J-05-89
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – DISTRACTION D’OBJETS SAISIS – PREUVE DE LA PROPRIETE DES OBJETS SAISIS A LA CHARGE DU TIERS DEMANDEUR – OBJET DE LA PREUVE INCLUANT LE MODE D’ACQUISITION DES BIENS SAISIS.
Le tiers qui se prétend propriétaire d’un bien saisi peut en demander la distraction, à la condition de préciser les éléments sur lesquels il se fonde pour établir son droit de propriété invoqué. Il s’infère de ces dispositions, que le tiers doit préciser le mode d’acquisition du bien dont la distraction est poursuivie.
Un protocole d’accord ne peut valoir titre de propriété et la continuation des poursuites doit être ordonnée.
Article 38 AUDCG
Article 141 AUPSRVE
(Tribunal régional hors classe de Dakar, Jugement n° 226 du 31 janvier 2001, Société générale d’équipement (SOGEI), Matar Diagne et Kikou Touré c/ Société IMMO TROPIC et Joseph COLLURA).
Tribunal régional hors classe de Dakar
Audience publique ordinaire du 31 janvier 2001
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar (Sénégal), statuant en matière civile, a, en son audience tenue le 31 janvier 2001, à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou Bachir SEYE, Président de Chambre, Messieurs Cheikh Tidiane LAM et Chérif CISSE, membres, en présence de Monsieur Saliou MBAYE, Substitut de Monsieur le Procureur de la République, et avec l’assistance de Maître Maïmouna Bâ CISSE, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
1°) SOCIETE GENERALE D’EQUIPEMENT INDUSTRIEL dite SOGEI SARL, ayant ses bureaux sis Km 7,5 Boulevard de la Commune de Dakar, poursuites et diligences de son gérant;
2°) Matar DIAGNE, demeurant à Pikine Tally Boumack, parcelle n° 1704 à Dakar;
3°) Kikou TOURE, demeurant à Dakar, faisant élection de domicile en l’Etude de Maître Madické NIANG et Associés, Avocats à la Cour – 114, avenue Peytavin à Dakar; DEMANDEURS;
Comparant et concluant à l’audience par lesdits Avocats;
d’une part;
ET :
1°/ SOCIETE IMMO TROPIC SARL, à Mbour, prise en personne de son gérant, faisant élection de domicile l’Etude de Mes François SARR et Associés, Avocats à la Cour - avenue Léopold Sédar Senghor à Dakar;
2°/ Joseph COLLURA, demeurant à la Cité ISRA, Hann Marinas villa n° 001 ou Km 7,5 Route de Rufisque; DEFENDEURS;
Comparant et concluant à l’audience par Mes SARR Associés, Avocats à la Cour pour 1°); en personne pour 2°);
d’autre part;
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en rien aux droits et intérêts respectifs des parties en cause;
FAITS :
Par exploit de Me Bernard SAMBOU, Huissier de justice à Dakar, en date des 29 septembre et 02 octobre 2000, la Société Générale d’Equipement Industriel dite SOGEI et les sieurs Matar DIAGNE Kikou TOURE ont donné assignation à la société IMMO TROPIC SARL et au sieur Joseph COLLURA, à comparaître et se trouver par-devant le Tribunal de céans, en son audience du 08 novembre 2000, pour les motifs exposés audit exploit :
– Déclarer l’action recevable en la forme;
– Ordonner la distraction de tous les objets saisis suivant procès-verbal de saisie vente de Me Mame Gnagna SECK, Huissier de justice, en date du 25 septembre 2000 et procès-verbal de recollement du 25 septembre 2000;
– Condamner IMMO TROPIC aux dépens;
Sur cette assignation, l’affaire a été inscrite au rôle général du Tribunal, sous le numéro 3176 de l’audience du ____________ 2000 et mise au rôle particulier de l’audience du ___ novembre 2000 indiquée dans l’exploit;
Appelée à son tour à cette audience, elle fut 1’objet de plusieurs renvois, pour être utilement retenue à celle du 17 janvier 2001;
Maîtres Madické NIANG et Associés, Avocats à la Cour pour les demandeurs, ont lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont le dispositif suit :
CONCLUSIONS EN DATE DU 15 JANVIER 2001 :
– Entendre déclarer l’action recevable en la forme, pour avoir respecté les forme et délai prescrits par la loi;
– Constater qu’aucun des objets saisis par procès-verbal de saisie vente de Me Mame Gnagna SECK, du 07 août et de recollement du 25 septembre 2000 n’est la propriété de Joseph COLLURA;
Qu’il plaira au Tribunal de céans, en ordonner distraction au profit des légitimes propriétaires, au vu des pièces produites, et ordonner que le matériel leur soit restitué;
Que la nature de la cause justifie de son exécution provisoire;
Qu’il y a lieu de condamner IMMO TROPIC aux dépens;
Maîtres SARR et Associés, Avocats à la Cour pour la société IMMO TROPIC, défenderesse, ont lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont le dispositif suit :
CONCLUSIONS EN DATE DU 15 JANVIER 2001 :
– Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’action;
– Débouter la SOGEI, les sieurs DIAGNE et TOURE de leur demande en distraction d’objets saisis;
– Ordonner la continuation des poursuites;
– Condamner les demandeurs aux entiers dépens dont il sera fait distraction au profit des avocats soussignés qui le requièrent aux offres de droit;
Le Ministère Public a déclaré s’en rapporter à justice;
SUR QUOI, les débats ont été déclarés clos et l’affaire mise en délibéré, pour le jugement être prononcé à l’audience du 31 janvier 2001.
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les différents points de droit résultant des pièces du dossier et des conclusions prises par les Avocats des parties;
Quid des dépens ?
Et à l’audience publique du 31 janvier 2001, le Tribunal, vidant son délibéré, a statué en ces termes :
LE TRIBUNAL :
Vu les pièces du dossier;
Ouï les Avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant exploit en date des 29 septembre et 02 octobre 2000, servi par Me Bernard SAMBOU, Huissier de justice à Dakar, la Société Générale d’Equipement Industriel dite SOGEI et les sieurs Matar DIAGNE et Kikou TOURE ont fait assigner la société IMMO TROPIC SARL, le sieur Joseph COLLURA et la dame Mame Gnagna SECK, Huissier de justice à Dakar, en distraction des objets saisis suivant procès-verbal du 07 août 2000;
EN LA FORME :
Attendu que l’action a été introduite dans les forme et délai prescrits par la loi; qu’il échet de la déclarer recevable;
AU FOND :
Attendu que suivant conclusions en date du 15 janvier 2001, les demandeurs ont soutenu que les biens saisis suivant procès-verbal du 07 août 2000, en vertu d’un jugement de condamnation du sieur Joseph COLLURA en date du 03 juin 1999, ne sont pas la propriété de ce dernier; qu’ils ont fait valoir que la facture délivrée par la société INTERNATIONAL TRADING du 28 mai 2000, prouve à suffisance que l’ordinateur PC occasion de marque EL 20 Flexan 909, 1’imprimante Hewlett Packard Desk Jet 610 C couleur, de même que les photocopieuses de marques respectives RICOH FT 313 et CANON PC 7 type F 12/200 appartiennent à la SOGEI, que les groupes électrogènes de puissances 125 et 165 KWA sont la propriété du sieur Kikou TOURE, qui les avait remis à la SOCEI, suivant protocole d’accord du 03 juillet 2000, alors que par acte du 18 juillet 2000 fait à Pikine, le sieur Matar DIAGNE avait confié son groupe électrogène de puissance 120 KWA à la SOGEI, aux fins de le lui vendre, qu’il est précisé que la SOGEI reçoit, en-dehors de ses activités principales, des particuliers, du matériel qu’elle vend pour leur compte, moyennant commissions; qu’ils ont également soutenu que le compresseur d’air SRE saisi par procès-verbal de recollement du 25 septembre 2000, appartient à la SOGEI elle-même, en faisant valoir que cette propriété ne peut être discutée, au vu de la facture établie par la GPL en date du 29 juin 2000, de laquelle il ressort que la GPL a vendu à la SOGEI, un compresseur XAS 125 Atlas COPCO au prix de 30.000 FCFA; qu’ils ont produit à l’appui de leurs prétentions, diverses pièces, notamment un procès-verbal de saisie vente en date du 17 avril 2000, un procès-verbal de recollement du 25 septembre 2000, un protocole d’accord du 03 juillet 2000, une attestation du 18 juillet 2000, une facture établie par AFAPA International Trading, le 28 mai 2000, un procès-verbal de constat du 25 septembre 2000, et une facture du 29 juin 2000, délaissée par la GPL;
Attendu qu’en réplique, la société IMMO TROPIC a rétorqué dans ses écritures du 15 janvier 2001, qu’aucune mention relative au paiement ne figure sur les factures produites, et aucun reçu n’a été joint, ce qui remet en cause la sincérité même de ces pièces; qu’elle a fait valoir que les factures ne sauraient à elles seules, constituer des preuves de la propriété réelle des objets; qu’elle a ajouté que le sieur Kikou TOURE, qui a produit un protocole d’accord qui ne révèle en rien l’origine des biens qu’il revendique, n’a pas rapporté la preuve qu’il est le réel propriétaire du groupe électrogène saisi; que de surcroît, le procès-verbal de saisie précise que les groupes saisis sont de puissances respectives de 80 KWA, 210 KWA et 125 KWA, alors que ces références ne correspondent pas aux spécifications des groupes électrogènes objet du protocole d’accord signé entre le sieur TOURE et la SOGEI, qui sont respectivement de 125 KWA, alors que la puissance du troisième groupe n’est pas précisée; qu’elle a également fait remarquer que l’attestation dans laquelle le sieur DIAGNE prétend avoir remis en dépôt vente un groupe électrogène de 210 KWA moteur Berliet à la SOGEI, ne prouve pas absolument que ce dernier en est le réel propriétaire, dès lors qu’elle n’est accompagnée d’aucun reçu d’achat à son profit émanant d’une personne physique ou morale pouvant considérer ses allégations;
Qu’elle a enfin fait valoir que les pièces versées aux débats par les demandeurs ne respectent pas 1es conditions de forme requises par le décret 780 du 23 juillet 1976, notamment en son article 59 repris par l’article 38 de 1’Acte uniforme relatif au droit commercial général, à savoir la précision des numéro et lieu d’immatriculation des biens;
Attendu qu’il est constant comme cela résulte du procès-verbal de saisie vente du 07 avril 2000, qu’en vertu du jugement correctionnel en date du 03 juin 1999 ayant condamné le sieur Joseph COLLURA à payer à la société IMMO TROPIC, la somme de 13 millions de francs à titre de dommages et intérêts, avec exécution provisoire à hauteur de 11 millions de francs, la société IMMO TROPIC a fait saisir entre les mains de la SOGEI, trois groupes électrogènes de puissances respectives de 80 KWA, 210 KWA et 125 KWA, un micro-ordinateur EL 20 au complet et une photocopieuse petit modèle de marque CANON;
Attendu qu’en vertu de l’article 141 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le tiers qui se prétend propriétaire d’un bien saisi peut en demander la distraction, à la condition toutefois, de préciser les éléments sur lesquels il se fonde pour établir son droit de propriété invoqué; qu’il s’infère de ces dispositions, que le tiers doit préciser le mode d’acquisition du bien dont la distraction est poursuivie;
Attendu qu’il importe de faire observer que l’omission des mentions prescrites par l’article 38 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général, à toute personne physique ou morale immatriculée au registre du commerce, ne peut aucunement avoir pour effet de dénuer les factures qui ne les comportent pas, de leur force probante, en l’absence de texte qui la sanctionne;
Attendu, d’une part, que le protocole d’accord en date du 03 juillet 2000, dont se prévaut le sieur Kikou TOURE pour établir sa propriété sur les groupes électrogènes de puissances respectives de 125 KWA et 165 KWA, ne peut aucunement valoir titre de propriété sur ces dits biens; qu’il s’y ajoute qu’aucun des groupes électrogènes saisis suivant le procès-verbal du 07 avril 2000 n’a une puissance de 165 KWA;
Attendu qu’il en est de même de l’acte du 18 juillet 2000 invoqué par le sieur Matar DIAGNE pour revendiquer le groupe électrogène d’une puissance de 210 KWA; qu’il échet de rejeter la demande de distraction de ces biens;
Attendu a contrario, qu’il résulte de la facture n° F 134/2000/05 en date du 28 mai 2000, que la SOGEI a acquis auprès de AFAFA International Trading, diverses machines informatiques dont un ordinateur PC occasion de marque EIZO Flexan 90705 à 181.000 FCFA et une photocopieuse occasion de marque CANON PC7 à 400.000 FCFA; que ces biens, correspondent exactement à ceux qui figurent tant sur le procès-verbal de saisie vente du 07 avril 2000 que sur le procès-verbal de recollement du 25 septembre; qu’ainsi, ladite facture établit à suffisance le titre de propriété de la SOGEI sur ces dits biens;
Qu’il échet d’ordonner leur distraction à son profit;
Attendu, par ailleurs, que la facture N° 0006/15 délivrée par la GPL à la SOGEI, le 29 juin 2000, établit la propriété de celle-ci sur le compresseur XAS 125 Atlas Copco, alors que le compresseur saisi figurant sur le procès-verbal de recollement est de marque SRE; qu’il échet par conséquent, de rejeter la demande en distraction de ce bien;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort :
EN LA FORME :
– Reçoit l’action;
AU FOND :
– Ordonne la distraction au profit de la SOGEI, de l’ordinateur de marque EIZO Flexan et de la photocopieuse de marque Canon PC7, saisis suivant procès-verbal de saisie vente du 07 août 2000;
– Déboute les demandeurs du surplus de leurs demandes;
– Ordonne en conséquence, la continuation des poursuites pour les objets saisis non distraits;
– Met les dépens à la charge des demandeurs;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.