J-05-353
BAIL COMMERCIAL – SOMME VERSEE A TITRE DE PROVISION POUR GARANTIR L’EXECUTION DU BAIL – PAS DE PORTE (NON).
PAS DE PORTE – PRESCRIPTION LEGALE (NON) – VALEUR D’USAGE EN COTE D’IVOIRE (NON).
Il n’y a pas lieu de donner la qualification de pas de porte à la somme versée à titre de garantie d’exécution d’un bail commercial, stipulée dans le contrat, alors que le pas de porte n’est pas prévu par le contrat, par la loi et que cette notion n’a pas cours en Côte d’Ivoire.
Cour suprême de Côte d’Ivoire, chambre judiciaire, arrêt n° 249 du 15 avril 2004, Coulibaly, née Amoni Emma Kouakou, c/ Zarzour Gassane, Actualités juridiques, n° 49, 2005, p. 221
LA COUR,
Vu l’exploit aux fins de pourvoi en cassation du 24 juin 2003;
Vu les pièces du dossier;
Vu l’article 1134 du code civil;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l’article 1134 du code civil :
Attendu que l’article 1134 dispose que «les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites …»;
Vu ledit texte;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Abidjan, 10 janvier 2003) que, par contrat du 1er mai 2000, ZAROUR GASSANE donnait à bail à dame COULIBALY, un magasin à usage commercial pour une durée de trois années avec un loyer mensuel de 100.000 francs; que la locataire soutient avoir versé la somme de 2.000.000 francs sur 4.000.000 francs que lui réclamait son bailleur, mais que le contrat ayant été rompu, le propriétaire refusait de lui restituer cette somme au motif qu’elle constituait un pas-de-porte non remboursable : que par jugement n° 316 du 3 juin 2000, le tribunal d’Abidjan a condamné ZAROUR GASSANE au remboursement de cette somme; que la Cour d’Appel ayant, par l’arrêt n° 28 du 10 janvier 2003 infirmé le jugement et statuant à nouveau, débouté dame COULIBALY de sa demande de remboursement, celle-ci a formé un pourvoi;
Attendu qu’il est reproché à la cour d’appel d’avoir violé l’article 1134 du code civil en ce que la cour a soutenu que les 2.000.000 représentaient le pas-de-porte alors que, selon le pourvoi, d’une part, la preuve de la stipulation du paiement d’un pas-de-porte n’est pas faite par le bailleur ni même prévue par le contrat, et d’autre part, que le paiement d’un pas-de-porte au bailleur d’un local à usage commercial n’est pas prescrite par les lois ivoiriennes mais également que cette pratique de pas-de-porte n’a pas valeur d’usage en Côte d’Ivoire;
Attendu, en effet, que le contrat de bail ne parlant en son article 21 que «de provision pour la garantie de l’exécution des clauses du présent contrat», la cour d’appel, en qualifiant de pas-de-porte la somme de 2.000.000 francs versée au bailleur alors même que cette notion n’a pas cours en Côte d’Ivoire, a donc violé les termes de l’article 1134 du code civil; que le moyen étant fondé, il y a lieu de casser, annuler l’arrêt attaqué et d’évoquer;
Sur l’évocation :
Attendu qu’il n’est pas contesté que dame COULIBALY a versé la somme de 2.000.000 francs à titre de provision; qu’elle sollicite le remboursement de cette somme après déduction de trois mois de loyer impayés, soit 1.700.000 francs; qu’il y a lieu de faire droit à cette restitution;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule l’arrêt n° 28 du 10 janvier 2003;
Statuant à nouveau, condamne ZAROUR GASSANE à restituer à madame COULIBALY la somme de 1.700.000 francs :
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Président : M. BAMBA Lassine;
Conseillers : M. AGNINI YOUSSOUF (rapporteur);
M. WOUNE BLEKA;
Greffier : Me N’GUESSAN Germain.