J-06-40
AUPSRVE – INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – DELAI – DELAI FRANC. COMPUTATION DU DELAI – DIESaQUO ET DIES AD QUEM NON COMPTES.
VIOLATION DES ARTICLES 10 ET 335 DE L’ACTE UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES PROCEDURES SIMPLIFIEES DE RECOUVREMENT ET DES VOIES D’EXECUTION –caSSATION.
Il ressort de l’analyse combinée des dispositions des articles 10 et 335 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, que le délai de quinze jours imparti pour faire opposition à une ordonnance d’injonction de payer est un délai franc.
En matière de computation de délai franc, on ne doit prendre en compte ni le premier jour (dies ad quo), ni le dernier jour (dies ad quem). Enfin, si le dernier jour est un jour férié, le terme du délai est reporté au lendemain à minuit.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), ARRET N 041/2005 du 07 juillet 2005, Affaire Société BEN International Ship Suppliers dite BENIS Conseil : Maître Michel BOUAH-KAMON, Avocat à la Cour) contre Établissement KOUASSI N’DAH (Conseil : Maître KOUAKOU Christophe, Avocat à la Cour), Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 6, juin- décembre 2005, p. 65. Le Juris Ohada, n 1/2006, p. 2.
LA COUR
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 07 juillet 2005, où étaient présents :
– MM. Jacques M’BOSSO, Président, rapporteur;
– Maïnassara MAIDAGI, Juge;
– Biquezil NAMBAK, Juge;
– Et Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le numéro 052/2002/PC du 09 octobre 2002 et formé par Maître Michel BOUAH-KAMON, Avocat à la Cour à Abidjan, y demeurant 3, avenue Thomasset, Résidence THOMASSET, 04 B.P. 46 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de la Société BEN International Ship Suppliers dite Société BENISS, SARL, au capital social de 5 000 000 FCFA, immatriculée au registre du commerce sous le numéro 229 900, dont le siège social est à Abidjan Treichville, Immeuble SIMO, 3ème étage, 18 B.P. 2931Abidjan 18, représentée par son gérant, Monsieur ASSIDA KOFFI Oumar, de nationalité ivoirienne, demeurant ès qualité au siège social de la Société, dans la cause qui l’oppose à l’Établissement KOUASSI N’DAH, entreprise individuelle sise au Port Autonome d’Abidjan, 16 B.P. 1091Abidjan 16, représentée par Monsieur KOUASSI N’DAH, son gérant, ayant pour Conseil Maître KOUAKOU Christophe, Avocat à la Cour, à Abidjan, y demeurant immeuble « La Résidence » face Cercle du Rail, 8 boulevardcarde, 2ème étage, porte 8, Abidjan Plateau, 06 B.P. 1226 Abidjan 06.
En cassation de l’Arrêt n 329 rendu le 1er mars 2002 par la Cour d’Appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort :
Déclare la Société BENISS SARL recevable en son appel régulièrement relevé du Jugement N 646/CIV/2/B rendu le 18 juin 2001par le Tribunal de Première Instance d’Abidjan.
L’y dit mal fondée; l’en déboute.
Confirme ledit jugement par substitution de motifs.
Condamne l’appelante aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation tel qu’il figure à l’acte de pourvoi annexé au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Président
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique.
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que s’estimant créancier de la Société BENISS pour la somme de 3.920 000 FCFA, correspondant au montant de la facture de nettoyage, à la demande de ladite Société, d’un navire américain en escale à Abidjan, l’Établissement KOUASSI N’DAH avait saisi d’une requête aux fins d’injonction de payer, le juge des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, pour s’entendre condamner ladite société à lui payer la somme sus indiquée; qu’accédant à la demande de l’Établissement KOUASSI N’DAH, le juge des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan avait rendu l’Ordonnance d’injonction de payer n 2554/01du 29 mars 2001, par laquelle il condamnait la Société BENISS à payer à l’Établissement KOUASSI N’DAH, la créance dont le recouvrement était poursuivi; qu’après signification à lui faite le 30 mars 2001, la Société BENISS avait formé le 17 avril 2001, opposition à ladite ordonnance d’injonction de payer devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, lequel, par Jugement n 646/CIV/2B du 18 avril 2001, avait déclaré l’opposition de la Société BENISS irrecevable en l’état; que sur appel relevé de ce jugement par ladite Société, la Cour d’Appel d’Abidjan a, par l’Arrêt n 329 du 1er mars 2002 dont pourvoi, confirmé le jugement entrepris par substitution de motifs.
Sur le moyen unique
Vu les articles 10 et 335 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est fait grief à l’Arrêt attaqué d’avoir violé les articles 10 et 335 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la Cour d’Appel d’Abidjan, pour confirmer le jugement entrepris par substitution de motifs, a considéré qu’ » il n’est pas contesté que l’ordonnance d’injonction de payera été signifiée à personne à la date du 30 mars 2001, de sorte que le 15ème jour pour faire opposition est le 14 avril 2001; s’il est en outre exact que le samedi 14 avril 2001n’est point un jour ouvrable en Côte d’Ivoire, il demeure que le demandeur en opposition n’avait que le lundi 16 avril 200l, jour suivant le dimanche, pour former son recours; ainsi, en initiant son opposition le mardi 17 avril 2001, la Société BENISSaagi hors des délais imposés par l’Acte uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement; il s’ensuit donc de confirmer le jugement querellé par substitution de motifs ».
Attendu que les articles 10 alinéa 1et 335 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « l’opposition doit être formée dans les quinze jours qui suivent la signification de la décision portant injonction de payer. Le délai est augmenté éventuellement des délais de distance » et que « les délais prévus dans le présent Acte uniforme sont des délais francs ».
Attendu que de l’analyse combinée des dispositions sus énoncées des articles 10 et 335 de l’Acte uniforme susvisé, il ressort que le délai de quinze jours imparti pour faire opposition est un délai franc.
Qu’il est de principe en matière de computation de délai franc, que celle-ci ne doit prendre en compte ni le premier jour (dies ad quo), ni le dernier jour (dies ad quem).
Attendu, en l’espèce, qu’il est constant comme résultant de l’examen des pièces du dossier de la procédure, que l’Ordonnance d’injonction de payer n 2554/01rendue le 29 mars 2001par le juge des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan a été signifiée à personne le 30 mars 2001; qu’après la signification à lui faite le 30 mars 2001, la Société BENISSaformé opposition devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan le 17 avril 2001; que ladite opposition a été déclarée irrecevable par le premier juge, puis par la suite par la Cour d’Appel d’Abidjan par l’arrêt attaqué, au motif qu’elle est intervenue « hors des délais légaux imposés par l’Acte uniforme portant procédure simplifiée de recouvrement »; qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que d’une part, le délai imparti de 15 jours est un délai franc dont la computation exclut les premier et dernier jours, et, d’autre part, le lundi 16 avril 2001, lundi de pâques, était un jour férié chômé en Côte d’Ivoire, ce qui reportait au 17 avril 2001à minuit le terme du délai dont disposait la Société BENISS pour faire régulièrement opposition, la Cour d’Appel d’Abidjan a violé les articles 10 et 335 sus énoncés de l’Acte uniforme susvisé et exposé son arrêt à la cassation.
Sur l’évocation
Attendu que la Société BENISS, relevant appel,a demandé à la Cour :
– « la mise hors de cause de ASSIDA Oumar, qui n’est que son gérant qui, personnellement n’est pas engagé par les contrats de la Société BENISS »;
– de déclarer irrecevable « la requête aux fins de condamnation de l’Établissement KOUASSI N’DAH, pour cause de violation des articles 4 et 8 de l’Acte uniforme OHADA susvisé »;
– de rétracter purement et simplement l’Ordonnance n 2554/2001du 29 mars 2001, motif pris de la violation de l’article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu que l’Établissement KOUASSI N’DAH soulève, pour sa part, « l’irrecevabilité de l’opposition [de la Société BENISS], qui serait intervenue le 17 avril 2001, alors que le dernier délai était le 14 avril 200l, la signification étant intervenue le 30 mars 2001 ».
Sur l’irrecevabilité de l’opposition à ordonnance d’injonction de payer soulevée par l’Établissement KOUASSI N’DAH
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt attaqué a été cassé, il échet de rejeter l’exception d’irrecevabilité de l’opposition de la Société BENISS soulevée par l’Établissement KOUASSI N’DAH.
Sur la fin de non recevoir de la requête aux fins d’injonction de payer de l’Établissement KOUASSI N’DAH et la demande de rétractation de l’Ordonnance n 2554/2001du 30 mars 2001
Vu l’article 4 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’aux termes de l’article 4 de l’Acte uniforme susvisé, « elle [la requête aux fins d’injonction de payer] contient, à peine d’irrecevabilité :
1) les noms, prénoms, profession et domiciles des parties ou, pour les personnes morales, leurs forme, dénomination et siège social.
2) l’indication précise du montant de la somme réclamée, avec le décompte des différents éléments de la créance, ainsi que le fondement de celle-ci. Elle est accompagnée des documents justificatifs en originaux ou en copies certifiées conformes (…) ».
Attendu, en l’espèce, que la requête aux fins d’injonction de payer introduite par l’Établissement KOUASSI N’DAH ne précise ni la forme juridique de l’Établissement KOUASSI N’DAH, ni celle de la Société BENISS; qu’ainsi, elle viole les dispositions de l’article 4 sus énoncées et doit en conséquence, être déclarée irrecevable.
Attendu que la requête sus indiquée étant irrecevable pour cause de violation de l’article 4 de l’Acte uniforme susvisé, l’Ordonnance n 2554/2001rendue au pied de celle-ci doit être déclarée nulle et non avenue.
Sur la demande de mise hors de cause de Monsieur ASSIDA Oumar, gérant de la Société BENISS
Attendu que l’Ordonnance n 2554/2001du 30 mars 2001étant nulle et non avenue, la demande de mise hors de cause de Monsieur ASSIDA Oumar devient sans objet.
Attendu que l’Établissement KOUASSI N’DAH ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré :
– casse l’Arrêt n 329 rendu le 1er mars 2002 par la Cour d’Appel d’Abidjan.
Évoquant et statuant sur le fond :
– Rejette l’exception d’irrecevabilité de l’opposition à ordonnance d’injonction de payer soulevée par l’Établissement KOUASSI N’DAH;
– Déclare irrecevable la requête aux fins d’injonction de payer introduite par l’Établissement KOUASSI N’DAH;
– Annule en conséquence, l’Ordonnance d’injonction de payer n 2554/2001rendue le 29 mars 2001par le Juge des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
– Condamne l’Établissement KOUASSI N’DAH aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
– le Président;
– le Greffier.