J-05-196
SOCIETES COMMERCIALES – CONSEIL D'ADMINISTRATION – DELIBERATIONS – CONVOCATION REGULIERE DES MEMBRES (NON) ANNULATION.
Les délibérations du conseil d'administration doivent être annulées, le conseil n'ayant pu valablement délibéré dès lors que les membres dudit conseil ont été irrégulièrement convoqués.
Il en est ainsi lorsque les convocations ont été servies seulement deux jours avant la réunion alors que les statuts prévoient cinq jours au moins.
Article 453 AUSCGIE
Article 454 AUSCGIE
Article 915 AUSCGIE
(COUR D’APPEL D’ABIDJAN, ARRET N°688 du 25 juin 2004 OFFICE IVOIRIEN DES CHARGEURS ET AUTRES c/ B.A. ET AUTRES, Le Juris Ohada n° 1/2005, janvier-mars 2005, p. 41).
La Cour,
Vu les pièces du dossier;
Oui les partie en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Par acte d'Huissier du 11 Février 2004 comportant ajournement au 17 Février 2004, M et l'Office Ivoirien des Chargeurs dit OIC ont relevé appel de l'ordonnance N° 625 du 14 Février 2004 rendue par la Juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui statue en ces termes :
"Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
Au principal renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elle aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence et par provision;
Rejetons l'exception d'incompétence;
Recevons les demandeurs en leur action; Les y disons bien fondé;
Déclarons nul le conseil d'Administration de l'OIC du 16 Janvier 2004 et les décisions en découlant;
Ordonnons la réintégration de l'équipe dirigeante conduite par B dans ses fonctions et au siège de l'OIC;
Condamnons les défendeurs aux dépens";
Sur convocation de N et A tous Administrateurs de l'OIC, agissant respectivement pour le compte du Ministère d'Etat, Ministère des Transports, du Port Autonome d'Abidjan et du Ministère d'ETAT, Ministère de l'Economie et des Finances, il s'est tenu le 16 Janvier, 2004 un Conseil d'Administration extraordinaire de ladite Société avec pour ordre du jour ."Ies mesures conservatoires à prendre pour corriger dans les meilleurs délais,- les anomalies qui entravent le bon déroulement des activités de l'OIC ";
Ce Conseil d'Administration extraordinaire réuni en présence de tous les huit Administrateurs a décidé de la suspension de M de ses fonctions de Président du Conseil d'Administration alors que MM. D et P respectivement Directeur Général et Directeur Général Adjoint ont été révoqués d& leur poste et tous interdits d'accès à la Société;
En outre par arrêté interministériel N° 015 du 28 Janvier 2004, il a été nommé un Administrateur provisoire (M) pour assurer la continuité des activités de l'OIC sous la supervision d'un Comité de restructuration présidé par l'Inspecteur Général des Finances;
MM. B et A ont saisi le Juge de référé du Tribunal de Première Instance d'Abidjan pour voir annuler les convocations et les résolutions du conseil d'Administration du 16 Janvier 2004 et ordonner leur maintien à leur poste respectif;
Par ordonnance N°625 du 04 Février 2004, le Juge des référés a fait droit à leur, demande aux motifs qu'en violation de l'article 23 des Statuts de l'OIC, le Conseil d'Administration extraordinaire a été convoqué par trois Administrateurs et que les convocations qui sont sans date comportent un ordre du jour imprécis; De même, le Juge, des référés a indiqué que M. l'administrateur C n'a reçu sa convocation que 2 jours seulement avant la réunion qui n'a pas été présidée Par M. B, Président du conseil d'Administration bien qu'effectivement présent;
La Société d'Economie mixte dénommée Office Ivoirien Chargeurs dit OIC MM. N et A ont relevé appel de cette décision dont ils sollicitent l'infirmation;
A l'appui de leur recours, ils invoquent la violation des articles 453 et 915 de l'acte uniforme relatif au droit des Sociétés commerciales et du GIE; Ils expliquent que le Juge des référés s'est fondé sur les stipulations de l'article 23 des Statuts de l'OIC alors que celles ci n'ont pas été harmonisées avec les dispositions d'ordre public de l'acte uniforme- précité;
Ils font remarquer sur ce point que l'article 453 susvisé prescrit que "les Administrateurs constituant le tiers au moins des membres du conseil d'Administration, peuvent, en indiquant l'ordre du jour de la séance, convoquer le conseil d'administration si celui-ci ne s'est pas réuni depuis plus de deux mois;
Ils notent que l'article 23 des statuts de l'OIC indiquent au contraire, que quatre Administrateurs au moins suffisent pour convoquer le conseil d'administration;
Ils en déduisent qu'en raison de cette contrariété, le Juge des référés, aurait dû accorder la primauté aux prescriptions de l'acte uniforme au lieu de privilégier les dispositions statutaires;
Ils concluent qu'en se comportant comme il l'a fait, le Juge des référés a violé l'article 453 de l'acte uniforme relatif au droit des Sociétés commerciales et du GIE . ,
Ils sollicitent en conséquence que la Cour annule j'ordonnance attaquée et statuant à nouveau, déclare le Juge des référés incompétent dans la mesure où il ne pourra pas statuer sur la nullité des convocations et délibérations du conseil d'Administration du 16 janvier 2004 sans trancher au préalable la question de fond que constitue la régularité de la cession d'une partie des actifs de l'Etat aux opérateurs privés réunis au sein du groupement des chargeurs de Côte d'Ivoire dit GCCI;
Ils relèvent au subsidiaire que si la Cour retenait la compétence du Juge des référés, elle déclarera cependant M. B et autres mal fondés;
Ils Prétendent sur ce point que le conseil d'Administration du 16 Janvier 2004 qui a été convoqué par trois Administrateurs est conforme aux dispositions de l'artrcle 453 de l'acte uniforme relatif au droit des Sociétés commerciales et du GIE;
Ils ajoutent que l'insinuation tendant à relever que le délai entre les convocations et le jour de la tenue du conseil d'Administration n'a pas été respecté, n'est par un argument fondé eu égard aux prescription de l'article 23 alinéa 3 des statuts qui n'accorde aucune importance aux conditions de forme et de délai dès lors que la convocation est verba1e et que tous les administrateurs sont présents ou représentés comme en l'espèce;
Enfin, N.J. et autres font observer que M. B n'a pas présidé le conseil d'administration du 16 Janvier 2004 parce qu'il a refusé de le faire et qu'en l'absence de moyen de contrainte, il a été désigné un Président de séance lequel a signé le procès- verbal avec le Secrétaire et un autre Administrateur;
Ils en déduisent que ces signatures sont largement suffisantes et que et que le procès verbal ne peut être annulé comme le sollicitent M. B.N. et autres;
En réplique, M. B et autres plaident la nullité de l'acte d'appel sur le fondement de l'article 246 du code de procédure civile pour défaut d'indication de la date et du lieu de naissance de MM.N et A et pour défaut d'indication de la nationalité de MM. K;
Ils soulèvent en outre l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence qui n'a pas été plaidée au seuil du procès par N et autres mais après discussion au fond;
Subsidiairement, B et les Directeurs révoqués indiquent que si la Cour passait outre cette irrecevabilité, elle déclarera l'exception mal fondée parce qu'ils n'ont jamais saisi le Juge des référés d'un quelconque litige de fond mais plutôt de la constatation des irrégularités dans lesquelles s'est tenu le conseil d'Administration du 16 Janvier 2004;
Sur le fond de la procédure, ils sollicitent la confirmation de l'ordonnance critiquée;
Ils font valoir une séance du conseil d'administration s'est tenu moins de deux mois avant le 16 Janvier 2004 soit le 17 novembre 2003 de sorte que sur le fondement de l'article 453 alinéa 3 de l'acte uniforme relatif au droit des Sociétés commerciales et du GIE, les Administrateurs ne pouvaient : valablement convoquer une séance du conseil d'Administration;
Ils en déduisent que le moyen tiré de la violation du texte susvisé, n'est pas fondé et que s'il y a violation dudit texte, elle est le faite de N et autres;
Sur le non respect du délai de 05 jours entre la convocation et le jour de la tenue du conseil d'Administration M. B et les Directeurs limogés soutiennent que, N et autres rejettent ce moyen en s'appuyant sur, les dispositions de l'article 23 alinéa 3 de ses statuts alors que ledit texte n 1est applicable qu'en cas de convocation verbale;
Ils indiquent qu'en l'espèce, les convocations étant écrites, les stipulations susvisées ne peuvent s'appliquer et que les convocations non datées servies le 14 Janvier 2004 pour le conseil d'Administration du 16 Janvier 2004 sont nulles par application de l'article 23 des statuts de l'OIC;
Ils relèvent également que l'ordre du jour porté sur les convocations qui ne permettait pas d'entrevoir la suspension du président du Conseil d'Administration et la révocation du Directeur Général Adjoint., est imprécis et s'analyse en une absence d'ordre du jour;
Ils concluent à la nullité des convocations;
Ils poursuivent en indiquant que si la Cour en jugeait autrement, elle constatera néanmoins que la tenue du conseil malgré la notification d'une ordonnance de suspension constitue une voie de fait et emporte annulation des délibérations qui en découlent;
Ils font en cela remarquer que le conseil d'Administration du 16 Janvier 2004 a été présidé par l'un des Administrateurs alors qu'aucun texte ne l'y autorise; à cet effet, ils font observer que devant le refus de M. B de présider le conseil d'Administration, il appartenait à l'OIC et autres de saisir la Juridiction compétente pour constater le vide juridique et .autoriser l'un d'entre eux à présider la séance;
Ils relèvent enfin que les décisions prises lors du conseil d'administration du 16 Janvier 2004 n'ont jamais été soumises au vote et n'ont pas respecté les conditions de quorum prévues par l'article 454 alinéa 2 qui dispose que les décisions du conseil d'administration sont prises à la majorité des membres;
Répliquant à leur tour, N et autres relèvent que M. B et autres ne rapportent pas la preuve de la tenue d'un conseil d'administration le 17 Novembre 2003 en produisant le procès-verbal d'afférent;
Ils prétendent également que pour le problème relatif à la présidence de la réunion du 16 Janvier 2004, ils ont saisi le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui unanimement avec ses vice-président ont refusé de signer leur requête aux fins de désignation d'un Président de séance au motif que le conseil d'administration était souverain;
Ils terminent en concluant que c'est sur le fondement de la souveraineté du conseil d'administration qu'ils ont passé outre le blocage crée par M. B en sa qualité de Président du conseil d'administration;
Pour leur part, M. B et autres réitèrent leurs prétentions en alléguant qu'un conseil d'administration s'est effectivement tenu le 17 Novembre 2003 et que le procès-verbal est détenu par leurs adversaires qui refusent de le produire;
Ils achèvent leur réplique en prétendant qu'ils ont subi un préjudice du fait de l'omission des mentions de l'article 246 du code de procédure civile; ils précise que ce préjudice réside dans l'impossibilité pour eux de s'assurer qu'ils ne pouvaient pas se prévaloir de la règle de la cautio judicatum solvi posée par l'article 4 du code de procédure civile;
Par conclusions écrites du 15 Avril 2004, le Ministère Public a conclu à la confirmation de l'ordonnance contestée en faisant siens les différents arguments évoqués par M. B et autres;
SUR CE;
Considérant que les parties ont conclu; qu'il y a lieu de statuer par décision contradictoire;
SUR LA NULLITE DE L'ACTE D'APPEL POUR VIOLATION DES PRESCRIPTIONS DE L'ARTICLE 246 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE
Considérant que les mentions de l'article 246 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité; qu'il n'est pas non plus établi qu'elles tendent à protéger l'intérêt général ou l'ordre public; qu'il ensuit que la nullité qui peut découler de l'omission de telles mentions est nécessairement une nullité relative soumise à l'administration de la preuve d'un préjudice;
L'ordonnance critiquée et de déclarer le Juge des référés incompétent sur ce Chef de demande;
SUR L'ANNULATION DES CONVOCATIONS
Considérant que l'article 23 alinéa 2 des Statuts de l'OIC dispose que "les convocations portant l'ordre du jour, sont faites par lettres adressés ou portées aux actionnaires cinq jours au moins avant la réunion";
Considérant qu'en l'espèce, il est constant que les convocations ont été servies susvisée pour avoir été abordée après le fond du litige"; qu'il y a lieu de mal fondé;
Considérant qu'il a été soumis au Juge des référés la nullité invitant les Administrateurs de l'OIC à assister au conseil d'administration du 16 janvier 2004 et la nullité des délibérations issues dudit conseil;
Considérant que de telles demandes ne convient pas nécessairement à trancher une question de fond contrairement aux allégations de N.J et autres; que c’est à bon droit que le Juge des référés a retenu sa compétence sur ces chefs de demande;
Considérant par ailleurs, qu'il a été demandé au juge des référés d’ordonner le maintien des organes de direction en place avant le conseil d'administration du 16 janvier 2004;
Mais considérant que M. B, D ont été révoqués à l'issue, du conseil du 16 janvier 2004 que par arrêté interministériel N°015 du 28 janvier 2 Ministres d'Etat, Ministre des Transports et Ministre d'Etat, Ministre de l’Economie et des Finances, il a été pourvu à leur remplacement par un Administrateur provisoire assisté d’un comité de restructuration; que dans ces conditions, le Juge des référés, Juge de l’ordre judiciaire ne peut, sans porter atteinte à l'acte administratif susvisé dont 1e retrait relève de la compétence de la chambre administrative de la Cour Suprême ordonner le maintien de B et autres à leur poste; qu'il s'ensuit que le juge des référés a outrepassé ses pouvoirs en réintégrant (…) dirigeante conduite par M. B et ce, malgré l'arrêté interministériel n° 015 du 28 Janvier 2004; qu'il y a lieu de réformer.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort
Rejette l'exception de nullité de l'acte d'appel du Il Février 2004;
En conséquence,
Reçoit MM. N, A et l'Office Ivoirien des Chargeurs dit OIC en leur appel de l'ordonnance N° 625 rendue le 04 Février 2004 par la Juridiction Préside de Première Instance d'Abidjan;
Les y dit partiellement fondés
Réforme l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré le juge des référés compétent pour connaître de la demande de maintien des organes de l'OIC;
Statuant à nouveau,
Déclare le Juge des référés incompétent à connaître de ladite demande
Confirme pour le surplus;
Condamne MM. N, A et L'Office Ivoirien des Chargeurs dit OIC aux dépens
En foi de quoi, le présent arrêt prononcé publiquement, contradictoirement en matière civile, commerciale et en dernier ressort par la Cour d'Appel chambre civile, a été signé par le Président et le Greffier;
Président : MmeYAO KOUAME ARKHURST H. MARIE FELICITE