J-06-22
DROIT DES SÛRETÉS – HYPOTHÈQUE – VALIDITÉ –caRACTÈRE CERTAIN DE LA CRÉANCE –caUSE DE L’HYPOTHÈQUE – CONTESTATION SÉRIEUSE – COMPÉTENCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS (NON).
La contestation étant qualifiée de sérieuse pour justifier l’incompétence du juge des référés lorsqu’elle constitue une question de fond que celui-ci est obligé de trancher avant d’ordonner la mesure sollicitée, la contestation de la validité de l’hypothèque, en dehors de celle portant sur celle de la créance elle-même, est suffisamment sérieuse pour que le juge des référés se déclare incompétent.
Cour d’appel d’Abidjan, 5ème chambre, arrêt n 150 du 27 janvier 2004, LA SCI RESIDENCE DIANA c/ LA S.G.B.C.I, Le Juris-Ohada, n 4/2005, juillet- septembre 2005, p. 38.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 13/11/2003 comportant ajournement au mardi 25/11/2003, la société civile immobilière dite SCI Résidence DIANA, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, M. N et ayant pour conseil, Maître OUANGNI AGNES Avocat à la Cour, a relevé appel de l’ordonnance de référé n 4616 rendue le 28/10/2003 par La juridiction présidentielle du tribunal de première Instance d’Abidjan-Plateau qui, en la cause, a statué ainsi qu’il suit :
« Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront; mais dès à présent, vu l’urgence et par provision.
Recevons la SGCI en sa demande.
Rejetons l’exception d’incompétence soulevée par la SCI DIANA.
Nous déclarons compétent pour connaître de la présente demande.
Disons que la demande de la SGBCI est bien fondée.
Ordonnons l’évaluation des biens hypothéqués à son profit.
Désignons Monsieur O. Expert Immobilier agrée 01BP. 409 Abidjan 01, Téléphone. : 21-11 49 Fax : 21-11-49 et 21-22-54, pour y procéder.
Lui impartissons le délai de 60 jours pour accomplir sa mission à compter de la notification de la présente décision.
Disons que l’expertise se fera sous notre contrôle et que 1a SGBCI en supportera les frais.
Laissons les dépens à la charge de la SGBCI ».
Il ressort des énonciations de l’ordonnance querellé que par exploit daté du 22/10/2003, la société générale des banques en Côte d’Ivoire (SGBCI)a ait servir assignation à la société S,FF et à la SCI DIANA à l’effet de comparaître par devant la juridiction présidentielle du tribunal de première instance d’Abidjan plateau pour s’entendre ordonner la désignation d’un expert immobilier.
A l’appui de cette action, la SGBCI qui a exposé qu’à la tête d’un pool banCAIRE, elle a octroyé un prêt à la société SIFF avec affectation hypothéCAIRE des immeubles de la SCI DIANA,a déclaré qu’en raison du non paiement d’une partie importante de sa créance, elle a entrepris de réaliser les hypothèques et pour ce faire, il lui fallait cette expertise pour une évaluation exacte de la valeur des immeubles hypothéqués.
Les moyens des défenderesses n’ont pas été mentionnés.
Pour se déclarer compétent et fa.1re droit à l’action de la SGBCI, le premier juge a ‘abord estimé que l’expertise sollicitée ne touche en rien une question de fond et n’est pas susceptible d’entrer en contrariété avec une décision du juge du fond; que dans la mesure où l’hypothèque demeure, son bénéficiaire est en droit de solliciter l’évaluation des biens immobiliers hypothéqués.
Au soutien de son appel la SCI DIANA qui conclut à l’infirmation de l’ordonnance entreprise, soulève l’incompétence du juge des référés en ce que l’hypothèque litigieuse est inexistante depuis le 30 mars 1995 en application de l’article 2154 du code civil.
Par ailleurs, l’appelante déclare contester la créance de la SGBCI pour avoir payé la somme de 1.829 000 000 F CFA dont selon elle, une partie correspond à l’hypothèque dont la réalisation est poursuivie.
La BIAO et la SGBCI plaident la validité de l’hypothèque prise en invoquant l’article 42 du décret du 26 juillet 1982 qui, selon elles, aurait abrogé l’article 2154 du code civil.
Par ailleurs la SGBCI affirme que sa créance à l’égard de la société SIFF est liquide, certaine et exigible, donc incontestable.
Toutes les parties ayant comparu, il convient de statuer contradictoirement.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel de la SCI DIANAa été relevé conformément aux prescriptions légales, il est donc régulier et doit être déclaré recevable.
AU FOND
C’est à tort que le juge des référés s’est déclaré compétent pour ordonner l’expertise immobilière sollicitée.
En effet, une contestation est qualifiée de sérieuse pour justifier l’incompétence du juge des référés lorsqu’elle constitue une question de fond que celui-ci est obligé de trancher avant d’ordonner la mesure sollicitée.
En l’espèce la SGBCI sollicite l’évaluation des immeubles hypothéqués à son profit.
en vue de la réalisation de ces hypothèques en prenant prétexte du non remboursement intégral de sa créance.
Or, la validité de cette hypothèque est contestée en vertu de l’at1icles 2154 du code civil qui, contrairement à l’opinion des intimés, n’a pu être abrogé par l’article 42 du décret loi du 26 juillet 1982 puisque aussi bien l’article 2154 résu1te d’un décret de 1955 donc postérieur au décret loi du 26 juillet 1982.
Ainsi, cette contestation, en dehors de celle-ci portant sur la créance elle-même, est suffisamment sérieuse pour que le juge des référés se déclare incompétent.
Ne l’ayant pas fait, il convient d’infirmer l’ordonnance entreprise, et, la Cour, statuant à nouveau, déclarera le juge des référés incompétent.
En raison de cette décision qui voit succomber la SGBCI, celle : ci sera condamnée aux dépens en application de l’article 149 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare recevable l’appel relevé par la SCI DIANA de l’ordonnance de référé N 4616 rendue le 28/10/2003 par la juridiction présidentielle du tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau.
AU FOND
L’y dit bien fondée.
Infirme l’ordonnance entreprise en ce que le juge des référés s’est déclaré compétent.
Statuant à nouveau.
Déclare le juge des référés incompétent en raison de la contestation sérieuse tenant à la validité des hypothèques prises le 30/03/1985.
Condamne l’intimée aux dépens.
PRESIDENT : M. KANGA PENOND Y AO MATHURIN.