J-05-72
Voir Ohadata J-05-67
BAIL COMMERCIAL – DEMANDE DE RESILIATION JUDICIAIRE PAR LE BAILLEUR – CREANCIERS INSCRITS NON REVELES AU BAILLEUR – OBLIGATION DU BAILLEUR DE NOTIFIER LA DEMANDE DE RESILAITION AUX CREANCIERS INSCRITS NON REVELES (non).
Si le fonds de commerce est protégé par la propriété commerciale à l’égard du bailleur, ce dernier, par son droit de propriété sur ses locaux et ses privilèges du bailleur, et les créanciers inscrits sur le fonds de commerce, par les privilèges et les formalités prévues par les règles sur les sûretés, l’on ne saurait exiger l’exécution des obligations de chacun que dans le cadre de l’équilibre dégagé par le système de protection mis en place.
Ainsi, la notification par le bailleur de sa demande de résiliation aux créanciers inscrits, prévue par l’article 101 AUCGC sur le droit commercial général, va de pair avec l’obligation faite aux créanciers inscrits, de notifier au bailleur de l’immeuble, le bordereau d’inscription;
C’est à bon droit que le bailleur plaide que la dénonciation du commandement tendant à l’expulsion du bailleur aux créanciers, ne se conçoit que s’il est établi que les créanciers ont signifié leur privilège au bailleur, et cela d’autant plus que l’article 81 de l’Acte uniforme sur les sûretés prévoit qu’à défaut de cette signification, le créancier nanti ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 87 du même Acte uniforme.
Il s’en infère que le preneur dont l’inscription au registre du commerce n’est pas établie, ne petit invoquer plus de droit que n’en a le créancier nanti.
Il y a lieu, dès lors, d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, prononcer la résiliation du bail pour inexécution, par le preneur, de son obligation de paiement des loyers.
Cour d’appel de Dakar, Chambre civile et commerciale 1, Arrêt n° 38 de la Cour d’Appel du 18 janvier 2002, Indivision LAHOUS c/ Ibrahima DOUMBOUYA
ENTRE :
– L’Indivision Pierre, Michel et Robert LAHOUD, propriétaires représentés par l’Agence Immobilière Jean Claude HELOU, 22 avenue Georges Pompidou à Dakar, poursuites et diligences de son représentant légal, faisant élection de domicile en l’Etude de Me Guédel NDIAYE et Associés, SCP d’Avocats, 73 rue Amadou Assane NDOYE; APPELANTE;
Comparant et concluant à l’audience par l’organe desdits Avocats;
d’une part;
ET :
– Ibrahima DOUMBOUYA, locataire d’un magasin sis au 24 rue Sandiniéry à Dakar, mais élisant domicile en l’Etude de Maître Ousmane SEYE, Avocat à la Cour à Dakar, 71 avenue André Peytavin; INTIMÉ;
Comparant et concluant à l’audience par l’organe dudit Avocat;
d’autre part;
LES FAITS :
Suivant exploit de Me Yacine NDIAYE SENE, Huissier de justice à Dakar, en date du 06 janvier 2000, l’Indivision Pierre, Michel et Robert LAHOUD a interjeté appel du jugement rendu le 21 décembre 1999 par le Tribunal Régional de Dakar, présidé par Madame Khary Diop THIOMBANE, assistée de Me SALL, Greffier, enregistré le 08/12/2000 suivant bordereau n° 1210/6 Vol. XXIV F° 184 case 2831, aux droits de seize mille francs;
Et par le même exploit, l’indivision Pierre, Michel et Robert LAHOUD a fait servir assignation au sieur Ibrahima DOUMBOUYA, d’avoir à comparaître et se trouver par-devant la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale, en son audience publique et ordinaire du vendredi 25 février 2000, pour y venir voir et entendre statuer sur les mérites de son recours;
Sur cette assignation, l’affaire inscrite au rôle de la Cour sous le numéro 157 de l’année 2000, a été appelée à la date pour laquelle ladite assignation avait été servie, puis mise au rôle général;
Sortie du rôle général, l’affaire a été successivement renvoyée jusqu’au 23/11/2001, date à laquelle elle a été utilement retenue;
Me Guédel NDIAYE et Associés, Avocats pour le compte de l’Indivision Pierre, Michel et Robert LAHOUD, ont déposé des conclusions en date du 05 janvier 2001 et tendant à ce qu’il plaise à la Cour;
– Déclarer recevable l’appel des concluants;
– Infirmer en toutes ses dispositions, le jugement querellé;
Statuant à nouveau :
– Condamner Ibrahima DOUMBOUYA à payer la somme de 5.956.800 F représentant les arriérés de loyer des mois de septembre 1999 à janvier 2001 inclus, outre les loyers à échoir, au taux mensuel de 350.400 F, jusqu’au parfait paiement;
– Ordonner l’expulsion d’Ibrahima DOUMBOUYA et de tous occupants de son chef, du local sis 24 rue Sandiniéry à Dakar;
– Condamner Ibrahima DOUMBOUYA aux entiers dépens dont distraction au profit des Avocats soussignés qui le requièrent aux offres de droit;
A son tour, Me Ousmane SEYE, Avocat, pour le compte de Ibrahima DOUMBOUYA, a déposé des conclusions en date du 07 mai 2001 tendant à ce qu’il plaise à la Cour :
– Statuer sur la recevabilité formelle de l’appel;
AU FOND :
– Rejeter la demande de l’Indivision LAHOUD comme mal fondée;
– Confirmer par conséquent, le jugement entrepris;
– Mettre les dépens à la charge de l’appelante;
Les débats ont été clos.
Sur quoi, Monsieur le Président a mis l’affaire en délibéré, pour l’arrêt à intervenir à la date du 11/01/2002;
DROIT :
La cause, en cet état, présentait à juger les différents points de droit résultant du dossier et des conclusions prises par les parties en cause;
QUID DES DEPENS ?
A la date du 11 janvier 2002, lé délibéré a été prorogé au 18 janvier 2002;
Advenue l’audience publique et ordinaire de ce jour 18/01/2002, la Cour, mêmement composée, vidant son délibéré, a statué ainsi qu’il suit :
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en toutes leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que suivant acte en date du 06 janvier 2000, l’Indivision Pierre, Michel et Robert LAHOUD, propriétaires représentés par l’Agence Immobilière Jean Claude HELOU a interjeté appel du jugement rendu le 21 décembre 1999 par le Tribunal Régional de Dakar, qui l’a débouté de sa demande en résiliation du contrat de bail conclu avec Ibrahima DOUMBOUYA, avant de condamner celui-ci à lui payer la somme de 1.401.600 F, l’exécution provisoire à concurrence de 500.000 F ayant été ordonnée;
Considérant que l’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai légaux;
AU FOND :
Considérant que l’Indivision recherche l’infirmation du jugement entrepris, motif pris du montant retenu au titre de sa créance de loyers sur Ibrahima DOUMBOUYA, et de l’exigence de notification de l’acte de résiliation aux créanciers inscrits;
Qu’au titre de sa créance, elle réclame aujourd’hui la somme de 5.956.800 F et conteste le montant de 1.401.600 F retenu par le premier Juge;
Qu’en effet, suivant commandement en date du 04/09/1998, elle réclamait la somme de 700.800 F correspondant aux loyers d’août et de septembre 1998;
Que pour n’avoir pas honoré ces arriérés, elle a dû initier une procédure de résiliation et d’expulsion durant laquelle d’autres loyers sont échus, ce qui porte le montant à 5.606.400 F, couvrant la période d’août 1998 à novembre 1999, soit 16 mois d’arriérés de loyers, l’affaire ayant été mise en délibéré pour le 09/11/2002;
Qu’entre-temps, il a payé la somme de 3.504.000 F, éteignant les loyers échus d’août 1998 à mai 1999, restant ainsi devoir ceux de juin à novembre 1999, soit 6 mois de loyers évalués à 2.102.400 F;
Qu’il reproche au Juge de n’avoir pas retenu ce montant, mais celui de 1.401.600 F, correspondant à 4 mois au lieu de 6 mois;
Que présentement, il réclame les loyers de septembre 1999 à janvier 2001, soit 5.956.800 F, après le règlement de 1.050.000 F couvrant les loyers de juin, juillet et août 1999;
Qu’il sollicite l’infirmation du jugement entrepris et la condamnation de Ibrahima DOUMBOUYA et des sieurs Salif SIDIBE et Sékou DANSOKHO, qui ont reconnu occuper le local depuis 1997, du chef de DOUMBOUYA, et payer régulièrement leur loyer auprès de leur Conseil, au paiement de la somme de 5.956.800 F, outre les loyers à échoir jusqu’à leur expulsion;
Qu’au titre de la notification de la résiliation aux créanciers inscrits, prévue par l’article 101 AUDCG, elle fait remarquer que les occupants SIDIBE et DANSOKHO ont déclaré ……. faire bénéficier de son inscription au Registre du Commerce; que DOUMBOUYA n’est pas lui-même inscrit au Greffe; Considérant que selon l’Indivision, les dispositions de l’article 101 doivent s’interpréter au regard des articles 87 et 81 de l’Acte Uniforme sur les Sûretés;
Qu’elle estime que cette notification protectrice des intérêts des créanciers ne peut être exigée qu’à la condition que les créanciers eux-mêmes respectent la formalité de notification aux bailleurs de l’immeuble de l’inscription effectuée;
Qu’aux termes de l’article 81, à défaut par le créancier nanti, de satisfaire cette formalité, il ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 87 AUDCG, qui prévoit la même formalité que l’article 101 AUDCG; Qu’elle déclare que l’Indivision ne connaît pas le numéro du Registre de Commerce du locataire;
Considérant qu’en revanche, Ibrahima DOUMBOUYA soutient s’être acquitté des arriérés et des loyers échus tout au long de la procédure, comme l’attestent les différents courriers dûment signés par le Conseil de l’Indivision;
Qu’elle déclare que les loyers, au moment du jugement, étaient payés jusqu’au mois de juin 1999; qu’il a en outre payé par chèque SGBS n° 0408455 versé aux débats, les loyers de juillet, août et septembre 1999;
Qu’il reproche au Conseil de l’Indivision, son refus de délivrer les quittances de paiement, ce qui l’empêche de prouver; quant à la formalité de notification prévue par l’article 101 AUDCG, il relève qu’il s’agit de dispositions d’ordre public qui font peser l’obligation à la charge de l’Indivision; Qu’il conteste la cession en ce qu’il occupe lui-même le local où il a reçu tous les actes de procédure;
Qu’il précise que SIDIBE et DANSOKHO sont de simples préposés;
Qu’il sollicite la confirmation du jugement;
Mais considérant qu’il n’est pas contesté que le contrat de bail a été signe entre les parties;
Que Ibrahima DOUMBOUYA reconnaît avoir reçu commandement de payer des arriérés de loyer, dont il déclare s’être acquitté, ainsi que des loyers échus tout au long de la procédure;
Que cependant, force est de constater qu’aucune pièce probatoire n’a été versée par son Conseil, à l’appui de ses conclusions; qu’il échet d’en déduire que l’intimé procède par simples affirmations;
Qu’il y a lieu de condamner Ibrahima DOUMBOUYA à payer à l’Indivision, la somme de 5.956.800 F, correspondant aux loyers de septembre 1999 à janvier 2001, dont les quittances impayées sont régulièrement versées au dossier;
Considérant que pour les loyers échus après les conclusions jusqu’à l’expulsion de Ibrahima DOUMBOUYA, l’Indivision n’a pas produit les preuves correspondantes;
Qu’il y a lieu d’en débouter l’appelante;
Sur la notification de la demande de résiliation aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce :
Considérant que les obligations commerciales qui pèsent sur le commerçant et ses partenaires doivent faire l’objet d’une interprétation systémique tenant compte de l’ensemble des règles en cause;
Que si le fonds de commerce est protégé par la protection commerciale à l’égard du bailleur, ce dernier, par son droit de propriété sur ses locaux et ses privilèges, et les créanciers inscrits sur le fonds de commerce, par les privilèges et les formalités prévues par les règles sur les sûretés, l’on ne saurait exiger l’exécution des obligations de chacun que dans le cadre de l’équilibre dégagé par le système de protection mis en place;
Qu’ainsi, la notification de sa demande de résiliation aux créanciers inscrits, prévue par l’article 101 AUCGC sur le droit commercial général, va de pair avec l’obligation faite aux créanciers inscrits, de notifier au bailleur de l’immeuble, le bordereau d’inscription;
Que c’est à bon droit que le bailleur plaide que la dénonciation du commandement tendant à l’expulsion du bailleur aux créanciers, ne se conçoit que s’il est établi que les créanciers ont signifié leur privilège au bailleur, et cela d’autant plus que l’article 81 de l’Acte uniforme sur les sûretés prévoit qu’à défaut de cette signification, le créancier nanti ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 87 du même Acte uniforme;
Qu’il s’en infère que le preneur dont l’inscription au registre du commerce n’est pas établie, ne petit invoquer plus de droit que n’en a le créancier nanti;
Qu’il y a lieu, dès lors, d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, prononcer la résiliation du bail pour inexécution par le preneur, de son obligation de paiement des loyers;
Considérant que Ibrahima DOUMBOUYA sera tenu aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en cause d’appel;
EN LA FORME :
– Reçoit l’appel principal de l’Indivision Pierre, Michel et Robert LAHOUD;
AU FOND :
– Infirme le jugement entrepris sur le montant de la créance de loyers et la résiliation;
Statuant à nouveau :
– Déclare l’Indivision créancière de Ibrahima DOUMBOUYA, de la somme de 5.956.800 F, au titre des arriérés de loyers;
– Condamne DOUMBOUYA à lui payer ladite somme;
– Prononce la résiliation du bail conclu entre l’Indivision et Ibrahima DOUMBOUYA;
– Déboute l’Indivision du surplus de sa demande;
– Condamne DOUMBOUYA aux dépens;
Ainsi, fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale, séant au Palais de Justice de ladite ville, Bloc des Madeleines, en son audience publique et ordinaire du vendredi 18 janvier 2002, et à laquelle siégeaient Messieurs Mouhamadou DIAWARA, Président de Chambre à la Cour d’Appel, Président, Mamadou DEME et Mamadou DIAKHATE, Conseillers à la Cour, et avec l’assistance de Maître El Hadji Ayé Boun Malick DIOP, Greffier.
Et ont signé le présent arrêt, le Président et le Greffier.