J-05-169
PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT DE CRÉANCE – INJONCTION DE PAYER – CRÉANCE – EXISTENCE – EXTINCTION – PREUVE DU PAIEMENT (NON) – COMPENSATION – RÉUNION DES CONDITIONS – ABSENCE DE PREUVE.
Il incombe au débiteur poursuivi qui ne conteste pas l'existence de la dette mais soutient s'être entièrement libéré, d'en justifier le paiement ou de démontrer le fait qui avait produit l'extinction de son obligation.
Par conséquent, il y a lieu de restituer à l'ordonnance querellée son plein et entier effet, le débiteur n'apportant pas ces preuves.
En décidant autrement, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision qui encourt la cassation.
(CCJA, ARRET N° 26 DU 15 JUILLET 2004 , Société DJAMAN et Compagnie C/ Entreprise Nationale de Télécommunication dite ENATELCOM , Le Juris Ohada, n° 4/2004, octobre-décembre 2004, p. 10.- Recueil de jurisprudence, n° 4, juillet-décembre 2004, p. 23. – Jurisprudence commentée de la CCJA, n° 1, octobre 2005, p. 20, note Félix Onana Etoundi).
LA COUR,
Sur le renvoi, en application de l'article 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l'affaire Société DJAMAN et Compagnies contre Entreprise Nationale de Télécommunication dite ENATELCOM, par arrêt n° 157/02 du 14 février 2002 de la Cour Suprême de COTE D'IVOIRE, Chambre Judiciaire, saisie d'un pourvoi formé le 10 août 2001 à la Société DJAMAN et Compagnies ayant pour conseil Maître OBOUMOU DOLE Marcellin, Avocat à la Cour, demeurant Boulevard Valéry Giscard l'Estaing, face à l'hôtel Ibis Marcory, à l'immeuble LAVEGARDE, 1er étage porte de droite, 18 BP 2759 Abidjan 18, en cassation de l'arrêt n° 140 rendu le 26 janvier 2001 par la Cour d'appel l'Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
EN LA FORME
Déclare la société Enatelcom recevable en son appel relevé du jugement civil n° 705 rendu le 31 juillet 2002 par le Tribunal de Première Instance l'Abidjan;
AU FOND
L'y dit bien fondée;
Infirme le jugement querellé;
Statuant à nouveau, rétracte l'ordonnance d'injonction de payer n° 2702 du 4 avril 2000;
Condamne la Société DJAMAN et Compagnie aux dépens»;
La requérante invoque à l'appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu'il figure dans l'exploit de pourvoi en cassation;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAïDAGI;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à'harmonisation es affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et l'A e l'OHADA;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier de la procédure que suite à des 'installation de fibres optiques effectués à Korhogo, la Société DJAMAN et Compagnie adressait à ENATELCOM une facture d'un montant de 17.068.870 CFA; qu'ayant estimé qu'ENA TELCOM ne s'était libérée que d'une partie du montant de la facture et que toutes les réclamations amiables étaient restées vaines, la Société DJAMAN et Compagnie initiait une procédure d'injonction de payer levant le Président du Tribunal de Première Instance d 'Abidjan, lequel condamnait, par Ordonnance n° 2702/2000 en date du 04 avril 2000 ENATELCOM à payer à la requérante la somme principale de 9.264.913 F/CFA; que sur opposition d'ENATELCOM, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan restituait, par jugement n° 705 en date du 31 juillet 2000, à l'ordonnance sus-indiquée son entier effet; que, sur appel d'ENATELCOM, la Cour d'appel d'Abidjan, par arrêt n°140 rendu le 26 janvier 2001 dont pourvoi, infirmait le jugement entrepris et l’ordonnance d'injonction de payer sus-évoquée sur le moyen unique de pris en ses deux branches;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué un manque de base légale résultant de l'insuffisance ou de l'obscurité des motifs en ce que la Cour d'Appel, d'une part, a insuffisamment motivé sa décision en indiquant que la Société ENA TELCOM «conteste la dette réclamée par la Société DJAMAN et Compagnies et qu'elle produit des pièces attestant qu'elle a effectué des paiements» et en estimant que la créance ne remplissait pas les conditions de l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution alors que, selon la requérante, la question posée dans le cas d'espèce n'est pas celle de savoir si la Société ENATELCOM a ou n'a pas effectué «des paiements» mais plutôt de savoir si les paiements effectués au vu des pièces produites ont eu ou non pour effet d'éteindre la dette en cause; que, d’autre part, il y a obscurité des motifs lorsque la même Cour d'Appel soutient que «les conditions de la créance exigées par l'article 1er de l'Acte uniforme sus-évoqué ne sont pas remplies et tire la conséquence qu'il y aurait une contestation sérieuse alors que, toujours selon la requérante, l'origine contractuelle de la créance n'a jamais été contestée de même que sa liquidité et son exigibilité;
Attendu qu'aux termes de l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution «le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer»;
Attendu que pour infirmer le jugement entrepris et rétracter l'ordonnance d'injonction de payer, l'arrêt attaqué se borne à énoncer «... que l'appelante conteste la dette réclamée par la Société DJAMAN et Compagnie, elle produit des pièces attestant qu'elle a effectué des paiements…… les conditions de la créance exigées par l'article 1er du traité OHADA relatif au recouvrement simplifié des créances ne sont pas réunies, il y a une contestation sérieuse …»; sans démontrer que ces paiements ont eu pour effet d'éteindre totalement la dette de ENATELCOM ni en quoi la créance objet de la procédure d'injonction de payer ne remplissait pas les trois conditions de certitude, de liquidité et d'exigibilité prévues par l’article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; qu'il s'ensuit que la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision et qu'en conséquence il y a lieu de casser l'arrêt attaqué et d'évoquer;
Sur l'évocation;
Attendu que par exploit d'huissier en date du 08 août 2000 ENA TELCOM a relevé appel du jugement n° 705 rendu le 31 juillet 2000 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
«Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
Déclare l'opposition recevable mais mal fondée;
Restitue à l'ordonnance n° 2702/2000 du 14 avril 2000 son plein et entier effet; Condamne ENA TELCOM aux entiers dépens»;
Attendu que ENATELCOM, appelante, demande d'infirmer le jugement entrepris, de dire et juger que «la créance n'est pas certaine car elle n'existe pas, de constater par conséquent que le premier juge a violé les dispositions de l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution et de constater que la créance a été apurée par chèques et par compensation»;
Attendu qu'à l'appui de ses demandes ENATELCOM soutient que le montant de la facture s'élève à 15.961.870 F/CFA alors que l'intimé a présenté une facture de 17.068.870 F/CFA en surévaluant le prix du tube d'acier à 58.000 F/CFA le mètre au lieu de 40.000 F tel que cela résulte de la facture présentée à COTE D'IVOIRE TELECOM; que sur ce montant de 15.961.870 F/CFA, la Société DJAMAN et Compagnies avait une commission de 60 % en tant que sous-traitante soit 9.577.122 F/CFA; que sur cette dernière somme ENATELCOM soutient qu'elle a payé 3.699.357 F/CFA par chèques et 2.000.000 F/CFA par ordre de virement et le reliquat de 3.877.765 F/CFA par compensation pour avoir fourni à la Société DJAMAN et Compagnies du matériel téléphonique d'un montant de 3.675.440 F/CFA sur lequel cette dernière n'a payé que 500.000 F/CFA et que lors de l'exécution des travaux effectués par la Société DJAMAN et Compagnies elle lui a fourni du matériel et du personnel; qu'à ce jour donc elle ne reste devoir aucune somme d'argent à l'intimée;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 1er de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution aux termes duquel «le recouvrement d'une créance certaine, liquide et d'exigibilité;
Attendu que dans sa requête aux fins d'injonction de payer, la Société DJAMAN et Compagnies avait soutenu que sur une créance de 17.068.870 F/CFA, elle n'avait reçu paiement que de 7.803.957 F/CFA soit par chèque soit par virement bancaire ou encore par compensation de dette; que c'est pour cette raison qu'elle demande au Président du Tribunal de condamner ENATELCOM à lui payer le reliquat de la créance s'élevant à 9.264.913 F/CFA; qu'à cette requête étaient jointes une copie de la facture n° 0002/10.10/09.99 en date du 22 septembre 1999 d'un montant de 17.068.870 francs au titre des travaux effectués du 20/05 au 30/07/1999, facture préalablement adressée à ENA TELCOM et reçue par celle-ci depuis le 22 septembre 1999, et les photocopies
de trois chèques d'un montant total de 3.699.357 F/CFA; que ENATELCOM, pour sa part, avait tout au long de la procédure non seulement contesté le montant initial de la dette, mais également soutenu s'être entièrement acquittée de ladite dette par chèques, par virement bancaire ou par compensation;
Attendu que ENA TELCOM ne contestant pas l'existence de la dette mais soutenant s'être entièrement libérée, il lui incombait d'en justifier le paiement ou de démontrer le fait qui avait produit l'extinction de son obligation; qu'en l'espèce, non seulement ENA TELCOM ne justifie pas qu'il existait entre les parties un contrat des ous-traitance a ux conditions indiquées par elle et que les paiements allégués avaient eu pour effet d'apurer le reliquat de la créance réclamée, mais ne rapporte pas non plus la preuve que les conditions de la compensation telles que prévues par la loi étaient réunies; que dès lors, en restituant à l'Ordonnance n° 2702/2000 en date du 14 avril 2000 son plein et entier effet, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan a fait une saine appréciation des faits de la cause; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris;
Attendu que ENA TELCOM ayant succombé, doit être condamnée aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré;
Casse l'arrêt n° 140 rendu le 26 juin 2001 par la Cour d'Appel d'Abidjan;
Evoquant et statuant sur le fond;
Confirme le jugement n° 705 rendu le 31 juillet 2000 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
Restitue à l'Ordonnance d'injonction de payer n° 2702/2000 du 14 avril 2000 du Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan son plein et entier effet;
Condamne ENA TELCOM aux dépens. Président : M. Seydou BA