J-05-182
VOIES D'EXÉCUTION – SAISIE IMMOBILIÈRE – FORMALITÉS PRESCRITES – CARACTÈRES D'ORDRE PUBLIC (OUI) – VENTE DE GRÉ À GRÉ – NULLITÉ (OUI).
L'Acte uniforme sur les voies d'exécution prescrivant le respect de formalités pour la vente forcée des immeubles appartenant au débiteur, on ne peut y déroger par des conventions contraires.
Dès lors, doit être annulée la vente de gré à gré intervenue en violation des articles 246 et suivants de l'Acte uniforme précité.
Article 246 AUPSRVE ET SUIVANTS
(Cour d'Appel de Niamey, Chambre Civile Arrêt n° 79 du 19 Avril 2004 CIVIL : Y. K. C/ B.I. et N. C. , Le Juris Ohada n° 4/2004, octobre-décembre 2004, p. 67, note BROU Kouakou Mathurin).
LA COUR,
EN LA FORME
Suivant exploit d'huissier en date du 10/09/2002 Y. K. demeurant
à Niamey ayant pour conseil la SCPA YANKORI DJERMAKOYE-YANKORI, Avocats associés, BP 12791 en l'étude desquels domicile est élu a interjeté appel du jugement contradictoire rendu par le Tribunal civil de Niamey le 31 juillet 2002;
Cet appel étant intervenu dans les formes et le délai de la loi doit être déclaré recevable;
AU FOND
Attendu que suivant exploit en date du 16 juillet 2001 de Me CISSE OUMAROU, Huissier de justice à Niamey, Y. K. demeurant à Niamey assisté de la SCPA YANKORI DJERMAKOYE YANKORI, avocats associés à la cour, a assigné B. 1. et N. C. devant le Tribunal Régional de Niamey pour s'entendre :
Déclarer nulle la vente de l'immeuble objet du titre foncier 15317;
– Ordonner le déguerpissement de Monsieur 1. B. et tous occupants de son chef;
– Déclarer B. 1. et N. C. conjointement et solidairement responsables du préjudice subi par lui;
Condamner en conséquence les défendeurs à lui payer la somme de 15.000.000 F/CFA.toutes causes de préjudice confondues;
– Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir;
Attendu que suivant jugement contradictoire n° 264 en date du 31/07/2002, le Tribunal civil de Niamey, a :
– Ordonné la jonction des procédures n° 594/01 et 325/02;
– Déclaré valable le pouvoir de vente de gré à gré en date du 19/07/2000; -
– Rejeté les demandes de Y. K.;
– Reçu CHAlBOU NAHOUM en sa demande reconventionnelle;
– Condamné Y. K. à lui payer la somme de 1.000.000 F à titre de dommages-intérêts
et ainsi qu'aux dépens;
Attendu que Me SOULEYMANE YANKORI agissant pour Y. K. demande à la Cour d'infirmer ou d'annuler la décision attaquée et de faire droit à ses premières écritures;
Attendu qu'à l'appui de ses prétentions, Y. K. déclare d'une part avoir signé sous contrainte et par devant notaire un pouvoir spécial de vente de gré à gré de sa villa objet du titre foncier n° 15317, qu'il avait donné en garantie, d'autre part que la vente de cette villa a été faite en violation de l'article 246 de l'Acte uniforme; d'autre part qu'il est débiteur du sieur B. 1. pour la somme de 12.000.000 F/CFA représentant le prix d'un terrain non bâti en zone industrielle; qu'il a promis de rechercher pour le compte de B. 1. auprès de l'administration à titre de concession provisoire; que las, d'attendre l'attribution de la concession B. 1. porta plainte auprès de la police judiciaire pour escroquerie;
Attendu que 1. B., représenté par Me ALIDOU ADAM, Avocat à la Cour a conclu à la validité du pouvoir spécial de vente de gré à gré au regard de la loi et à l'irrecevabilité de l'action de Y. K.; qu'il explique que ce pouvoir spécial de vendre l'immeuble de gré à gré a été librement convenu par les parties qui y restent 1 iées et qui l'ont stipulé irrévocable jusqu'à apurement de la dette; qu'il est donc la loi des parties et s'impose à elles comme au juge; qu'en vendant l'immeuble de gré à gré, il n'a tait qu'exécuter l'accord qu'il a convenu avec le demandeur; que dans tous les cas l'article 246 de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution ne saurait recevoir application puisqu'il ne s'agit pas d'une vente forcée mais de la mise en œuvre de la loi des parties dont la validité n'est pas remise en cause par ces dispositions; que par ailleurs le titre foncier étant définitif et inattaquable et ayant été transféré au nom de C. N., nouvel acquéreur de l'immeuble, l'action du demandeur ayant pour effet de mettre en cause le droit de propriété d'un immeuble immatriculé serait irrecevable;
Attendu que C. N., représenté par Me Marc LEBIHAN, Avocat à là Cour, sollicite le débouté à titre principal de Y. K. de toutes ses demandes fins et conclusions et à titre reconventionnel sa condamnation à lui payer la somme de 2.000.000 F à titre de dommages-intérêts en en remboursement des frais, qu'il soutient que le pouvoir spécial de vente de gré à gré l'immeuble a été et librement convenu par les parties pour régler leur litige en évitant le recours à la saisie immobilière qui est une procédure notamment contentieuse, que la vente ayant été effectuée en vertu d'un mandat notarié et conformément aux termes du mandat et ayant été constatée par acte authentique, Y. K. est tenu de l'accepter, enfin n'étant pas partie à cette vente il n'est pas fondé à demander son annulation;
Quant à Me MAHAMAN NAKOBO assigné en intervention forcée déclare par une lettre datée du 16 Avril 2002, que le pouvoir de vente de gré à gré rentre dans les catégories des actes qu'ils ont l'habitude de dresser à la demande des banques et des particuliers, à ne pas confondre selon lui avec la procédure de saisie immobilière; qu'il estime que l'acte querellé étant authentique ne peut être combattu que par la procédure d inscription en faux;
Mais attendu qu'il résulte des faits de la cause que suivant attestation des prêts en date du 28/12/1999 le sieur 1. B. accordait à Y. K. un prêt de 12 millions de francs remboursables en trois échéances; que constatant qu'il n'a honoré aucune des échéances, Y. K. donnait le 19 juillet 2000, par devant Me MAHAMANE NAKOBO, Notaire à Niamey à 1. B. un pouvoir spécial de vendre de gré à gré son immeuble objet du titre foncier n° 15317 si à la date du 11/08/2000, il ne règle pas sa dette; que le 19 octobre 2000,1. B. vendait conformément à ce pouvoir le dit immeuble à C. N. à la somme de 15 millions de francs; que le 16/02/2001, Y. K. se prévalant de l'article 246 de l'Acte uniforme demandait au Tribunal Régional de Niamey d'annuler la dite vente; mais il a été débouté de ses demandes suivant jugement dont appel;
Sur la nullité de la vente;
Attendu qu'aux termes de l'article 246 de l'acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution "le créancier ne peut faire vendre les immeubles appartenant à son débiteur qu'en respectant les formalités prescrites par les dispositions qui suivent toute convention contraire nulle";
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'on ne peut. déroger par des conventions contraires aux conditions que posent les articles 247 et suivants auxquels il renvoie qu'en effet l'article 247 de l'acte uniforme prévoit l'accomplissement d'un certain nombre de formalités et que de son côté l'article 254 du même acte exige que toute vente forcée soit précédée d'un commandement aux fins de saisies;
Attendu qu'en l'espèce aucune de ces formalités n'a été remplie et que l'appelant se contente de dire qu'il n'a fait qu'exécuter un acte qui a été régulièrement établi, sans tenir Compte du caractère d'ordre public des dispositions des articles 246 et suivants et du fait que l’acte même (pouvoir de vente gré à gré) intervenu après l'entrée en vigueur de l'acte procédures de recouvrement simplifiées et voies d'exécution n'a plus de valeur juridique, son existence étant écartée par les dispositions de l'article 246 susvisé;
Attendu, que dès lors il y a lieu d'annuler la vente intervenue en vertu de ce pouvoir pour non respect des articles 246 et suivants suscités;
Attendu qu’en l'absence de tout droit ou titre, I. B. ne peut plus continuer à occuper l’immeuble, que son déguerpissement ainsi que tous occupants de son chef doit être ordonné;
Sur la demande de paiement des dommages-intérêts;
Attendu que Y. K. n'apporte pas la preuve qu'il a subi un préjudice; qu'il échet de le débouter de sa demande de paiement de dommages-intérêts; l'exercice d'un droit ne pouvant être assimilé à une procédure abusive ou vexatoire;
Attendu que la partie qui succombe doit être condamnée aux dépens; qu'il y a lieu de condamner B.I. et C. N. aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
Reçoit l’appel de Y. K. régulier en la forme;
Au fond déclare nulle la vente de l'immeuble objet du titre foncier n° 15317 du Niger;
Ordonne le déguerpissement de B. I. et de tous occupants de son chef;
Déboute Y.K. du surplus de sa demande;
Condamne B. I. et C. N. aux dépens.
Président : M. SALISSOU OUSMAN
Note
La cour d'Appel de Niamey vient-elle de comprendre enfin l'appel des auteurs Anne-Marie Assi Esso et N'Diaw Diouf, relativement au caractère d'ordre public de l'article 246 de l’Acte uniforme portant voies d'exécution? (OHADA, Recouvrement des créances, Bruylant, 2002,, n° 403, p. 192)
Dans une décision rendue le 23 mai 2001, la Cour d'Appel de Niamey avait déclaré régulière une vente de gré à gré, motif pris de ce que les dispositions de l'article 246 et suivants ne pouvaient trouver application dès lors qu'il ne s'agissait pas de saisie immobilière, mais d’un pouvoir de vente de gré à gré de l'immeuble donné au créancier par 1e débiteur en garantie de son prêt (Sur la question, voir nos observations in juris OHADA n° 4/2003 p. 61, le Tribunal régional de Niamey s'est prononcé dans ce sens : jugement n° 261 du 31 juillet 2002, in Juris Ohada, n° 4/2004, p. 65).
En décidant aujourd'hui de la nullité de la vente de gré à gré pour non respect des articles 246 et suivants auxquels on ne peur déroger par des conventions contraires, la Cour d'Appel le caractère d'ordre public de ces dispositions, et remet en cause la position adoptée trois ans plus tôt.
S’agit-i1 d’un revirement de jurisprudence? Wait and see !
BROU Kouakou Mathurin