J-05-181
DROIT COMMERCIAL GÉNÉRAL – BAIL COMMERCIAL – VENTE DE L'IMMEUBLE – ACQUISITION EN VUE DE L'ÉDIFICATION D'UNE MOSQUÉE – EXPULSION DU LOCATAIRE – COMPÉTENCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS (OUI).
DROIT COMMERCIAL GÉNÉRAL – BAIL COMMERCIAL RÉSILIATION – CONGÉ – DURÉE INFÉRIEURE AU DÉLAI LÉGAL – DÉLAI VOLONTAIREMENT ET MUTUELLEMENT ACCEPTÉ DES PARTIES – VALIDITÉ (OUI).
DROIT COMMERCIAL GÉNÉRAL – BAIL COMMERCIAL – LOCATAIRE CONGÉ – EXPIRATION DU DÉLAI – TROUBLE DE JOUISSANCE – URGENCE – EXPULSION (OUI).
L'acquéreur ayant acheté l'immeuble en vue de l'édification d'une mosquée, la réalisation du projet ne doit souffrir d'aucun retard. Dès lors, l'urgence recommande qu'on statue sur l'expulsion. Par conséquent, le Juge des référés est compétent.
Le congé d'un mois est valable même s'il est inférieur au délai légal (06 mois), dès lors que les parties ont volontairement et mutuellement accepté ledit délai, et que depuis l'établissement du contrat, la disposition n'a pas été dénoncée.
Le délai accordé au locataire étant expiré, son maintien sur les lieux sans droit ni titre trouble la jouissance de l'acquéreur. Dès lors, il y a urgence à faire expulser le locataire.
Article 78 AUDCG
Article 91 AUDCG
Article 93 AUDCG
Article 95 AUDCG
Article 102 AUDCG
(Cour d'Appel de Niamey, Chambre Civile Arrêt N° 57 du 04 Juin 2003, REFERE : S. B. C/ E. H. M. Le Juris Ohada n° 4/2004, octobre – décembre 2004, p. 64 , note BROU Kouakou Mathurin).
LA COUR,
EN LA FORME
Attendu que suivant exploit en date du 28 avril 2003 de Me Moussa Souna Soumana, Huissier de justice à Niamey, Monsieur S., Assureur demeurant à Niamey, assisté de Me Mounkaila Yaye, Avocat à la Cour a relevé appel de l'ordonnance n° 87 rendue le 25 avril 2003 par le Président du Tribunal Régional de Niamey juge des référés;
Attendu que cet appel intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi doit être déclaré recevable;
AU FOND
Attendu que suivant exploit en date du 28 mars 2003 E. assisté de Me Yahaya Abdou, Avocat à la Cour a assigné S. devant le juge de référé de Niamey auquel il demande de :
– se déclarer compétent conformément à l'article 806 du Code de Procédure Civile;
– déclarer valable le congé donné à S. le 14 avril 2003;
– ordonner son expulsion des lieux ainsi que tous occupants de son chef à compte du 14 avril 2003 sous astreinte de 50.000 F par jour de retard;
– condamner S. aux dépens;
Attendu que suivant ordonnance n° 087 du 25 avril 2003 le juge des référé s'est déclaré comptent a dit que le bail est résilié et ordonné l'expulsion de S. des lieux ainsi que tous occupants de son chef sous astreinte de 50.000 F par jour de retard;
Attendu que S. par la voix de son conseil demande à la Cour de se déclarE incompétente, de déclarer nul le congé donné et de déclarer par voie de conséquence illégale son expulsion en application des s 78, 91,93, 95, et 102 de l'acte uniforme;
Attendu que de son côté E. demande à la Cour au principal de déclarer irrecevable la demande de S. et subsidiairement confirmer l'ordonnance attaquée;
Attendu qu'il résulte d es pièces du dossier et des débats à l'audience que suivant contrat en date du 12 octobre 1999 S. prenait à bail au prix de 50.000 F de loyer mensuelle la concession sise au quartier Zangorzo îlot 2066 parcelle B et C appartenant à K.;
Qu'au décès de ce dernier, et suivant attestation en date du 24 mars 20C ses héritiers vendaient au prix de 30.000.000 F ladite concession au sieur E.;
Que le 28 mars 2003, E. saisit le juge des référés pour voir ordonner l'expulsion de S.; le juge des référés fit droit à sa requête et S. releva appel d'où la présente instance
Sur la compétence;
Attendu qu'aux termes de l'article 806 du Code de Procédure Civile le juge des référés est compétent dans tous les cas d'urgence;
Attendu qu'il y a urgence chaque fois qu'un retard dans la décision qui doit être prise serait de nature à compromettre les intérêts du demandeur;
Attendu qu'en l'espèce l'Immeuble acheté abrite un bar restaurant; que l'acquéreur en achetant au prix de 30.000.000 de francs cet immeuble n'avait en vue que l'édification d'une mosquée; que la réalisation de tel projet ne doit souffrir d'aucun retard tant il est vrai que même la production des documents et autorisation Administrative y afférente ont été simplifiées;
Que l'urgence recommande qu'on statue sur l'expulsion pour éviter que ne soient compromis non seulement les intérêts de E. mais aussi ceux de S.; que c'est donc à bon droit que le juge s'est déclaré compétent;
Sur la validité du congé;
Attendu que le paragraphe 3 du contrat de bail prévoit que le bail pourra être ré~ à la demande de l'une des deux parties qui informera l'autre par lettre recommandée et signée avec préavis d'un mois avant l'échéance de chaque période;
Attendu qu'en application de ce texte E. a par exploit du 14/03/03 donné congé à S. de libérer les lieux le 14 avril 2003;
Attendu que pour contester le congé S. prétend qu'étant bail commercial, il ne peut prendre fin par la vente des locaux; lequel congé ne peut en application de l'article 93 de l'acte uniforme OHADA être d'une durée inférieure à 6 mois;
Mais attendu que le congé est un acte unilatéral qui met fin au bail sans qu'il soit dans le besoin de le valider; qu'il n'est soumis en principe à aucune formalité dès lors qu'il exprime la volonté de la part de celui qui le donne de mettre fin au bail;
Attendu que le délai de 6 mois n'est exigé qu'autant qu'au moment de la rédaction du contrat toutes les parties connaissaient les dispositions de la loi en la matière et s'y sont référées;
Attendu qu'il est évident qu'en l'espèce les deux parties ont volontairement et mutuellement accepté que le délai de congé soit d'un mois; que depuis 1999, date de l'établissement du contrat la disposition n'a pas été dénoncée qu'aux termes de l'article 1434 du Code Civil, les conventions légalement faites tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites que pour toutes ces raisons, il y a lieu de valider le congé et de confirmer la décision attaquée sur ce point;
Sur l'expulsion;
Attendu dès lors que le délai accordé à S. est expiré; son maintien sur les lieux sans droit ni titre trouble la jouissance de E. sur le terrain acquis; qu'il y a alors urgence à faire expulser S.; que par conséquent c'est à bon droit que le premier juge a ordonné son expulsion et la décision attaquée doit être confirmée aussi sur ce point;
Attendu que de tout ce qui précède il y a lieu de confirmer purement et simplement l'ordonnance attaquée;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
– Reçoit l'appel de S. régulier en la forme;
AU FOND
– Confirme purement et simplement l'ordonnance attaquée;
– Condamne S. aux dépens.
Président : M. SALISSOU OUSMANE
Note
Cet arrêt rendu par la Cour d :4ppel de Niamey est intéressant à plus d'un titre.
D'abord, il fait du but immédiat ayant déterminé l'engagement de l'acquéreur, la cause, l'urgence pour justifier la compétence du juge des référés.
En effet selon la Cour, l'acquéreur ayant acquis l'immeuble en vue de l'édification d'une mosquée, la réalisation d'un tel projet ne doit souffrir d'aucun retard. Cette urgence donc commande que compétence soit reconnue au juge des référés pour statuer sur l'expulsion du locataire des lieux.
Ensuite, en validant le congé d'un mois alors que l'Acte uniforme portant droit commercial général exige un délai minimum de 6 mois, la Cour d’appel de Niamey admet la possibilité de déroger à l'article 93. Ce qui pose le problème du caractère de la disposition contenue dans cet article.
En effet, aux termes de l'alinéa 1er de l'article 93, toute partie qui entend résilier un bail à durée indéterminée, doit donner congé par acte extra judiciaire au moins six mois à l'avance. Or cette disposition est d'ordre public, selon l'article 102. Il en résulte que le contrat de bail ayant été conclu en 1999, et donc postérieurement à l'entrée en vigueur de l’Acte uniforme, 1er janvier 1998, le délai à prendre en compte est celui de 6 mois au moins, la volonté des parties ne pouvant se substituer ici à la loi communautaire. Ainsi en validant le congé d'un mois sur la base de l'article 1134 c. civ, la Cour d’appel n'a t-elle pas violé les articles 93 et 102 de l'Acte uniforme?
BROU Kouakou Mathurin