J-05-73
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT – INJONCTION DE PAYER – TIERCE OPPOSITION CONTRE L’ORDONNANCE SIGNIFIEE – TIERCE OPPOSITION SUPPOSANT UNE INSTANCE CONTRADICTOIRE – REJET.
Doit être rejetée par le juge la tierce opposition contre l’ordonnance d’injonction de payer au motif que l’injonction de payer est une voie gracieuse qui aboutit à une ordonnance qui ne peut être exécutée que 15 jours après sa signification. Cette signification n’est qu’une condition d’efficacité et ne rend pas l’ordonnance contradictoire. Or, la tierce opposition supposant une instance qui peut être attaquée par une tierce personne quand la décision lui fait grief, celle-ci n’est pas applicable à l’injonction de payer.
Article 9 AUPSRVE
Article 10 AUPSRVE
(Tribunal régional hors classe de Dakar (Sénégal), jugement n° 1893 du 22 novembre 2000, Alexia Martineau c/ Kamal Salémé).
Tribunal régional hors classe de Dakar (Sénégal)
Audience publique ordinaire du 22 novembre 2000
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar (Sénégal), statuant en matière civile, a, en son audience publique ordinaire tenue en la salle des audiences le 22 novembre 2000, à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou Bachir SEYE, Président de Chambre, Messieurs Cheikh Tidiane LAM et Chérif CISSE, Juges au Siège, Membres, en présence de Monsieur Saliou MBAYE, Substitut de Monsieur le Procureur de la République, et avec l’assistance de Madame Maïmouna Bâ CISSE, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
– Mademoiselle Alexia MARTINEAU, demeurant Mermoz, villa N° 7 à Dakar, et Monsieur Nicolas MARTINEAU, domicilié à la même adresse, pour qui domicile est élu en l’Etude de Maître Guédel NDIAYE et Associés, SCP d’Avocats, 73 bis, rue Amadou Assane Ndoye à Dakar; DEMANDEURS à la tierce opposition;
Comparant et concluant à l’audience par lesdits Avocats;
d’une part;
ET :
– Kamal SALEME, demeurant 20, rue de Thiong à Dakar; DEFENDEUR à la tierce opposition;
Comparant et concluant à l’audience par Maître Massamba NDIAYE, Avocat à la Cour à Dakar;
d’autre part;
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en rien aux droits et intérêts respectifs des parties en cause;
FAITS
Par exploit de Maître Aloyse NDONG, Huissier de Justice à Dakar, en date du 12 janvier 2000, Mademoiselle Alexia MARTINEAU a fait servir assignation à Monsieur Kamal SALEME, à comparaître et se trouver par-devant le Tribunal civil de céans, en son audience publique du 19 janvier 2000, pour et par les motifs exposés audit exploit :
Vu les violations des articles 318 alinéa 3 et 321 du Code de la Famille et 420 alinéa 2 et 445 du Code Civil Français;
Vu la nullité de l’acte de signification du 21 septembre 1997 de Maître Mamadou Mansour KAMARA;
PAR CES MOTIFS
– S’entendre annuler l’ordonnance d’injonction de payer N° 69/97 du 11 septembre 1997
– S’entendre le sieur Kamal SALEME, condamner aux dépens;
Sur cette assignation qui contenait constitution de Maîtres Guédel NDIAYE et Associés, Avocats à la Cour, pour les demandeurs, l’affaire a été inscrite au rôle général du Tribunal sous le numéro 510 de l’année 2000 et mise au rôle particulier de l’audience du 19 janvier 2000, indiquée dans l’exploit;
Appelée à cette audience, elle a été renvoyée au 02 février 2000, puis elle a fait l’objet de plusieurs renvois jusqu’au 21 juin 2000, date à laquelle elle a été utilement retenue;
Maîtres Guédel NDIAYE et Associés, Avocats à la Cour, pour les demandeurs, ont lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont les dispositifs suivent :
Conclusions en date du 1er février 2000 :
Il plaira au Tribunal :
– Déclarer recevable la tierce opposition;
AU FOND :
Vu les violations des articles 318 alinéa 3 et 321 du Code de la Famille et 420 alinéa 2 et 445 du Code Civil Français;
Vu la nullité de l’acte de signification du 21 septembre 1997 de Maître Mamadou Mansour KAMARA;
– Annuler l’ordonnance d’injonction de payer N° 69/97 des 11 septembre et 17 novembre 1997 rendue par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar;
– Condamner le sieur Kamal SALEME aux dépens dont distraction au profit de Maître Guédel NDIAYE et Associés qui le requièrent aux offres de droit;
Conclusions en date du 28 juin 2000 :
Il plaira au Tribunal :
Rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires :
– Adjuger au concluant l’entier bénéfice de ses écritures antérieures et celles des présentes;
Conclusions en date du 17 novembre 2000 :
Il plaira au Tribunal :
– Allouer aux concluants l’entier bénéfice de la présente et de ses précédentes écritures des 26 juillet et 28 juin 2000;
A son tour, Maître Massamba NDIAYE, Avocat à la Cour, pour le défendeur, a lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont les dispositifs suivent :
Conclusions en date du 11 avril 2000 :
EN LA FORME :
– Déclarer irrecevable l’opposition de la dame Alexia MARTINEAU et du sieur Nicolas MARTINEAU, sur le fondement des articles 9 alinéa 1er et 10 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (OHADA);
– Dire et juger en outre, que la dame Alexia MARTINEAU et le sieur Nicolas MARTINEAU sont déchus de leur droit à opposition, en application de l’article 11 alinéas 1 et 2 du texte susvisé;
SUR LE FOND :
– Dire n’y avoir lieu en conséquence, à examiner le fond;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant toutes voies de recours;
– Condamner les demandeurs aux entiers dépens;
Conclusions en date du 13 juillet 2000 :
Qu’il échet en conséquence, de rejeter comme mal fondées, toutes leurs demandes, fins et conclusions, et d’adjuger au concluant l’entier bénéfice de ses conclusions principales et de sa note en cours de délibéré;
Conclusions en date du 03 novembre 2000 :
Qu’il plaise au Tribunal :
– Déclarer irrecevable l’action des héritiers MARTINEAU, à savoir Alexia et Nicolas MARTINEAU, conformément aux écritures antérieures et présentes;
SUBSIDIAIREMENT :
– Rejeter toutes leurs demandes, fins et conclusions, comme mal fondées;
– Les condamner aux dépens;
Le Ministère Public a déclaré s’en rapporter à justice;
Sur quoi, les débats ont été déclarés clos, et l’affaire mise en délibéré pour le jugement être prononcé à l’audience du 05 juillet 2000, lequel délibéré a été prorogé au 19 juillet 2000, puis jusqu’au 22 novembre 2000;
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les différents points de droit résultant des pièces du dossier et des conclusions prises par les avocats des parties;
Quid des dépens ?
A l’audience publique du 22 novembre 2000, le Tribunal, vidant son délibéré, a statué en ces termes :
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par exploit en date du 12 janvier 2000 de Maître Aloyse NDONG, Huissier de justice à Dakar, Alexia MARTINEAU et Nicolas MARTINEAU ont fait tierce opposition à l’ordonnance d’injonction de payer N° 6997 du 11 septembre 1997, rendue par le Tribunal de céans;
EN LA FORME :
Sur l’exception de l’irrecevabilité :
Attendu qu’in limine litis, le défendeur a plaidé l’irrecevabilité de l’action, aux motifs que l’article 9 de l’AU/PSRVE dispose que la voie de recours ordinaire contre la décision d’injonction de payer est l’opposition;
Qu’il soutient que la tierce opposition ne peut être dirigée contre une ordonnance d’injonction de payer, mais contre un jugement;
Qu’il expose que par ailleurs, les opposants sont déchus de leur droit pour n’avoir pas satisfait aux dispositions des articles 10 et 11 de l’Acte uniforme précité;
Attendu que les demandeurs ont rétorqué que la tierce opposition n’est pas soumise aux dispositions de l’Acte uniforme, mais aux prescriptions de l’article 281 du Code de Procédure Civile, qui ne la soumettent à aucune condition de délai;
Qu’ils soutiennent que la tierce opposition peut être bel et bien dirigée contre une ordonnance d’injonction de payer, comme cela a été admis en jurisprudence française;
Attendu que l’article 9 de l’AU/PSRVE dispose que « la voie de recours ordinaire contre l’ordonnance d’injonction de payer est l’opposition »;
Attendu que la tierce opposition se définit comme une voie de recours extraordinaire de rétractation ou de réformation ouverte aux personnes qui n’ont été ni parties ni représentées dans une instance et leur permettant d’attaquer une décision qui leur fait grief;
Qu’il s’infère de cette définition, que la tierce opposition suppose une instance où les demandeurs ont la possibilité d’être partie ou de se faire représenter;
Que cela exclut l’injonction de payer, qui est une voie gracieuse aboutissant à une ordonnance qui ne peut être exécutée que 15 jours après sa signification à celui contre qui l’exécution est requise;
Que ladite signification ne change pas la nature de l’ordonnance en la rendant contradictoire, mais elle est seulement une condition d’efficacité;
Qu’il s’infère de ce qui précède, que la tierce opposition, de par sa nature, ne peut s’appliquer à l’injonction de payer, à l’état actuel de notre droit positif;
Qu’il échet de la déclarer irrecevable;
Attendu que les demandeurs, qui ont succombé, doivent être condamnés aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, professeur
La tierce opposition est une voie de recours extraordinaire qui permet à une personne, tierce à une procédure ayant abouti à une décision judiciaire lui faisant grief de s’opposer à cette décision.
Le contenu de cette décision ne permet pas de dire si l’injonction de payer attaquée par la voie de ou des auteurs de la tierce opposition avait été rendue contre eux ou non.
Si oui, la tierce opposition avait la vertu d’être faite par les débiteurs eux-mêmes à qui l’ordonnance faisait grief et pouvait être accueillie comme une opposition faite conformément aux articles 9 et suivants AUPSRVE. L’utilisation maladroite de l’expression ne changeait rien au fait que le tribunal avait été saisi et qu’il l’était pour rétractation de l’ordonnance. Peu importe l’appellation utilise en la forme; il s’agissait de se demander de savoir ce que recherchait, au fond, le tiers opposant par cette voie de recours et, pour le tribunal de restituer à cette voie de recours sa véritable qualification.
Si l’auteur de la tierce opposition n’est pas le débiteur impliqué par l’ordonnance, il convient, effectivement, pour lui, d’attendre que cette ordonnance se transforme en une décision définitive lui faisant grief pour agir, soit par la voie de l’intervention volontaire devant le tribunal saisi par l’opposition du débiteur à qui l’ordonnance a été signifiée, soit, de saisir ce tribunal, après le jugement rendu, par la voie de la tierce opposition.