, elle ne peut, par elle-même, privilégier une par rapport à l’autre, au risque d’engager sa responsabilité;
La société Groupe Frégate qui rappelle qu’à la suite de l’appel de la société TEXACO contre l’ordonnance de référé n°5298 du 02/12/2003, la Cour d’Appel de céans a par décision du 17/02/2004, statuant sur la recevabilité et la compétence;
3. Déclaré l’appel de TEXACO recevable;
4. Infirmé l’ordonnance entreprise et retenu la compétence du juge des référés et renvoyé la cause au 24/02/2004 pour conclusion au fond; conclut au mal fondé de la demande de la société TEXACO en ce que la décision à exécuter, notamment l’ordonnance de référé n° 72 du 18 septembre 2002 rendue par le premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan, et l’arrêt n°143 du 13 mars 2003 de la Cour Suprême qui s’est déclarée incompétente a annulé l’ordonnance susvisée;
Estimant que la décision d’incompétence prise par la Cour Suprême a conforté l’ordonnance de réintégration prise par la Cour d’Appel elle soutient que la difficulté d’exécution alléguée par la société TEXACO ne peut trouver sa cause dans l’arrêt n°143;
Elle conclut en conséquence au rejet de la demande de la société TEXACO;
La société Groupe Frégate qui soutient que la présente procédure est la preuve manifeste que TEXACO-CI oppose une résistance abusive à se réintégration sollicite, pour vaincre cette résistance, qu’elle soit autorisée à reprendre l’exploitation de la station Riviera III Lycée Française;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel de la société TEXACO-CI a été relevé conformément aux dispositions légales et doit être, en conséquence, déclaré recevable;
AU FOND
C’est à tort que le juge des référés saisi sur difficulté d’exécution en vertu des dispositions de l’article 49 de l’acte Uniforme relatif aux voies d’exécution s’est déclaré incompétent;
En effet, en présence de deux décisions contraires dont l’exécution lui est imposée, l’une rendue par la Cour Suprême et l’autre par la Juridiction des référés du Tribunal d’Abidjan-Plateau, le Juge des référés saisi pour déterminer la décision qui doit être exécutée, a cru devoir se déclarer incompétent au motif que les ordonnances du juge des référés ne peuvent faire grief à une décision rendue par une juridiction supérieure; alors même qu’aux termes de l’article 49 de l’acte Uniforme relatif au Recouvrement simplifié et aux voies d’exécution, «la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le Président de la Juridiction statuant à matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui»;
Il convient dès lors d’infirmer l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, déclarer la Juridiction Présidentielle, compétente;
Sur l’action de la société TEXACO-CI
L’action de la société TEXACO-CI tend à voir déterminer laquelle des décisions de la Cour Suprême et du Juge des référés du tribunal d’Abidjan-Plateau doit être exécutée afin de ne point engager sa responsabilité, s’agissant de deux décisions contraires;
Il ressort clairement des dispositions de l’article 222 nouveau du code de procédure civile Ivoirien que las ordonnances de référés ne peuvent faire grief à une décision rendue par une Juridiction supérieure;
Il s’ensuit qu’en l’espèce le juge des référés du Tribunal d’Abidjan-Plateau, n’a pu valablement, par l’ordonnance n°92 du 30 octobre 2002 confirmer Mr. SABRAOUI Mohamed dans ses droits d’occupation de la station en faisant interdiction à quiconque de le troubler dans la jouissance de ladite station TEXACI Lycée Française, en présence de l’ordonnance n°72 rendue le 18 septembre 2002 par laquelle le premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan a ordonné à la société TEXACO-CI de procéder à la réintégration du Groupe Frégate dans les stations, sous astreinte de 2.000.000 F par jour de retard, ainsi qu’en présence des arrêts d’incompétence et d’irrecevabilité de la Cour Suprême suite aux pouvoirs formés contre cette ordonnance du premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan;
Ainsi seul est exécutoire en l’espèce l’ordonnance n°72 du 18 septembre 2002 de la cour d’Appel suite aux arrêts d’incompétence et d’irrecevabilité susvisés de la Cour Suprême;
Il convient donc d’ordonner l’exécution de cette décision;
Les dépens de l’instance seront mis à la charge de la société TEXACO-CI;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare recevable l’appel de la société TEXACO-CI de l’ordonnance de référé n°5298 rendue le 02/12/2003 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND
L’y dit bien fondée;
Infirme l’ordonnance entreprise en ce que le juge des référés saisi s’est déclaré incompétent;
Statuant à nouveau;
Déclare la juridiction des référés compétente;
Dit et juge qu’en présence de deux ordonnances contraires, celle de Monsieur le premier président de la cour d’Appel d’Abidjan prime sur celle du Juge des référés du Tribunal d’Abidjan;
Ordonne, en conséquence, l’exécution de l’ordonnance n°72 du 18 septembre 2002 de Monsieur le premier Président de la Cour d’Appel d’Abidjan ordonnant réintégration sous astreinte du Groupe Frégate dans l’exploitation de la station litigieuse;
Met les dépens à la charge de l’appelante;