J-05-93
Ohadata J-05-88
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – DISTRACTION D’OBJETS SAISIS – PREUVE DE LA PROPRIETE A LA CHARGE DU DEMANDEUR A LA DISTRACTION – PREUVE PAR TOUS MOYENS.
Face à un locataire légitime d’une villa où la saisie a eu lieu, il faut appliquer le principe fondamental qu’en fait de meubles, possession vaut titre. S’il appartient au revendiquant d’apporter la preuve de la propriété des meubles qu’il revendique, il n’en demeure pas moins que cette preuve peut être fournie par tout moyen. Dès lors que le créancier n’apporte pas de preuve contraire (jugement n° 37 du 03 janvier 2001), la distraction est ordonnée.
(Tribunal régional hors classe de Dakar (Sénégal), Jugement n° 16 du 5 janvier 1999, Pierre-Marie BASSENE c/ Saliou Diouf, Maître Malick Sèye Sall, Ida Bassene et Martine Manga).
Tribunal régional hors classe de Dakar (Sénégal)
Audience publique ordinaire du 05 janvier 1999
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar (Sénégal), statuant en matière civile, a, en son audience publique, ordinaire, tenue en la Salle des Audiences, le cinq janvier mil neuf cent quatre vingt dix neuf, à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou NGOM, vice-Président, au Siège; Président de Chambre, Messieurs Ahmadou TALL et Ibrahima SAMB, Juges au Siège, membres, en présence de Monsieur Samba FAYE, Substitut de Monsieur le Procureur de la République, et avec l’assistance de Madame BOCOUM, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
– Monsieur Pierre Marie BASSENE et son épouse Madame BASSENE Victorine, demeurant à Dakar, Sicap Sacré-Cœur II, villa n° 8543; DEMANDEURS;
Comparant et concluant à l’audience par Maître BASSENE, Avocat à la Cour à Dakar;
d’une part;
ET :
1°) Monsieur Saliou DIOUF, Comptable (journalier) demeurant à la Médina, rue 45 x 26 à Dakar;
2°) Maître Malick Sèye FALL, Huissier de justice à Dakar - 45, rue Félix Faure;
3°) Ida BASSENE, domiciliée à la Sicap Sacré-Cœur II, villa n° 8543 à Dakar;
4°) Mademoiselle Martine MANGA (gardienne des objets saisis), domiciliée à la Sicap Sacré-Cœur II, villa n° 8543;
DEFENDEURS;
Comparant et concluant à l’audience par Me Ibrahima DIOP, Avocat à la Cour, et pour les autres non comparant;
d’autre part;
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en rien aux droits et intérêts respectifs des parties en cause;
FAITS :
Par exploit de Maître Yacine Ndiaye SENE, Huissier de justice à Dakar, en date des 15, 16, 18 et 24 septembre 1998, Pierre Marie BASSENE et son épouse Victorine BASSENE ont fait servir assignation au sieur Aliou DIOUF, à Maître Malick Sèye FALL, à Madame Ida BASSENE et à Mademoiselle Martine MANGA, à comparaître et se trouver par-devant le Tribunal Civil de céans, en son audience publique du 07 octobre 1998, pour et par les motifs exposés audit exploit :
– Entendre déclarer que les objets saisis sont la propriété exclusive des requérants et les distraire de la saisie pratiquée le 28 août 1998 par Me Malick Sèye FALL, Huissier de justice;
– Entendre ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toutes voies de recours;
– Entendre les requis condamnés aux entiers dépens;
Sur cette assignation, l’affaire a été inscrite au rôle général du Tribunal, sous le N° 2448/98 et mise au rôle particulier de l’audience du 07 octobre 1998, indiquée dans l’exploit;
Par autre exploit en date des 15, 18 et 24 septembre 1998, du même huissier, les mêmes demandeurs ont servi assignation au sieur Mamadou DIOUF, Me Malick Sèye FALL, Madame Ida BASSENE et Mademoiselle Martine MANGA, à comparaître et se trouver par-devant le Tribunal Civil de céans, en son audience publique du 07 octobre 1998, pour et par les mêmes motifs exposés au précédent exploit;
Sur cette assignation, l’affaire a été inscrite au rôle général du Tribunal, sous le N° 2249/98 et mise au rôle particulier de l’audience du 07 octobre 1998, indiquée dans l’exploit;
Toutes ces deux instances furent inscrites au rôle général, sous les numéros 2248 et 2249/9 et mises au rôle particulier de l’audience du 07 octobre 1998, indiquée dans l’exploit;
Appelées à cette audience, elles furent renvoyées au 28 octobre, puis jusqu’au 08 décembre 1998, date à laquelle elle a été utilement retenue;
Maître BASSENE, Avocat à la Cour pour les demandeurs, a lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont les dispositifs suivent :
1.- CONCLUSIONS EN DATE DU 22 OCTOBRE 1998 :
IL PLAIRA AU TRIBUNAL :
EN LA FORME :
– Déclarer recevable la présente action;
AU FOND :
– Dire et juger que les objets saisis à la villa n° 8543 Sicap Sacré-Cœur II, domicile des époux BASSENE, sont la propriété exclusive des concluants;
En conséquence, les distraire de la saisie pratiquée le 28 août 1998 par procès-verbal de Me Malick Sèye FALL, Huissier de justice à Dakar;
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toutes voies de recours, et sans caution;
– Condamner les défendeurs aux entiers dépens, dont distraction selon l’usage.
2.- CONCLUSIONS EN DATE DU 18 DECEMBRE 1998 :
Il plaira au Tribunal :
– Dire et juger que les meubles saisis appartiennent aux époux BASSENE;
– Adjuger de plus fort aux concluants, l’entier bénéfice de toutes leurs écritures.
Maître Ibrahima DIOP, Avocat à la Cour pour le sieur Mamadou DIOUF, défendeur, a lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont le dispositif suit :
CONCLUSIONS EN DATE DU 03 NOVEMBRE 1998 :
A TITRE PRINCIPAL :
– Déclarer la demande irrecevable, en application de l’article 141 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– Déclarer la demande reconventionnelle recevable;
– Débouter les demandeurs de leur demande, comme mal fondée;
– Les condamner à payer à Mamadou DIOUF, la somme de 1.000.000 FCFA à titre de dommages intérêts pour procédure abusive;
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement;
– Condamner les défendeurs aux dépens;
Les autres défendeurs n’ont ni comparu, ni été représentés à l’audience; qu’il échet de statuer par défaut à leur égard;
Le Ministère Public a déclaré s’en rapporter à justice;
SUR QUOI, les débats ont été déclarés clos et l’affaire mise en délibéré, pour le jugement être prononcé à l’audience du 05 janvier 1999;
DROIT :
En cet état, la cause présentait à juger les différents points de droit résultant des pièces du dossier et des conclusions prises par les parties;
QUID des dépens ?
QUID du défaut des défendeurs ?
Et à l’audience publique du 05 janvier 1999, le Tribunal, vidant son délibéré, a statué en ces termes :
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les Avocats des parties en leur déclaration respective;
Nul pour les autres défendeurs non comparant;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant exploit en date des 15, 16, 18 et 24 septembre 1998 de Me Yacine Ndiaye SENE, Huissier de justice à Dakar, Pierre Marie BASSENE et Victorine BASSENE ont assigné Saliou DIOUF, Me Malick Sèye FALL, Ida BASSENE et Martine MANGA en distraction des objets saisis suivant procès-verbal du 28 août 1998;
Que l’exécution provisoire a en outre été sollicitée;
Attendu que suivant exploit en date des 15, 18 et 24 septembre 1998 de Me Yacine Ndiaye SENE, Huissier de justice à Dakar, Pierre Marie BASSENE et Victorine BASSENE ont assigné Saliou DIOUF, Me Malick Sèye FALL, Ida BASSENE et Martine MANGA en distraction des objets saisis suivant procès-verbal du 28 août 1998;
Que l’exécution provisoire a en outre été sollicitée;
Attendu que ces deux instances inscrites au rôle général sous les numéros 2248 et 2249/98 ont un lien de connexité certain; qu’il échet pour une bonne administration de la justice, d’en ordonner la jonction et de statuer sur le tout par un seul et même jugement;
Attendu que Saliou DIOUF et Mamadou DIOUF ont sollicité, chacun en ce qui le concerne, la condamnation des demandeurs à leur payer la somme de 1.000.000 FCFA à titre de dommages intérêts pour procédure abusive;
SUR LA RECEVABILITE DE L’ACTION :
Attendu que Saliou DIOUF et Mamadou DIOUF ont conclu à l’irrecevabilité de l’action, au motif que l’aliéna 2 de 1’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose qu’à peine d’irrecevabilité, la demande en distraction doit préciser les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqués; or, les demandeurs n’ont pas produit un seul titre de propriété; qu’ils se contentent de dire qu’ils sont les locataires de la villa où la saisie a été opérée, sans contester que la partie saisie, Ida BASSENE, habite la même villa avec tous ses enfants et l’ensemble de ses biens; que dès lors, il n’y a aucun élément qui prouve en l’espèce, que tel bien appartient aux époux BASSENE plutôt qu’à Ida BASSENE;
Attendu que les demandeurs ont rétorqué que le seul argument invoqué par Saliou et Mamadou DIOUF pour contester l’action en distraction, repose sur une lecture fort personnelle des dispositions de l’article 141 de l’Acte uniforme; qu’ils ne contestent nullement qu’ils sont locataires légitimes de la villa où la saisie a eu lieu; qu’ils reconnaissent implicitement par là, que les objets. saisis l’ont été à leur domicile; qu’or, c’est un principe fondamental que notre droit positif a tiré du Code Civil français, qu’en fait de meubles, possession vaut titre; qu’ils en ont conclu, conformément à la jurisprudence, que s’il appartient au revendiquant d’apporter la preuve de la propriété des meubles qu’il revendique, il n’en demeure pas moins que cette preuve peut être fournie par tous moyens laissés à l’appréciation des juges du fond, et sur ce point, la jurisprudence a toujours considéré que si les effets revendiqués sont en possession du revendiquant, la présomption de propriété joue en sa faveur;
Attendu qu’en l’espèce, les demandeurs ont délaissé à Mamadou DIOUF et Saliou DIOUF des exploits emportant opposition assignation, dans lesquels ils ont précisé que leur droit de propriété est fondé sur leur qualité de locataire occupant des lieux où la saisie a été opérée;
Qu’il en résulte qu’ils se sont conformés aux dispositions de l’article 141 précité, en ce sens que cet article exige simplement aux demandeurs, de préciser, à peine d’irrecevabilité, les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué;
Qu’il y a lieu de déclarer l’action recevable;
AU FOND :
Attendu que les demandeurs ont soutenu que les objets saisis sont leur propriété exclusive, en leur qualité de locataires, occupants de la villa n° 8543, sise à la Sicap Sacré-Cœur II, comme en attestent les quittances de loyer, les factures SONATEL, la lettre du 19 février 1996 avec la photocopie du chèque SGBS n° 821.414, la facture du 17 février 1996 et la photocopie légalisée de la carte nationale d’identité de Pierre Marie BASSENE;
Attendu que Saliou DIOUF et Mamadou DIOUF ont rétorqué que le si fait que le bail ou l’abonnement téléphonique soit établi au nom des époux BASSENE est loin de prouver que les objets saisis leur appartiennent, dès lors que Ida BASSENE occupe aussi la villa; qu’ils ont ajouté qu’aucun titre de propriété n’a, en tout état de cause, été produit aux débats, concernant les objets saisis; qu’il appartient aux époux BASSENE, qui prétendent vivre avec Ida BASSENE, de prouver dans le lot des objets saisis, ceux qui leur appartiennent en propre; qu’ils ont en définitive, sollicité leur débouté, dans la mesure où cette preuve est inexistante;
Attendu que Pierre Marie BASSENE et Victorine BASSENE ont, à bon droit, invoqué les dispositions de l’article 2279 du Code Civil, aux termes desquelles, en fait de meubles, possession vaut titre; qu’en effet, il n’est pas contesté que les objets saisis l’ont été à la Sicap Sacré-Cœur II, ou en tout cas, au n° 8543 occupé par Pierre Marie BASSENE et Victorine BASSENE, comme en attestent les pièces du dossier;
Qu’il échet d’ordonner la distraction de tous les objets saisis suivant procès-verbaux en date du 28 août 1998 de Me Malick Sèye FALL, Huissier de justice à Dakar;
Attendu qu’il y a lieu en conséquence, de débouter Saliou DIOUF et Mamadou DIOUF de leurs demandes en paiement de dommages intérêts;
Attendu qu’il y a lieu, compte tenu de l’urgence résultant de la nature de l’affaire, d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, au profit des demandeurs;
Attendu qu’il y a lieu de condamner les défendeurs aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort :
– Reçoit les demandes tant principale que reconventionnelle;
– Ordonne la distraction de tous les objets saisis suivant procès-verbaux en date du 28 août 1998 de Me Malick Sèye FALL;
– Déboute Saliou DIOUF et Mamadou DIOUF de leur demande reconventionnelle;
– Ordonne l’exécution provisoire au profit des demandeurs;
– Condamne les défendeurs aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé, le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA –SAYEGH, Professeur
Cette décision doit être approuvée sans réserve sauf qu’il est dommage que, plus de quarante après sa promulgation, l’article 262 du code sénégalais des obligations civiles et commerciales soit encore occulté par son ancêtre, l’article 2279 du code civil qui n’est plus applicable.