J-05-81
CAUTION – CAUTION ENGAGEE DANS LES MEMES TERMES QUE LE DEBITEUR PRINCIPAL.
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE DES IMMEUBLES DE LA CAUTION – GROSSE NOTARIEE – TITRE EXECUTOIRE (OUI) – TITRE CONSTATANT UNE CREANCE LIQUIDE ET EXIGIBLE (oui).
Du fait de la défaillance du débiteur principal, le créancier poursuit la caution, qui est tenue de la même façon que le débiteur défaillant (articles 13 et 15 AU sur les Sûretés). En vertu de l’article 246 AUVE, le créancier peut faire vendre les immeubles appartenant à son débiteur, en respectant certaines dispositions. Il peut donc procéder à la vente forcée d’un immeuble appartenant à la caution.
Cette vente est poursuivie sur la base d’une grosse notariée constatant l’existence d’un compte courant, conformément à l’article 247 alinéa 1er AUVE, qui dispose que « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ».
En effet, cet article ne signifie pas que « le titre exécutoire doit en lui-même constater la liquidité et l’exigibilité de la créance », mais que « la créance constatée dans le titre exécutoire en vertu duquel la vente est poursuivie doit, au moment d’engager la procédure, avoir les caractères de liquidité et d’exigibilité. »
(Tribunal régional hors classe de Dakar, Jugement n° 131 du 02 février 1999, Banque Islamique du Sénégal c/ EGBEP, Cheikh Tidiane Niang et Abdoulaye Niang).
Tribunal régional hors classe de Dakar
Audience publique des vacations du 02 février 1999
L’an mil neuf cent quatre vingt dix neuf, et le 02 février;
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar s’est réuni, sous la présidence de Monsieur Mamadou DIAKHATE, Président de chambre, Messieurs Ibrahima SAMB et Ahmadou TALL, Juges au siège, membres, en présence de Monsieur Gora SECK, Substitut de Monsieur le Procureur de la République, et avec l’assistance de Mariam SY BOCOUM, Greffier, à l’effet de procéder à l’audience des Criées du Tribunal de céans, à la vente aux enchères publiques et au plus offrant et dernier enchérisseur, de l’immeuble sis sur le lot 4, route des Almadies, d’une superficie de 2000 m², formant en son ensemble, l’objet du TF N° 27.503/DG, outre les constructions qui s’y trouvent édifiées; immeuble saisi sur EGBEP, Cheikh Tidiane NIANG et Abdoulaye NIANG, demeurant à Dakar, Sacré Cœur III villa N° 8614 F, suivant requêtes de la Banque Islamique du Sénégal, ayant domicile élu en l’Etude de Maître Boubacar WADE, Avocat à la Cour à Dakar;
Ladite vente aux enchères publiques étant poursuivie par Me Boubacar WADE, suivant déclaration faite au Greffe du Tribunal de céans, le 18 décembre 1999;
La mise à prix étant fixée pour ledit immeuble à la somme de 20.767.582 FCFA, les enchères ne pouvant être inférieures à 500.000 FCFA, et nul ne pouvant enchérir sans versement préalable d’une caution égale au montant de la mise à prix, sauf dispense de l’Avocat poursuivant; le cahier des charges ayant été déposé au Greffe du Tribunal de céans le 18 décembre 1998, pour parvenir à la vente de l’immeuble susrelaté, à l’audience des Criées de ce jour 02 février 1999;
A l’appel de la cause, Maîtres Guédel NDIAYE et Associés, Avocats à la Cour pour Cheikh Tidiane NIANG, Abdoulaye NIANG et la Sarl dénommée Entreprise Générale de Bâtiment et d’Eclairage Publics, ont déposé sur le bureau du Tribunal, des dires en date du 25 janvier 1999, et dont le dispositif est ainsi conçu :
– Déclarer les dires recevables;
AU FOND :
– Adjuger aux disants, l’entier bénéfice de leurs présentes écritures et des observations orales qu’ils estimeront devoir faire à la barre de la juridiction de céans;
A son tour, Maître Boubacar WADE, Avocat à la Cour pour la Banque Islamique du Sénégal, a, à son tour, déposé sur le bureau du Tribunal, des dires dont le dispositif est ainsi conçu :
– Rejeter le dire et ordonner la vente;
SUR QUOI, LE TRIBUNAL,
Attendu que par écritures reçues au Greffe le 25 janvier 1999, Me Guédel NDIAYE & Associés, agissant pour le compte de Cheikh Ahmed Tidiane NIANG, de Abdoulaye NIANG et la Sarl Entreprise Générale de Bâtiment et d’Eclairage Publics, a consigné des dires au cahier des charges dressé par Maître Boubacar WADE, pour le compte de la Banque Islamique du Sénégal, pour parvenir à la vente par expropriation forcée, de l’immeuble objet du TF N° 27.503/DG saisi sur Abdoulaye NIANG;
Qu’il échet de déclarer lesdits dires recevables en la forme, pour avoir été initiés dans les conditions requises par la loi;
AU FOND :
Attendu que les disants soulèvent un premier argument fondé sur la nullité de l’hypothèque et de toute la procédure subséquente, en faisant observer qu’il résulte du texte de la procuration du 16 décembre 1996, en vertu duquel le sieur Cheikh Ahmed Tidiane NIANG a hypothéqué l’immeuble objet du T.F. N° 27.503/DG, que le sieur Abdoulaye NIANG a constitué son mandataire spécial sus désigné, à qui il donne pouvoir de, « pour lui et en son nom », à l’effet de : « emprunter toute somme… », « affecter et hypothéquer… »;
Qu’ils prétendent ainsi comme résultant clairement de cette procuration, que Cheikh Ahmed Tidiane NIANG avait pouvoir, d’une part, d’emprunter au nom et pour le compte de Abdoulaye NIANG, et d’autre part, d’hypothéquer l’immeuble dont s’agit, pour garantir ce prêt;
Qu’en l’espèce, Cheikh Ahmed Tidiane NIANG n’a pas emprunté au nom de Abdoulaye NAING, mais plutôt au nom de la SARL EGBEP, alors même que Abdoulaye NIANG n’a jamais donné pouvoir d’hypothéquer son immeuble en garantie d’un prêt consenti à ladite société;
Qu’ils estiment, au regard de cela, que l’hypothèque est nulle, en application des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 909 du COCC, et que dès lors, toute la procédure de vente doit être annulée, au regard des dispositions de l’article 848 du même Code;
Attendu que par écritures en réponse en date du 29 janvier 1999, la Banque Islamique du Sénégal (BIS) fait observer qu’elle avait déjà initié une procédure de saisie immobilière introduite par un commandement du 08 juillet 1998;
Qu’à l’époque, les sieurs avaient déposé un dire pour solliciter l’annulation de la procédure, en faisant état de la nullité de l’hypothèque et de toute la procédure;
Que par jugement en date du 28 octobre 1998, le juge des criées a prononcé la nullité du commandement; qu’ainsi, la Banque a repris la procédure de vente par commandement du 30 octobre 1998;
Attendu que la BIS souligne que dans leurs dires en date du 25 janvier 1999, les sieurs NIANG reprennent exactement les moyens invoqués dans les dires en date du 19 octobre 1998, et notamment le premier moyen relatif à la nullité de l’hypothèque;
Qu’elle soutient que le même moyen ne peut pas être soulevé deux fois dans la même procédure entre les mêmes parties, et que tous les moyens qui n’avaient pas servi à faire annuler le jugement sur lesquels le juge a statué, ont acquis l’autorité de la chose jugée;
Que dès lors, le moyen tiré de la nullité de l’hypothèque et de la procédure subséquente doit être déclaré irrecevable;
Attendu que la Banque prétend à titre subsidiaire, que le pouvoir d’hypothéquer l’immeuble de Abdoulaye NIANG, en garantie du prêt consenti à la EGBEP, résulte expressément de l’acte notarié, notamment en son article 8;
Qu’elle estime que ce moyen n’est pas fondé;
Attendu que c’est à bon droit que les disants ont fait observer dans leurs dires en réplique du 1er février 1999, que dans la première procédure ayant fait l’objet du jugement du 28 octobre 1998, le juge n’avait pas statué sur le moyen tiré de la nullité de l’hypothèque;
Que dès lors, ce moyen ne peut être affecté de l’autorité de la chose jugée;
Attendu quant à la pertinence de ce moyen, il échet de relever qu’il se pose en fait la question de savoir quel sens ou signification il faut donner à la formule « A qui il donne pouvoir de pour lui et en son nom… »;
Attendu que contrairement aux supputations des disants, cette formule ne signifie point que la personne qui donne pouvoir, Abdoulaye NIANG, en l’occurrence, doit être le bénéficiaire du prêt;
Que cette formule signifie simplement que la personne qui reçoit procuration est ainsi investie du pouvoir d’agir au nom de son mandant, d’engager celui-ci, qui s’en remet à son mandataire pour accomplir l’acte juridique envisagé;
Qu’en l’espèce, il est constant comme résultant de la procuration notariée du 16 décembre 1996, que Abdoulaye NIANG a donné pouvoir à Cheikh Ahmed Tidiane NIANG, d’agir en son nom pour emprunter des sommes et affecter et hypothéquer son immeuble objet du TF N° 27.503/DG à la garantie dudit emprunt;
Attendu que rien dans ladite procuration notariée, ne dit que Abdoulaye NIANG, ou même Cheikh Ahmed Tidiane NIANG, doit être le bénéficiaire du prêt; qu’il n’y a aucune stipulation relative au bénéficiaire;
Que par conséquent, en empruntant au profit de sa société, la EGBEP, Cheikh Ahmed Tidiane NIANG n’a pas outrepassé ses pouvoirs;
Qu’il échet dès lors, de rejeter ce premier argument comme mal fondé;
SUR LA NULLITE DES POURSUITES POUR VIOLATION DE L’ARTICLE 246 DE L’ACTE UNIFORME :
Attendu que les disants prétendent que l’article 246 de l’Acte Uniforme délimite le champ d’application de la procédure de vente immobilière, en ce qu’il dispose que « le créancier ne peut faire vendre les immeubles appartenant à son débiteur, qu’en respectant les formalités prescrites par les dispositions qui suivent toute convention contraire est nulle;
Qu’ils estiment qu’a contrario, cela signifie que les dispositions de l’Acte Uniforme ne peuvent recevoir application, lorsqu’il s’agit d’un immeuble qui n’est pas la propriété de son bailleur;
Qu’en l’espèce, il est poursuivi la vente d’un immeuble propriété exclusive de Abdoulaye NIANG, et n’appartenant donc pas à la Sarl EGBEP, qui est la débitrice; que dès lors, la vente ne saurait être poursuivie qu’en application des dispositions des articles 481 et suivants du CPC;
Qu’ils sollicitent l’annulation pour ce motif;
Attendu que la BIS rétorque que ce moyen n’est pas sérieux, puisqu’elle peut bien saisir et vendre l’immeuble appartenant à la caution hypothécaire;
Attendu qu’il résulte expressément des dispositions des articles 13 et 15 de l’Acte Uniforme sur les sûretés, que la caution est tenue de payer la dette, en cas de non paiement du débiteur principal, et que la caution est tenue de la même façon que le débiteur principal;
Qu’il résulte de la lecture de ces dispositions, que dès qu’il y a défaillance du débiteur principal, la caution est tenue de payer, et est ainsi débiteur de l’obligation de payer, au sens de l’article 246 précité;
Que la distinction que tentent d’introduire les disants, selon que 1’immeuble saisi appartient au débiteur principal ou à la caution, pour prétendre une dualité de procédure, est inopérante et impertinente;
Que c’est à bon droit que la Banque a initié la procédure de vente par expropriation forcée sur l’immeuble appartenant à la caution hypothécaire, dès lors que la créance n’est pas payée;
Qu’il échet de rejeter cet argument;
SUR L’ARGUMENT TIRE DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 247 DE L’ACTE UNIFORME :
Attendu que les disants font observer que l’article 247 alinéa 1er de l’Acte Uniforme dispose que « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible »;
Qu’en l’espèce, la vente est poursuivie sur la base d’une grosse notariée constatant l’existence d’un compte courant; que ladite grosse ne peut donc faire état d’aucune créance qui puisse être 1iquide, alors même que l’une des conditions essentielles du texte susvisé, c’est que la créance soit liquide et exigible, et également constatée par le titre exécutoire dans sa liquidité et son exigibilité;
Qu’ils ajoutent que l’acte notarié fondement des poursuites de la BIS, ne fait que constater l’existence d’un compte courant entre les parties, et porter affectation hypothécaire, alors que l’existence d’un compte courant établit simplement la possibilité d’une créance virtuelle de l’une ou l’autre partie, à la relation de compte courant;
Attendu que la BIS a rétorqué que la liquidité résulte du fait que depuis le premier commandement, aucune compensation n’est invoquée, et l’exigibilité est établie par le jugement du 28 octobre, où elle n’a jamais été contestée;
Attendu qu’il y a lieu de faire observer que « le titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible » ne peut signifier que le titre exécutoire doit en lui-même constater la liquidité et l’exigibilité de la créance;
Qu’une correcte interprétation des dispositions de l’article 247 fait ressortir que la créance constatée dans le titre exécutoire en vertu duquel la vente est poursuivie, doit, au moment d’engager la procédure, avoir les caractères de liquidité et d’exigibilité;
Attendu qu’en l’espèce, il ne peut être sérieusement contesté que la créance de la BIS est liquide, puisqu’il ressort des pièces du dossier, que le sieur Cheikh Ahmed Tidiane NIANG, agissant ès qualité de Gérant de la Société EGBEP, a laissé dans les livres de la banque, un solde débiteur de 93.418.965 FCFA;
Attendu que par ailleurs, la créance résultant du solde débiteur d’un compte courant devient exigible à la clôture de ce compte;
Qu’il ressort de ce qui précède, que les arguments développés par les disants sont mal fondés;
Qu’il échet de les rejeter;
Attendu qu’il y a lieu, en conséquence, d’ordonner la continuation des poursuites et de renvoyer la cause et les parties à l’audience d’adjudication du 09 mars 1999;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
– Déclare les dires recevables en la forme;
AU FOND :
– Les rejette comme mal fondés;
– Ordonne, en conséquence, la continuation des poursuites;
– Renvoie la cause et les parties à l’audience du 09 mars 1999.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.,
Et ont signé le Président et le Greffier.