J-05-98
VOIES D’EXECUTION – SAISIE – ENLEVEMENT DES OBJETS SAISIS SANS AUTORISATION JUDICIAIRE – FAUTE DU SAISISSANT.
Si un créancier muni d’un titre exécutoire peut, sans autorisation préalable, saisir les biens de son débiteur, il reste que l’enlèvement desdits biens ne peut être effectué que dans des conditions particulières, et avec l’autorisation de la juridiction compétente; qu’en procédant à l’enlèvement et à l’immobilisation du camion saisi, alors même, qu’au sens de l’article 103, le propriétaire du bien, même s’il est débiteur saisi, conserve son usage, le créancier a commis une faute préjudiciable.
Article 55 AUPSRVE
Article 103 AUPSRVE
(Tribunal régional hors classe de Dakar (Sénégal), Jugement n° 149 du 22 janvier 2002, Ababacar Thiendou Diallo c/Société Multiloc, la Générale d’Entreprise, maître Fatma Haris Diop et maître Mayoro Diop).
Tribunal régional hors classe de Dakar (Sénégal)
Audience publique ordinaire du 22 janvier 2002
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar (Sénégal), statuant en matière civile, a, en son audience tenue le 22 janvier 2002, à laquelle siégeaient Monsieur Bachir SEYE, Président de Chambre, Messieurs Cheikh Tidiane LAM et Chérif Seydou CISSE, membres, en présence de Monsieur Saliou MBAYE, Substitut de Monsieur le Procureur de la République, et avec l’assistance de Maître Maïmouna BA, Greffier, rendu le jugement dont la teneur suit :
ENTRE :
– Ababacar Thiendou DIALLO, demeurant à Dakar Cité Port, villa n° 12, mais ayant domicile en l’Etude de Maître SHARARA, Avocat à la Cour - 5, rue Victor Hugo; DEMANDEUR;
Comparant et concluant à l’audience par ledit Avocat;
d’une part;
ET :
1.- Société MULTILOC, prise en la personne de son représentant légal, en ses bureaux sis au Km 18 Route de Rufisque;
2.- La GENERALE D’ENTREPRISE, prise en la personne de son Directeur général, en ses bureaux sis au Km 11 Route de Rufisque;
3.- Maître Fatma HARIS DIOP, Huissier de justice à Dakar, en ses bureaux sis au 176 bd du Général de Gaulle;
4.- Maître Mayoro DIOP, Commissaire Priseur, en ses bureaux sis à Grand Dakar - rue Abebe Bikila à Dakar; DEFENDEURS;
Comparant et concluant à l’audience par Mes KANJO et KOITA, Avocats à la Cour pour le N° 2, défaut pour les N° 1, 3 et 4;
d’autre part;
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en rien aux droits et intérêts respectifs des parties en cause;
FAITS :
Par exploit de Maître Abdoulaye BA, Huissier de justice à Dakar, en date du 23 août 2001, le sieur Ababacar Thiendou DIALLO a servi assignation à la Société MULTILOC, à la Générale d’Entreprises, à Maîtres Fatma Haris DIOP, Huissier, et Mayoro DIOP, Commissaire Priseur, à comparaître et se trouver par-devant le Tribunal de céans, en son audience du 11septembre 2001, pour et par les motifs exposés audit exploit :
– Entendre déclarer l’action recevable en la forme;
– Entendre ordonner la distraction au profit du requérant du camion tracteur routier avec porte char GBH 280 N° DK 8698 N;
– Entendre ordonner la mainlevée pure et simple de la saisie exécution dressée par exploits en date des 18, 19 et 20 juillet 2001;
– Entendre ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant toutes voies de recours et sans caution;
– S’entendre le requis condamner aux entiers dépens dont distraction selon l’usage;
Appelée à son tour à cette audience, elle fut l’objet de plusieurs renvois, pour être utilement retenue à celle du 08 janvier 2002;
Maître SHARARA, Avocat à la Cour pour le demandeur, a lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont les dispositifs suivent :
CONCLUSIONS EN DATE DU 10 SEPTEMBRE 2001 :
– Déclarer 1’action recevable;
AU FOND :
– Ordonner la distraction du camion tracteur routier avec porte char GEH 280 immatriculé DK 8698 N;
– Ordonner 1’exécution provisoire, nonobstant toutes voies;
– Condamner la GENERALE d’ENTREPRISE à payer au concluant, une astreinte de 1.000.000 FCFA par jour de retard;
– Condamner la Générale d’Entreprises solidairement avec Me Fatma Haris DIOP, à payer à Ababacar Thiendou DIALLO, la somme de 10..000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts;
– Condamner les défendeurs aux dépens;
CONCLUSIONS EN DATE DU 18 DECEMBRE 2001 :
– Débouter la Générale d’Entreprise de sa demande reconventionnelle comme mal fondée;
– Adjuger de plus fort au concluant;
Maîtres KANJO et KOITA, Avocats à la Cour pour la Générale d’Entreprises, défenderesse, ont lu, développé et déposé sur le bureau du Tribunal, les conclusions dont le dispositif suit :
CONCLUSIONS EN DATE DU 03 DECEMBRE 2001 :
– Statuer ce que de droit sur la recevabilité en la forme de l’action du sieur DIALLO;
– Déclarer recevable la demande reconventionnelle de la Générale d’Entreprise;
Vu le procès-verbal de constat interpellatif établi à la requête du sieur DIALLO;
Vu qu’il résulte des faits, que le camion tracteur immatriculé DK 8698 N n’a pas été déplacé du siège social de la Société MULTILOC ni vendu;
– Débouter le sieur Aboubacar Thiendou DIALLO de toutes ses demandes comme mal fondées en droit;
Vu que ce dernier a exposé la concluante à des frais irrépétitibles de procès;
– Le condamner à lui payer la somme de 3.000.000 FCFA à titre de dommages intérêts;
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et opposition;
– Condamner le sieur DIALLO aux entiers dépens d’instance;
Le Ministère Public a déclaré s’en rapporter à justice.
SUR QUOI, les débats ont été déclarés clos et l’affaire mise en délibéré, pour le jugement être prononcé à l’audience du 22 janvier 2002.
DROIT :
EN cet état, la cause présentait à juger les différents points de droit résultant des pièces du dossier et des conclusions prises par les Avocats des parties.
QUID des dépens ?
Et à l’audience publique du 22 janvier 2002, le Tribunal, vidant son délibéré, a statué en ces termes :
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les Avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère Public entendu, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant acte du 23 août 2001, Ababacar Thiendou DIALLO a assigné la Société MULTILOC, la Générale d’Entreprise, Fatima Haris DIOP et Mayoro DIOP en distraction d’objets saisis, sous le bénéfice de l’exécution provisoire;
Attendu que par conclusions du 10 septembre 2001, le demandeur a sollicité la condamnation de la Générale d’Entreprises à lui payer 1.000.000 FCFA à titre d’astreinte par jour de retard, et la condamnation de Fatima Haris DIOP et la Générale d’Entreprise à lui payer solidairement la somme de 10.000.000 FCFA de dommages et intérêts;
Attendu que suivant écritures du 03 décembre 2001, la Générale d’Entreprise a demandé, à titre reconventionnel, le paiement de 3.000.000 FCFA de dommages et intérêts;
Attendu que la Société MULTILOC, Fatma Haris DIOP et Mayoro DIOP n’ont ni comparu ni été représentés, il échet de statuer par défaut à leur égard;
EN LA FORME :
Attendu que l’action et la demande reconventionnelle, introduites dans les forme et délai requis, sont recevables;
AU FOND :
1.- SUR LES DEMANDES PRINCIPALES :
A.- Sur la distraction :
Attendu que par conclusions en date du 10 septembre 2001, le demandeur a soutenu que le camion immatriculé DK 8698 N est sa propriété; que sa saisie dans les locaux de la Société MULTILOC n’est pas fondée; qu’en conséquence, sa distraction doit être ordonnée;
Attendu que suivant écritures du 03 décembre 2001, la Société Générale d’Entreprise a fait observer que le jugement du 03 juillet 2001 ne lui ayant pas été notifié, ne produit pas d’effet;
Attendu qu’il ressort de la photocopie de la carte grise, versée au dossier, que le camion de marque Berliet GBH 280 immatriculé DK 8698 N, saisi par procès-verbal daté des 18, 19 et 20 juillet 2001, est la propriété de Ababacar Thiendou DIALLO, qu’il échet d’ordonner sa distraction;
B.- Sur l’astreinte :
Attendu que par conclusions des 10 septembre et 18 décembre 2001, Ababacar Thiendou DIALLO a affirmé que le camion saisi a été enlevé et recollé depuis le 18 juillet 2001; qu’en conséquence, une astreinte doit être prononcée pour obliger la Générale d’Entreprise à s’exécuter;
Attendu que par conclusions du 03 décembre 2001, la Générale d’Entreprises a soutenu qu’elle n’a fait pratiquer qu’une simple saisie sans enlèvement; que l’astreinte est prévue à une fin comminatoire; qu’en l’espèce, elle ne doit pas être prononcée;
Attendu qu’il ressort du procès-verbal de constat du 20 juillet 2001 et du récépissé de recollement daté des 18, 19 et 20 juillet 2001, que le camion saisi a été enlevé; que s’agissant d’une atteinte au droit de propriété; qu’il échet de prononcer une astreinte de 25.000 FCFA par jour de retard à compter de la présente décision;
C.- Sur les dommages et intérêts :
Attendu que suivant écritures du 10 septembre 2001, le demandeur a soutenu que la saisie et l’enlèvement du camion le même jour, sans que l’huissier ait vérifié les pièces justificatives de sa propriété, lui ont causé un préjudice qui doit être réparé; qu’il ajoute que ledit camion est un outil de travail identifiable;
Attendu que par conclusions du 03 décembre 2001, la Générale d’Entreprise a affirmé qu’elle n’a fait pratiquer qu’une saisie sans enlèvement; que dès lors que le propriétaire n’est pas dessaisi de son véhicule, sa responsabilité ne peut pas être engagée;
Attendu qu’il y a lieu de souligner que si les dispositions de l’article 55 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution permettent au créancier muni d’un titre exécutoire de saisir les biens de son débiteur, sans autorisation préalable, il reste que l’enlèvement desdits biens ne peut être effectué que dans des conditions particulières, et avec 1’autorisation de la juridiction compétente; qu’en procédant à l’enlèvement et à l’immobilisation du camion saisi, alors même qu’au sens de l’article 103 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution, le propriétaire du bien, même s’il est débiteur saisi, conserve son usage, la Générale d’Entreprise a commis une faute préjudiciable au demandeur;
Attendu que, compte tenu de la durée de l’immobilisation du camion et de son rendement journalier, le Tribunal dispose d’éléments suffisants pour fixer la réparation à 200.000 FCFA;
II.- SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :
Attendu que suivant conclusions du 03 décembre 2001, la Générale d’Entreprise a estimé que l’action de Aboubacar Thiendou DIALLO est abusive; qu’elle lui a causé un préjudice qui doit être réparé;
Attendu que par conclusions du 18 décembre 2001, Aboubacar Thiendou DLALLO doit être débouté de sa demande reconventionnelle;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède, que c’est à bon droit que Aboubacar Thiendou DIALLO a attrait la Générale d’Entreprise devant la juridiction de céans; que ladite action n’étant pas abusive, il échet de rejeter la demande reconventionnelle;
Sur l’exécution provisoire :
Attendu qu’en l’espèce, l’urgence découle de la nécessité de faire cesser une atteinte au droit de propriété; que l’exécution provisoire étant ainsi suffisamment justifiée, il échet de l’ordonner;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la Générale d’Entreprises, et par défaut contre la Société MULTILOC, Fatma Haris DIOP et Mayoro DIOP, en premier ressort et en matière civile :
EN LA FORME :
– Reçoit l’action et la demande reconventionnelle;
AU FOND :
– Met Fatma Haris DIOP hors de cause;
– Ordonne la distraction du camion de marque Berliet GBH 280 immatriculé DK 8698 N au profit de Aboubacar Thiendou DIALLO;
– Condamne la Générale d’Entreprise à lui payer 200.00 FCFA de dommages et intérêts;
– Rejette la demande reconventionnelle;
– Ordonne l’exécution provisoire;
– Condamne la Générale d’Entreprise aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.