J-05-55
BAIL COMMERCIAL – EXPULSION DES LOCATAIRES A L’INITIATIVE DU NOUVEAU PROPRIETAIRE – RESISTANCE DU LOCATAIRE A L’EXPULSION – REVENDICATION PAR LE LOCATAIRE D’UN BAIL COMMERCIAL AVEC LE NOUVEAU PROPRIETAIRE – PREUVE DU PAIEMENT DE LOYERS AU NOUVEAU PROPRIETAIRE – EXISTENCE D’UN BAIL ETABLIE.
L’acquéreur d’un immeuble engage une procédure en expulsion des différents locataires. Suite à celle-ci, l’ensemble des occupants dudit immeuble ont quitté les lieux, à l’exception d’un seul. Ce dernier, refusant de quitter les lieux aux motifs qu’il était titulaire d’un contrat de location passé avec l’ancien propriétaire. D’ailleurs, le preneur a continué à verser les loyers qui ont été perçus par le nouveau propriétaire, sans aucune réserve.
Le juge s’en tient alors à cette dernière constatation et décide, sans même s’attarder sur la nullité ou non du contrat invoqué par l’occupant (alors qu’il y avait lieu de croire à sa nullité), qu’un nouveau contrat de bail avait été conclu avec le nouveau propriétaire. Pour décider ainsi, il relève que :
– les sommes perçues ne sont considérées comme des indemnités d’occupation qu’à partir du moment où l’occupation sans droit ni titre est constatée en justice. Que les sommes perçues avant ont donc nécessairement la nature de loyers, d’autant plus qu’elles n’ont pas été contestées.
– ces sommes ont donc été reçues à titre de loyers, d’où il résulte l’existence d’un contrat de location.
Article 95 AUDCG
(Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 195 du 30 janvier 2001, CBAO c/ Babacar Diouf).
Tribunal régional hors classe de Dakar (Sénégal)
Audience publique ordinaire du 30 janvier 2001
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar (Sénégal), statuant en matière civile, a, en son audience publique, ordinaire, tenue en la Salle des Audiences, le trente janvier deux mille un, à laquelle siégeaient Madame THIOMBANE, Présidente au siège, Présidente de Chambre, Monsieur Mademba GUEYE & Madame Aïssatou BA DIALLO, Juges au Siège, Membres, en présence de Monsieur Serigne Bassirou GUEYE, Substitut de Monsieur le Procureur de la République, et avec l’assistance de Monsieur Cheikhou Oumar SALL, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
– LA COMPAGNIE BANCAIRE DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE dite C.B.A.O., agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, en ses bureaux, mais élisant domicile en l’Etude de Mes François SARR & Associés, Société Civile Professionnelle d’Avocats - 33, avenue L. S. Senghor à Dakar;
DEMANDERESSE;
Comparant et concluant à l’audience par lesdits Avocats;
d’une part;
ET :
Monsieur Babacar DIOUF, dit MBAYE SINGER, demeurant à Dakar, rue 7 x Blaise Diagne;
DEFENDEUR;
Comparant et concluant à l’audience par Maître Souleymane Ndéné NDIAYE, Avocat à la Cour à Dakar;
d’autre part;
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en rien aux droits et intérêts respectifs des parties en cause;
Qu’il y a seulement que pendant la période susvisée de suspension de la procédure d’expulsion pour production du contrat de bail allégué, le requis avait .transmis à la requérante, des lettres de paiement de loyers que celle-ci a reçues, sans, de façon malencontreuse, préciser qu’elle acceptait les paiements à titre provisoire et à titre d’indemnité d’occupation;
Que c’est en fait fort de ces transmissions de paiements, que le requis pouvait, de mauvaise foi, prétendre à l’existence d'un bail;
Qu’il est évident que cela n’est pas admissible, puisque la requérante n’a jamais dissimulé son intention de reprendre les locaux, puisqu’elle avait un projet de construction d’une agence et qu’elle avait acheté les locaux à cette seule fin;
Qu’elle n’a donc jamais entendu entrer en bail avec le requis;
Que si par extraordinaire, et contre sa volonté, les paiements effectués par le requis et reçus sans réserve étaient considérés comme des loyers et comme ayant créé un contrat de bail, alors ledit contrat aurait débuté en août 1997;
Qu’aujourd’hui, et en tout état de cause, la requérante envisage de démolir l’immeuble pour le construire et y créer une agence de Banque;
Que par conséquent, et en application des dispositions de 1’article 95 de 1’Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général, le requis n’a pas droit à une indemnité d’éviction;
PAR CES MOTIFS
– Voir déclarer l’action recevable en la forme;
– S’entendre prononcer l’expulsion du sieur Babacar DIOUF, occupant sans droit ni titre, tant de sa personne, de ses biens que de tous occupants de son chef;
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir sur minute et avant enregistrement;
– S’entendre le requis condamné aux entiers dépens dont distraction au profit des Avocats soussignés, qui le requièrent aux offres de droit;
SUR QUOI,
Les débats ont été déclarés clos et l’affaire mise en délibéré pour le jugement être prononcé à l’audience du 16 janvier 2001, lequel délibéré a été prorogé au 30 janvier 2001;
DROIT
En cet état, la cause présentait à juger les différents points de droit résultant des pièces du dossier et des déclarations des Avocats des parties;
QUID des dépens ?
Et à l’audience publique du 30 janvier 2001, le Tribunal, vidant son délibéré, a statué en ces termes :
LE TRIBUNAL,
VU les pièces du dossier;
Ouï les Avocats des parties en leur déclaration respective;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Attendu que suivant exploit servi le 17 mai 2000 par Me Malick Sèye FALL, Huissier de Justice à DAKAR, la Compagnie Bancaire de l’Afrique Occidentale dite CBAO a assigné le sieur Babacar DIOUF dit MBAYE SINGER, par-devant la juridiction de céans, aux fins d’entendre celle-ci ordonner son expulsion de l’immeuble objet du TF 1407/DG sis à la rue 7 x Blaise Diagne, et l’exécution provisoire du jugement;
Attendu que par écritures en date du 23 juin 2000, Babacar DIOUF a introduit une demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la CBAO à lui payer la somme de dix millions de francs (10.000.000 FCFA) à titre de dommages intérêts, pour procédure abusive;
EN LA FORME
Attendu que tant l’action principale que la demande reconventionnelle ont été introduites dans les forme et délai légaux;
Qu’il y a lieu de les recevoir et d’y statuer au fond;
AU FOND
Attendu que la CBAO fait valoir au soutien de sa demande en expulsion, qu’elle a acquis l’immeuble dont il s’agit, des héritiers de feu sieur Babacar DIOUF ne conteste pas avoir reçu le congé à lui servi le 31 mars 1999;
Que ledit congé a été servi pour reprise et reconstruction de l’immeuble;
Que le même motif a été reconduit tant dans l’acte introductif d’instance que dans les écritures de la CBAO;
Que celle-ci produit en outre, un plan justifiant de la nature et de la description des travaux à effectuer, conformément à l’article 95 de 1’Acte Uniforme précité;
Qu’il y a lieu ainsi, de faire droit à sa demande et d’ordonner l’expulsion du sieur DIOUF des lieux loués, tant de sa personne, de ses biens, que de tout occupant de son chef, étant entendu que le congé est arrivé à expiration depuis le 1er septembre 1999;
Attendu que la demande en dommages intérêts de Babacar DIOUF est intimement liée à la demande principale;
Que la CBAO, en triomphant de sa demande en expulsion, ne peut pas commettre un abus de procédure;
Qu’il échet en conséquence, de débouter Babacar DIOUF de sa demande;
Attendu que ni urgence ni péril ne sont démontrés par la CBAO, ni ne résultent des circonstances de la cause;
Qu’il échet de dire n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire;
Attendu que Babacar DIOUF a succombé;
Qu’il y a lieu de mettre les dépens à sa charge, en application de l’article 81 du Code de Procédure Civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit tant 1’action principale que la demande reconventionnelle;
AU FOND
– Ordonne l’expulsion de Babacar DIOUF dit MBAYE SINGER, des lieux loués, tant de sa personne, de ses biens que de tout occupant de son chef;
– Le déboute de sa demande en dommages intérêts;
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire;
– Met les entiers dépens à la charge de Babacar DIOUF.