J-05-60
Voir Ohadata J-05-61 pour l’appel de cette décision
BAIL COMMERCIAL – CONGE – ABSENCE DE NOIFICATION AU PRENEUR DE LA CESSION DE L’IMMEUBLE – CAUSE DE NULLITE DU CONGE (non).
CONGE DONNE POUR MOTIF DE DEMOLITION ET DE RECONSTRUCTION – DESTINATION DU NOUVELIMMEUBLE INCOMPATIBLE AVEC L’ACTIVITE DU PRENEUR – PAIEMENT D’UNE INDEMNITE D’EVICTION (OUI) – APPLICATION DES DEROGATIONS DE L’ARTICLE 95 AUDCG (non).
INDEMNITE D’EVICTION – CALCUL – NON PRODUCTION DES ELEMENTS EXIGES PAR LA LOI – REJET DE LA DEMANDE EN L’ETAT.
Demande du preneur en annulation de congé fondée sur le fait que le nouveau propriétaire, qui a servi congé, n’a pas notifié l’acte de cession en vertu duquel il acquis les locaux, avec ledit congé.
Le juge rejette cette demande, au motif que le bailleur « a respecté toutes les obligations et formalités légales qui lui incombaient, que le grief tiré de l’absence de notification de la cession de l’immeuble n’est pas de nature à entraîner l’annulation, dès lors que la loi ne le prévoit pas ». Le juge relève, qui plus est, que le preneur ne pouvait invoquer aucun grief, puisqu’il était informé de cette cession au moment où le congé était servi.
Le nouveau bailleur a fait savoir qu’il comptait détruire l’immeuble, afin d’en construire un nouveau dont la destination serait incompatible avec l’activité du preneur. C’est d’ailleurs pourquoi il ne lui a proposé aucun bail et qu’il a servi un congé en vue de procéder à son expulsion.
Le bailleur doit payer une indemnité d’éviction, car il ne peut invoquer les exceptions de l’article 95 AUDCG. « A défaut d’accord des parties sur le montant de l’indemnité, celle-ci est au terme de l’article 94 de l’Acte Uniforme fixé par le juge, en tenant compte du montant du chiffre d’affaires des investissements réalisés par le preneur, et la situation géographique du local ». En l’espèce, aucun de ces éléments n’étant fourni, le juge est dans l’impossibilité de fixer le montant de l’indemnité. Le juge déboute en l’état, le preneur de sa demande.
(Tribunal régional hors classe de Dakar, Jugement n° 1712 du 25 octobre 2000, Ibra Guèye c/ SCI Amine ).
Tribunal régional hors classe de Dakar
Audience publique ordinaire du 25 octobre 2000
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar (SENEGAL), statuant en matière civile, a, en son audience publique ordinaire du 25 octobre 2000, à laquelle siégeaient Madame
Abibatou Babou PAYE, Juge au siège, Président de Chambre, Monsieur Pape Amadou SOW et Henriette Diop TALL, membres, en présence de Monsieur Abdoulaye DIAGNE, Substitut de Monsieur le Procureur de la République, et avec l’assistance de Monsieur Mame Mor BITEYE, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit :
Entre :
Monsieur Ibra GUEYE, demeurant à Dakar - Point E Rocade Fann Bel Air – TF 7788/DG, mais élisant domicile en l’étude de Maîtres SARR et Associés, Avocats à la Cour, 33, avenue L.S. Senghor à Dakar;
Demandeur;
Comparant et concluant à l’audience par ledit Avocat;
d’une part;
Et :
– La SCI "AMINE" dont le siège social est à Dakar - Bd de l’Est Point E, prise en la personne de son représentant légal et en tant que de besoin, de Monsieur Abdoulaye Emile DIOUF dit ABOU;
Défendeur;
Comparant et concluant à l’audience par ledit Avocat;
d’autre part;
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en rien aux droits et intérêts respectifs des parties en cause;
FAITS :
Par exploit de Maître Malick SEYE FALL, Huissier de justice à Dakar, en date du 14 février 2000, Monsieur Ibra GUEYE a fait servir assignation à la SCI "AMINE", à comparaître et se trouver par-devant le Tribunal civil de céans, en son audience publique ordinaire du 25 avril 2000, pour et par les motifs exposés audit exploit :
– Déclarer l’action;
– Déclarer nul et de nul effet le congé signifié par SCI "AMINE" au sieur Ibra GUEYE, suivant exploit en date du 13 août 1999 de Maître Yacine Ndiaye SENE, Huissier de justice à Dakar;
– Condamner la SCI "AMINE" aux entiers dépens dont distraction selon l’usage;
Sur cette assignation qui contenait constitution de Maîtres SARR et Associés, Avocats à la Cour, pour le demandeur, l’affaire a été inscrite au rôle général du Tribunal sous le N° 1146 de l’année 2000, indiquée dans l’exploit;
Appelée à cette audience, elle fut retenue au 25 octobre 2000.
Maîtres SARR et Associés, Avocats à la Cour, pour le demandeur, ont lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont le dispositif suit :
CONCLUSIONS EN DATE DU 18 JUILLET 2000 :
– Recevoir les demandes principales et additionnelles du sieur Ibra GUEYE;
– Déclarer le congé nul et de nul effet;
SUBSIDIAIREMENT,
– Condamner la S.C.I. AMINE à payer au sieur Ibra GUEYE, la somme de 10.000.000 F au titre de l’indemnité prévue par les articles 95 alinéa 4 et 91 de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général.
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toutes voies de recours et sans caution;
– Condamner la SCI AMINE aux entiers dépens dont il sera fait distraction au profit des Avocats soussignés qui le requièrent aux offres de droit;
Maîtres Guédel NDIAYE et Associés, Avocats à la Cour, pour le défendeur, a lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont le dispositif suit :
CONCLUSIONS EN DATE 03 AVRIL 2000 :
Il plaira au Tribunal :
– Débouter le sieur Ibrahima GUEYE de toutes ses demandes, fins et conclusions;
– Le condamner aux entiers dépens dont distraction selon l’usage;
Le Ministère Public a déclaré s’en rapporter à justice;
Sur quoi, les débats sont été déclarés clos et l’affaire mise en délibéré, pour le jugement être rendu à l’audience du 25 octobre 2000;
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les différents points de droit résultant des pièces du dossier et les conclusions des Avocats des parties;
QUID DES DEPENS :
A l’audience publique ordinaire du 25 octobre 2000, le Tribunal, vidant son délibéré, a statué en ces termes :
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les Avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par exploit en date du 14 février 2000 de Maître Malick SEYE FALL, Huissier de justice à Dakar, Monsieur Ibra GUEYE a assigné la SCI AMINE en annulation du congé qu’elle lui a fait signifier par exploit en date du 13 août 1999 de Maître Yacine Ndiaye SENE, Huissier de justice à Dakar;
Que par conclusions du 18 juillet 2000, il a demandé à titre subsidiaire, la condamnation de la défenderesse à lui payer sous le bénéfice de l’exécution provisoire du jugement, la somme de 10.000.000 F au titre de l’indemnité d’éviction;
Attendu que par écritures datées du 02 octobre 2000, la SCI AMINE a reconventionnellement demandé l’expulsion du sieur GUEYE des locaux, tant de sa personne, de ses biens, que de tout occupant de son chef;
EN LA FORME :
Attendu que l’action principale et la demande additionnelle du sieur GUEYE et la demande reconventionnelle de la SCI AMINE ont été régulièrement formées; qu’il échet de les recevoir;
AU FOND :
Attendu qu’à l’appui de sa demande en annulation, le sieur GUEYE a fait valoir qu’il est locataire de locaux à usage de garage, sis à Dakar Point E - Rocade Fann Bel Air, depuis 1991, et paie un loyer mensuel de 90.000 F; que se prétendant nouvelle propriétaire de ces locaux, la défenderesse lui a servi congé pour le terme du 15 février 2000; que dès lors que cette dernière ne lui a pas notifié l’acte de cession, ledit congé n’est pas régulier;
Qu’au soutien de sa demande additionnelle et subsidiaire, il a expliqué que l’immeuble comprenant un rez-de-chaussée et quatre étages que projette de construire la SCI AMINE, aura pour destination différente de celle qui fait présentement l’objet du bail; qu’en tout état de cause, la SCI AMINE ne lui a fait aucune offre de bail sur l’immeuble a construire; qu’étant locataire depuis 9 ans, il est fondé, en application de l’article 95 de l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général, à réclamer le paiement d’une indemnité d’éviction qu’il convient de fixer à la somme de 10.000.0000 F;
Qu’à l’appui de sa demande tendant à l’exécution provisoire du jugement, il a soutenu que l’urgence et le péril en la demeure sont caractérisés en ce que l’outil qu’est le garage, paraît compromis;
Attendu que pour résister à la demande d’annulation du congé, la SCI AMINE a de son côté, fait observer qu’elle est propriétaire du TF 7788/DG, comme l’atteste l’état des droits réels versé aux débats; qu’elle en a régulièrement informé le demandeur, par lettre du 03 juin 1999, notifiée par voie d’huissier le 22 juin 1999;
Que l’argumentation sommaire et sans fondement légal du sieur GUEYE consistant à demander l’annulation, au motif que la cession ne lui a pas été notifiée, ne saurait prospérer en l’absence d’un texte faisant obligation à l’acquéreur d’un immeuble, de notifier, sous peine de nullité du congé, au locataire éventuel, son droit de propriété;
Que contre la demande d’indemnité d’éviction, elle a plaidé que le sieur GUEYE n’a pas demandé le renouvellement du bail dans le délai prescrit par la loi; qu’en outre, dès lors que ce dernier n’a fourni aucune justification de revenus, il doit être débouté de sa demande;
Attendu tout d’abord, qu’en ce qui concerne la demande d’annulation du congé, la SCI AMINE a respecté toutes les obligations et formalités légales qui lui incombaient; que le grief tiré de l’absence de notification de la cession de l’immeuble n’est pas de nature à entraîner l’annulation, dès lors que la loi ne le prévoit pas; que d’ailleurs, il résulte même du congé, qu’au plus tard au moment où il était servi, le sieur GUEYE était en même temps informé
de cette cession; qu’il échet en conséquence, de débouter celui-ci de sa demande d’annulation;
Attendu en second lieu, que même s’il résulte de l’article 95 de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général, que le bailleur peut, sans avoir à verser l’indemnité d’éviction, s’opposer au droit au renouvellement du bail acquis en l’espèce par le sieur GUEYE, par l’effet de la contestation du congé, lorsqu’il envisage de démolir et reconstruire l’immeuble, le même texte dispose qu’il devra verser cette indemnité si les locaux reconstruits ont une destination différente de celle de bail, ou s’il n’est pas offert au preneur, un bail dans les nouveaux locaux;
Attendu que manifestement, 1’immeuble dont la construction est projetée est incompatible avec l’activité de garagiste du sieur GUEYE; que d’ailleurs, aucun bail ne lui a été proposé;
Attendu cependant qu’à défaut d’accord des parties sur le montant de l’indemnité, celle-ci est au terme de 1’article 94 de 1’Acte Uniforme, fixé par le juge, en tenant compte du montant du chiffre d’affaire des investissements réalisés par le preneur et la situation géographique du local; qu’aucun renseignement sur ces éléments, et notamment sur les revenus du demandeur, n’a été communiqué au Tribunal, de sorte qu’il n’est pas en mesure de déterminer le montant de l’indemnité; qu’il échet de débouter en l’état, le sieur GUEYE de sa demande;
Attendu enfin, que le congé qui a été régulièrement signifié, est arrivé à terme; que le bail a donc pris fin; qu’il échet d’ordonner l’expulsion du locataire, qui aux termes des dispositions d’ordre public de l’article 95 de 1’Acte Uniforme, aura cependant le droit de rester dans les locaux jusqu’au commencement des travaux;
Attendu que le demandeur, qui a succombé, doit être condamné aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale et en premier ressort;
– Reçoit l’action et la demande additionnelle de Ibra GUEYE et la demande reconventionnelle de la SCI AMINE;
– Déboute Ibra GUEYE de sa demande tendant à l’annulation du congé servi le 13 août 1999 par Me Yacine Ndiaye SENE, Huissier de justice;
– Le déboute en l’état de sa demande d’indemnité d’éviction;
– Ordonne son expulsion des locaux, tant de sa personne, de ses biens que de tout occupant de son chef, dès le commencement des travaux de démolition et de reconstruction;
– Le condamne aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier.