J-06-04
SURETES – NANTISSEMENT – NON RENOUVELLEMENT DE L’INSCRIPTION DU BIEN NANTI – REALISATION DU BIEN NANTI – CREANCIER POURSUIVANY AUTEUR DU DELIT DE DISPOSITION DE BIEN D’AUTRUI.
Article 273 NOUVEAU DU CODE PENAL MALIEN
Article 63 AUDCG
Article 56 AUS
Article 102 AUS
Article 104 AUS
Article 105 AUS
Article 149 AUS
Se rend coupable de l’infraction de « disposition de bien d’autrui » un créancier qui fait procéder à la vente aux enchères publiques des biens de son débiteur sur lesquels portait son nantissement mais dont l’inscription était périmée du fait de non renouvellement.
(Tribunal de première instance de Bamako, jugement n 48 du 24 juin 2004, BALLY S.A c/ BICIM).
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 24 juin 2004.
LE TRIBUNAL
SUR L’ACTION PUBLIQUE
Vu les pièces du dossier.
Oui le prévenu en ses interrogatoires.
Oui la partie civile en sa demande.
Oui le Ministère public en ses réquisitions.
Oui le prévenu en ses moyens de défense :
Il résulte des pièces du dossier et des débats : que le 29/12/2003 dans une instance en référé opposant la BALLY S.A le juge des référés de ce siège a rendu une ordonnance n 315 dont le dispositif est ainsi conçu :
– « NOUS PRESIDENT DU TRIBUNAL, JUDE DES REFERES.
Contradictoire.
1) SUR L’EXCEPTION D’INCOMPETENCE D’ATTRIBUTION
Le déclarons recevable en la forme pour avoir été soulevée avant toute défense :
Au fond retenons notre compétence.
2) SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
Déclarons BALLY S.A recevable en sa demande en la forme.
Au fond, vu les dispositions combinées des articles 497 nouveaux du CPCCS et 102 de l’Acte Uniforme de l’OHADA du 17 Avril 1997 portant organisation des sûretés :
Constatons le non renouvellement par la BICIM S.A de l’inscription du nantissement n 2002 S.03.71du 11 mars 2002;
Disons en conséquence que ledit nantissement a cessé de produire ses effets à compter du 11 mars 2003;
Disons exécutoire à titre provisoire la présente ordonnance au sens de l’article 495 nouveau du CPCCS;
Laissons les dépens à la charge des défendeurs ».
Qu’à la requête de la BICIM S.A Me. Namakoro DIALLO Huissier de justice à Bamako a apposé par P.V du 15/12/2003 des affiches annonçant la vente aux enchères publiques de 4000cartons de MALBORO ROUGE FOOL FLAVOUR NANTIS par la société BALLY S.A au profit de la BICIM S.A.
Que suivant un P.V de vente aux enchères publiques daté du 05/01/2004 Maître Zan Coulibaly Commissaire priseur à Bamako a vendu 3700cartons de cigarettes qui furent adjugés à la BICIM S.A faute d’enchérisseur à 111 000 000 FCFA; que par une requête datée du 06/01/2004, la société BALLY S.Aa fait citer conformément aux articles 385 et 536 du CPP le Procureur de la République près le Tribunal de céans et la BICIM S.A prise en la personne de LUC VIDAL son Président Directeur Général et a demandé au Tribunal de déclarer sur les réquisitions du Ministère public : LUC VIDAL en qualité d’Administrateur Général de la BICIM S.A coupable de disposition du bien d’autrui, de condamner le prévenu à payer à BALLY S.A : 1.416 000 000 FCFA en principal 350 000 000 FCFA à titre de dommages-intérêts et l’exécution provisoire du présent jugement.
A l’appui de sa plainte la société BALLY S.A a assisté aux débats pour la SCPA Juris consult plaidant par Maîtres Mamadou I. KONATE et Oumar BANE Avocats au Barreau du Mali a expliqué :
– qu’elle confirme sa plainte contre LUC VIDAL : qu’elle appelle la BICIM S.A en qualité de Civilement Responsable; qu’elle n’actionne pas une personne morale comme prévenue, mais bien LUC VIDAL personne physique; qu’en conséquence elle conclut au rejet de l’exception d’incompétence d’attribution que soulève les conseils de LUC VIDAL et de la BICIM S.A;
– que l’enlèvement et la vente des cigarettes sur ordre de LUC VIDAL Président Directeur Général de la BICIM S.A alors que le nantissement avait cessé de produire effet faute de renouvellement comme cela est attesté par l’ordonnance de référé rendue par le Juge des référés de ce Tribunal, fait que LUC VIDAL s’est rendu coupable de disposition d’un bien qui était totalement la propriété de la société BALLY S.A. Que c’est pourquoi elle demande le paiement de 1.416 000 000 FCFA en principal et 350 000 000 FCFA à titre de Dommages-intérêts.
Le prévenu LUC VIDAL et la BICIM S.A civilement responsable assistés par Maîtres Magatte A. SEYE et Bassalifou SYLLA Avocats au Barreau du Mali ont fait valoir :
– qu’ils soulèvent avant tout débat au fond l’incompétence d’attribution du Tribunal au motif que la BICIM S.A en tant que personne morale ne peut être l’objet de poursuites pénales; que le Tribunal doit se déclarer incompétent;
– que sur les faits au fond, ils font observer que LUC VIDAL n’a commis aucune infraction : que le délit de disposition du bien d’autrui suppose la mauvaise foi du prévenu et a côté un débiteur de mauvaise foi qui refuse à la barre du Tribunal de reconnaître sa signature apposée sur une traite; que LUC VIDAL n’a pas personnellement transporté les cartons et n’a personnellement pas encaissé le prix de vente; qu’il aurait fallu rechercher sa complicité pour avoir permis la vente des 3000cartons de cigarettes MALBORO;
– Que c’est pourquoi ils demandent au Tribunal :
– de recevoir l’exception d’incompétence d’attribution soulevée, de se déclarer incompétent et le cas échéant de relaxer LUC VIDAL des fins de la poursuite;
– de recevoir la demande reconventionnelle de LUC VIDAL pour action abusive contre Mossadeck BALLY et de le condamner au paiement de la somme de 1 000 000 de FCFA (un million) à titre de dommages-intérêts symbolique;
– le Ministère public a requis l’application de la loi.
SUR CE LE TRIBUNAL
I) SUR L’ACTION PUBLIQUE
Sur l’exception d’incompétence d’attribution soulevée par les Conseils de LUC VIDAL et de la BICIM S.A
Attendu qu’il est constant que ni le code pénal ni les lois pénales spéciales maliennes ne font aucune allusion à la responsabilité pénale des personnes morales.
Que cependant il est acquis que les dirigeants et les organes des personnes morales peuvent être seuls poursuivis pour une infraction pénale ayant procuré à la personne morale un profit ou un avantage; qu’il suffit de prouver que cette infraction a bien été commise par un représentant ou un organe de personne morale; qu’il pourra s’agir du Président Directeur d’une société anonyme ou du Directeur Général nommé par le conseil d’administration de la société : JEAN-PAUL ANTOUA PHILIPPE COLIN FRANÇOIS LANPLART « La responsabilité pénale des cadres et des dirigeants dans le monde des affaires » DALLOZ 1996 pages 576.
Attendu qu’en l’espèce la requête en citation directe de la société BALLY S.A ayant mis en mouvement l’action publique, vise et la BICIM S.A personne morale et Monsieur LUC VIDAL personne physique, Président Directeur Général de la BICIM S.A; que BALLY S.A demande en substance dans le dispositif de sa requête à l’instruction définitive à la barre du Tribunal; la société BALLY S.Aasans aucune hésitation ni doute fait connaître qu’elle actionne pour disposition du bien d’autrui LUC VIDAL en qualité de Président Directeur Général de la BICIM S.A donc de dirigeant de la personne morale (BICIM S.A).
Attendu qu’en conséquence il y a lieu de déclarer les conseils de la BICIM S.A et de LUC VIDAL : recevables en l’exception d’incompétence pour l’avoir soulevée avant tout débat au fond mais de retenir notre compétence LUC VIDAL étant seul visé comme prévenu du délit de disposition de 3000cartons de cigarettes la BICIM S.A n’y étant visée que comme civilement responsable ou garante de LUC VIDAL son préposé.
SUR LE FOND
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 273 nouveau du code pénal que « la vente ou mise en gage du bien d’autrui, assortie de mauvaise foi, sera punie d’un emprisonnement de un à cinq ans au plus et pourra même d’une amande de 180 000 FCFA à 1.800 000 FCFA ».
Attendu que les éléments constitutifs de l’infraction du délit de l’article 273 nouveau du code pénal seront d’abord la vente ou la mise en gage d’un bien appartenant à autrui. L’élément intentionnel c’est-à-dire l’intention coupable est la mauvaise foi du prévenu la conscience qu’avait l’auteur de disposer d’un bien qu’il savait appartenir à autrui.
Attendu qu’enfin l’élément légal résulte à suffisance de l’indemnisation résultant des termes de l’article 273 nouveau du code pénal.
SUR LA VENTE DE LA CHOSE D’AUTRUI
Attendu qu’il est acquis que suivant procès-verbal de vente aux enchères publiques daté du 05/01/2004 à la requête de la BICIM S.A représentée par M. LUC VIDAL son Président Directeur Général Me Namakoro DIALLOa fait apposer des affiches publicitaires aux lieux habituels pour annoncer la vente aux enchères de 4000cartons nantis au profit de la BICIM S.A.
Que à la date du 05/01/2004 Me Zan Coulibaly Commissaire-priseur a procédé à la vente aux enchères publiques des 4000cartons de cigarettes gagés.
Attendu que par application des dispositions des articles 56, 104 et 105 de l’Acte Uniforme du 17/04/1997 de l’OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement des voies d’exécution, la BICIM S.A en se fondant sur un nantissement qui était arrivé à échéance du fait du non renouvellement attesté par un certificat de non renouvellement versé au dossier pour procéder à l’enlèvement des marchandises qui n’étaient pas sa propriété, et dont elle avait perdu le bénéfice découlant du statut de créancier nanti a disposé du bien d’autrui.
Attendu que l’huissier de justice Me Namakoro DIALLOaagit sur ordre de M. LUC VIDAL Président Directeur Général représentant la BICIM S.A agissant pour le compte de celle-ci.
Attendu qu’il est constant que la vente dont il s’agit par disposition du bien appartenant à la société BALLY S.A en violation des articles 56, 104 à 105 et de l’Acte Uniforme sur les Sûretés a bel et bien procuré un avantage à la BICIM S.A qui s’est vue adjugée les marchandises faute d’acquéreur; que les conditions de la responsabilité pénale de M. Luc VIDAL Président Directeur Général de la BICIM SA et représentant de celle-ci pour avoir fait vendre le gage sans la procédure préalable de réalisation sont bien réunies parce qu’ayant agi en personne morale à savoir la BICIM S.A un avantage certain.
SUR L’ELEMENT INTENTIONNEL
Attendu que le délit de disposition du bien d’autrui est une infraction formelle; que l’intention coupable du prévenu se situe au cœur des actes positifs constitutifs de l’élément matériel de vente; qu’en l’espèce le bien nanti n’était qu’un dépôt entre ses mains.
Attendu qu’il échet de tout ce qui précède de dire qu’il résulte des pièces du dossier et des débats la preuve contre LUC VIDAL en sa qualité de Président Directeur Général de la BICIM S.A et de représentant de celle-ci de s’être rendu coupable du délit de disposition du bien d’autrui tel que spécifié et qualifié dans la prévention.
Attendu qu’il existe en la cause circonstances atténuantes au sens des articles 16 et 17 du code Pénal.
Qu’il sera donc déclaré coupable de disposition du bien d’autrui au sens de l’article 273 nouveau du code pénal.
II) SUR L’ACTION CIVILE
Maîtres Mamadou KONATE et Oumar Avocats au Barreau du Mali ont demandé au nom de la société BALLY S.A partie civile la condamnation du prévenu LUC VIDAL à payer les sommes ci-après :
– 1.416 000 000 FCFA en réparation du préjudicie matériel;
– 300 000 000 FCFA à titre de dommages intérêts, de déclarer la BICIM S.A civilement responsable de son préposé LUC VIDAL; et ordonner l’exécution provisoire du présent jugement sur les intérêts civils.
Attendu que le jugement ayant déclaré LUC VIDAL coupable de disposition du bien d’autrui; il convient de déclarer la société BALLY S.A recevable en sa demande de réparation.
Attendu que la vente de ses biens à savoir les 4000cartons de cigarettes MALBORO sur instructions du prévenu ayant produit à la BICIM S.A un avantage légitimement pour causer à la société BALLY SA un préjudice matériel et moral certain que cependant il y a lieu de condamner le prévenu à payer à BALLY S.A seulement la somme de : 1.416 000 000 FCFA à titre de réparation du préjudice matériel et celle de 300 000 000 FCFA à titre de Dommages-intérêts puis de l’en débouter pour le surplus.
Attendu qu’il est autant que le prévenu LUC VIDALaagi pour le compte de la BICIM S.A dont il est le représentant et dans l’intérêt de celle-ci.
Attendu qu’en conséquence il échet de déclarer la BICIM S.A garante des condamnations pécuniaires prononcées contre son préposé.
SUR LA DEMANDE D’EXECUTION PROVISOIRE
Attendu que la société BALLY S.Aaen outre sollicité l’exécution provisoire du présent jugement sur les intérêts civils.
Attendu que la nature de l’affaire est compatible avec l’exécution provisoire; qu’il échet de l’ordonner pour la moitié du principal.
LE TRIBUNAL
1) SUR L’ACTION PUBLIQUE
En l’exception d’incompétence d’attribution soulevée
La reçoit en la forme.
Au fond
La déclare sans objet.
Déclare LUC VIDAL Président Directeur Général de la BICIM S.A coupable de disposition du bien d’autrui.
En répression, le condamne à la peine de 500 000 FCFA d’amende.
2) SUR L’ACTION CIVILE
Reçoit la société BALLY S.A en sa demande de réparation.
Condamne LUC VIDAL prévenu à lui payer en principal 1.416 000 000 FCFA et 300 000 000 FCFA à titre de Dommages intérêts.
Déclare la BICIM S.A garante de son préposé LUC VIDAL.
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement pour la moitié du principal.
Condamne LUC VIDAL aux entiers dépens.
OBSERVATIONS SUR LE JUGEMENT DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE LA COMMUNE III DU DISTICT DE BAMAKO. Jugement n 487/JUGT du 24 juin 2004
Dans son jugement, le Tribunal de la commune III du District de Bamako, statuant en matière correctionnelle, décidait qu’un créancier qui fait procéder à la vente aux enchères publiques d’un bien sur lequel avait été constitué un nantissement, à son profit, mais ayant cessé ses effets, faute de renouvellement, se rendait coupable du délit de disposition du bien d’autrui.
Dans l’espèce qui lui était soumise, le tribunal ne semble pas avoir fait preuve, à suffisance, de discernement pour mieux déceler les conséquences découlant du défaut de renouvellement d’une inscription de nantissement (I) et cette fausse appréciation l’a conduit à occulter la véritable solution qu’un tel litige requiert (II).
Avant de développer nos observations, il convient, d’abord, de restituer les faits. Ils sont relativement classiques en droit des sûretés.
La Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie au Mali (BICIM) bénéficiait d’un nantissement constitué sur stocks de marchandises pour garantir, sûrement, un prêt qu’elle avait accordé à la Société BALLY S.A.
Le jugement ne renseigne guère sur le montant du prêt consenti. La Banque, ayant constaté, à l’échéance, la défaillance de la Société débitrice dans le remboursement du prêt,a entamé la procédure de réalisation dudit nantissement.
D’abord, elle fait apposer, par exploit d’huissier, en date du 15 décembre 2003, des affiches annonçant la vente aux enchères publiques portant sur 4000cartons de cigarettes MARLBORO ROUGE FOOL FLAVOUR, objets du nantissement constitué à son profit.
Ensuite, lors de ladite vente effectuée le 05 janvier 2004 par ministère d’un commissaire priseur, 3.700cartons de cigarette, faute d’enchérisseur, ont été adjugés à la BICIM pour une valeur de 111 000 000 Fcfa.
Pour s’opposer à cette procédure de réalisation entamée par la Banque, le débiteur se prévaut du défaut de renouvellement de l’inscription par la Banque et prétend que le nantissement a, par conséquent, cessé de produire ses effets. La prétention de la Société BALLY S.A.a été, d’ailleurs, confirmée, par une ordonnance de référé, rendue, sans doute, sur requête de BALLY S.A. et intervenue le 29 décembre 2003, soit 7 jours avant la vente aux enchères. Cette ordonnance du juge des référés prévoyait, dans son dispositif, d’une part, que le nantissement, dont il est question, a cessé de produire ses effets à compter du 11 mars 2003, et d’autre part, que cette ordonnance est exécutoire à titre provisoire.
Le 06 janvier 2004, c’est-à-dire le lendemain même du jour de la vente aux enchères, la Société BALLY S.A.a fait citer devant le Tribunal Correctionnel de la Commune III du District de Bamako, la Banque, prise en la personne de son Directeur Général sur le chef de Disposition du bien d’autrui qui constitue un délit au sens de l’article 273 nouveau du code pénal malien.
Le Tribunal, faisant droit à la prétention de la Société BALLY S.A.,a estimé que, par application des dispositions des articles 56, 104 et 105 de l’acte uniforme de l’OHADA sur les Procédures Simplifiées de Recouvrement et de Voies d’Exécution, « la BICIM, en se fondant sur un nantissement qui était arrivé à échéance du fait du non renouvellement, attesté par un certificat de non renouvellement versé au dossier, pour procéder à l’enlèvement des marchandises qui n’étaient pas sa propriété et dont elle avait perdu le bénéfice découlant du statut de créancier nanti ,a disposé du bien d’autrui ».
En conséquence, le Directeur Général de la BICIM, Monsieur Luc VIDAL,a été reconnu, au pénal, coupable de disposition de bien d’autrui et condamné à verser 500 000 Fcfa d’amende, d’une part, et d’autre part, au civil, il a été, également condamné à payer, en principal, 1.416 000 000 Fcfa et 300 000 000 à titre de dommages intérêts. Le Tribunal a, en outre, déclaré la BICIM garante de son préposé Luc VIDAL et a, enfin, ordonné l’exécution provisoire de son jugement pour la moitié du principal.
Telle est la réponse du Tribunal à la question de savoir si le défaut de renouvellement d’une inscription de nantissement entraîne l’extinction de cette sûreté?
La solution donnée par cette juridiction de Bamako n’est pas à approuver et mérite que nous y portions les observations suivantes.
I. DE LA SURVIE DU CONTRAT DE NANTISSEMENT AU DEFAUT DE RENOUVELLEMENT DE L’INSCRIPTION
La péremption est la sanction qui anéantit les effets que l’inscription est censée conférer au nantissement de stocks. Elle intervient pour cause de non renouvellement de l’inscription au bout d’un an constituant le délai légal pendant lequel cette inscription conserve toute son efficacité.
La portée de la péremption ne peut, donc, être définie que lorsque l’étendue des effets, qu’elle est destinée à anéantir, est délimitée avec précision.
C’est l’article 63 de l’acte uniforme sur le droit commercial général qui renseigne sur la nature des effets découlant de l’inscription du nantissement. Cet article précise que « l’inscription régulièrement prise est opposable aux parties et aux tiers, à compter de la date d’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier,…pendant une durée d’un an pour l’inscription du nantissement de stocks… ». En fait, l’inscription est un moyen de publicité consistant en l’insertion des informations relatives à l’étendue du nantissement. Elle n’est pas, en soi, opposable, elle confère, plutôt, cette opposabilité à la sûreté dont elle accompagne la constitution.
L’opposabilité du nantissement est, donc, l’effet que produit l’inscription, et comme la péremption ne frappe que l’inscription ayant dépassé son délai légal d’efficacité, alors, cette péremption ne peut anéantir que les effets issus de cette inscription. D’où il ressort que la péremption encourue pour défaut de renouvellement de l’inscription n’anéantit que l’opposabilité du nantissement aux parties et aux tiers. En d’autres termes, un nantissement dont l’inscription dans le registre n’a pas été renouvelée au bout d’une année, n’est pas opposable aux parties et aux tiers.
Que le nantissement soit rendu inopposable aux tiers pour cause de non renouvellement de l’inscription, cela peut se comprendre car il s’agit de la conséquence logique tirée d’un défaut de publicité destinée à renseigner les personnes qui ne sont pas parties au contrat de nantissement. On suppose qu’elles n’ont pu être informées sur l’existence de la convention des parties. Le contrat de nantissement est et demeure l’affaire des seules parties. Les tiers « non informés » ne doivent, donc, pas en subir les effets qui altéreraient leurs droits (A).
En revanche, du fait de la péremption de l’inscription, que le nantissement soit rendu inopposable aux parties, elles-mêmes, cela résume, en réalité, toute la problématique de l’espèce. L’inopposabilité n’est pas synonyme de caducité, et comme nous allons le démontrer, le nantissement conserve toute sa validité entre les parties, malgré la péremption de l’inscription. En effet, l’inopposabilité n’affecte guère les rapports entre parties; elle se situe en dehors des relations contractuelles entre le créancier nanti et le débiteur (B).
A. La péremption de l’inscription, source d’inopposabilité du nantissement aux tiers
Le nantissement est une sûreté réelle mobilière n’entraînant pas, dans sa constitution, la dépossession du débiteur constituant. Ce dernier conserve la détention matérielle des biens nantis jusqu’à la phase de réalisation du nantissement consécutive à sa défaillance dans le remboursement. La formule du nantissement de stock a été préférée, par le législateur de l’OHADA, au warrant de marchandises, pourtant, très protecteur des droits du créancier, pour des raisons, semble t-il, d’ordre pratique.
Le warrant de marchandises est un véritable gage par entièrement. Le débiteur est, en effet, dessaisi des marchandises, objet de la garantie, qui sont, alors, entreposées dans un magasin général. Un récépissé de propriété lui est délivré auquel il est annexé un warrant représentant le titre de garantie du créancier. Le récépissé et le warrant peuvent être cédés ensemble ou séparément, notamment par voie d’endossement.
Le warrant présente l’avantage de conserver les droits du créancier qui portent, en principe sur des biens fongibles (les marchandises) par le stockage de la quantité convenue dans un magasin et hors la libre disposition du débiteur. L’acte de dessaisissement du débiteur, ainsi opéré, n’est pas, uniquement, destiné à reporter les droits du créancier, encas de vente, sur le prix des marchandises warrantées, mais aussi et surtout à informer les tiers disposant de droits concurrents à l’encontre du débiteur, sur l’existence de la préférence du créancier bénéficiaire sur les marchandises « isolées ». Tout se passe exactement comme dans un gage classique. Le dessaisissement du débiteur emporte publicité de la sûreté et aucune autre formalité d’inscription n’est, en conséquence, exigée.
Les multiples inconvénients que révèle une telle technique sont, entre autres, le manque de discrétion dans sa pratique, le caractère périssable des marchandises warrantées, l’insuffisance de motivation du débiteur à vendre les produits stockés, auxquels il faudrait ajouter le coût de conservation et de gardiennage des produits warrantés dans les magasins.
Or, dans le nantissement de stocks, le débiteur conserve la possession des marchandises nanties mais s’engage à ne pas en diminuer la valeur. Il pourrait vendre les stocks tant que la vente n’affecte guère la quantité de marchandises convenue pour constituer la sûreté. Les marchandises étant des biens fongibles, la garantie du créancier ne porte, en réalité, que sur une quantité déterminée, et le débiteur n’est tenu que de maintenir, en stocks cette quantité minimale, gage de sa solvabilité à l’égard du créancier nanti. Toutes les opérations de vente et de renouvellement de stocks sont effectuées par le débiteur, lui même, mais sous le contrôle du créancier qui suit, au même moment, les variations de stocks. Avant l’échéance, ce dernier ne peut exiger la consignation du prix de vente des marchandises que lorsque la quantité minimale garantissant son paiement est entamée.
Mais le risque qu’une telle situation fait courir au créancier nanti, est assez évident. Dès lors, il ne s’agit pas de prévenir l’éventualité d’une vente occulte des produits nantis par le débiteur et qui méconnaîtrait les droits du créancier nanti, car cette éventualité peut, toujours s’avérer, le débiteur agissant de mauvaise foi, mais plutôt de rendre juridiquement inefficace l’opération irrégulière ainsi posée par le débiteur. Pour ce faire, il faudrait rendre inopposable au créancier la vente des marchandises nanties, effectuée en méconnaissance de ses droits.
Concevoir cette inopposabilité de plein droit ou de façon systématique, comme dans l’hypothèse des procédures collectives, protégerait, certes, le créancier nanti, mais elle ferait de l’acquéreur des biens, qui est un tiers ignorant, peut être, l’existence même du nantissement, « une victime innocente ». D’où la nécessité de publier l’existence du nantissement concédé par le débiteur. Il s’agit, exactement, d’une publicité de la même nature que celle que le dessaisissement du débiteur, dans le warrant de marchandises, est censé véhiculer à l’endroit d’éventuels contractants du débiteur. En droit communautaire de l’OHADA, comme en droit français, cette publicité s’effectue par le procédé de l’inscription dans un registre.
Cette inscription a pour unique objectif d’informer les tiers sur la situation réelle des marchandises nanties. Ces derniers ne pourraient, donc, pas ignorer cette inscription pour acquérir les biens qui en constituent l’objet, à moins qu’ils soient de mauvaise foi. L’inscription est donc, dans le nantissement, une mesure de publicité, tout comme le dessaisissement ou la dépossession est dans le warrant. Le législateur, lui-même, n’a, d’ailleurs, requis cette formalité que dans les sûretés qui, contrairement au gage, ne nécessitent pas le dessaisissement matériel du débiteur. Et ce sont ces sûretés qui portent, justement, le nom de nantissements (nantissement des actions et des parts sociales, nantissement du fonds de commerce, nantissement du matériel professionnel et des véhicules automobiles, nantissement des stocks).
Cette liste est complétée par d’autres sûretés à caractère spécifique que sont la clause de réserve de propriété et le contrat de crédit-bail. Elle n’a d’autre finalité que de renforcer l’efficacité des droits du créancier nanti à l’égard des tiers. Ainsi, la mauvaise foi est établie à l’encontre d’un tiers qui se porte acquéreur d’un bien objet d’un nantissement publié.
Si, par contre, le nantissement n’est pas inscrit, donc, publié, la bonne foi du tiers acquéreur est simplement présumée, et il sera protégé par les dispositions de l’article 2279, alinéa premier, du code civil français : » En fait de meubles, la possession vaut titre ». Il s’agit d’une présomption simple qui peut être levée, comme nous renseigne une certaine jurisprudence en France, s’il est établi que nonobstant le défaut de publicité dont l’inscription n’est que le moyen, le tiers acquéreur a pu être informé, d’une quelconque manière, de l’existence de la sûreté. Il ne pourrait, donc, pas se prévaloir du défaut d’inscription pour prétendre ignorer l’existence de la sûreté alors qu’il en avait eu connaissance, de par sa situation, ou même, peut être, de manière fortuite.
La publicité du nantissement par l’inscription présente beaucoup plus d’intérêt pour le créancier nanti lorsqu’il est ouvert contre son débiteur une procédure collective de redressement judiciaire ou de la liquidation des biens. L’inscription lui confère, alors, dans cette hypothèse, un droit de préférence par l’attribution de rang utile au détriment des créanciers chirographaires. Son droit de préférence porte sur la quantité de stocks convenue pour constituer le nantissement. Mais l’efficacité de la sûreté se trouve édulcorée du fait de l’absence du droit de rétention effectif au profit du créancier et du caractère fongible des marchandises. La jurisprudence françaisea eu l’occasion d’affirmer, lors du découlement des procédures collectives, le caractère purement informatif de la publicité par l’inscription. Elle a, en effet, refusé à un syndic la possibilité de se prévaloir du défaut d’inscription d’une sûreté par le créancier pour écarter ses effets au motif que le syndic représente le débiteur dans la procédure collective et qu’à ce titre, il ne peut invoquer les bénéfices d’une absence de formalité dont l’accomplissement ne profite qu’aux tiers.
Ainsi, les prétentions de la BICIM sur les cartons de cigarettes ne pouvaient être mises en échec que lorsqu’un autre créancier de la Société BALLY S.A. avait, déjà, pratiqué une saisie sur les mêmes produits. Peu importe que ce créancier soit nanti ou simple chirographaire, il est en situation de tiers qui ne subit aucun effet du nantissement dont l’inscription est atteinte par la péremption, mais dont la validité demeure acquise entre les parties.
B. La péremption de l’inscription et la validité du nantissement
L’article 63 de l’acte uniforme sur le droit commercial général ne s’est pas contenté de consacrer l’opposabilité de l’inscription à l’égard des seuls tiers, et cela, conformément à la vocation traditionnelle du principe, il a aussi affirmé qu’elle est, tout aussi, opposable aux parties.
Faire allusion aux parties par rapport à l’application du principe de l’opposabilité est, sans doute, source de confusion. On pourrait, en effet, comprendre, par cette disposition de l’article précité, que l’opposabilité est l’effet qu’engendre l’inscription entre les parties, autrement dit, le nantissement ne produit d’effet entre les parties que s’il est procédé à l’inscription, alors, imposée, « ad validitatem » et non « ad probationem ».
C’est sur cette interprétation que repose tout le dispositif du Tribunal de la Commune III de Bamako. Elle traduit que l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier intègre les conditions de validité du nantissement de stocks. En conséquence, une inscription périmée, faute de renouvellement dans le délai, entraînerait l’extinction du nantissement.
Cette interprétation est contestable à bien des égards. D’abord, elle ignore la véritable vocation de l’exigence de l’inscription. Comme nous avons démontré ci haut, l’inscription d’une sûreté, en général et du nantissement, en particulier, obéit à une vocation bien précise qui est celle d’informer les tiers susceptibles de disposer de droits concurrents à ceux du créancier nanti. En faisant du défaut de renouvellement d’une inscription de nantissement, une cause de déchéance ou d’extinction de cette sûreté, le Tribunal de la Commune III érige, en même temps, et de manière malencontreuse, la formalité de l’inscription en une véritable condition de validité du nantissement de stocks.
Ensuite, l’interprétation dénature le sens de l’expression « opposable aux parties ». Opposable se dit d’un acte ou d’un jugement dont les effets sont subis par des personnes n’ayant été ni parties, ni représentées. Il implique toujours, la situation d’une personne qui sent l’existence d’un acte juridique auquel elle est étrangère du fait qu’elle n’a pas été associée à son élaboration.
Ainsi, on peut dire que le créancier nanti oppose son droit à un autre créancier de son débiteur du fait de l’existence du contrat de nantissement inscrit. Mais, dans les rapports entre les parties elles mêmes, le mot « opposable » ne qualifie guère le droit que détient, en vertu d’un contrat, une partie à l’égard de l’autre. Il relève, plutôt, d’un abus de langage que de dire, par exemple qu’un créancier nanti oppose son droit au débiteur. Le débiteur n’est pas un tiers au contrat, il en est, plutôt, partie. La relation contractuelle établie entre les deux est soumise à ce qu’il est convenu d’appeler l’effet obligatoire du contrat.
Le contrat est formé Inter partes et l’opposabilité permet de rallonger cet effet qui se relativise en atteignant les tiers. D’où la notion d’effet relatif du contrat.
En admettant le raisonnement du Tribunal, on penserait que l’opposabilité de l’inscription s’opère entre les parties, or la lettre même de l’article 63 évoque opposabilité de l’inscription, non pas « entre les parties », ce qui aurait permis de penser que c’est cette formalité qui engendre l’obligation contractuelle du débiteur, mais plutôt « aux parties ».
L’expression « opposable aux parties » ne pourrait, donc, pas signifier qu’une partie se prévaudrait du contrat à l’égard de l’autre. Le créancier nanti et le débiteur forment, tous les deux, une communauté de contractants qui est exposée à cette opposabilité dont seul un tiers peut, en toutes hypothèses, se prévaloir.
Le raisonnement tient à une seule idée qui consiste à penser que si l’inscription rend le nantissement opposable aux tiers par les parties, alors elle le rend, tout autant, opposable, aux parties, elles même, par les tiers.
Le principe de l’opposabilité du contrat aux parties par les tiers est, aujourd’hui, admis, sans difficultés. Dans le cadre d’un nantissement de stocks, les hypothèses d’opposabilité du contrat aux parties, par les tiers sont assez fréquentes, et cela, compte tenu de la fongibilité des produits affectés à la sûreté.
Il peut, en effet, arriver, que le débiteur, rendu insolvable pour une raison quelconque, ait, en face de lui, plusieurs créanciers nantis dont les sûretés portent sur des quantités différentes de marchandises alors que le stock disponible est insuffisant pour répondre à leur besoin.
Par illustration de cette hypothèse, admettons, par exemple, que le nantissement d’un créancier a porte sur 10cartons de cigarettes, que celui d’un créancier B porte sur 20cartons, et que le nantissement du créancier C porte sur 45cartons de cigarettes alors que le débiteur ne détient en stock que 15cartons. La fongibilité des produits nantis rend incertaine l’efficacité du nantissement car, on ne peut identifier, avec précision, sur quels cartons, le nantissement a été constitué au profit d’un créancier déterminé. Tout ce qui est connu, c’est la quantité de stocks affectée à la sûreté d’un créancier.
Ce problème ne se pose pas dans l’hypothèse d’un gage classique. Ici, le bien gagé est suffisamment identifié pour permettre de connaître le créancier qui en bénéficie. Sur ce bien gagé, il n’entre en concours avec aucun autre créancier, ou du moins, il dispose d’un droit de préférence sur ce bien qui n’est pas discuté. Or, dans le nantissement de stocks de marchandises, compte tenu de l’insuffisance des produits dont dispose le débiteur, tous les créanciers nantis entrent en concours sur les mêmes biens, et le problème ne pourrait être résolu qu’en se fondant sur la date d’inscription des nantissements.
Ainsi, le créancier pourrait réaliser, sans difficultés, sa sûreté si le nantissement dont il se prévaut a été inscrit antérieurement à ceux constitués au profit des créanciers B et C. Et les 5cartons qui restent seront attribués au créancier B ou C, toujours en fonction de l’ordre de préférence établi par les différentes inscriptions de leur sûreté.
Un créancier nanti ne pourrait, donc, encas de concours, faire valoir son rang de préférence, qu’en fonction de la date d’inscription des nantissements constitués au profit des autres créanciers. Il compare la date d’inscription de sa propre sûreté à celle des créanciers concurrents. Comme cette comparaison ne peut intervenir qu’en se fondant sur un contrat de nantissement passé entre son débiteur et le créancier concurrent, il profite, sans doute, d’un acte auquel il est tiers. Autrement dit, il oppose l’inscription du nantissement à ses auteurs que sont les parties.
C’est bien cette hypothèse qui peut justifier toute la signification de l’article 63 de l’acte uniforme sur le droit commercial général lorsqu’il dispose que « l’inscription régulièrement prise est opposable aux parties ».
L’article 63 ne fait jamais de cette inscription une condition de « prise d’effet » du contrat entre les parties. La précision de l’opposabilité de l’inscription aux parties par cet article semble, cependant, superflue car la question est, déjà, réglée par l’article 149 de l’acte uniforme sur les sûretés qui fait du rang d’inscription du nantissement au registre, la cause de préférence d’un créancier nanti lors de la distribution des deniers provenant de la réalisation de cette sûreté.
La péremption de l’inscription du nantissement n’affectant pas la validité de cette sûreté, il appartenait, en conséquence, au Tribunal saisi de l’espèce, de constater que la BICIM avait conservé, vis-à-vis de la Société BALLY S.A. son statut de créancier nanti et de lui adjuger les bénéfices de la réalisation du nantissement, déjà, intervenue.
II. DE LA REALISATION DU NANTISSEMENT
La réalisation, proprement dite, du nantissement de stocks constitué par la Société BALLY S.A, ne pouvait être adjugée au profit du créancier que lorsque le Tribunal, saisi sur la question de la validité de cette sûreté, l’avait admise selon le raisonnement décrit ci haut (B).
Pour ce faire, cette validité devait lui être soumise sous forme d’exception (A).
A. L’exception de validité du nantissement, préalable à la reconnaissance de la réalisation
La question de la validité du nantissement présente, en l’espèce, toutes les caractéristiques d’une exception qui, même si elle n’est pas, à priori, de nature préjudicielle, méritait d’être soulevée, par la BICIM, avant toute défense au fond.
Il s’agit, en fait, d’une exception au sens de l’article 376 de la loi du 20 août 2001portant code de procédure pénale au Mali.
Aucune disposition légale n’interdit au Tribunal pénal de connaître de cette question de nature civile relative à la validité du nantissement constitué au profit de la Banque.
La validité du nantissement, si elle est était admise par le Tribunal, serait de nature à retirer à l’acte de réalisation posé par la BICIM et qui sert de base à la poursuite, tout le caractère d’une infraction.
Ainsi, la poursuite engagée sur le fondement de l’article 273 du code pénal malien ne serait plus justifiée, la Banque ayant conservé, à l’égard de son débiteur, comme nous l’avons démontré, son statut de créancier nanti, ce qui entraînerait, en conséquence, la validité de la réalisation déjà effectuée.
B. La réalisation, proprement dite
La réalisation du nantissement de stocks était, déjà, intervenue par procès verbal du commissaire priseur constatant l’adjudication de 3700cartons de cigarettes au profit du créancier. Il s’agit, cependant, d’une réalisation entachée d’irrégularité puisqu’elle est intervenue en méconnaissance d’une ordonnance du juge des référés ayant constaté que le nantissement avait cessé ses effets, faute de renouvellement de l’inscription annuelle.
Aussi, l’irrégularité de cette ordonnance de référé est manifeste car elle tranche une question de fond dont elle n’avait pas compétence à connaître, à savoir, la validité ou non du nantissement de stocks constitué au profit de la BICIM.
Il n’appartenait pas, cependant, à la BICIM de méconnaître une prescription émanant d’un juge pour entamer ou poursuivre une procédure qu’elle est censée empêcher ou interrompre. La Banque se devait, en effet, d’attendre la décision en appel qu’elle avait interjeté contre l’ordonnance du juge des référés. La reconnaissance de la validité du nantissement, soulevée en exception devant le Tribunal pénal, aurait, toutefois, permis de purger cette irrégularité, adJugeant la réalisation, déjà, effectuée au profit de la BICIM.
La décision du Tribunal de la Commune III de Bamako, dans cette espèce, érige le défaut de renouvellement d’une inscription de nantissement en une véritable cause d’extinction de cette sûreté. Elle a, pour conséquence, de détourner l’inscription de sa vocation traditionnelle qui consiste à renforcer l’efficacité de la sûreté dont elle accompagne la constitution, à l’égard des tiers.
Lorsque l’article 102 de l’acte uniforme sur les sûretés dispose que « le nantissement de stocks ne produit effet que s’il est inscrit au Registre du commerce et du crédit mobilier », il appartenait à cette juridiction de s’interroger sur la nature des effets dont il s’agit; et l’article 63 de l’acte uniforme sur le droit commercial général pouvait l’aider en cela. Une telle approche substantielle de la question lui aurait, sans doute, permis, de déceler les pièges contenus dans l’évidence formelle qui se dégage, souvent, de la structure de certains articles de loi.
Hamidou Lahaou TOURE.
Cabinet du Bâtonnier TAPO.
Assistant à la Faculté des.
Sciences Juridiques et Économiques.
Université de BAMAKO MALI.
toureh70@hotmail.com.