J-05-88
Voir Ohadata J-05-93
VOIES D’EXECUTION – SAISIE VENTE – DISTRACTION DE MEUBLES SAISIS – PREUVE DE LA PROPRIETE DES BIENS A LA CHARGE DU DEMENEUR EN DISTRACTION – PRODUCTION DE FACTURES DOUTEUSES – PREUVE NON RPPORTEE – CONTINUATION DE LA SAISIE.
Les tiers à une saisie doivent être déboutés de leur demande en distraction d’objets saisis s’ils ne prouvent pas qu’ils sont propriétaires de ces biens. La preuve de la propriété des biens incombe aux demandeurs et des factures produites douteuses sont entachées de nullité.
(Tribunal régional hors classe de Dakar, Jugement n° 37 du 3 janvier 2001, dames Karfa Sané et Diabou Dième c/ Mass Sène, Maître Diaga Pouye Cissé et Moussa Kaba).
Tribunal régional hors classe de Dakar
Audience publique ordinaire du 03 janvier 2001
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar (Sénégal), statuant en matière civile, a, en son audience publique ordinaire tenue en la salle des audiences le 03 janvier deux mille un, à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou Bachir SEYE, Président de Chambre, Messieurs Cheikh Tidiane LAM et Chérif CISSE, Juges au Siège, en présence de Monsieur Saliou MBAYE, Substitut de Monsieur le Procureur de la République, et avec 1’assistance de Madame Maïmouna Bâ CISSE, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
– Madame Karfa SANE et Madame Diabou DIEME, demeurant à la rue 9 x 6, lesquelles font élection de domicile en l’Etude de Maître Waly DIOP, Avocat à la Cour - 34, rue Docteur Thèze x El Hadji MBaye Guèye, Résidence Djily Mbaye, 1er étage à Dakar; DEMANDERESSE;
Comparant et concluant à l’audience par ledit Avocat;
d’une part;
ET :
– 1°) Monsieur Mass SENE, Commerçant, demeurant au 30, rue Fleurus x Ely Manel Fall à Dakar, et faisant élection de domicile en l’Etude de Maître Malick MBENGUE, Avocat à la Cour - 73, Rue Amadou Assane Ndoye à Dakar;
– 2°) Maître Ndiaga Pouye CISSE, Huissier de justice, ayant résidence à Rufisque, Boulevard Maurice Guèye x NGalam;
– 3°) Moussa KABA, demeurant à la rue 9 x 6 Médina Dakar; DEFENDEURS;
Comparant et concluant à l’audience par Maître Malick MBENGUE, Avocat à la Cour pour les N° 1, N° 2 et N° 3 ayant fait défaut;
d’autre part;
SANS que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en rien aux droits et intérêts respectifs des parties en cause;
FAITS :
Par exploit de Maître Mame Gnagna SECK, Huissier de justice à Dakar, en date du 05 septembre 2000, Mesdames Karfa SANE et Diabou DIEME ont fait servir assignation à Mass SENE, Maître Ndiaga Pouye CISSE et Moussa KABA, à comparaître et se trouver par-devant le Tribunal Civil de céans, en son audience publique du 12 septembre 2000, pour et par les motifs exposés audit exploit :
Attendu que Mesdames Karfa SANE et Diabou DIEME sont propriétaires des biens sus énumérés;
Qu’elles fournissent à l’appui de leurs allégations, des factures confirmant leur qualité;
Que dès lors, il y a lieu de distraire lesdits biens de la saisie pratiquée par exploit de Maître Ndiaga Pouye CISSE, Huissier de justice à Rufisque, en date du 02 août 2000, à la requête de Mass SENE à l’encontre de Moussa KABA;
PAR CES MOTIFS :
– Entendre déclarer l’action des requérants recevable en la forme;
Vu l’article 436 du Code de Procédure Civile;
– Entendre dire et juger y avoir lieu à les distraire de la saisie vente pratiquée par exploit de Maître Ndiaga Pouye CISSE, Huissier de justice à Rufisque, en date du 02 août 2000, à la requête de Mass SENE à l’encontre de Moussa KABA;
– Entendre ordonner en conséquence, la discontinuation des poursuites sur lesdits biens;
– Entendre ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toutes voies de recours à recouvrement;
– Entendre condamner les requis aux entiers dépens dont distraction au profit de Waly DIOP, Avocat à la Cour, qui le requiert aux offres de droit;
Sur cette assignation qui contenait constitution de Maître Waly DIOP, Avocat à la Cour pour les demanderesses, l’affaire a été inscrite au rôle général du Tribunal sous le numéro 1970 de l’année 2000, et mise au rôle particulier de l’audience du 12 septembre 2000, indiquée dans l’exploit;
Appelée à cette audience, elle a été renvoyée au 27 septembre 2000, puis jusqu’au 22 novembre 2000, date à laquelle elle a été utilement retenue;
Maître Waly DIOP, Avocat à la Cour pour les demanderesses, a lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont le dispositif suit :
CONCLUSIONS EN DATE DU 07 NOVEMBRE 2000 :
EN LA FORME :
– Déclarer l’action recevable;
AU FOND :
Vu l’article 436 du Code de Procédure Civile;
– Entendre dire que les biens énumérés ci-dessus sont la propriété de Mesdames Karfa SANE et Diabou DIEME;
– Entendre dire et juger y avoir lieu à les distraire de la saisie vente pratiquée par exploit de Maître Ndiaga Pouye CISSE, Huissier de justice à Rufisque, en date du 02 août 2000, à la requête de Mass SENE à 1’encontre de Moussa KABA;
– Entendre ordonner en conséquence, la discontinuation des poursuites sur lesdits biens;
– Entendre ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toutes voies de recours à recouvrement;
– Entendre condamner les requis aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Waly DIOP, Avocat à la Cour, qui le requiert aux offres de droit;
A son tour Maître Malick MBENGUE, Avocat à la Cour pour Mass SENE, défendeur, a lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont le dispositif suit :
CONCLUSIONS NON DATEES :
– Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’action;
– Déclarer l’action en distraction mal fondée;
– Ordonner la continuation des poursuites;
– Condamner les dames Karfa SANE et Diabou DIEME à payer la somme de 500.000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et frauduleuse;
– Ordonner l’exécution provisoire;
– Condamner les demanderesses aux dépens dont distraction selon l’usage;
Et enfin, à leur tour, Messieurs Ndiaga Pouye CISSE et Moussa KABA, autres défendeurs, n’ont ni comparu, ni été représentés à l’audience;
Le Ministère Public a déclaré s’en rapporter à justice;
SUR QUOI, les débats ont été déclarés clos, et l’affaire mise en délibéré, pour le jugement être prononcé à l’audience du 06 décembre 2000, lequel délibéré à été prorogé au 20 décembre 2000, puis au 03 janvier 2001;
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les différents points de droit résultant des pièces du dossier et des conclusions prises par les Avocats des parties;
Quid du défaut des défendeurs ?
Quid des dépens ?
A l’audience publique du 03 janvier 2001, le Tribunal, vidant son délibéré, a statué en ces termes :
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les Avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Nuls pour les défendeurs défaillants;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant exploit de Maître Mame Gnagna SECK, Huissier de justice à Dakar, en date du 05 septembre 2000, Karfa SANE et Diabou DIENE ont assigné Mass SENE, Maître Ndiaga Pouye CISSE et Moussa KABA en distraction d’objets saisis par acte de Maître Ndiaga Pouye CISSE, Huissier de justice à Rufisque, en date du 02 août 2000, sous le bénéfice de l’exécution provisoire;
Attendu que MASS SENE, par conclusions non datées, a sollicité que les demanderesses soient condamnées à lui verser 500.000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, sous le bénéfice de l’exécution provisoire;
Attendu que Moussa KABA et l’huissier poursuivant, bien qu’étant régulièrement assignés, n’ont ni comparu ni été représentés; qu’il échet de statuer par défaut à leur égard;
EN LA FORME :
Attendu que l’action a été introduite dans les forme et délai légaux;
Qu’il échet de la déclarer recevable;
AU FOND :
SUR LES FAITS :
Attendu qu’il est constant comme résultant des pièces de la procédure, que Moussa KABA a été condamné suivant jugement correctionnel en date du 07 septembre 1999, à verser à Mass SENE, la somme de 5.103.000 FCFA, avec exécution provisoire à hauteur de 3.500.000 FCFA; qu’en exécution de ladite décision, Mass SENE a entrepris, par acte de Maître Ndiaga Pouye CISSE, Huissier précité, une saisie suivant procès-verbal en date du 02 août 2000;
SUR LA DISTRACTION DES OBJETS :
Attendu que les dames Karfa SANE et Diabou DIEME, par écritures en date du 07 novembre 2000, ont soutenu que les objets saisis, loin d’appartenir à Moussa KABA (époux de Diabou DIEME, qui vit chez sa mère Karfa SANE), constituent leur propriété; que pour prouver leurs prétentions, elles ont versé aux débats, des factures d’acquisition de meubles, des quittances de loyer, des polices d’abonnement à la SENELEC et à la SONATEL etc...;
Attendu que Mass SENE, pour sa part, dans ses conclusions sus-indiquées, a fait observer que la saisie ayant été pratiquée au domicile de Moussa KABA, le mobilier s’y trouvant ne peut être que sa propriété, l’hypothèse d’un emprunt dudit mobilier devant être écartée;
Qu’il a ajouté que les factures produites aux débats par les demanderesses sont entachées de faux; que pour illustrer son propos, il a soutenu que la facture N° 0000244 portant le nom de Karfa SANE pour 1’acquisition des 3 fauteuils plus le canapé, a été délivrée le 12 octobre 1998, alors même qu’une autre facture portant le N° 0000029 a été datée le 1er décembre 1998, bien après; que la commande objet de la facture N° 000051 délivrée à Karfa SANE par 1’Entreprise Ameublement NDamal NDarou, lancée en juillet 1997, n’a été livrée qu’en novembre 1998, en raison du non paiement d’une somme reliquataire de 50.000 FCFA, alors que pendant la même période, la dame Karfa SANE a honoré les factures N° 0000244 et N° 0000029, dont le montant s’élève à 360.000 FCFA; que 1e N° 00943 que porte la facture délivrée à Diabou DIEME ne correspond pas à ceux cités dans l’assignation, à savoir N° 00943 et N° 00164;
Attendu qu’en application de l’article 141 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées, il appartient au tiers demandeur à la distraction, de prouver sa propriété des biens;
Attendu qu’il convient de relever que l’examen des différentes factures produites aux débats révèle des anomalies entachant leur validité; qu’ainsi, pour l’acquisition des 4 fauteuils et du canapé, il a été produit deux reçus établis au nom de Karfa SANE, tous le 12 octobre 1998, portant les N° 0000346 et N° 0000244, avec des signatures différentes, alors qu’ils ont délivrés par un même menuisier; que le reçu N° 0000244 porte sur l’acquisition de 3 fauteuils plus un canapé, tandis que le N° 0000346 mentionne 4 fauteuils plus un canapé, pour un montant unique de 150.000 FCFA; que s’agissant des factures délivrées par le même menuisier, pour l’acquisition par Karfa SANE d’une bibliothèque à 3 éléments, l’une porte le N° 0000236, tandis que la seconde porte le N° 0000XX; que sur la facture N° 0000236, le prix est arrêté à 200.000 FCFA, avec une avance de 140.000 FCFA et un reste à payer de 60.000 FCFA, alors que sur la facture N°0000029, le prix de la même bibliothèque est fixé à 210.000 FCFA, avec paiement à l’avance de 45.000 FCFA, le reste ayant été soldé le 03 décembre 1998; qu’il y a lieu également, de relever que les 2 factures sont datées l’une du 12 octobre 1998, et l’autre du 1er décembre 1998, et ne portent pas la même signature, bien qu’ayant le même auteur;
Attendu que concernant les factures délivrées à Diabou DIEME pour l’acquisition du lit reposé fraqué et l’armoire à 4 battants, il y a lieu de souligner que l’original de la facture N° 00164 n’a pas été versé dans la procédure, seule une photocopie non légalisée ayant été produite; la preuve de la propriété du lit n’étant pas faite; que pour l’armoire à 4 battants, il a été déposé la facture N° 00943 du 24 janvier 2000, alors que dans l’exploit d’assignation, Diabou DIEME invoque une facture N° 00943 comme preuve de sa propriété; qu’il s’ensuit en définitive, que ces irrégularités sont de nature à dénier toute force probante à ces pièces;
Attendu qu’en considération de tout ce qui précède, il échet de débouter Karfa SANE et Diabou DIEME de leur demande en distraction d’objets saisis;
SUR LES DOMMAGES ET INTERETS :
Attendu que les demanderesses ont fait preuve d’une témérité réelle, en initiant la présente procédure, en l’absence de tout titre de propriété; qu’elles ont, de par leur attitude constitutive de procédure abusive, obligé les défendeurs à constituer conseil pour défendre leurs intérêts; qu’il échet de les condamner à payer à Mass SENE, la somme de 200.000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.