J-05-59
BAIL COMMERCIAL – DUREE DETERMINEE – ABSENCE DE DEMANDE DE RENOUVELLEMENT DU BAIL DE LA PART DU PRENEUR AVANT LE TERME – DECHEANCE DU DROIT AU RENOUVELLEMENT.
RESILIATION JUDICIAIRE – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES (OUI).
ACTE UNIFORME SUR LE DROIT COMMERCIAL GENERAL – APPLICATION AUX BAUX EN COURS AU MOMENT DE SON ENTREE EN VIGUEUR (oui).
Assignation en résiliation de bail, au motif que le preneur n’a pas demandé le renouvellement de son bail à durée déterminée, et qu’il est en conséquence déchu de son droit au renouvellement.
Le juge des référés est compétent, car les termes du contrat liant les parties sont clairs et précis; il n’y a point besoin d’interpréter ce contrat, sous peine de le dénaturer.
L’Acte Uniforme s’applique à tous les baux commerciaux, même ceux en cours au jour de son entrée en vigueur. En vertu de l’article 102 AUDCG, le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée, est désormais régi par les articles 91 et 92 AUDCG
Ainsi, pour le bail à durée déterminée, le preneur est tenu de demander le renouvellement de son bail, au plus tard trois mois avant l’expiration du bail. A défaut de quoi il est déchu de son droit au renouvellement.
Article 72 AUDCG
Article 92 AUDCG
Article 93 AUDCG
Article 97 AUDCG
Article 102 AUDCG
(Cour d’appel de Dakar, arrêt n° 144 du 3 octobre 2002, Assad Gaffari c/ Jacques Resk).
Cour d’appel de Dakar
Tribunal régional de thiès
Ordonnance de référé n° 144 du 03 octobre 2002
L’an deux mille deux et le trois octobre, et par-devant nous, Abdourahmane DIOUF, Président du Tribunal Régional, tenant audience des référés, assisté de Maître Macoumba NIANG, Greffier;
A comparu :
Assad GAFFARI, Commerçant, demeurant au quartier Escale à MBOUR, mais ayant élu domicile en l’Etude de Me Abdou KANE, Avocat à la Cour; demandeur;
Lequel a exposé que par exploit de Ndeye Lyssa BARRY, Huissier de justice à Mbour en date du 19 septembre 2002, il a fait servir assignation à Jacques RESK, d’avoir à comparaître et se trouver par-devant le Juge des référés, à l’audience du 19 septembre 2002, pour, est-il dit dans ladite assignation et dans les motifs :
EN LA FORME :
– Déclarer l’action recevable.
AU FOND :
Tous droits et moyens des parties réservés :
– Constater l’absence de toute demande de renouvellement de son bail par le sieur Jacques RESK;
– Constater que le sieur Jacques RESK est déchu de son droit au renouvellement de son bail;
– Constater la résiliation du bail liant les parties;
– Ordonner en conséquence, l’expulsion de refus des lieux loués, de sa personne, de ses biens, ainsi que de tout occupant de son chef;
– Ordonner l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement;
A la date fixée sur l’assignation, les parties ont comparu et conclu;
Là-dessus, le Juge a clos les débats et mis l’affai­re en délibéré, pour ordonnance être rendue le 03 octobre 2002;
Advenue cette date et vidant son délibéré, le Juge a rendu l’ordonnance ci-dessous :
Nous, Juge des référés :
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs demandes, fins, moyens et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par acte de Maître Ndeye Lyssa BARRY en date du 11 septembre 2002, Assad GAFFARI a servi assignation à Jacques RESK devant le juge des référés de céans, aux fins de constater l’absence de toute demande de renouvellement de son bail, sa déchéance en conséquence, de son droit au renouvellement de son bail, et la résiliation dudit bail, ainsi que l’expulsion de RESK des lieux loués, tant de sa personne, de ses biens, ainsi que de tout occupant de son chef; que l’exécution provisoire sur minute et avant enregistrement est en outre sollicitée;
EN LA FORME :
SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE :
1°/ Sur la nullité de l’exploit :
Attendu que le Conseil de Jacques RESK a soulevé in limine litis la nullité de l’exploit d’assignation en date du 11 septembre 2002, pour violation des dispositions de l’article 46 du code de procédure civile;
Attendu qu’il est constant que l’audience est fixée au 19 septembre, alors que l’exploit est servi le 11 septembre, le défendeur étant domicilié à Mbour, dans le ressort du Tribunal de céans; qu’en vertu de l’article 40 CCP, le délai d’ajournement était de 10 jours; que donc,
il y a eu violation de ce texte de la loi par le demandeur;
Mais attendu que l’article 826 CCP dispose qu’aucun exploit ou acte de procédure ne peut être déclaré nul si la nullité n’en est formellement prévue par la loi et qu’aucune irrégularité d’exploit ou d’acte de procédure n’est une cause de nullité, s’il n’est justifié qu’elle nuit aux intérêts de celui qui l’invoque;
Que tel ne semble point être le cas en l’espèce, puisque l’article 40 CPC ne prévoit pas la nullité, et que même si tel était le cas, il ne semblerait pas qu’on ait nui aux intérêts de RESK, lequel a comparu en constituant conseil en la personne de Me Guédel NDIAYE et Associés; qu’ainsi, le vœu de la loi est satisfait, puisque les droits de la défense ont été respectés;
Attendu que par ailleurs, le même texte dispose que nonobstant les dispositions des deux alinéas qui précèdent, la nullité d’un acte de procédure pourra être prononcée si une formalité substantielle a été omise; le caractère substantiel est attaché dans un acte de procédure, à ce qui tient à sa raison d’être et lui est indispensable pour remplir son objet;
Que l’exploit du 11 septembre 2002 adressé à Jacques RESK n’est frappé d’aucun vice consubstantiel rédhibitoire à la satisfaction de son objet ou de son but, dans la mesure où l’intéressé a bien pu être instruit de la date de son procès et s’est prémuni ou entouré de toutes les garanties nécessaires à sa défense, notamment en consti­tuant le Cabinet de Me NDIAYE pour sa défense; qu’ainsi, la nullité de l’acte demandé par RESK ne saurait prospérer.
2°/ Sur l’incompétence :
Attendu que le Conseil de RESK a ainsi soulevé l’incompétence du Juge des référés, au motif que les termes du contrat de bail liant les parties sont ambigus et que dès lors, le Juge des référés est incompétent pour les interpréter;
Mais attendu que rien n’est ambigu dans le contrat de bail du 11 décembre 1995, quant à sa durée, dans la mesure où il y est bien spécifié que celui-ci avait une durée annale s’étalant du 1er décembre 1995 au 30 novembre 1996, et renouvelable par tacite reconduction; qu’il n’est point besoin de l’interpréter, sous peine de la dénaturer, et son contenu étant suffisamment clair pour être applicable sans difficulté; qu’il échet donc de rejeter l’argument de l’incompétence du Juge des référés;
Attendu qu’en définitive, l’action de Assad GAFFARI a été introduite dans les forme et délai légaux; qu’il échet de la déclarer recevable;
AU FOND :
Attendu que GAFFARI a soulevé la déchéance du droit de renouvellement de son bail de RESK, pour n’avoir pas fait la demande trois mois avant l’expiration du contrat, en application des articles 91 et 92 de l’Acte uniforme sur le droit commercial, pour solliciter l’expulsion de celui-ci;
Attendu que RESK et son Conseil ont soutenu que ces articles n’étaient pas applicables à la cause; qu’en effet, selon eux, le contrat de bail à durée indéterminée s’était mué en contrat de bail à durée indéterminée, par l’application des dispositions de l’article 571 COCC;
Attendu qu’il échet de relever que c’était plutôt l’article 584 COCC qui était applicable à l’espèce, s’agissant d’un bail commercial;
Attendu que l’article 587 du COCC dispose que les parties fixant librement la durée des baux commerciaux; que le contrat de bail de 1995 liant RESK à GAFFARI stipule expressément que le présent bail est consenti pour une durée d’un an… Il est renouvelable par tacite reconduction, pour une période d’égale durée, chacune des parties ayant la faculté de la dénoncer à l’expiration de chaque période, par lettre recommandée, au moins trois (03) mois à l’avance;
Attendu qu’il s’infère des dispositions de l’article 587 susvisé, qu’en dépit des dispositions de l’article 592 COCC, qui imposait la nécessité d’un congé pour les baux à durée déterminée, comme ceux à durée indéterminée, les parties avaient la latitude de réglementer les modalités de renouvellement du bail; que c’est de ce droit dont ont usé les parties dans le contrat de 1995;
Attendu que la jurisprudence jugeait, en dépit de la règle générale, qu’à défaut de congé pour le bail à durée déterminée, il y avait renouvellement de plein droit, en cas de poursuite des relations contractuelles, de celui-ci, avec sa mutation en bail à durée indéterminée; qu’il n’en était ainsi qu’à défaut de stipulation expresse au contrat, d’une durée précise. cf. TPT – Dakar – N° 407 Yachrout y Yactine RSD 1982 N° 26 Page 74.
Attendu que le contrat de bail de 1995 intervenu entre les parties stipulait le renouvellement par période annale; que dès lors, l’on ne saurait invoquer sa mutation en contrat à durée indéterminée, après son renouvellement à plusieurs reprises;
Attendu qu’il y a lieu de relever que jusqu’à l’entrée en vigueur de l’acte uniforme du droit commercial général de l’OHADA, le 1er janvier 1998, c’est le code des obligations civiles et commerciales qui régissait les relations contractuelles entre RESK et GAFFARI, étant précisé qu’il s’agissait toujours d’un contrat à durée déterminée; depuis le 1er janvier 1998, l’article 102 de l’Acte uniforme susvisé était d’ordre public, tous les baux encourus, même antérieurs, étaient désormais régis par lui; que le droit au renouvellement du bail, qu’il soit à durée déterminée ou indéterminée, était soumis aux dispositions des articles 91 et 92 de cet Acte uniforme;
Attendu que l’article 92 disposait plus spécifiquement que dans le cas du bail à durée déterminée (contrat de 1995 entre RESK et GAFFARI), le preneur qui a droit au renouvellement de son bail (ayant occupé les lieux plus de deux ans) en vertu de l’article 91 ci-dessus, peut demander le renouvellement de celui-ci, par acte extrajudiciaire, au plus tard trois mois avant la date d’expiration du bail. Le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans un délai est déchu du droit au renouvellement du bail;
Attendu que le contrat de RESK expirait le 30 novembre 2002; qu’il est constant que RESK n’a point présenté une demande dans ce sens; qu’il se contente en effet de soutenir faussement qu’il était dans les délais jusqu’au 1er octobre 2002, même si l’article 92 suscité lui était applicable;
Attendu que dans ces circonstances, RESK doit être déclaré déchu de son droit de renouvellement du bail;
Attendu qu’il y a lieu de constater la résiliation de son bail à compter du 30 novembre 2002 et d’ordonner en conséquence, à cette même date, son expulsion des lieux, tant de sa personne, de ses biens, ainsi que de tout occupant de son chef;
Attendu qu’il y a urgence indéniable et absolue, pour GAFFARI, à entrer en possession de son local; qu’il échet d’ordonner l’exécution provisoire simple;
Attendu qu’il échet de condamner Jacques RESK aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé civil et en premier ressort :
EN LA FORME
– Rejetons les exceptions de nullité et d’incompétence soulevées par RESK;
– Recevons l’action de Assad GAFFARI;
AU FOND
– Déclarons RESK déchu de son droit de renouvellement de son bail, en vertu des articles 91 et 92 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général;
– Constatons la résiliation du bail liant RESK à GAFFARI, à compter du 30 novembre 2002;
– Ordonnons en conséquence à cette même date, l’ex­pulsion de RESK, tant de sa personne, de ses biens, ainsi que de tout occupant de son chef, des lieux appartenant à GAFFARI;
– Ordonnons l’exécution provisoire.
– Condamnons RESK aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.