J-06-58
RECOUVREMENT DES CREANCES ET VOIES D’EXECUTION – INJONCTION DE PAYER – JURIDICTION TERRITORIALEMENT COMPETENTE – SOCIETE DEBITRICE ET SOCIETE POURSUIVIE DISTINCTES – SIEGE SOCIAL DE LA SOCIETE DEBITRICE SITUEE Au Cameroun ET CELUI DE LA SOCIETE POURSUIVIE AU TCHAD – COMPETENCE DU JUGE TCHADIEN (NON).
Une société tchadienne d’assurance réclame à une société de transport maritime située au Cameroun le reversement de sommes qui résulteraient du règlement de sinistres de transport de marchandises par elle assurées. Elle obtient, pour ce faire, une ordonnance d’ injonction de payer contre la société de la même dénomination ayant son siège social en France et à laquelle sont liées la société débitrice et la société du même nom située au Tchad. Ces deux dernières forment opposition pour contester la compétence des juridictions tchadiennes, en faisant valoir qu’elles ne sont pas des succursales de la société dont le siège est en France. Le jugement sur opposition les ayant déboutées par application de la théorie des gares principales et de celle de la simulation, elles en relèvent appel.
La Cour d’appel infirme le jugement sur le fondement de l’article 3 de l’Acte Uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement. Elle énonce que S.-Tchad et S.-Cameroun sont deux sociétés anonymes ayant chacune sa personnalité juridique; que l’une ne peut être tenue pour responsable du passif de l’autre et qu’il ressort des pièces du dossier que le débiteur de la créance est bien S.-Cameroun dont le siège social est à Douala; que S.-Tchad n’étant pas une succursale ou une agence de S.-Cameroun, la compétence du juge tchadien ne peut être retenue et la juridiction territorialement compétente est celle de Douala (Cameroun).
(COUR D’APPEL DE NDJAMENA, N 281/2000, DU 5 MAI 2000, REV JURIDIQUE TCHADIENNEN 1, MAI- JUIN- JUILLET 2001, P. 21ET S.).
LA COUR
A l’audience de la cour d’appel de N’Djaména, Jugeant en matière civile et commerciale, tenue par Messieurs :
– Mahamat Saleh Ben Biang, Président Ahmat Ngabo, Conseiller;
– Miguy ana Makonra, Conseiller;
– En présence de Monsieur Hamid Abdallah, Procureur Général tenant le siège du Ministère Public;
– Et avec l’assistance de Maître Andingue Weyengdi, greffier.
A été rendu l’arrêt suivant :
Entre :
SDVcaMERON et SDV TCHAD ayant pour conseils Maîtres Marie André et Tomnayel Ngarta, Avocats défenseurs.
Appelants d’une part.
Et.
STAR NATIONALE représentée par Maîtres Betel et Kengoum Celestin, Avocats défenseurs.
Intimée d’autre.
Sans que présentes qualités puissent nuire, ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves de faits et de droit.
En son audience publique du 19/8/99, le tribunal de N’Djaména rendait entre les parties susnommées un jugement ainsi conçu en son dispositif :
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et commerciale et en premier ressort sur opposition de la SDV.
Déclare recevables les oppositions enregistrées sous le N 086/REF-MBN65 du 11/6/99 et N 088/REF¬MB/MBN65/99 su même jour au nom de SDV TCHAD et SDVCameroun contre l’ordonnance d’injonction de payer rendue sous le N 313/99 du 21/5/99 par le tribunal de N’Djaména.
Dit qu’elles sont mal fondées.
Se déclare compétent en vertu de la théorie de gares principales et de celle de la simulation développées par les articles 1, 2(1), 3(1), 26 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution de l’OHADA.
Dit que l’ordonnance querellée produit tous ses effets à l’égard de toutes les parties.
Condamne SDV à verser à la STAR Nationale la somme de 703.863 013 francs en principal, frais et intérêts; déboute les opposants de leurs action; déboute la STAT Nationale du surplus de sa demande; condamne les opposants aux dépens.
Le 19/8/99 SDV Tchad et SDVCameroun relevaient appel de ladite décision.
A la suite de cet appel, le dossier parvenait en état au greffe de la Cour d’Appel sous le n 573/99 du 21/12/99.
Suivant ordre du président de la cour d’appel, le dossier est fixé pour l’audience du 21/1/2000; renvoyée au 25/2/2000 pour répliques de Maître Betel; 31/3/2000 pour éventuelles contre répliques et plaidoiries; 14/4/2000 pour plaidoiries.
Advenue l’audience de 14/4/2000, les parties étaient entendues en leurs explications et plaidoiries; le dossier a été mis en délibéré au 5/5/2000.
Advenue cette dernière audience, la Cour a rendu un arrêt contradictoire en ces termes.
La cour
Vu le jugement du tribunal de première instance de N’Dajména du 19/8/99.
Vu l’appel de SDV TCHAD et SDVCameroun du 19/8/99.
Vu les pièces versées au dossier, notamment les conclusions des parties.
Ouï Maîtres Marie André et Tomnayel Ngarta conseils de SDV TCHAD et SDVCameroun en leurs explications, observations et plaidoiries.
Ouï Maîtres Betel et Kengoum Celestin conseils de la STAT NATIONALE et leurs moyens de défense et plaidoiries; Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Par déclaration enregistrée au greffe du tribunal de première instance de N’Djmanéna en date du 19/8/99 SDV TCHAD et SDVCameroun relevaient appel du jugement rendu le même jour ainsi libellé en son dispositif :
Déclare recevables les oppositions enregistrées sous les n 086/REF-MB/MBN65 du 11/6/99 et n 088/REF¬MB/MBN65/99 du même jour aux noms de SDV TCHAD et SDVCameroun contre l’ordonnance d’injonction de payer rendue sous le n 313/99 du 21/5/99 par le tribunal de N’Djaména; dit qu’elles sont mal fondées; se déclarer compétent en vertu de la théorie des gares principales et celle de la simulation développées par les articles 1, 2(1), 3(1), 26 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des vois d’exécution de l’OHADA.
Dit que l’ordonnance querellée produit tous ses effets à l’égard de toutes les parties.
Condamne la SDV à verser à la STAR NATIONALE la somme de 707.863 013 francs en principal, frais et intérêts; déboute les opposants de leurs actions; déboute la STAR NATIONALE du surplus de sa demande; condamne les opposants aux dépens.
Les appels de SDV TCHAD et SDVCameroun étant intervenus dans les forme et délai légaux; il convient de les recevoir.
Toutes les parties ayant été représentées par leurs conseils à l’audience de mise en délibéré; il convient de statuer par arrêt contradictoire.
Au fond
Par requête aux fins d’injonction de payer en date de 19/5/99, la STAR NATIONALE actionnait la société DELMAS.
VIEUEUX (SDV) dont le siège central est en France ayant un établissement à DOUALA (CAMEROUN) et une agence centrale à N’Djaména pour la voir condamner à lui payer la somme totale de 703.863 013 francs CFA.
Cette créance résulte des recouvrements des recours de sinistres de transport des marchandises assurées à la STAR NATIONALE, dans le cadre d’un transport multimodal EUROPE-TCHAD via le Port de Douala au Cameroun et indûment perçue par la SDVCameroun et non reversée à la requérante à N’Djaména.
Par acte en date du 11/6/99, SDV TCHAD et SDVCameroun ‘opposaient à l’ordonnance d’injonction de payer du 31/5/99 aux motifs que les juridictions tchadiennes ne sont pas compétentes par ce que les sociétés ne sont pas les succursales de la société Delmax Vieljeux dont le siège est en France d’une part et d’autre part le contentieux ne portant pas sur une créance contractuelle, il ne saurait relever du champ d’application des articles 1et 2 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution.
Le tribunal de première instance de N’Djaména rendait son jugement sur opposition le 19/8/99 dont appel fut relevé le même jour par SDV TCHAD et SDVCameroun.
Dans leurs conclusions en appel en date du 19/1/2000 SDV TCHAD et SDVCameroun demandaient à la Cour d’appel d’infirmer le jugement déféré, évoquant et statuant de nouveau, se déclarer territorialement incompétente à statuer sur la demande de Stat Nationale, annuler purement et simplement l’ordonnance d’injonction de payer.
Subsidiairement et si la cour se déclare compétente, renvoyer les parties devant le premier juge pour débat au fond par respect au principe du contradictoire et du droit de la défense.
Très subsidiairement la cour constatera que la Star Nationale n’a produit aucun éléments de preuve de l’existence de la créance, de celle quelconque d’un encaissement par SDV des fonds payés et qui lui sont destinés.
Dire et juger qu’au demeurant les conditions de l’exercice de la procédure d’injonction de payer ne sont remplies s’agissant d’une créance quasi contractuelle ainsi que reconnue par Star Nationale.
En conséquence, SDV TCHAD et SDVCameroun concluaient de dire et juger la demande de la Star Nationale non fondée en principal et accessoire et l’en débouter.
SDV TCHAD et SDVCameroun invoquaient dans leurs conclusions en appel la violation par le juge de première instance des dispositions de l’article 5 de la loi n 004 du 28/5/98 portant organisation judiciaire du Tchad et de l’article 154 du code de procédure civile aux termes desquels, les arrêts et jugements doivent être motivés à peine de nullité; elles versent au soutien de leurs moyens une abondante jurisprudence de la Cour Suprême camerounaise.
Les sociétés appelantes soutiennent que le premier Juge a dénaturé les faits et les éléments de la cause notamment les qualités des parties dans le seul but de retenir la compétence des tribunaux tchadiens.
En effet, sur la qualité, la juridiction est liée par les mentions de l’acte introductif en ce que les appellations SDV, groupe Bolloré ou SOCOPAO domiciliées au Tchad n’y ressortent pas; de plus la signification a été faite à SDV Tchad au lieu de SDVCameroun.
Les conseils des appelants font valoir que le juge d’instance n’a pas indiqué les éléments qui fondent sa motivation lorsqu’il énonce « la société Delmax Vieljeux, dont le siège social est en France est la société mère de laquelle découlent la société Delmax Vieljeux Cameroun et la société Delmax Vieiljeux Tchad en abrégé SDVCameroun et SDV Tchad alors que la preuve de la personnalité juridique des concluantes n’a pas été contestée par STAR Nationale, qui ne prouve pas l’existence de la société Delmax Vieljeux France ».
SDV TCHAD et SDVCameroun soutiennent que le jugement déféré à la censure de la cour ne reprend pas les différents points de droit invoqués dans les conclusions et ne donne pas de réponse non plus notamment la violation des articles 1, 2, 3 alinéa 1, 4(1) de l’acte uniforme sur l’organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; le défaut de qualité de STAR à agir en lieu et place de chacune de 21sociétés et collectivement donc nullité de l’ordonnance n 313/99 du 21/5/99 rendue par le président du tribunal.
Les conseils de SDV TCHAD et SDVCameroun soutiennent que pour retenir sa compétence, le tribunal s’était fondé sur des motifs erronés et ambigus en invoquant les dispositions des articles 14 et 15 du code civil, les 3(1) et 26 de l’acte uniforme et 9 du code de procédure civile alors que les appelantes n’ont soulevé que l’exception de l’article 3(1) de l’acte uniforme.
De lus, les appelantes affirment que le tribunal s’était déclaré compétent en vertu de la théorie des gares principales et celle de simulation développées par les articles 1, 2(1), 3(1) et 26 de l’acte uniforme; en effet, la théorie de la gare principale est une création jurisprudentielle permettant à un demandeur de saisir la succursale d’une personne morale alors que SDV Tchad n’est pas la succursale de SDVCameroun.
La théorie de simulation est une technique contractuelle qui consiste à créer un acte juridique apparent pour induire les tiers en erreur.
SDV TCHAD et SDVCameroun concluaient de dire que la décision déférée manque de base légale et de plus les règles de compétence étant d’ordre public, le juge ne saurait contourner l’exception soulevée in limine litis conformément aux dispositions de l’article 12 du code de procédure civile et prive ainsi SDV des droits de la défense et du principe du contradictoire.
En conséquence de ce qui précède, les appelants tout en réitérant les exceptions soulevées devant le premier juge concluaient que la cour déclare l’incompétence du juge tchadien et renvoyer Star Nationale à mieux se pourvoir.
Subsidiairement, les conseils des appelantes font valoir qu’aucas où la course déclarait compétente, de dire et juger que la demande de STAR Nationale ne repose sur aucun fondement; en effet, la demande en paiement de 703.863 013 F CFA est fondée entre autres sur un état de sinistres réglés de 1983 à juin 1997 et dressés unilatéralement par la STAR Nationale sans produire des actes de subrogation aux sociétés listées; il en est de même des rapports de mission à Douala du 2 au 7 juin 1997 et des fax émis par STAR Nationale pour demander des sommes litigieuses.
Les conseils de SDV affirment que les seuls documents contradictoires établis entre les parties sont les procès verbaux du 27/11/98 et 15/12/98; le premier procès arrêtait les vérifications sur la somme de 149.364.927 F CFA par SDVCameroun; le deuxième procès verbal fait un constat de dépôt des pièces pour vérifier les prétentions de Star Nationale.
SDVCameroun soutient que la lettre du directeur général de la STAR Nationale n’apporte pas non plus la preuve de la perception par SDVCameroun de la somme de 149.364.927 FC FA.
En conséquence de ce qui précède SDVCameroun affirme que la charge de la preuve appartient à la Star Nationale en vertu des articles 1315 du code civil et 13 de l’acte uniforme sur les procédures de recouvrement; la preuve doit être pertinente, licite et impartiale car nul ne peut se procurer une preuve à lui-même.
Les conseils de SDV font valoir qu’en se basant sur les seuls procès verbaux produits par la STAR Nationale, le Juge a fait une mauvaise appréciation; l’examen en détail du principal et des accessoires demandés par STAR Nationale démontre une tentative d’escroquerie car la somme de 40 millions est largement supérieure aux frais pour obtenir une injonction de payer, les honoraires de 52 millions sont sans aucune base légale, car les honoraires sont à la charge du client; il en est de même de 26 632.320FCFA représentant les frais d’huissier et 20.500 000 francs de frais d’enregistrement.
Les conseils SDV soutiennent que l’article 4(2) de l’acte uniforme relatif à la procédure simplifiée de recouvrement impose, à peine d’irrecevabilité que le requérant donne le fondement et produise les justificatifs des différents éléments de la créance.
Les appelantes concluaient de dire que la STAR Nationale n’a produit aucun élément justificatif de l’existence de sa créance, de dire et juger que les conditions de l’exercice de la procédure d’injonction de payer ne sont pas remplies s’agissant d’une créance quasi contractuelle ainsi que reconnue par STAR Nationale et en conséquence la débouter.
Dans leurs conclusions du 19/1/2000, les conseils de SDV Tchad demandaient à la cour de leur adjuger les bénéfices de leurs précédentes écritures notamment infirmer le jugement et évoquant constater que SDV Tchad est une société de droit tchadien distincte de SDVCameroun et de la Société Delmax Vieljeux France et enfin constater que STAR Nationale ne conteste pas la mise hors de cause de SDV Tchad.
Dans leurs écritures en réplique en date du 10/2/2000, les conseils de Star Nationale soutiennent qu’il est absurde pour la SDV de demander une chose et soutenir le contraire; en effet, la société ne peut d’une part demander à la cour de se déclarer incompétente et renvoyer la cause devant le premier juge et d’autre part annuler le jugement entrepris en déclarant la demande de la STAR Nationale non fondée.
Maître Betel et Maître Kengoum Celestin font valoir que la société Delmax Vieljeux, dont le siège social est en France, la SDV Tchad et la SDVCameroun forment une seule et même entreprise appelée multinationale ayant la même dénomination sociale, le même siège social établi en France, les mêmes fondateurs et le même objet social; leur rattachement partiel à des ordres juridiques différentes n’enlèvent rien à leur unicité.
Les conseils des intimés citent comme preuve de cette unicité les conclusions de SDV TCHAD et SDVCameroun portant mention SDV contre STAR Nationale d’une part et d’autre part, le mouvement du personnel SDV prouve à suffire que la SDV TCHAD et SDVCameroun sont des filiales et/ou des agences de SDV France; en effet l’actuel directeur d’agence SDV Tchad, Monsieur Blamberta été précédemment en poste à SDVCamerouncar son nom ressort des correspondances échangées entre les parties en phase pré contentieuse; il en est de même de celui précédent directeur de SDVCameroun muté au siège de SDV à Paris.
La STAR Nationale affirme par le biais de ses conseils que c’est à bon droit que se fondant sur les théories de la simulation et des gares principales appuyées par des dispositions légales applicables au Tchad, le premier juge s’est déclaré territorialement compétent à connaître cette affaire.
S’agissant de la créance, les conseils de l’intimée soutiennent qu’elle est fondée en fait et en droit; le premier juge ayant décidé de joindre l’exception au fond, il est dessaisi de la contestation.
Maîtres Betel et Kengoum Celestin prétendent que les montants de la première condamnation sont justifiés par rapport à la portion erronée de SDVCameroun.
Ils soutiennent que les frais de justice s’entendent de l’ensemble des sommes d’argent qu’une partie à un procès expose ou a exposé en vue d’aboutir à la reconnaissance de son droit; en l’espèce, STAR Nationale a supporté les frais de déplacement de plusieurs missions de ses collaborateurs, de son conseil au Cameroun et de ceux de son avocat au Cameroun pour le Tchad à l’occasion des audiences; c’est à bon droit que le juge d’instance a accordé les frais évalués à 40 millions.
Les conseils de la STAR Nationale soutiennent que les honoraires d’avocats de 52 millions et d’huissier de 26 632 230 francs sont à la charge de la partie qui succombe notamment la défenderesse.
Il est de même des frais d’enregistrement dus à l’administration fiscale.
En conséquence de ce qui précède, les conseils de STAR Nationale concluaient de dire que la SDV Tchad et la SDVCameroun sont une seule et même entreprise ayant la même dénomination sociale, le même siège social basé en France, les mêmes dirigeants sociaux et poursuivent le même objectif social.
Dire et juger que c’est à bon droit que le tribunal de première instance de N’Djaména s’est déclaré compétent et a suffisamment motivé sa décision sur la compétence et sur le bien fondé de la créance au regard des preuves apportées par la STAR Nationale.
Enfin dire que l’appel de SDV manque de pertinence et confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.
Sur quoi : Considérant qu’aux termes de l’article 154 du code de procédure civile, tout jugement doit comporter entre autres les moyens produits par les parties, l’exposé des motifs retenus à l’appui de la décision.
Considérant qu’il résulte de l’analyse du jugement déféré que le premier juge avait retenu sa compétence sans établir les liens juridiques qui existent entre les différentes SDV; qu’en retenant qu’il s’agit d’une seule et même société ayant la même dénomination, le même objet, les mêmes fondateurs, le premier juge n’a pas motivé sa décision.
Considérant qu’il est fait obligation au juge de répondre aux différents moyens soulevés à l’appui des prétentions; que le défaut de réponse équivaut à une absence de motifs.
Considérant qu’en passant sous silence la demande de mise hors de cause introduite par SDV Tchad, le premier juge n’a pas non plus motivé sa décision.
Considérant qu’aux termes de l’article 5 de la loi n 004 du 28/5/98, les arrêts et jugements doivent être motivé à peine de nullité; qu’en conséquence de ce qui précède, il convient d’annuler le jugement n 338/99 du 19/8/99 et d’évoquer.
Sur la nature juridique de SDV : Considérant qu’il résulte des énonciations du jugement entrepris et des écritures de la Star Nationale que SDV Tchad est une agence de SDVCameroun qu’elle-même est une succursale de SDV France la société mère.
Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 179 de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et des groupements d’intérêts économiques que « une société est société mère d’une autre quand elle possède dans la seconde plus de la moitié du capital »; que le 2ème alinéa de l’article susvisé énonce que « la seconde est la filiale de la première ».
Considérant qu’il résulte des définitions ci-dessus que la filiale est une société certes contrôlée par la société mère mais dotée de la personnalité morale et ayant des attaches nationales; que la société filiale a un patrimoine propre et est responsable de son passif.
Considérant qu’aux termes de l’article 116 de l’acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique « la succursale est un établissement commercial ou industriel ou de prestations de services, appartenant à une société ou à une personne physique et dotée d’une certaine autonomie de gestion ».
Considérant qu’il résulte des définitions de l’article 116 que la succursale n’a pas la personnalité juridique autonome, distincte de celle de la société ou de la personne physique propriétaire; que les droits et obligations qui naissent à l’occasion de son activité sont compris dans le patrimoine de la société ou de la personne physique propriétaire; qu’ainsi donc, la succursale n’est pas une personne morale mais simplement un département décentralisé dénué de patrimoine et jouissant de la surface financière et du crédit de son propriétaire auquel elle est rattachée.
Considérant que SDV Tchad est elle succursale de SDVCameroun ou une société filiale au même titre que SDVCameroun contrôlée par une société mère dont le siège serait en France?
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier notamment de l’attestation d’immatriculation délivrée par le greffier en chef du tribunal que la SDV Tchad est immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier sous le n 293/6/162; que l’article 1des statuts de SDV Tchad stipule qu’elle est une société anonyme régie par les lois en vigueur.
Considérant qu’il résulte également des statuts produits par le conseil de SDVCameroun que celle-ci est immatriculée au registre de commerce de Douala et à son propre capital.
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que SDV TCHAD n’est pas un département (agence ou succursale) de SDVCameroun pour laquelle elle centralise sa comptabilité, établit un bilan annuel unique pour les deux; que SDV Tchad et 50VCameroun ont chacune leur forme sociale, leurs statuts, leurs capitaux propres et leurs organes dirigeants.
Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 98 sur les sociétés commerciales que « toute société jouit de la personnalité juridique à compter de son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier ».
Considérant qu’au regard des dispositions pertinentes ci-dessus, il n’est pas prouvé que SDV Tchad est une agence ou une succursale de SDVCameroun devant répondre de ses dettes; que les allégations des conseils de STAR Nationale selon lesquelles le mouvement des personnels entre les SDV prouvent à suffisance qu’il s’agit d’une succursale ne saurait retenir l’attention de la cour en l’absence des éléments juridiques évoqués ci-dessus.
Considérant que la STAR Nationale n’a pas rapporté la preuve que SDV Tchad et SDVCameroun sont les succursales de SDV France.
Considérant qu’en retenant que la société Delmax Vieiljeux dont le siège est en France est la société mère de laquelle découlent la société Delmax Vieljeux Cameroun (SDVCameroun) et la société Delmas Vieljeux Tchad (SDV Tchad) et qu’il s’agit d’une seule et même société ayant la même dénomination (SDV), la même direction générale établie en France, les mêmes fondateurs et même objet sans établir les liens juridiques entre les différentes sociétés, le jugement entrepris manque de base légale.
Sur la compétence du tribunal de N’Djaména : considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 3 de l’acte uniforme sur la procédure de recouvrement simplifié et des voies d’exécution que « la demande est formée auprès de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur ou l’un d’entre eux encas de pluralité de débiteurs ».
Considérant qu’il résulte de l’analyse ci-dessus que SDV Tchad et SDVCameroun sont deux sociétés anonymes distinctes ayant chacune sa personnalité juridique; que l’une ne peut être tenue pour responsable du passif de l’autre.
Considérant qu’il résulte des pièces versées au dossier de la STAR Nationale notamment les procès verbaux des 27/11et 16/12/98 que le débiteur de la créance est bien SDVCameroun dont le siège social est à Douala.
Considérant que la théorie de la gare principale et de la simulation invoquées par les conseils de la STAR Nationale pour retenir la compétence du juge tchadien ne sont applicables que si SDV Tchad est la succursale ou l’agence de SDVCameroun; qu’en l’absence de ce lien juridique, la juridiction territorialement compétente est celle de Douala (Cameroun).
Considérant d’autre part qu’aussi bien les conseils de la STAR Nationale que le tribunal fondent la compétence du juge tchadien sur les dispositions des articles 14 et 15 du code civil.
Considérant que l’article 14 du code civil dispose « l’étranger même non-résident en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un français; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des français »; que l’article 15 du même code dispose « un Français pourra être traduit devant un tribunal de France pour des obligations par lui contractées en pays étranger même avec un étranger ».
Considérant que les articles 14 et 15 du code civil reconnaissent la compétence internationale des juridictions françaises; que cette compétence est fondée non sur les.
droits nés des faits litigieux, mais sur la nationalité des parties indépendamment de la nationalité de celui dont le plaideur tient ses droits.
Considérant qu’il n’est pas établi que SDV Tchad et SDVCameroun sont des sociétés de droit français même si les actionnaires sont de nationalité française.
Considérant qu’en conséquence de ce qui précède, le juge tchadien est incompétent pour examiner la requête aux fins d’injonction de payer introduite par la STAR Nationale; que le débiteur principal n’étant pas domicilié au Tchad et 50V Tchad n’étant pas une succursale de SDVCameroun, elle ne saurait être tenue pour responsable de son passif.
Considérant que c’est à juste titre que les conseils de SDV ont soulevé in limine litis l’incompétence du juge tchadien; qu’il convient de déclarer incompétent le tribunal de N’Djaména.
Sur les dépens : Considérant qu’aux termes de l’article 157 du code de procédure civile, la partie qui succombe est condamnée aux frais, qu’il convient de condamner STAR Nationale aux entiers dépens.