J-06-56
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECTUION – INJONCTION DE PAYER – OPPOSITIONaL’ORDONNANCE – DEFAUT DE SIGNIFICATION – DECHEANCE – NECESSITE D’UN PREJUDICE POUR LE CREANCIER.
Une opposition est formée à une ordonnance d’injonction de payer par les débiteurs. Le créancier en plaide la déchéance pour non-signification de l’exploit d’opposition au greffe et à l’huissier poursuivant.
Le Tribunal repousse la demande de déchéance au motif que le créancier ne rapporte pas la preuve que cette situation lui cause un préjudice, qu’en effet à la différence de l’ajournement dans le délai de trente jours édicté dans l’intérêt du créancier afin d’éviter toute mesure dilatoire de la part du débiteur, la signification de l’opposition au greffe du tribunal et éventuellement à l’huissier poursuivant vise, pour le greffe du tribunal, à empêcher l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance critiquée et pour l’huissier poursuivant, à surseoir à toute mesure d’exécution en méconnaissance de la procédure d’opposition, toute chose susceptible d’engager leur responsabilité. Il s’ensuit que l’article 1I n’est pas une disposition d’ordre public.
(TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GAGNOA, jugement N 08 du 28 janvier 2000, AFFAIRE KOUDOU TCHEMEME C/ LA BICICI.
LE TRIBUNAL.
Le Tribunal de Première Instance de GAGNOA (Côte d’Ivoire), statuant en matière civile, en son audience publique ordinaire du 28 Janvier 2000 tenue au palais de Justice de ladite ville à laquelle siégeaient :
– Madame Y AO JEANNE BODJI, Présidente;
– Messieurs VAO GOH NESTOR et NABA MORY, juges et membres;
– En présence de Monsieur KOUAME MILE substitut du Procureur de la République;
– Avec l’assistance de Monsieur DOSSOU MAMADOU, Greffier.
A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause.
Entre.
Monsieur KOUDOU TCHEMEME agent de maîtrise au Ministère de la construction et de l’urbanisme domicilié à GAGNOA BP 117.
Madame GNANAGBE OGADA JOSEPHINE épouse NOUDOU Institutrice demeurant à GAGNOA 117. Demandeurs, comparant et concluant en personne à l’audience.
D’une part :
Et la BICICI prise en personne de son représentant légal 01BP 1298 ABIDJAN.
Défenderesse, non comparant à l’audience.
D’autre part :
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit.
Point de fait et de procédure
Suivant exploit en date du 21 décembre 1999 du Ministère de Maître GOZO GOLE ANTOINE, Huissier de justice à GAGNOA, Monsieur KOUDOU TCHEMENE SEVERIN et Madame ont servir assignation à la BICICI d’avoir à comparaître le vendredi 31 décembre 1999 à 08 heures du matin, jour et heure suivant s’il a lieu à l’audience et par devant le tribunal de céans, statuant en matière civile, au palais de justice de ladite ville pour est il dit en cet exploit :
– voir déclarer l’opposition recevable;
– voir annuler l’ordonnance frappée d’opposition;
– mettre à néant tous les effets;
– s’entendre la requise condamne aux entiers dépens.
Sur cette assignation la cause a été inscrite au rôle général sous le numéro 301de l’année 1999 et appelée à l’audience pour laquelle a été servie; Advenue ladite audience l’affaire a été retenue pour délibéré le 07-01-2000; lequel délibéré a été rabattu et la cause une fois renvoyée pour le demandeur avant d’être utilement retenue à celle du 14/01/2000 pour jugement être rendu ce jour 28/01/2000.
Point de droit
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des conclusions.
Quid des dépens?
Le tribunal, après en avoir délibéré, a prononcé le jugement suivant :
Le Tribunal :
Oui les parties en leurs conclusions.
Vu les pièces du dossier.
Le 09 décembre 1999, Madame le président du tribunal de GOGNOAa rendu une décision d’injonction de payer n 279, condamne Monsieur KOUDOU TCHEMEME et Mme KOUDOU née GNANAGBE OGALAapayer la somme principale de 14.920.216 F à la Banque Internationale pour le commerce et l’Industrie de la Côte d’Ivoire dite BICICI, outre les intérêts de droit.
Ladite décision a été signifiée aux débiteurs par exploit en date du 15 décembre 1999 et ceux-ci ont formé opposition contre cette décision d’injonction de payer par exploit daté du 21 décembre 1999 de Me GOZO GOLE ANTOINE, Huissier de justice à GOZO GOLE ANTOINE Huissier de justice :
Au soutien de leur opposition, les époux KOUDOU exposent qu’ayant obtenu un prêt de 5 500 000 F à eux consenti par la CIFIM en 1980 par acte notarié, ils ont déjà remboursé la somme de 5 554.871F par le biais de précomptés sur leur salaire opéré par le trésor public, conformément à l’article 11du contrat notarié.
Par la suite, la CIFIM fut admise en liquidation judiciaire et la BICICI, poursuivant les créances de cette dernière, avait obtenu une ordonnance d’injonction de payer n 103 du 26 mars 1991rendu par le Président du tribunal de GAGNOA, les condamnant à lui payer la somme de 10.410 068 F CFA au titre du remboursement du principal du prêt consenti et des intérêt y afférents.
Cette ordonnance, continuent les opposants, fut rétractée par le jugement civil n 3 du 20 mars 1992.
Ils soutiennent par conséquent qu’il y a autorité de la chose jugée dans cette affaire et concluent à l’anéantissement de l’ordonnance n 279/99.
En réponse la BICICI représentée par la SCPA TANO¬KOFFI et associés, prise que par acte notarié en date du 18 août 1980, les époux KOUDOU ont obtenu un prêt auprès de la CIFIM, différé par ses soins, pour l’achèvement d’une villa à GAGNOA.
Elle soulève in limine litis la déchéance des époux KOUDOU de leur opposition au motif que l’exploit d’opposition qui lui a été ni à l’huissier poursuivant ni au Greffe du tribunal de GAGNOA, au mépris des exigences de l’article 11de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Subsidiairement, la BICICI fait valoir que la procédure de recouvrement de créance est une procédure spéciale en ce sens que le Président du Tribunal rend une ordonnance au vu des pièces justificatives produites par le requérrant que par conséquent s’agissant du jugement civil n 3 du 20 mars 1992, c’est faute pour la BICICI d’avoir produit les pièces justifiant sa créance qu’une telle décision a été rendue.
La BICICI soutient qu’ayant actuellement en sa possession les dites pièces constituées essentiellement des relevés banCAIREs, de l’arrêté de créance du 31 mars 1998 et d’un courrier daté du 20 Avril 1998 adressé à Mme KOUDOU et resté sans suite, c’est à juste titre qu’elle a sollicité au Président du tribunal l’obtention de l’ordonnance critiquée, de sorte que les époux KOUDOU ne peuvent valablement lui opposer la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose juger.
Elle conclut pour dire qu’à défaut pour ceux-ci de rapporter la preuve de ce que la créance de la BICICI n’est pas fondée, le tribunal devra rejeter leur opposition non fondée.
La BICICI produit au dossier un document intitulé tableau des versements.
En réplique, dans leurs écritures datées du 10 Janvier 2000, les époux KOUDOU rétorquent qu’en tout état de cause, ils ne contestent pas rester devoir de l’argent à leur créancier à titre de reliquat du remboursement du prêt, mais ils contestent les pénalités qui ont majoré la somme principale restant à payer en raison de ce que le retard accusé dans le paiement du crédit différé ne leur incombe pas, les précomptes mensuels devant d’effectuer au trésor public sur leur salaire.
Ils reviennent sur leurs déclarations précédentes en soulignant qu’au vu des documents produits, le contrat de crédit différé portant sur la somme de 5.900 000 F dont 4.574 000 F ont été remboursés jusqu’en 1987, tout en indiquant que le reliquat majoré les intérêts s’élève à 10.507.400 F y compris l’intérêt de l’anticipateur, est excessif.
Ils terminent en déclarant que conformément à l’article 11du contrat notarié passé avec la CIFIM, le payement de ce reliquat doit s’opérer par des prélèvements sur leur salaire au trésor public.
Ils produisent au dossier un exploit daté du 30 décembre 1999 intitulé dénonciation d’exploit.
Sur ce
De la recevabilité de l’opposition
Attendu qu’il ressort du dossier que la décision d’injonction de payer n 279 du 09 décembre 1999 rendu par Mme le président du tribunal de GAGNOAa été signifiée aux débiteurs le 15 décembre 1999 et ceux-ci ont formé opposition le 21 décembre 1979, donc dans le délai de 15 jours devant le tribunal de GAGNOA.
Qu’il s’ensuit que cette opposition étant conforme aux exigences des articles 9 et 10 de l’acte uniforme, il échet de la déclarer recevable.
De la déchéance de l’opposition
Attendu qu’en vertu de l’article 11de l’acte uniforme suscité, l’opposant est tenu à peine de déchéance, et dans le même acte que celui de l’opposition d’une part de signifier son recours à toutes à toutes les parties et au Greffe du tribunal et d’autre part de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne.
saurait excéder le délai de 30 jour à compter de l’opposition.
En l’espace si l’opposition a eu lieu le 21 décembre avec ajournement pour le 31 décembre, donc dans le délai de 30 jours, c’est à juste titre que la BICICI relève que l’exploit d’opposition qui lui a été signifié n’a été signifié ni au greffe du tribunal ni a l’huissier poursuivant.
Attendu que cependant la BICICI ne rapporte pas la preuve que le non-respect de ces prescriptions lui cause un préjudice, qu’en effet à la différence de l’ajournement dans le délai de 30 jours édicté dans l’intérêt du créancier afin d’éviter toute mesure dilatoire de la part du débiteur, la signification de l’opposition au greffe du tribunal et éventuellement à l’huissier poursuivant vise, pour le greffe du tribunal à empêcher l’opposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance critiqué suivant les articlesl8 dudit acte uniforme et pour l’huissier poursuivant, à surseoir à toute mesure l’exécution en méconnaissance de la procédure l’opposition, toute chose susceptible d’engager leur responsabilité.
Qu’il en s’en suit que l’article 11suscité n’était pas une disposition d’ordre public, il convient de déclarer la BICICI mal fondée à solliciter la déchéance des époux KOUDOU de leur opposition pour les motifs invoqués.
De la demande en recouvrement
Attendu qu’il ressort du dossier qu’un jugement n 03 du 20 mars 1992a été rendu sur même demande, entre les mêmes parties agissant en les mêmes qualités, portant sur le même objet, soutenu par la même cause par le tribunal de Première Instance de GAGNOA en rétractation d’une ordonnance sur requête rendu par le Président dudit tribunal.
Que si cette décision n’a pas rencontré l’assentiment de la BICICI, la seule voie légale qui lui est offerte pour la critiquer est l’appel afin que la cause soit portée devant la cour d’Appel de DAIOA pour un second examen, que dès lors la BICICI est irrecevable à solliciter une autre décision s’agissant de cette même affaire devant le tribunal de GAGNOA.
Qu’il y a lieu conséquemment de déclarer nulle et non avenue l’ordonnance critiquée.
Des dépens
Attendu que la BICICI succombe; qu’il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort.
Déclare recevable et bien fondée l’opposition formée par les époux KOUDOU.
Déclare irrecevable l’action en recouvrement de la BICICI Condamne la BICICI aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jours, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.