J-06-38
Voir Ohadata J-06-137.
CCJA – VOIES D’EXECUTION – AUTORISATION DU JUGE DE VENDRE LES BIENS SAISIS – DISTINCTION DES JUGES D’APPEL ENTRE CHOSES CONSOMPTIBLES ET CHOSES PERISSABLES – ERREUR DANS L’APPLICATION OU L’INTERPRETATION DES ARTICLES 232 DU CODE IVOIRIEN DE PROCEDURE CIVILE, COMMERCIALE ET ADMINISTRATIVE ET 28 DE L’ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT ET DES VOIES D’EXECUTION : NON.
La Cour d’Appel, contrairement à ce que soutient le demandeur au pourvoi, ne s’étant point fondée sur les prescriptions des articles 232 du code de procédure civile, commerciale et administrative et 28 AUPSRVE pour asseoir sa décision, mais ayant plutôt opéré une distinction entre biens consomptibles et denrées périssables pour conclure que l’état des stocks de sucre saisis en l’espèce, ne présentait pas le risque de détérioration ayant motivé l’autorisation donnée par le premier juge de vendre lesdits biens, la Cour d’Appel qui, en l’espèce, n’a fait qu’user de son pouvoir souverain d’appréciation des faits et productions des parties, n’a en rien violé les dispositions desdits articles 232 et 28 sus-indiqués.
Article 232 DU CODE IVOIRIEN DE PROCEDURE CIVILE, COMMERCIALE ET ADMINISTRATIVE
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), ARRET n 063/2005 du 22 décembre 2005, Affaire : SDV-CI S.A. (Conseil : Maître Michel BOUAH-KAMON, Avocat à la Cour) contre Société RIAL TRADING (Conseils : SCPA AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour), Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 6, juin- décembre 2005, p. 51. Le Juris Ohada, n 2/2006, p. 44.
Pourvoi : n 093/2004/PC du 03 août 2004.
LA COUR
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 22 décembre 2005, où étaient présents :
– Messieurs Jacques M’BOSSO, Président;
– Maïnassara MAIDAGI, Juge;
– Biquezil NAMBAK, Juge, rapporteur;
– Et Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier.
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique devant la Cour de céans, de l’affaire SDV-CI contre la Société RIAL TRADING, par Arrêt n 585/02 du 11 juillet 2002 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié le 15 juin 2001par Maître Michel BOUAH-KAMON, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan 3, Avenue Thomasset, résidence Thomasset, 3ème étage porte 300, 04 B.P. 46 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de SDV-CI, pourvoi enregistré le 03 août 2004 sous le n 093/2004/PC, en cassation de l’Arrêt n 1063 rendu le 01 décembre 2000 par la Cour d’Appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
EN LA FORME.
Ordonne la jonction des procédures RG 973/2000 et RG 974/2000.
Déclare RIAL TRADING recevable en ses appels respectivement relevés de l’ordonnance n 3387 du 31 août 2000 et de l’ordonnance n 3528 du 06 septembre 2000 rendues par la juridiction des référés du Tribunal d’Abidjan.
Au fond.
Dit la société RIAL TRADING bien fondée en ses appels.
Infirme les ordonnances n 3528 du 06 septembre 2000 et 3387 du 31 août 2000 rendues par la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance.
Statuant à nouveau :
– rétracte l’ordonnance sur requête n 3605/2000 rendue le 25 août 2000 ayant autorisé la vente du stock de sucre saisi conservatoirement sur la société RIAL TRADING;
– dit que le sucre saisi ne pouvait être enlevé et vendu;
– dit que les produits saisis et vendus étaient encore des denrées consomptibles et ne présentaient pas l’état de denrées périssables;
– condamne la SDV-CI aux dépens distraits au profit de la SCPA AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour aux offres de droit ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation tel qu’il figure à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Biquezil NAMBAK
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, qu’au titre de ses relations d’affaires avec la Société RIAL TRADING, la SDV-CIaeffectué diverses opérations de transit, d’entreposage et de transport pour le compte de celle-ci, qui restait lui devoir la somme de 408 064.760 francs CFA intérêts compris; que pour sûreté et avoir paiement du montant de la créance sus indiquée, la SDV-CI pratiquait le 26 mai 2000, une saisie conservatoire sur 7 010 tonnes 265 du sucre appartenant à ladite Société RIAL TRADING, tant entre ses mains qu’entre celles de GITMA SA et obtenait, par ordonnance présidentielle n 3605 du 25 août 2000, l’autorisation de procéder à la vente dudit sucre, denrée périssable; que sur contestation de l’ordonnance précitée par RIAL TRADING, la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau, par ordonnance de référé n 3387 du 31 août 2000, déclarait RIAL TRADING mal fondé en sa demande de rétractation; que le 1er septembre 2000, RIAL TRADING obtenait du Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau, l’ordonnance n 3723/2000 portant l’interdiction d’enlèvement du sucre vendu, sur la base de l’ordonnance n 3605/2000; que saisie par la SDV-CI, la juridiction des référés du Tribunal précité, par ordonnance n 3528 du 06 septembre 2000, rétractait l’ordonnance n 3723/2000 sus indiquée; que sur appels interjetés par RIAL TRADING à l’encontre des ordonnances n 3387/2000 et 3528/2000 ci-dessus, la Cour d’Appel d’Abidjan, par arrêt n 1063 du 1er décembre 2000 dont pourvoi, infirmait en toutes leurs dispositions lesdites ordonnances, et rétractait l’ordonnance sur requête n 3605 du 25 août 2000 ayant ordonné la vente du sucre saisi.
Sur le moyen unique pris en ses deux branches
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi en ce que, d’une part, pour asseoir sa conviction, le juge d’Appel n’a pas recherché si les conditions prévues par l’article 232 du Code Ivoirien de Procédure Civile étaient réunies alors que, selon le moyen, « il s’infère de ce texte que le juge, de façon souveraine, a la possibilité d’ordonner toutes mesures conservatoires n n prévues par des dispositions spéciales, notamment celles érigées par le titre II du Traité OHADA relatives aux mesures conservatoires, dès lors où les droits (ou intérêts) dont protection est sollicitée, paraissent fondés en leur principe [et] sont en péril (.) »; qu’en « l’espèce, aucun texte législatif ni réglementaire ou autre ne prévoit la vente à titre conservatoire de biens eux-mêmes saisis conservatoirement »; que la créance qu’elle possède sur la défenderesse paraissant fondée en son principe, toujours selon le moyen, la SDV-CI est recevable à solliciter du tribunal, la protection d’un tel droit; que d’autre part, en considérant que « la SDV-CIaprocédé à la vente du sucre conservatoirement saisi sur la base de l’article 28 OHADA précité, alors même que celle-ci ne disposait d’un titre exécutoire », le juge d’Appel n’a nullement procédé à la différenciation entre les deux types de contraintes évoqués par ce texte obéissant à des règles de droit différentes : la saisie exécution qui suppose l’existence d’un titre exécutoire, et les mesures conservatoires; qu’en l’espèce, la SDV-CI a, sur la base d’une autorisation délivrée par le tribunal, procédé à une vente purement conservatoire et consigné le prix entre les mains du Greffier; qu’en agissant ainsi, elle s’est conformée en tout point à la deuxième hypothèse ci-dessus définie par l’article 28 précité; qu’ainsi, en faisant application de la première hypothèse dudit article 28, le juge d’Appela commis une erreur dans son application.
Mais attendu que pour infirmer les décisions du premier juge et rétracter l’Ordonnance sur requête n 3605/2000 rendue le 25 août 2000 ayant autorisé la vente du sucre saisi conservatoirement par la Société RIAL TRADING, la Cour d’Appel a, entre autres, considéré qu’ » il importe de retenir que s’il résulte des dispositions combinées des articles 232 et 28 susvisés, que le créancier peut prendre des mesures provisoires propres à assurer la sauvegarde de ses droits, il en va autrement lorsque, comme en l’espèce, ledit créancier procède lui-même à la vente des objets conservatoirement saisis dans des proportions frisant le bradage et donc sans précaution pour les intérêts du débiteur, lequel offrait de procéder lui-même à la vente des biens saisis, dont il demeure le propriétaire, pour en séquestrer le produit, alors et surtout que l’existence du risque allégué de détérioration desdits produits pour le temps de la procédure sur opposition à l’ordonnance d’injonction de payer, est contesté, à juste raison, par le débiteur saisi, lequel n’a cessé d’aviser la juridiction saisie de ce que la vente aux enchères lui causerait nécessairement préjudice, eu égard à l’importance du stock évalué à plus d’un milliard de francs CFA et au procédé choisi pour ladite vente qui s’apparente à un bradage; aussi c’est à tort que le premier Juge, affirmant que le sucre stock début 1999 Cour ait le risque de détérioration à la date du 09 octobre 2000, date de renvoi de la procédure sur opposition à injonction de payer, et que la société RIAL TRADING ne pouvant souffrir de préjudice, en ce que le prix de la vente est à séquestrer, a statué comme il l’a fait et sa décision, là encore, mérite la censure de la Cour »; que contrairement à ce que soutient la demanderesse au pourvoi, la Cour d’Appel ne s’est point fondée sur les prescriptions des articles 232 et 28 sus-indiqués pour asseoir sa décision, mais a plutôt opéré une distinction entre biens consomptibles et denrées périssables pour conclure que l’état des stocks de sucre saisis en l’espèce ne présentait pas le risque de détérioration ayant motivé l’autorisation de vendre lesdits biens donnée par le premier juge; que la Cour d’Appel qui, en l’espèce, n’a fait qu’user de son pouvoir souverain d’appréciation des faits et productions des parties, n’a en rien violé les dispositions des articles 232 et 28 sus-indiqués; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé en ses deux branches et doit être rejeté.
Attendu que la SDV-CI ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré :
– rejette le pourvoi formé par la SDV-CI;
– La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
– le Président;
– le Greffier.