J-05-352
FONDS DE COMMERCE – EXERCICE DU METIER D’INFIRMIER – EXISTENCE D’UN FONDS DE COMMERCE (NON) – ENTREPRISE ARTISANALE (NON) – APPLICATION DU DROIT COMMERCIAL SUR LES BAUX (non).
L’infirmier qui exploite une infirmerie n’est ni commerçant, ni industriel, ni artisan. Les contestations relatives au bail concernant cette infirmerie ne peuvent donc être réglées par application de la loi n° 80-1069 du 13 décembre 1980.
Cour suprême de Côte d’Ivoire, chambre judiciaire, formation civile, arrêt n° 323 du 15 avril 2004, Alidou Hamadou c/ Niamké Boua, Actualités juridiques, n° 49, 2005, p. 220.
NDLR. Nous pensons que c’est à tort que la cour suprême la loi 80-1069 du 13 décembre 1980 pour l’écarter. Il s’agirait plutôt de l’acte uniforme sur le droit commercial général.
LA COUR,
Vu l’exploit en date du 12 janvier 2001, à fins de pourvoi en cassation;
Vu les conclusions écrites du 30 janvier 2004 du Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Sur le premier moyen de cassation, tiré de la violation de la loi ou erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi :
Attendu qu’il ressort des énonciations de l’arrêt infirmatif attaqué (Abidjan, 7 avril 2000) et des productions, que suivant acte sous-seing privé en date du 30 janvier 1997, NIAMKE BOUA prenait en location le local de TRAORE NOUHOUN, sis à Vridi-Sogefiha, en vue d’y exploiter une infirmerie privée, moyennant un loyer mensuel de 40.000 francs : que le preneur, après avoir versé au bailleur la somme de 200.000 francs, représentant deux mois de caution et trois mois de loyers, y effectuait des travaux d’aménagement qu’il évaluait à la somme de 714.00 francs; que par lettre du 27 mai 1997, HALIDOU HAMADOU l’informait de ce qu’il venait d’acquérir, le 5 mai 1997 ledit local, et lui servait, suivant exploit du 9 août 1997, un congé de trois mois pour le libérer; qu’avant l’expiration de ce congé, le nouvel acquéreur entreprenait la construction de murs obstruant l’accès à son infirmerie; que sur son assignation, le juge des référés du tribunal d’Abidjan, par ordonnance n° 4938 du 9 octobre 1997, prescrivait la suspension provisoire de ces travaux et lui accordait un délai de grâce de cinq mois, à compter de la date de la signification de la décision, pour partir des lieux; que celui-ci, prétendant avoir été mis dans l’impossibilité de recevoir sa clientèle, quittait le local litigieux avant le terme dudit délai; qu’estimait que le second propriétaire était tenu autant que le premier au respect des obligations de tout bailleur, il les assignait, à l’effet de dire que son éviction était irrégulière et de les condamner solidairement à lui payer des sommes d’argent à des titres divers; que le tribunal d’Abidjan, suivant jugement n° 189/CIV/4ème du 15 mars 1999, le déboutait; que sur son appel, la cour d’Appel d’Abidjan infirmait le jugement entrepris et, statuant à nouveau, condamnait TRAORE NOUHOUN et HALIDOU HAMADOU à lui payer les sommes de 480.000 francs à titre d’indemnité d’éviction, 200.000 francs à titre de restitution de la caution et de l’avance sur loyers. 5.400.000 francs, à titre de manque à gagner et 1.000.000 francs, à titre de dommages intérêts, pour préjudice moral, et le déboutait quant à la demande de paiement de la somme de 714.000 francs, à titre de remboursement d’impenses, aux termes de l’arrêt n° 474 rendu le 7 avril 2000, présentement attaqué;
Attendu que HALIDOU HAMADOU, demandeur au pourvoi, fait grief à la Cour d’Appel d’avoir, pour infirmier le jugement entrepris et le condamner au paiement d’une indemnité d’éviction, violé ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi n° 80-1069 du 13 septembre 1980 réglementant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal, en ce qu’elle a estimé que cette loi était la seule applicable en la cause, le bail conclu entre TRAORE NOUHOUN et NIAMKE BOUA étant de nature commerciale, et que lui, nouvel acquéreur, n’ayant pas respecté les prescriptions de ladite loi relativement à la durée du congé donné au locataire, a commis un abus ouvrant droit à indemnisation, alors que, selon le moyen, l’exploitation d’une infirmerie privée n’est commerciale ni par sa nature ni par sa forme aux termes de l’article 632 du code de commerce; qu’en l’espèce, c’est à bon droit que le tribunal avait fait application de la loi n° 77-995 du 18 décembre 1977 réglementant les rapports des bailleurs et des locataires des locaux d’habitation ou à usage professionnel; que la cour d’Appel, en statuant autrement, a commis une erreur dans l’application de la loi susvisée; qu’il s’ensuit que l’arrêt attaqué doit être cassé;
Attendu, en effet, qu’aux termes de l’article premier, alinéa 1er de la loi n° 80-1069 du 13 septembre 1980, «les dispositions de la présente loi s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne à un commerçant, un industriel, à un chef d’entreprise artisanale accomplissant ou non des actes de commerce»; qu’en l’espèce, NIAMKE BOUA exploitait une infirmerie privée et non un fonds au sens de la loi; qu’en outre, il n’est ni un commerçant, ni un industriel ni encore un chef d’entreprise artisanale; que dans ces conditions, c’est à tort que la Cour d’appel a statué comme elle l’a fait; d’où il suit que le moyen est fondé; qu’il y a lieu de casser et d’annuler l’arrêt attaqué, et d’évoquer;
Sur l’évocation :
Attendu qu’il est constant, comme résultant des pièces du dossier, que NIAMKE BOUA a vidé les lieux, alors que le délai qui lui a été imparti n’est pas expiré; qu’il y a lieu de déclarer ses demandes mal fondées et les rejeter, à l’exception de celle relative à la restitution de la caution et de l’avance sur loyers :
PAR CES MOTIFS
Casse et annule l’arrêt attaqué n° 474, rendu le 7 avril 2000 par la cour d’Appel d’Abidjan;
Evoquant, condamne TRAORE NOUHOUN et HALIDOU Hamadou à payer à NIAMKE BOUA la somme de 200.000 francs, à titre de restitution de la caution et de l’avance sur loyers, et déboute celui-ci pour les surplus :
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Président : M. BAMBA LANCINE;
Conseillers : M. SIOBLO DOUAI (rapporteur);
M. WOUNE BLEKA;
Greffier : Me N’GUESSAN Germain.