J-05-180
SOCIÉTÉS COMMERCIALES – ASSEMBLÉES GÉNÉRALES EXTRAORDINAIRES – DÉLIBÉRATIONS – NULLITÉ – COMPÉTENCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS (NON).
Le juge des référés est incompétent pour annuler les délibérations d'une assemblée générale. Dès lors, il y a lieu de le déclarer incompétent.
(Cour d'Appel d'Abidjan, 5ème Chambre Civile et Commerciale Arrêt N° 32 du 13 Janvier 2004 , T.W et autres c/ K.B et K.A.L, Le Juris Ohada, n° 4/2004, octobre-décembre 2004, p. 59).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 21 novembre 2003, Monsieur T. W. et 7 autres ayant pour
conseil Maître N'GUETTA GERARD, Avocat à la Cour, ont relevé appel de l'ordonnance de référé n° 23 du 18 novembre 2003 rendue par la Juridiction Présidentielle de la Section du Tribunal d'Aboisso qui en la cause a statué comme suit :
"Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort;
– Nous déclarons compétents pour connaître de la présente instance; - Déclarons recevable l'action entreprise;
– Renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront - Mais dès à présent et vu l'urgence et par provision;
– Déclarons nulle la séance du conseil l'Administration du 1/10/2003 et l'Assemblée
Générale extraordinaire de la Coopérative Palm-Ehannia du 21 octobre 2003 et toutes les délibérations qui en résultant de même que le procès-verbal qui les constate;
Ordonnons dans l'immédiat l'ouverture des portes du siège de la coopérative et la réintégration des organes dirigeants dans lesdits locaux pour l'exercice de leurs fonctions;
– Déboutons les demandeurs du surplus de leur action;
– Condamnons les défendeurs aux dépens";
Il résulte des énonciations de l'ordonnance querellée que Messieurs K. B. et K. A. L. ont attrait Monsieur B. G. et 07 autres à comparaître par devant la Juridiction Présidentielle de la section du Tribunal d'Aboisso pour voir annuler les mesures de destitution, suspension et licenciement prises à leur encontre;
Au soutien de leur action, ils exposent qu'en ce qui concerne Monsieur K. B., il a été destitué de son poste de Président du Conseil d'Administration par un Comité ad hoc comme l'atteste le procès-verbal de l'Assemblée Générale extraordinaire de la coopérative Palm-Ehania du 21 octobre 2003;
Ils estiment que cette assemblée Générale extraordinaire est nulle ainsi que le procès-verbal pour s'être tenue en violation des dispositions statutaires des articles 29 et 34, ils ajoutent qu'en ce qui concerne Monsieur K. A. L. , il a d'abord été suspendu de ses fonctions de Directeur Général par décision du conseil d'administration du 1er octobre 2003 avant de recevoir une lettre de licenciement à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire des 20 et 21 octobre 2003;
Ils affirment que les décisions de suspension et de licenciement sont nulles pour avoir été prises d'une part par des personnes non membres du conseil d'administration et d'autre part par une assemblée irrégulière;
Aussi ont-ils sollicité la réintégration dans leurs fonctions respectives, l'ouverture des portes de leurs bureaux et locaux, l'interdiction des membres du comité ad hoc de trouble dans l'exercice de leurs fonctions sous astreinte de 3.000.000 F par acte de trouble; pour résister à cette action les défendeurs ont conclu à l'incompétence du Juge des référés en ce qu'ils ont soulevé des questions de fond qui lui échappent, la nullité de l'assignation pour n'avoir pas mis en cause la coopérative et en l'irrégularité des statuts de la coopérative, celle-ci ayant fonctionné comme une société de fait;
Pour faire droit à l'action des demandeurs, le Premier Juge a estimé irrégulière la tenue des assemblées générales extraordinaire des 20 et 21 octobre 2003 et a déclaré en conséquence nulle les procès-verbaux qui en sont résulté;
Au soutien de leur appel T. W. et les (7) sept autres par 1e canal de leur conseil soutiennent que par procès-verbal d'assemblée constitutive en date du 18 octobre 1998 il a été crée à Aboisso la coopérative des planteurs de palmier à huile d'Ehania «PALM- EHANIA» qui a pour objet la commercialisation et la transformation des régimes de palmiers à huile de ses adhérents ainsi que de l'ouverture et l'entretien des pistes;
Ils ajoutent que depuis sa création jusqu'à ce jour, cette coopérative n'a jamais possédé de statuts régulièrement signés, celle-ci ayant fonctionné comme une société de fait;
Poursuivant, ils déclarent qu'à l'issue d'un contrôle d'audit interne effectué par le Cabinet, d'expertise Audirec sur ses états financiers et portant sur la période de février 2002 à juin 2003 il a été constaté le détournement de la somme de plus 200.000 F par le Président du Conseil d'Administration et son Directeur Général;
Ils avancent que réagissant à cette décision, et attendant qu'un audit plus large soit mené, les coopérateurs ont les 20 à 21 octobre tenu une assemblée générale au cours de laquelle ils ont décidé de la destitution du Président du Conseil d'Administration, du Directeur Général et ont donné mandant à un Comité ad hoc en vue de sa gestion; c'est donc en réaction à cette décision de destitution et de révocation que les anciens dirigeants ont assigné les membres du Comité ad hoc devant la Juridiction des référés; les appelants concluent en la nullité de l'ordonnance querellée pour violation de l'article 226 du code de procédure civile;
Les intimés pour leur part sollicitent la confirmation de l'ordonnance du 18 novembre 2003;
Ils affirment que le Juge des référés étant Juge de l'évidence, il a compétence pour constater une irrégularité aussi flagrante comme en l'espèce, en ce que le Comité n'a aucun pouvoir pour convoquer une assemblée générale conformément au statut et à l a loi n° 97/723 du 23 décembre 1997;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’ appel de Monsieur T. W. et autres a été relevé conformément aux prescriptions; il est donc régulier et recevable;
AU FOND
C'est à tort que le Premier Juge s'est déclaré compétent et a fait droit à !'action de Messieurs K. B. et de K. A. L.;
En effet, contrairement aux prétentions du Premier Juge, l'action qui lui a été soumise tendait à l'annulation des décisions de l'assemblée générale extraordinaire comme l'atteste sa motivation;
Pour aboutir à celle-ci, il devait forcément passer par l'appréciation des Statuts, ce qui n'est pas de sa compétence;
Par ailleurs, le Juge des référés est également incompétent pour annuler les délibérations d'une assemblée générale;
De ce qui précède, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance querellée et statuant à nouveau, déclarer le Juge des référés incompétent; les intimés ayant succombé, il convient de les condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort,
EN LA FORME
Déclare recevable l'appel régulièrement relevé par Messieurs T. W. et autres de l’ordonnance de référé n° 23 rendue le 18/11/2003 par la Juridiction Présidentielle de la Section du Tribunal d'Aboisso;
AU FOND
Les y dit bien fondés;
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau :
Déclare le juge des référés incompétent
Condamne les intimés aux dépens.
Président : M. KANGA PENOND YAO MATHURIN