J-05-177
VOIES D'EXÉCUTION – RESTITUTION DE BIENS MEUBLES CORPORELS – CONDITIONS – INOBSERVATION – VOIE DE FAIT (OUI) – CESSATION.
En n'ayant pas justifié d'un titre exécutoire avant d'enlever les véhicules litigieux ni engagé une procédure de saisie revendication avant de se les faire remettre, l'appelant commet une voie de fait qu'il importe de faire cesser en ordonnant la restitution desdits biens.
(Cour d'Appel de Daloa, 1ère Chambre Civile et Commerciale Arrêt N° 168 du 02 Juillet 2003, A…c/ CHEMI-IVOIRE et ECOOPAM) Le Juris Ohada n° 4/2004, octobre – décembre 2004, p. 48.
LA COUR,
Vu les pièces du dossier de la procédure;
Vu les conclusions des parties;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après;
FAITS ET PROCEDURE
A. est débiteur envers la société CHEM-IVOIRE de la somme de 12.524.680 francs.
Suivant l'ordonnance d'injonction de payer n° 96 rendue le 29 mai 2001, il a été condamné à payer outre les intérêts de droit et les frais de procédure ladite somme. En exécution de cette décision, CHEM-IVOIRE a fait pratiquer des saisies-ventes sur les véhicules de son débiteur. Le 14 mars 2002 ces biens ont été vendus aux enchères publiques à Soubré et l'entreprise Coopérative des Agriculteurs de Méagui dite ECOOPAM s'est portée adjudicataire des véhicules de marque Mitsubishi immatriculés 3231 CT 09 et 3232 CT 09;
Par actes des 21 et 23 mars 2002, A. a assigné la société CHEM-IVOIRE, Maîtres GBALE MAGOU Mathurin, KONAN KOFFI EMMANUEL et ADAMS DESIRE N'DOUBA les huissiers saisissants, Maître ODETTE EBA KOFFI le commissaire-priseur, devant le juge des référés de Soubré pour entendre déclarer d'une part les saisies pratiquées des 22 juin et 09 novembre 2001 et tous les actes subséquents nuls, d'autre part inexistante la saisie-vente du 14 janvier 2002 et enfin ordonner la main-levée desdites saisies;
Aux termes de son ordonnance n° 25 en date du 22 mai 2002 le juge saisi a partiellement fait droit à la demande. Cette décision a été signifiée le 06 juin 2002 et le 10 juin 2002, CHEM-IVOIRE en a relevé appel;.
Par arrêt civil contradictoire n° 240 rendu le 10 juillet 2002, la Cour d'Appel de ce siège a confirmé par substitution de motifs ladite ordonnance;
Cette décision a été signifiée à ECOOPAM le 06 août 2002 par A. qui lui a servi le même jour une "sommation de remise de biens avant saisie-appréhension entre les mains d'un tiers", avant de faire enlever le 11 octobre 2002 les deux véhicules dont elle a été adjudicataire;
Autorisée suivant ordonnance n° 78 en date du 12 novembre 2002 du juge de Section de Soubré, l'Entreprise Coopérative des Agriculteurs de Méagui a, par acte du 13 novembre 2002 assigné A. en restitution desdits véhicules devant le juge des référés de Soubré sous astreinte comminatoire de 10.000.000 francs par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir;
Par ordonnance n° 31 du 28 mai 2003, la Juridiction saisie a fait droit à la demande;
Cette ordonnance n'a pas été signifiée et par acte du 04 juin 2003, A. en a relevé appel;
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Il a sollicité l'infirmation de ladite décision;
Il a pour l'essentiel soutenu qu'en vertu de l'arrêt confirmatif de la Cour, il a demandé à la société CHEM-IVOIRE de lui restituer les huit véhicules vendus aux enchères publiques et que c'est dans cette logique que l'Entreprise COOPAM dite ECOOPAM lui a remis les deux véhicules qu'elle avait achetés;
Selon lui, l'intimée devrait réclamer à la société CHEM-IVOIRE le prix desdits véhicules puisque c'est dans la légalité qu'il les a récupérés;
L'Entreprise Coopérative des Producteurs Agricoles de Méagui n'a déposé ni conclusions ni pièces;
Cependant dans sa requête aux fins d'être autorisée à assigner en référé, elle a soutenu que par la loi elle est devenue propriétaire des véhicules achetés au cours d'une vente aux enchères publiques régulièrement organisée;
Elle a fait valoir qu'elle n'est pas un tiers détenteur et la signification de l'arrêt de 1a Cour et 1a sommation de remise des biens ne 1ui sont pas légalement opposables et d'ailleurs aucune disposition légale ne lie la validité de la vente aux enchères publiques aux conséquences des décisions qui pourraient être rendues entre l'appelant et son créancier CHEM-IVOIRE;
Elle a enfin fait observer que A. a fait enlever les véhicules sans établir un procès- verbal de saisie ou même produire une ordonnance de capture et cet enlèvement qui n'a aucune base légale constitue une voie de fait;
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel;
Considérant que l'appel relevé le 04 juin 2003 par A. contre l'ordonnance n° 31 rendue le 28 mars 2003 par le juge des référés de Soubré qui ne lui a pas encore été signifiée et comportant ajournement au 18 juin 2003 est conforme aux dispositions de l'article 228 du code de procédure civile, commerciale et administrative;
Qu'il y a lieu de le déclarer recevable;
AU FOND
Considérant que A. qui a fait valoir au soutien de son appel que contrairement aux prétentions de l'Entreprise Coopérative des Agriculteurs de Méagui dite ECOOPAM, les véhicules litigieux lui ont été restitués par celle-ci ne rapportent pas et n'offre même pas de rapporter la preuve de ses allégations;
Qu'en outre, des énonciations de l'arrêt confirmatif n° 240 en date du 10 juillet 2002 de la Cour d'Appel de ce siège qu'il a entrepris d'exécuter, il ne résulte pas que l'intimée qui n'était pas partie à l'instance qui l'a opposé à la société CHEM-IVOIRE et qui a été sanctionnée par ladite décision est tenue de l'obligation de lui restituer les véhicules qu'elle a régulièrement acquis et dont "elle est devenue propriétaire;
Considérant en tout état de cause qu'aux termes de l'article 218 de l'acte uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, les biens meubles corporels qui doivent être délivrés ou restitués ne peuvent être appréhendés qu'en vertu d'un titre exécutoire constitué, le cas échéant,
d'une injonction de - la juridiction compétente devenue exécutoire, et ces mêmes
biens peuvent aussi être rendus indisponibles, avant toute appréhension au moyen d'une saisie-revendication;
Considérant que A. n'a pas justifié d'un titre exécutoire avant d'enlever les véhicules litigieux ni engagé une procédure de saisie-revendication afin de se les faire remettre; qu'en s'accaparant dans ces conditions desdits biens, il a commis une voie de fait qu'il importe de faire cesser en ordonnant leur restitution à l'Entreprise Coopérative des Agriculteurs de Méagui; que dès lors, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle procède d'une saine appréciation des faits et d'une exacte application de la loi;
Considérant que A. succombe;
Qu'il y a lieu de le condamner aux entiers dépens;
PAR CES MOTIFS
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare recevable l'appel interjeté le 04 juin 2003 par A. contre l'ordonnance n° 31 rendue le 28 mai 2003 par le Juge des référés de Soubré;
AU FOND
Déclare ledit appel mal fondé;
Confirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions;
Condamne A. aux entiers dépens.
Président : M. Y APl N'KONON AUGUSTE ROGER