J-05-192
DROIT COMMERCIAL GÉNÉRAL – BAIL COMMERCIAL À DURÉE DÉTERMINÉE – RENOUVELLEMENT – DEMANDE FORMULÉE DANS LE DÉLAI (NON) – MAINTIEN DANS LES LIEUX – ACTE MANIFESTEMENT ILLÉGAL – EXPULSION (OUI).
Le maintien du preneur dans les lieux constitue un acte manifestement illégal qui cause au bailleur un préjudice, qu'il importe de faire cesser d'urgence en ordonnant son expulsion, dès lors qu'il ne justifie pas avoir formulé par acte extrajudiciaire, au plus tard trois mois avant la date d'expiration du bail, sa demande de renouvellement du contrat.
(COUR D'APPEL DE DALOA , ARRET No 72 du 27 février 2002, COMPAGNIE DE DISTRIBUTION - CI c/ A. T, Le Juris Ohada, n° 1/2005, janvier-mars 2005, p. 32).
La Cour,
Vu les pièces du dossier de la procédure; Vu les conclusions des parties;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions et moyens des parties et motifs ci-après;
FAITS ET PROCEDURE
A.T a donné à bail, depuis 1954 à la CFCI devenue Compagnie de Distribution de Côte d'Ivoire dite CDCI, société anonyme ayant son siège social à ABIDJAN, pour une période de deux ans renouvelable un magasin à usage commercial lui appartenant sis à DUEKOUE, les loyers corre5pondant à la durée du contrat étant payables d'avance.
Le bail a été renouvelé en 1999 et son échéance fixée au 30 juin 2001.
Par lettre du 16 février 2001, la CDCI a informé le propriétaire de ce qu'elle entendait reconduire le contrat. Suivant courrier en date du 30 juin 2001, A.T l'a avisée de ce que n'ayant reçu de sa part aucune proposition de renouvellement, il considérait le bail comme rompu et par une autre correspondance du 10 août 2001, il lui a notifié, puisqu'elle avait sollicité la modification du mode de paiement des loyers, que ceux-ci doivent être acquittés comme d'habitude, faute de quoi les lieux doivent être libérés puisque aussi bien depuis le premier juillet 2001, aucun contrat ne les lie. Enfin, par une dernière 1ettre en date du 24 août 2001, il a autorisé le preneur à demeurer dans ses locaux jusqu 1au 31 août 2001 pour lui permettre de régulariser la situation afin d'aboutir à la signature d'un nouveau.
Sur ces entrefaites, A.T a, le 12 octobre 2001, fait servir à la CDCI sommation d'avoir à payer la somme de 4.800.000 F correspondant à vingt quatre mois de loyers échus et impayés, puis par acte du 28 novembre 2001, il l'a assignée en expulsion des lieux loués devant le juge des référés de MAN.
Aux termes de son ordonnance N°92 rendue le 19 décembre 2001, le juge saisi a fait droit à la demande.
Cette décision a été signifiée le 22 décembre 2001.
Par acte du 09 janvier 2002, la CDCI en a relevé appel.
Suivant arrêt avant-dire-droit N°24/02 en date du 23 janvier 2002, la Cour d’Appel de ce siège a déclaré ledit appel recevable.
PRETENTIONS ET MQYENS DES PARTIES
La CDCI représentée par Maîtres DOGUE, ABBE et associés, Avocats à la Cour, a sollicité, dans son acte d'appel, l'infirmation de l'ordonnance entreprise.
Elle a d'abord expliqué qu'ayant, par lettre du 16 févier 2001, formulé une demande de renouvellement du bail, elle a considéré que le consentement du propriétaire était acquis et après avoir reçu le courrier en date du 30 juin 2001 dans lequel A.T lui a notifié qu'elle n'a fait aucune proposition quant à la reconduction du contrat, elle lui a signifié par acte d'huissier du 05 juillet 2001 une demande à cette fin.
Elle a ensuite fait valoir que la demande en expulsion n'a pas été précédée de la mise en demeure prescrite par l'article 101 de l'acte uniforme portant droit commercial général du traité OHADA et dont les dispositions sont d'ordre public si bien que le premier juge n'aurait pas dû y faire droit.
Enfin, elle a soutenu qu'il existe entre les parties une difficulté sérieuse sur le renouvellement du bail. et le montant des loyers qui ne relève en aucune manière du juge des référés dont la compétence est discutable compte tenu des termes du traité OHADA (sic) qui renvoient pour la décision d'expulsion en cas de non paiement du loyer à la juridiction compétente.
A.T a conclu à la confirmation de la décision attaquée.
Il a, pour l'essentiel, soutenu que le contrat étant arrivé à terme depuis le 30 juin 2001, il n'existe plus de bail. commercial entre les parties et le traité OHADA ne peut trouver application au cas d'espèce. Aussi, en se maintenant dans les lieux loués sans titre ni droit, la CDCI commet-elle une voie de fait à laquelle il faut mettre fin, surtout que celle-ci a avoué qu'elle a refusé de se soumettre à ses exigences.
MOTIFS SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL
Considérant que par arrêt avant-dire-droit N°24/02 en date du 23 janvier 2002, la Cour d'Appel de ce siège a déjà déclaré recevable l'appel interjeté par la C D CI;
Qu'il y a lieu de s'en rapporter;
AU FOND
Considérant qu'aux termes de l'article 91 de l'acte uniforme portant droit commercial général du traité OHADA, le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée est acquis au preneur qui justifie avoir exploité conformément aux stipulations du bail, l'activité prévue à celui-ci pendant une durée minimale de deux ans;
Que l'article 92 dudit acte dispose : "Dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail, en vertu de l'article 91 ci-dessus,
Demander le renouvellement de celui-ci, peut par acte extrajudiciaire, au plus tard trois mois avant la date d'expiration du bail.
Le preneur qui n’a pas formulé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail;
Considérant qu'il est constant que les parties ont conclu en 1999 un bail commercial pour une durée de deux ans;
Considérant que la CDCI qui n' a pas justifié qu'elle à formulé par acte extrajudiciaire, au plus tard trois mois avant le 30 juin 2001, date d'expiration dudit bail, sa demande de renouvellement du contrat; Que son maintien dans les lieux constitue un acte manifestement illégal qui cause à A.T. un préjudice qu'il importe de faire cesser d'urgence en ordonnant son expulsion;
Considérant dès lors que l'ordonnance de référé querellée procède d'une saine application des faits de la cause et d'une juste application de la loi; Qu'il y a lieu de la confirmer par substitution de motifs;
Considérant que la C D C 1 a succombé;
Qu'il convient de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
S'en rapporte à l'arrêt avant-dire-droit N°24/02 en date du 23 janvier 2002 de la Cour d'Appel de ce siège qui a déjà déclare recevable l'appel interjeté par la Compagnie de Distribution de Côte d'Ivoire dite C D CI;
AU FOND
Déclare ledit appel mal fondé;
L'en déboute;
Confirme l'ordonnance N°92/01 rendue le 19 décembre 2001 par le juge des référés de MAN par substitution de motifs;
Condamne la Compagnie de Distribution de Côte d'Ivoire dite C D C 1 aux entiers dépens.
Président : M. YAPl N'KONOND AUGUSTE-ROGER